Le gouverneur Tiff Macklem parle de l’efficacité et des limites de la politique monétaire. Il explique comment les hausses et les baisses du taux directeur arrivent à maintenir l’inflation à un niveau bas, stable et prévisible, même lors de chocs économiques importants.
La politique monétaire fonctionne
La Banque du Canada a commencé à cibler un taux d’inflation de 2 % en 1991. Depuis, l’inflation est restée à la cible ou presque, même lors de plusieurs chocs économiques.
L’éclatement de la bulle technologique en 2000; les attentats du 11 septembre 2001; la crise financière mondiale de 2008-2009; et le choc des prix du pétrole de 2015 ont tous entraîné des défis particuliers pour les banques centrales du monde entier. La politique monétaire n’est pas une science exacte. En rétrospective, on constate que certaines mesures de soutien ont été retirées trop ou pas assez vite.
Néanmoins, en relevant et en baissant leur taux directeur, les banques centrales ont surmonté ces chocs, influencé la demande et rétabli la stabilité des prix.
Les banques centrales indépendantes dont le mandat est d’atteindre la stabilité des prix sur un horizon à moyen terme ont prouvé qu’elles sont parfaitement capables de maîtriser l’inflation. Et une inflation basse et stable – c’est-à-dire la stabilité des prix – est essentielle à la prospérité collective. »
La pandémie de COVID-19 : un choc pas comme les autres
La pandémie de COVID-19 a été le plus grand choc jusqu’à présent. Une majeure partie de l’économie a été fermée du jour au lendemain, et des millions de Canadiennes et Canadiens ont perdu leur emploi. Initialement, la baisse rapide des prix était vraiment préoccupante.
Forte des leçons tirées des chocs précédents, la Banque a pris des décisions rapides et fermes. Elle a réduit son taux directeur à près de zéro et lancé son tout premier programme d’assouplissement quantitatif. Combinée aux plans de relance budgétaire des gouvernements, la politique monétaire a réussi à garder l’économie du pays à flot et les prix relativement stables.
Lors de la réouverture de l’économie, la demande a surpassé l’offre. La Banque ne faisait plus face au risque d’une baisse des prix. Elle devait plutôt composer avec une hausse rapide de l’inflation – qui a atteint plus de 8 %, un sommet inégalé en 40 ans. Par conséquent, elle a relevé son taux directeur.
Et ça a donné de bons résultats. En ce moment, le taux directeur est à 5 %. L’inflation, elle, a baissé à 3,4 %. Mais son retour à la cible de 2 % va être lent et difficile.
La politique monétaire permet de maîtriser l’inflation. Elle ne le fait pas parfaitement, rapidement ni sans peine. Mais elle fonctionne. »
Les limites de la politique monétaire
Parce que la politique monétaire n’est pas un instrument précis, certains disent que ses résultats sont nuancés. En effet, elle ne peut pas cibler des groupes, des secteurs ou des régions en particulier. De plus :
- la politique monétaire ne peut pas prévenir les variations de prix à court terme. D’habitude, il faut un an ou plus avant que les changements au taux directeur se transmettent à l’économie. Les banques centrales ne réagissent pas aux variations de prix temporaires. Elles s’efforcent plutôt de maintenir l’inflation globale à la cible à moyen terme. Pour la Banque, cette cible est le milieu de sa fourchette de 1 à 3 %;
- l’offre de logements et l’abordabilité inquiètent les gens. Les changements au taux directeur ont un effet sur les taux hypothécaires et sur la demande en général. Mais la politique monétaire ne peut pas régler les problèmes structurels sous-jacents causés par l’offre insuffisante de logements;
- une inflation basse, stable et prévisible favorise la stabilité économique. En relevant ou en baissant les taux d’intérêt, nous pouvons ralentir ou stimuler la demande à court terme. Cela dit, la croissance économique à long terme dépend de la croissance démographique ou de celle de la productivité – qui ne sont pas sensibles aux taux d’intérêt.
La politique monétaire a des limites. Mais le passé nous montre qu’elle réussit toujours à faire ce qu’elle fait de mieux : maîtriser l’inflation.
Ce qui compte, c’est de se concentrer sur ce que la politique monétaire peut faire. C’est déjà une tâche énorme, ardue et importante. »