Rapport sur la politique monétaire – Avril 2025
À la fin de 2024, la croissance économique mondiale était robuste et l’inflation avait continué de ralentir pour se rapprocher des cibles des banques centrales. Depuis, les États-Unis ont imposé des droits de douane élevés et généralisés à la plupart de leurs partenaires commerciaux.
Les droits de douane et l’incertitude ont considérablement affaibli et assombri les perspectives de l’économie mondiale. Si tous les droits de douane annoncés le 2 avril sont mis en œuvre, le taux moyen pondéré des droits de douane imposés par les États-Unis passera d’environ 2 % à environ 22 %, atteignant son plus haut niveau depuis plus d’un siècle.
Les droits de douane imposés par les États-Unis ont des répercussions négatives sur les perspectives de croissance de l’économie mondiale, bien que l’ampleur et la durée du ralentissement soient très incertaines. Le présent rapport expose deux scénarios incluant des hypothèses distinctes relativement aux politiques commerciales des États-Unis plutôt qu’un seul scénario de référence (Hypothèses des scénarios de perspective).
Scénario 1 : La plupart des droits de douane imposés depuis le début du conflit commercial sont retirés après des négociations, mais le processus est imprévisible. L’incertitude entourant les politiques commerciales persiste jusqu’à la fin de 2026. La croissance mondiale glisse sous 3 % en 2025 (graphique 17 et tableau 4) et l’inflation diminue pour se rapprocher des cibles des banques centrales.
Scénario 2 : L’incertitude et les droits de douane limités du scénario 1 se maintiennent, et d’autres droits de douane américains viennent s’ajouter. Le monde plonge dans une guerre commerciale de longue durée. La production mondiale est plus de 1 % inférieure à celle du scénario 1 en 2026, en bonne partie en raison d’une croissance économique plus faible en Amérique du Nord. Les droits de douane font grimper l’inflation mondiale, surtout aux États-Unis, à partir du deuxième trimestre de 2025.
États-Unis
L’économie américaine a connu une forte croissance en 2024, mais a ralenti au début de 2025, dans un climat d’incertitude croissante au sujet des politiques commerciales et d’effritement de la confiance. L’inflation reste légèrement au-dessus de la cible, et les attentes d’inflation ont augmenté.
La croissance de la consommation semble avoir ralenti pour s’établir à moins de 1 % au premier trimestre de 2025 en raison des tempêtes hivernales, du repli qui a suivi les dépenses importantes effectuées autour des fêtes de fin d’année et de la baisse de la confiance des consommateurs. Les politiques commerciales de l’administration américaine ont suscité de la volatilité sur les marchés financiers et des craintes d’un ralentissement économique. Cependant, la croissance des revenus reste robuste et continue de soutenir les dépenses de consommation.
Malgré l’incertitude élevée, les investissements des entreprises ont probablement remonté au premier trimestre en raison d’une reprise des acquisitions d’aéronefs et d’une augmentation des dépenses liées à l’intelligence artificielle (IA).
On estime que les importations américaines ont fortement augmenté au premier trimestre, étant donné que de nombreuses entreprises ont devancé leurs achats à l’étranger et ont constitué des stocks pour éviter de payer les droits de douane attendus.
L’inflation semble être restée proche de 2½ % au premier trimestre. On estime que le rythme d’augmentation des prix des aliments, des assurances et des véhicules automobiles a été plus rapide, tandis que la hausse des frais de logement a continué de se modérer. Les entreprises et les ménages s’attendent à une inflation plus élevée à l’avenir en réaction aux droits de douane.
Scénario 1
La croissance du produit intérieur brut (PIB) américain passe de 2,8 % en 2024 à environ 2 % en 2025 et en 2026 (graphique 18 et tableau 4). La demande est freinée par l’incertitude entourant les politiques commerciales, la faiblesse de la confiance et les conditions financières tendues. L’inflation retourne à la cible de 2 % de la Réserve fédérale en 2027.
Croissance (en pourcentage) | ||||||
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Part du PIB mondial réel* (en pourcentage) | 2024 | 2025 | 2026 | 2027 | ||
États-Unis | 15 | Scénario 1 | 2,8 | 2,0 | 2,1 | 2,1 |
Scénario 2 | 2,8 | 1,0 | 0,5 | 2,7 | ||
Rapport de janvier 2025 | 2,8 | 2,6 | 2,3 | |||
Zone euro | 12 | Scénario 1 | 0,8 | 0,8 | 1,3 | 1,4 |
Scénario 2 | 0,8 | 0,5 | 0,8 | 1,6 | ||
Rapport de janvier 2025 | 0,7 | 0,8 | 1,3 | |||
Japon | 3 | Scénario 1 | 0,1 | 1,2 | 0,9 | 1,2 |
Scénario 2 | 0,1 | 1,0 | 0,3 | 1,2 | ||
Rapport de janvier 2025 | -0,2 | 1,2 | 1,1 | |||
Chine | 19 | Scénario 1 | 5,0 | 4,8 | 4,7 | 4,3 |
Scénario 2 | 5,0 | 4,6 | 4,3 | 4,2 | ||
Rapport de janvier 2025 | 5,0 | 4,9 | 4,1 | |||
Pays émergents importateurs de pétrole† | 34 | Scénario 1 | 3,9 | 3,7 | 3,6 | 4,2 |
Scénario 2 | 3,9 | 3,4 | 3,0 | 4,3 | ||
Rapport de janvier 2025 | 3,7 | 3,8 | 4,1 | |||
Autres pays‡ | 17 | Scénario 1 | 2,3 | 2,1 | 2,1 | 2,4 |
Scénario 2 | 2,3 | 1,2 | 0,9 | 3,4 | ||
Rapport de janvier 2025 | 2,1 | 2,1 | 2,5 | |||
Monde | 100 | Scénario 1 | 3,2 | 3,0 | 2,9 | 3,1 |
Scénario 2 | 3,2 | 2,5 | 2,2 | 3,4 | ||
Rapport de janvier 2025 | 3,1 | 3,1 | 3,1 |
* La part de chaque pays ou groupe de pays est calculée d’après les estimations du Fonds monétaire international concernant les PIB mesurés en parité des pouvoirs d’achat pour 2023, publiées en octobre 2024 dans les Perspectives de l’économie mondiale. Parce que les chiffres sont arrondis, il se peut que la somme des pourcentages ne soit pas égale à 100.
† Le groupe des pays émergents importateurs de pétrole n’inclut pas la Chine. Il est composé des grands pays émergents d’Asie, d’Amérique latine, du Moyen-Orient, d’Europe et d’Afrique – comme l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud –, et de nouveaux pays industrialisés comme la Corée du Sud.
‡ Le groupe « Autres pays » comprend des économies qui ne font pas partie des cinq premières régions. Il est composé des pays émergents exportateurs de pétrole (p. ex., Russie, Nigéria et Arabie saoudite) et des autres économies avancées (p. ex., Canada, Royaume-Uni et Australie).
Nota : Les hypothèses et scénarios définitifs ont été établis le 11 avril 2025.
Sources : sources nationales via Haver Analytics et calculs et estimations de la Banque du Canada
Le ralentissement de la croissance aux États-Unis est inégal :
- La croissance de la consommation ralentit au cours de la deuxième moitié de 2025 et reste plutôt modérée tout au long de 2026, un ralentissement qui reflète la prudence accrue des ménages.
- Les investissements des entreprises augmentent fortement, car les dépenses liées à l’IA pèsent plus lourd que les effets négatifs de l’incertitude associée aux politiques commerciales.
- La croissance des exportations et des importations est plus faible que la croissance de la demande mondiale en partie en raison des droits de douane imposés dans ce scénario.
L’inflation aux États-Unis continue de ralentir pour se rapprocher de la cible de 2 % de la Réserve fédérale (graphique 19). Ce recul progressif s’explique par :
- la baisse de la demande entraînée par l’incertitude liée aux politiques commerciales et la faiblesse de la confiance
- la baisse des prix du pétrole au début de 2025
Les facteurs qui poussent l’inflation à la baisse sont partiellement compensés par les pressions à la hausse exercées par :
- une augmentation des prix des biens entraînée par les droits de douane sur les importations en provenance de la Chine ainsi que sur l’acier et l’aluminium
- une hausse des attentes d’inflation, qui se répercute sur les pratiques d’établissement des prix et des salaires
Scénario 2
Les États-Unis entrent en récession. Les droits de douane élevés imposés par le pays et les contre-mesures prises par ses partenaires commerciaux affaiblissent la demande et réduisent la production potentielle (tableau 4 et Annexe : La production potentielle et le taux d’intérêt nominal neutre). Les droits de douane font également grimper l’inflation aux États-Unis.
L’économie américaine enregistre une récession sur quatre trimestres. Le PIB baisse à partir du milieu de 2025 avant de reprendre de l’élan au cours de la deuxième moitié de 2026 (graphique 18). La consommation plus faible freine la croissance du PIB, qui est en moyenne 1,3 point de pourcentage inférieure en 2025 et en 2026 par rapport au scénario 1.
- La consommation diminue jusqu’au milieu de 2026 en raison de la faible croissance du revenu disponible réel. Le recul de l’emploi et la modeste croissance de la productivité du travail contribuent aussi à cette baisse. Le transfert aux ménages d’une partie des recettes tirées des droits de douane compense partiellement l’incidence sur la consommation.
- Les droits de douane imposés par les États-Unis font augmenter le prix des machines et du matériel importés et baisser la demande des consommateurs. Les investissements des entreprises ralentissent au cours de la deuxième moitié de 2025.
- Les droits de douane entraînent une forte diminution des exportations et des importations à partir de la mi-2025. Le recul se poursuit jusqu’à la mi-2027.
Les droits de douane portent l’inflation globale à 3 % à la mi-2026. La baisse des prix du pétrole et l’offre excédentaire dans l’économie compensent en partie les pressions à la hausse sur l’inflation.
Dans l’ensemble, l’inflation est supérieure d’environ 0,5 point de pourcentage à celle du scénario 1 en 2026. Elle ralentit ensuite pour atteindre la cible de 2 % de la Réserve fédérale en 2027.
Zone euro
Les données récentes donnent à penser que l’économie de la zone euro a progressé d’un modeste 0,5 % au premier trimestre de 2025 après avoir connu une croissance d’environ 1 % en 2024. Le secteur manufacturier semble être demeuré au ralenti. Le temps froid a fait grimper les prix du gaz naturel au début de 2025, ce qui a porté l’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation à 2,3 % au premier trimestre.
Scénario 1
L’incertitude liée aux politiques commerciales s’ajoute aux risques persistants associés à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Les propositions visant à augmenter les dépenses publiques, dont la hausse des dépenses militaires et en infrastructure en Allemagne, compensent l’effet négatif de l’incertitude liée aux politiques commerciales. Dans l’ensemble, la croissance de la zone euro s’établit à 0,8 % en 2025 avant d’atteindre près de 1,5 % en 2026 et en 2027 (tableau 4).
L’inflation dans la zone euro ralentit pour atteindre la cible de 2 % de la Banque centrale européenne d’ici le début de 2026, alors que les effets de la récente hausse des prix du gaz naturel s’estompent.
Scénario 2
La croissance dans la zone euro descend à 0,5 % en 2025. Les droits de douane imposés par les États-Unis réduisent la demande d’exportations dans cette zone et s’ajoutent aux problèmes de concurrence auxquels est confronté le secteur manufacturier de la région. De plus, les droits de rétorsion de l’Union européenne font grimper les prix des importations. Ces hausses de prix réduisent le revenu réel et augmentent le coût des investissements, ce qui freine la croissance de la demande intérieure. La croissance s’accélère progressivement pour atteindre 0,8 % en 2026 et se raffermit encore en 2027 à mesure que l’économie s’adapte au nouveau régime de droits de douane (tableau 4).
L’inflation dans la zone euro reste sensiblement inchangée par rapport au scénario 1. Les pressions à la hausse exercées sur l’inflation par les droits de douane sont compensées par la baisse des prix mondiaux du pétrole et le ralentissement de la demande intérieure.
Chine
Les données récentes montrent que la croissance de l’économie chinoise ralentit modestement. Le secteur immobilier continue d’éprouver des difficultés. La croissance des exportations était forte à la fin de 2024, notamment en raison de la demande accrue des importateurs américains en prévision de l’entrée en vigueur des nouveaux droits de douane. Cependant, elle a ralenti en février, quand les États-Unis ont imposé des droits de douane de 10 % de plus sur les importations en provenance de la Chine.
La Chine a ensuite été entraînée dans un conflit commercial avec les États-Unis qui est allé en s’intensifiant. Au moment de la préparation du présent Rapport, les droits de douane américains sur les importations chinoises et ceux imposés par la Chine sur les produits américains étaient bien au-dessus de 100 %.
L’administration chinoise a indiqué qu’elle fournirait une aide financière aux entreprises et aux ménages qui subissent les contrecoups du conflit commercial.
Scénario 1
La croissance de l’économie chinoise décélère légèrement pour s’établir à 4,8 % en 2025 (tableau 4). Le ralentissement de l’immobilier et l’affaiblissement de la confiance des consommateurs qu’il entraîne continuent d’exercer une pression à la baisse sur la demande intérieure. Les droits de douane pèsent sur les exportations1. À long terme, le vieillissement de la population freine encore la croissance chinoise.
Scénario 2
L’augmentation des droits de douane pèse sur les exportations de la Chine2. Les mesures de soutien public atténuent les répercussions négatives des barrières tarifaires. La croissance descend à 4,6 % en 2025 – soit 0,2 point de pourcentage de moins que dans le scénario 1 – et se situe en moyenne autour de 4¼ % en 2026 et en 2027 (tableau 4).
Produits de base
Les cours du pétrole ont chuté depuis la parution du Rapport de janvier. Les prix d’autres produits de base ont été volatils.
Les prix de l’énergie ont baissé
Le cours du baril de Brent est tombé autour de 65 $ US, ce qui est 15 $ US de moins que le prix postulé dans le Rapport de janvier (graphique 20). Cette baisse s’explique par deux grands facteurs :
- les craintes que le conflit qui touche le commerce mondial réduise la demande de pétrole à l’avenir
- l’intention des membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et de certains producteurs non membres de l’OPEP d’accroître leur production
L’écart entre le cours du West Texas Intermediate et celui du Western Canadian Select s’est resserré. Dans le Rapport de janvier, on supposait qu’il serait de 15 $ US et il est maintenant d’environ 10 $ US. Cette situation s’explique ainsi :
- les participants au marché pensent maintenant que les droits de douane américains ne seront pas appliqués de façon généralisée au pétrole canadien
- les exportations de pétrole vénézuélien risquent de diminuer sous peu
- des travaux d’entretien saisonnier dans les usines de sables bitumineux limitent la production canadienne
Les prix du gaz naturel ont augmenté depuis le Rapport de janvier, en raison des températures sous la normale.
Les prix des produits de base non énergétiques sont restés inchangés
L’indice des prix des produits de base non énergétiques de la Banque du Canada est resté à peu près inchangé depuis le Rapport de janvier. Les menaces de droits de douane des États-Unis ont entraîné un devancement de la demande des investisseurs américains dans les métaux, ce qui a fait augmenter le prix de certains métaux négociés sur les bourses américaines, comme le cuivre. Le cours de l’or a beaucoup monté, les investisseurs cherchant à se protéger contre l’incertitude géopolitique et le conflit commercial. En revanche, les prix des produits agricoles ont chuté, en partie à cause des droits de douane sur les exportations canadiennes.
Hypothèses concernant les prix des produits de base
Le prix du pétrole brut Brent est de 70 $ US dans le scénario 1 et de 60 $ US dans le scénario 2. Des droits de douane élevés et généralisés entraînent une baisse de la demande mondiale et des prix du pétrole.
Conditions financières
Les marchés financiers ont été extrêmement volatils depuis la publication du Rapport de janvier. Les prix sur les marchés reflètent l’affaiblissement des perspectives mondiales après l’annonce de nouveaux droits de douane américains à grande échelle.
Les marchés boursiers ont chuté de façon marquée, l’appétit pour le risque s’étant détérioré. Sur les principaux marchés, les plus fortes baisses ont été de 10 à 20 %. Les marchés ont ensuite affiché un rebond partiel après que l’administration américaine a annoncé une suspension temporaire de certains droits de douane (graphique 21). La détérioration de l’appétit pour le risque a également entraîné une hausse des écarts de crédit à l’échelle mondiale.
En réaction aux attentes plus faibles de croissance, les marchés anticipent aussi une accentuation de la détente monétaire et établissent les prix en conséquence. Ces conditions ont entraîné une baisse des rendements des obligations d’État à court terme, tant au Canada qu’ailleurs dans le monde. Les rendements à long terme ont diminué dans une moindre mesure ou ont augmenté. L’incertitude accrue a conduit les investisseurs à exiger une prime de terme plus élevée pour détenir des obligations d’État à long terme.
Les nombreux revirements de la politique de commerce extérieur des États-Unis ont entraîné une forte hausse de la volatilité des marchés mondiaux des actions, des changes et des obligations d’État. Cette volatilité a aussi accru le risque de voir apparaître des dynamiques de marché désordonnées. Par exemple, depuis le 2 avril, il y a eu des périodes de faible liquidité sur les marchés des obligations d’État à long terme, les participants qui ont recours à l’effet de levier ayant liquidé leurs positions concentrées. Malgré le recul de la liquidité, il n’y a pas eu de signes de dysfonctionnement des principaux marchés financiers.
La valeur du dollar américain a chuté par rapport à de nombreuses monnaies en raison de la révision à la baisse relativement importante des perspectives concernant la croissance aux États-Unis. Cela a favorisé le dollar canadien, qui s’est récemment apprécié pour atteindre environ 72 cents américains. Il est toutefois demeuré stable par rapport à un large éventail d’autres monnaies.
Notes
- 1. Le scénario 1 suppose que les États-Unis imposent des droits de douane de 10 % sur les biens importés de Chine et que la Chine riposte en imposant l’équivalent d’une hausse de 1 % du taux moyen pondéré de ses droits de douane sur les importations de biens américains.[←]
- 2. Le scénario 2 suppose que les États-Unis imposent des droits de douane de 25 % sur les biens importés de Chine et que la Chine riposte en imposant l’équivalent d’une hausse de 25 % du taux moyen pondéré de ses droits de douane sur les importations de biens américains.[←]