Rapport sur la politique monétaire – Avril 2025 – Économie canadienne
Le conflit commercial a entaché les perspectives économiques canadiennes d’une grande incertitude. La politique commerciale des États-Unis pourrait prendre plusieurs directions, menant à une multitude d’issues pour l’inflation et la croissance économique au Canada.
Au lieu d’une seule projection très incertaine, le Rapport de ce trimestre présente deux scénarios distincts, basés sur des trajectoires possibles de la politique commerciale américaine. Lorsque combinés, ceux-ci englobent une variété de mesures commerciales (Hypothèses des scénarios de perspective).
Les deux scénarios couvrent un éventail d’issues économiques possibles. L’inflation au Canada pourrait se maintenir aux environs ou en deçà de la cible, ou encore monter temporairement au-dessus de 3 %. La croissance du produit intérieur brut (PIB) pourrait stagner le temps d’un trimestre, ou encore une profonde récession pourrait réduire de façon permanente le niveau de vie au Canada (tableau 2 et tableau 3).
Scénario 1
L’incertitude liée aux politiques commerciales pèse sur l’activité. La croissance du PIB stagne brièvement au deuxième trimestre de 2025, puis se met à augmenter à un rythme modéré, ce qui donne lieu à une offre excédentaire persistante.
L’inflation descend sous la cible au deuxième trimestre de 2025 et y reste jusqu’au début de 2026, en raison de l’offre excédentaire dans l’économie et du retrait de la taxe sur le carbone pour les consommateurs. Ce recul se produit en dépit des pressions à la hausse sur les prix des quelques produits encore visés par des droits de douane. L’inflation s’établit ensuite à environ 2 % en moyenne jusqu’à la fin de l’horizon du scénario.
Activité économique
La croissance du PIB stagne au deuxième trimestre de 2025 (graphique 13). Par la suite, elle se chiffre aux alentours de 1,6 % en moyenne jusqu’à la fin de 2027. Comme ce rythme de croissance est à peine plus rapide que celui de la production potentielle, une offre excédentaire modeste subsiste dans l’économie.
La croissance des exportations recule
Les exportations chutent abruptement au deuxième trimestre de 2025, après deux trimestres de solide croissance due au devancement des échanges commerciaux en prévision des nouveaux droits de douane américains. La demande étrangère d’exportations canadiennes, particulièrement la demande des États-Unis, s’affaiblit considérablement sous l’effet des droits de douane limités et de l’incertitude entourant les politiques commerciales.
La croissance des exportations se raffermit ensuite dans la deuxième moitié de 2025 jusqu’en 20271. Elle est soutenue par la mise en service de nouvelles installations d’exportation de gaz naturel liquéfié au milieu de 2025 et l’utilisation accrue du pipeline Trans Mountain.
La croissance des importations diminue fortement elle aussi au deuxième trimestre de 2025, les entreprises canadiennes ayant auparavant devancé diverses importations de biens américains pour éviter les droits de douane anticipés. Après cette baisse initiale, elle se redresse sous l’effet d’une amélioration mesurée des dépenses de consommation et des investissements des entreprises.
La demande intérieure finale augmente légèrement
La demande intérieure finale progresse lentement à court terme, puis s’accroît à une cadence modérée sur le reste de l’horizon du scénario. La consommation est au ralenti également à court terme, car les ménages accumulent de l’épargne de précaution, craignant pour leurs perspectives d’emploi et leur richesse dans l’avenir. Bien que ces effets touchent particulièrement les personnes qui travaillent dans les industries à vocation exportatrice, ils se répercutent sur l’ensemble de l’économie. La croissance trimestrielle de la consommation est modeste pour tout le reste de 2025, puis se renforce lentement en 2026 et 2027.
La vigueur de la demande demeure une source d’incertitude pour les entreprises. En conséquence, leurs investissements sont anémiques et se contractent au deuxième trimestre de 2025. Ils renouent ensuite avec la croissance en 2026 et 2027, alors que les effets de l’incertitude s’estompent.
Inflation
L’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC) ralentit au début du scénario en raison du retrait de la taxe sur le carbone pour les consommateurs (graphique 14). Elle monte ensuite à environ 2 % et se maintient à ce niveau.
L’élimination de la taxe sur le carbone fait baisser les prix de l’énergie compris dans l’IPC. Cette baisse recoupe 0,7 point de pourcentage à l’inflation mesurée par l’IPC pendant un an, la portant aux alentours de 1,5 % en moyenne (Point de mire : Effet sur l’inflation du retrait de la taxe sur le carbone pour les consommateurs).
L’augmentation des prix des biens hors aliments et énergie est au-dessus de sa moyenne historique dans la deuxième moitié de 2025. Cette vigueur est attribuable à trois facteurs :
- les droits de douane imposés par le Canada sur certains biens de consommation, de même que sur l’acier et l’aluminium, en provenance des États-Unis
- les effets à retardement de la dépréciation du dollar canadien à la fin de 2024
- la crainte d’éventuels nouveaux droits de douane, qui pousse les entreprises à diversifier leurs chaînes d’approvisionnement en ayant recours à des fournisseurs plus chers
À mesure que ces pressions s’atténuent, la modeste offre excédentaire dans l’économie fait ralentir l’augmentation des prix des biens et des autres composantes de l’IPC.
Scénario 2
Le PIB du Canada se contracte sur l’année qui suit en raison des mesures tarifaires et de l’incertitude. Sa croissance reprend ensuite progressivement pour avoisiner 1,8 % en 2027.
L’inflation demeure près de 2 % en moyenne jusqu’au premier trimestre de 2026. Cela s’explique par le fait que le retrait de la taxe sur le carbone pour les consommateurs et la persistance des capacités excédentaires viennent essentiellement neutraliser l’effet des droits de douane sur la croissance des prix. Mais, au deuxième trimestre de 2026, cet effet neutralisant s’estompe et l’inflation passe au-dessus de 3 %. Elle diminue ensuite progressivement pour atteindre la cible de 2 % en 2027.
Activité économique
La guerre commerciale généralisée a d’importantes répercussions sur les ménages et les entreprises du Canada, ce qui déclenche une année de récession. Le PIB se contracte sur quatre trimestres, la croissance se situant en moyenne à -1,2 % (graphique 15). Il se redresse ensuite progressivement pendant le reste de 2026 et en 2027. Les droits de douane américains réduisent de façon permanente la production potentielle et le niveau de vie au Canada (Annexe : La production potentielle et le taux d’intérêt nominal neutre).
Les droits de douane réduisent radicalement le commerce
Les exportations chutent fortement jusqu’au milieu de 2026. Cette contraction est principalement attribuable aux droits de douane imposés par les États-Unis sur les importations en provenance du Canada et au ralentissement de l’activité économique mondiale (Économie mondiale).
La croissance des exportations reprend au troisième trimestre de 2026, mais demeure faible. Les droits de douane réduisent de façon permanente la demande américaine de produits canadiens, et il faut du temps aux entreprises pour trouver de nouveaux marchés d’exportation.
Les importations se contractent jusqu’au milieu de 2026, généralement en raison des mêmes facteurs responsables de la baisse des exportations. Elles renouent ensuite avec la croissance, de pair avec le rebond de la demande intérieure.
La demande intérieure stagne
Les effets des droits de douane sur le commerce s’étendent au reste de l’économie. La croissance de la demande intérieure finale stagne aux deuxième et troisième trimestres de 2025. Elle reprend ensuite lentement.
Les exportateurs canadiens réduisent leur production et font des mises à pied. Cela se traduit par une hausse du chômage, une baisse des revenus réels et un ralentissement des dépenses des ménages dans l’ensemble de l’économie.
La baisse des cours mondiaux des produits de base entraîne une détérioration des termes de l’échange au Canada, ce qui réduit davantage le pouvoir d’achat des ménages. Les droits de douane font aussi augmenter les prix des biens de consommation importés.
Dans l’ensemble, la consommation recule légèrement aux deuxième et troisième trimestres de 2025, puis augmente de façon modérée en 2026. Sa croissance se raffermit progressivement en 2027, le taux de chômage diminuant lentement.
Les investissements des entreprises diminuent considérablement en raison de la faiblesse de l’activité économique, particulièrement dans le secteur des exportations, et des effets de l’incertitude persistante. La baisse du dollar canadien fait augmenter le coût des machines et du matériel importés, ce qui pèse de surcroît sur les investissements des entreprises. La croissance des investissements redevient positive à la fin de 2026 puis se renforce en 2027.
Inflation
L’inflation mesurée par l’IPC se situe autour de 2 % en moyenne jusqu’au début de 2026 (graphique 16). Elle dépasse ensuite les 3 %, les droits de douane poussant les prix à la hausse, et revient à la cible de 2 % en 2027.
L’inflation avoisine 2 % en moyenne jusqu’au premier trimestre de 2026, sous l’effet de pressions qui s’annulent les unes les autres. Celles à la baisse viennent des effets du retrait de la taxe sur le carbone pour les consommateurs et de l’offre excédentaire. Celles à la hausse viennent des effets des droits de douane et des perturbations des chaînes d’approvisionnement sur les prix des biens importés.
À mesure que s’estompe l’effet du retrait de la taxe sur le carbone, l’inflation augmente et atteint un sommet de 3,1 % au deuxième trimestre de 2026, avant de revenir progressivement vers la cible de 2 % pour l’atteindre en 2027. Cette baisse de l’inflation est due à la persistance de l’offre excédentaire dans l’économie et à la diminution de l’incidence des droits de douane sur les prix des biens importés.
Les droits de douane poussent temporairement l’inflation à la hausse
Selon les estimations, les droits de douane imposés par le Canada sur certains biens américains touchent environ 9 % du panier de l’IPC du Canada (Hypothèses des scénarios de perspective). On fait l’hypothèse que les trois quarts de l’augmentation des coûts découlant des droits de douane sont répercutés sur les consommateurs dans un délai de six trimestres. Une fois que les prix s’ajustent à leur nouveau niveau, le taux d’inflation se normalise2. De plus, le dollar canadien se déprécie à 67 cents américains, et les droits de douane imposés par les États-Unis font grimper les coûts de certains produits américains qui sont utilisés comme intrants dans la production au Canada. Les entreprises canadiennes réorganisent leurs chaînes d’approvisionnement pour aider à réduire l’incidence de la hausse des coûts d’importation.
L’augmentation des coûts se reflète principalement dans les prix des biens hors énergie. Les prix des aliments et des biens hors aliments et énergie augmentent de façon marquée au cours de la prochaine année. Par la suite, l’inflation dans ces catégories ralentit progressivement.
Les capacités excédentaires pèsent sur l’inflation
Les droits de douane américains et l’incertitude persistante entraînent un ralentissement considérable de l’activité économique canadienne. Bien que la production potentielle soit également plus faible, d’importantes capacités excédentaires apparaissent à mesure que la main-d’œuvre et les capitaux sont déplacés.
L’écart de production atteint environ -1,7 % au premier trimestre de 2026, puis se rétrécit quelque peu sur le reste de l’horizon du scénario. L’offre excédentaire dans l’économie exerce une pression à la baisse sur l’inflation pour toute la période visée par le scénario. Cette pression se reflète particulièrement dans les prix du secteur des services, qui ne sont pas directement touchés par les droits de douane.
2024 | 2025 | ||||
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T3 | T4 | T1 | T2 | ||
Inflation mesurée par l’IPC (taux de variation sur un an) | Scénario 1 | 2,1 | 1,9 | 2,4 | 1,5 |
Scénario 2 | 2,1 | 1,9 | 2,4 | 1,5 | |
Rapport de janvier 2025 | 2,1 | 1,9 | 2,1 | ||
Inflation fondamentale (taux de variation sur un an)* | Scénario 1 | 2,7 | 2,7 | 2,9 | 2,9 |
Scénario 2 | 2,7 | 2,7 | 2,9 | 3,0 | |
Rapport de janvier 2025 | 2,5 | 2,6 | 2,5 | ||
PIB réel (taux de variation sur un an) | Scénario 1 | 1,9 | 2,4 | 2,3 | 1,6 |
Scénario 2 | 1,9 | 2,4 | 2,3 | 1,3 | |
Rapport de janvier 2025 | 1,5 | 1,8 | 1,7 | ||
PIB réel (taux de variation sur un trimestre, chiffres annualisés) | Scénario 1 | 2,2 | 2,6 | 1,8 | 0,0 |
Scénario 2 | 2,2 | 2,6 | 1,8 | -1,3 | |
Rapport de janvier 2025 | 1,0 | 1,8 | 2,0 |
* L’inflation fondamentale est la moyenne de l’IPC-tronq et de l’IPC-méd.
Nota : Les hypothèses et scénarios définitifs ont été établis le 11 avril 2025.
Sources : Statistique Canada et calculs et estimations de la Banque du Canada
2024 | 2025 | 2026 | 2027 | ||
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PIB (croissance annuelle moyenne) | Scénario 1 | 1,5 | 1,6 | 1,4 | 1,7 |
Scénario 2 | 1,5 | 0,8 | -0,2 | 1,6 | |
Rapport de janvier 2025 | 1,3 | 1,8 | 1,8 | ||
Demande intérieure finale (points de pourcentage) | Scénario 1 | 2,0 | 2,3 | 1,6 | 1,5 |
Scénario 2 | 2,0 | 1,8 | 1,0 | 1,7 | |
Rapport de janvier 2025 | 1,6 | 2,4 | 1,7 | ||
Exportations (points de pourcentage) | Scénario 1 | 0,2 | 0,1 | 0,5 | 1,1 |
Scénario 2 | 0,2 | -1,0 | -2,4 | 0,6 | |
Rapport de janvier 2025 | 0,3 | 0,6 | 0,8 | ||
Importations (points de pourcentage) | Scénario 1 | -0,2 | -0,1 | -0,8 | -0,9 |
Scénario 2 | -0,2 | 0,5 | 1,2 | -0,7 | |
Rapport de janvier 2025 | -0,2 | -0,7 | -0,8 | ||
Inflation mesurée par l’IPC (taux de variation) | Scénario 1 | 2,4 | 1,8 | 2,0 | 2,1 |
Scénario 2 | 2,4 | 2,0 | 2,7 | 2,0 | |
Rapport de janvier 2025 | 2,4 | 2,3 | 2,1 |
Nota : Les hypothèses et scénarios définitifs ont été établis le 11 avril 2025. La demande intérieure finale, les exportations et les importations sont calculés sous forme de contribution à la croissance du PIB. La somme de ces composantes ne correspond pas à la croissance du PIB total car les stocks ne sont pas pris en compte.
Sources : Statistique Canada et calculs et estimations de la Banque du Canada
Notes
- 1. Les droits de douane chinois pèsent également sur les exportations du Canada, ce qui a des répercussions importantes sur les secteurs de l’agriculture et de la pêche, mais une incidence relativement faible sur les exportations dans leur ensemble.[←]
- 2. Ce scénario est fondé sur l’hypothèse que les attentes d’inflation des entreprises et des ménages canadiens demeurent bien ancrées à la cible de 2 % de la Banque du Canada. On y suppose également que les entreprises n’augmentent pas leurs marges bénéficiaires et que les travailleurs ne s’opposent pas à la baisse de leur pouvoir d’achat.[←]