Rapport sur la politique monétaire – Avril 2025
Compte tenu de la réorientation sans précédent de la politique commerciale des États-Unis, il y a beaucoup d’incertitude quant aux effets que les droits de douane pourraient avoir sur l’économie. Il est difficile de savoir dans quelle mesure les prix augmenteront et l’activité économique faiblira.
Il peut être utile de se reporter à de précédents épisodes tarifaires pour évaluer l’impact de nouveaux droits de douane si ces derniers sont d’une ampleur et d’une portée semblables. Les modèles économiques de la Banque tirent parti des données historiques enregistrées depuis que le régime de ciblage de l’inflation a été adopté, en 1991. Ces données rendent compte notamment :
- des droits de douane que les États-Unis ont imposés sur l’acier et l’aluminium canadiens en 2018
- de divers droits de douane appliqués sur le bois d’œuvre résineux
- des mesures tarifaires prises par les États-Unis et la Chine en 2018-2019
L’ampleur et la portée des droits de douane pris en compte dans le scénario 1 se rapprochent de ce qu’on a pu observer récemment. Par contre, celles des droits présentés dans le scénario 2 sont sans précédent. Dans les scénarios où les droits de douane sont élevés et durables, les effets économiques sont particulièrement incertains.
Il y a deux principaux risques à la hausse et deux principaux risques à la baisse qui pèsent sur l’inflation.
Principaux risques à la hausse
Les droits de douane et les perturbations des chaînes d’approvisionnement pourraient avoir des répercussions plus importantes
Dans le scénario 2, on postule que les droits de douane imposés au Canada portent sur un éventail beaucoup plus large de biens que ceux qui ont été observés par le passé. Compte tenu de l’ampleur du fardeau tarifaire actuel, il se peut que les entreprises répercutent une plus grande proportion du coût des droits de douane sur les consommateurs qu’il n’est présumé dans ce scénario, et qu’elles le fassent aussi plus rapidement. Il y a également un risque que les entreprises qui ne sont pas directement touchées par la hausse des droits de douane essaient de profiter de la concurrence réduite et de relever leurs prix.
L’imposition de droits de douane et les contre-mesures subséquentes pourraient aussi nuire aux chaînes d’approvisionnement mondiales davantage qu’on ne le suppose dans le scénario 2, ce qui ferait augmenter les coûts de production et les prix des importations.
Les droits de douane pourraient rehausser les attentes d’inflation à long terme
Les droits de douane imposés par le Canada feront monter les prix des biens importés des États-Unis. Dans le scénario 2, on postule que les droits de douane entraînent une augmentation unique des prix payés par les consommateurs. Une fois que les prix se seront ajustés au nouveau niveau, le taux d’inflation reviendra à sa tendance précédente. Pour que cette hypothèse soit valide, il faut, entre autres, que les attentes d’inflation à long terme des ménages et des entreprises demeurent bien ancrées à la cible de 2 %.
Cependant, les consommateurs et les entreprises touchés par les relèvements de prix liés aux droits de douane pourraient commencer à s’attendre à ce que les prix continuent de grimper à un rythme élevé après cette augmentation unique. Cela pourrait entraîner un rehaussement des attentes d’inflation à long terme. Ces attentes d’une montée de l’inflation dans l’avenir pourraient s’alimenter d’elles-mêmes si elles se répercutaient sur des revendications salariales et si les entreprises venaient à modifier la façon dont elles établissent les prix. Ce risque pourrait être significatif, surtout si l’on garde à l’esprit l’épisode récent de forte inflation.
Principaux risques à la baisse
Les droits de douane pourraient affaiblir l’économie plus que prévu
La demande visant les exportations canadiennes pourrait être plus faible qu’escompté dans le scénario 2, car :
- le conflit commercial pourrait affaiblir davantage l’activité économique mondiale
- les droits de douane imposés par les États-Unis sur les biens canadiens pourraient faire baisser encore plus la demande
En outre, la faiblesse du secteur des exportations pourrait avoir des retombées plus importantes que prévu sur le reste de l’économie canadienne. Ce pourrait être le cas si la confiance des ménages et des entreprises se dégradait plus qu’anticipé actuellement. Le marché du travail ralentirait alors davantage, et tant la hausse du taux de chômage que la baisse du produit intérieur brut seraient plus prononcées qu’on ne le suppose dans le scénario 2.
Une marge plus grande de capacités excédentaires dans l’économie canadienne aurait pour effet d’accroître les pressions à la baisse sur l’inflation. De plus, les pressions à la baisse sur les prix pourraient s’accentuer, si les fabricants de produits étrangers soumis aux droits de douane américains décidaient de réorienter leurs exportations vers le Canada.
Les tensions financières pourraient s’intensifier
Les entreprises et les ménages, en particulier ceux qui sont directement touchés par les droits de douane, pourraient voir leur santé financière se dégrader plus fortement qu’escompté. Une hausse plus importante que prévu des défauts de paiement et des faillites pourrait se répercuter sur les prêteurs et provoquer un resserrement des conditions de crédit. La croissance économique serait alors plus lente, et l’inflation, plus faible.