Rapport sur la politique monétaire – Avril 2025 – Économie canadienne
L’inflation était près de la cible de 2 % au quatrième trimestre de 2024, et les baisses de taux d’intérêt avaient stimulé la croissance économique. Toutefois, le conflit commercial s’est depuis intensifié. L’incertitude commerciale et les droits de douane devraient ralentir la croissance et augmenter les pressions sur les prix.
Depuis la parution du Rapport de janvier, les États-Unis ont imposé des droits de douane élevés et généralisés à la plupart de leurs partenaires commerciaux (figure 1). Si les droits de douane annoncés le 2 avril sont mis en œuvre intégralement, le taux moyen pondéré des droits de douane imposés par les États-Unis passera de 2 % à environ 22 % (graphique 1). Les États-Unis ont également imposé des droits de douane sur les produits canadiens, ce à quoi le Canada a réagi. La Chine a mis en place des droits de douane sur certains produits canadiens de l’agriculture et de la pêche.
Les droits de douane et l’incertitude accrue entourant la politique de commerce extérieur des États-Unis semblent avoir ralenti la croissance du produit intérieur brut (PIB) du Canada.
Parallèlement, les droits de douane imposés par le Canada sur l’acier, l’aluminium et les biens de consommation américains (notamment les véhicules automobiles) ainsi que la dépréciation passée du dollar canadien créent une pression à la hausse sur les prix. En revanche, le retrait de la taxe sur le carbone applicable aux consommateurs et la baisse des prix du pétrole ont entraîné un recul des prix de l’énergie.
Figure 1 : Les tensions commerciales mondiales évoluent rapidement
Annonces tarifaires faites jusqu’au 11 avril 2025 inclusivement
Inflation
L’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC) a été volatile en raison du congé de TPS/TVH. Si on exclut la période visée par ce congé, l’inflation est passée de 1,9 % en novembre 2024 à 2,3 % en mars 2025 (graphique 2).
L’inflation mesurée par l’IPC global a augmenté, car même si la croissance des prix dans le secteur des services liés au logement affiche une baisse constante, celle des autres composantes s’est redressée pour avoisiner sa moyenne historique et a eu plus de poids (graphique 3). L’inflation dans ce secteur reste supérieure à sa moyenne historique, mais elle diminue. En particulier, l’augmentation des loyers et du coût de l’intérêt hypothécaire, bien qu’encore forte, est en train de ralentir.
L’inflation a augmenté dans le secteur des biens
Les prix des biens étaient à peu près stables avant le congé de TPS/TVH, mais leur progression a atteint 1,3 % en mars 2025, après la fin de cette mesure.
L’inflation dans le secteur des biens a augmenté et elle est généralisée. Par exemple, l’augmentation des prix des équipements de sport et de conditionnement physique, des vêtements et des fruits frais s’est accélérée (graphique 4). Ces hausses découlent en partie de l’effet retardé de la dépréciation du dollar canadien à la fin de 2024, qui rend les importations plus coûteuses aujourd’hui. De plus, certaines entreprises ont indiqué que les fournisseurs relevaient déjà leurs prix en prévision de futurs droits de douane1.
L’inflation dans le secteur des services a été stable
L’inflation dans le secteur des services s’établissait à environ 3,5 % avant le congé de TPS/TVH, mais elle est passée à 3,1 % en mars 2025. Cette baisse s’explique principalement par une modération de la hausse des frais de logement. En revanche, l’inflation dans le secteur des services hors logement a augmenté, passant de 1,7 à 2,2 % au cours de la même période.
Les mesures de l’inflation fondamentale privilégiées par la Banque du Canada, l’IPC‑méd et l’IPC‑tronq, se situaient à 2,9 % et à 2,8 % en mars, respectivement (graphique 5). Ces mesures se maintiennent dans une fourchette de 2,5 à 3 % depuis l’été 2024, en partie parce que la hausse élevée des frais de logement continue d’influer sur l’inflation fondamentale2. Cela dit, la récente augmentation de l’inflation fondamentale s’explique principalement par la montée des prix des biens.
Les attentes d’inflation à court terme ont augmenté
Les attentes d’inflation à court terme ont augmenté au premier trimestre (graphique 6). Les entreprises et les ménages s’attendent à ce que le conflit commercial fasse monter les prix. Certaines entreprises signalent avoir déjà constaté une hausse de leurs coûts et s’attendent à d’autres hausses3. Les attentes d’inflation à long terme n’ont pratiquement pas changé.
Graphique 6 : Les attentes d’inflation à court terme ont augmenté
Données trimestrielles et mensuelles
Sources : Consensus Economics, Banque du Canada et calculs de la Banque du Canada
Dernières observations : mars 2025 (Consensus Economics et Le Pouls des leaders d’entreprise), 2025T1 (enquête sur les attentes des consommateurs au Canada et enquête sur les perspectives des entreprises)
Activité économique
La croissance du PIB canadien a atteint 2,6 % au quatrième trimestre de 2024, tandis que celle du troisième trimestre a été de 2,2 % après une révision à la hausse. Au quatrième trimestre, elle a été attribuable à la vigueur de l’investissement résidentiel et de la consommation, surtout dans les composantes sensibles aux taux d’intérêt. Le dynamisme de la croissance du PIB a aussi été favorisé par les investissements des entreprises et les exportations, mais cet effet a été contrebalancé en partie par une réduction des stocks.
Au premier trimestre de 2025, on estime que la croissance du PIB a ralenti pour s’établir à 1,8 %, ce qui est inférieur aux prévisions du Rapport de janvier (graphique 7). Ce ralentissement reflète l’intensification du conflit commercial ainsi qu’un repli de la vigueur observée dans la deuxième moitié de 2024.
La croissance de la demande intérieure finale décélère brusquement
Au quatrième trimestre de 2024, la demande intérieure finale a affiché une croissance étonnamment forte de 5,6 %, ce qui témoigne en partie de la réaction des ménages aux baisses de taux d’intérêt passées. Les investissements des entreprises ont augmenté de 6,5 %.
On estime toutefois que la demande intérieure finale a été faible au premier trimestre de 2025, sous l’effet d’un ralentissement des dépenses de consommation, de l’investissement résidentiel et des investissements des entreprises.
On estime que la croissance de la consommation a fléchi, passant de 5,5 % au quatrième trimestre de 2024 à environ 1,5 % au premier trimestre de 2025. Le ralentissement des dépenses de consommation s’explique à la fois par la fin de certaines mesures gouvernementales encourageant l’achat de véhicules automobiles et par une baisse prononcée de la confiance des consommateurs.
Lors de l’enquête sur les attentes des consommateurs au Canada du premier trimestre de 2025, les ménages ont semblé avoir des préoccupations grandissantes concernant leur sécurité d’emploi. Cette inquiétude est particulièrement prononcée chez les personnes qui travaillent dans un secteur dépendant du commerce international.
L’investissement résidentiel est en voie de se contracter d’approximativement 7 % au premier trimestre, après une croissance vigoureuse de 17 % au quatrième trimestre de 2024. Au premier trimestre, la météo défavorable et l’incertitude accrue entourant le contexte commercial ont pesé sur l’activité dans le secteur du logement.
On estime que les investissements des entreprises ont reculé d’environ 2 %. Selon l’enquête sur les perspectives des entreprises pour le premier trimestre de 2025, nombre d’entreprises – surtout dans les secteurs les plus dépendants des marchés américains – semblent réduire ou même arrêter leurs nouveaux investissements stratégiques (graphique 8).
Les activités commerciales ont été devancées en prévision des droits de douane
Vers la fin de 2024, les entreprises au Canada et aux États-Unis se sont mises à stocker des biens importés en prévision des droits de douane. Ce devancement des activités commerciales aide à expliquer l’augmentation des exportations canadiennes au premier trimestre de 2025, estimée à quelque 7,5 %, et celle des importations, à près de 7 % (graphique 9).
Les stocks devraient avoir augmenté au premier trimestre, ajoutant environ 1 point de pourcentage à la croissance du PIB. Cette accumulation vient surtout du ralentissement de la croissance de la demande intérieure canadienne.
Pressions sur la capacité
La solide croissance du PIB dans la deuxième moitié de 2024 a réduit l’offre excédentaire dans l’économie canadienne. On estime que l’écart de production a oscillé entre -1 et 0 % au premier trimestre de 2025, ce qui indiquerait une économie en situation d’offre excédentaire modeste.
La reprise du marché du travail a été perturbée
La croissance de l’emploi s’est raffermie depuis l’été 2024 jusqu’au début de 2025. La vigueur économique a stimulé la demande de travailleurs entre août et janvier, alors que la croissance démographique a considérablement ralenti avec la réduction des cibles d’immigration fédérales. Par conséquent, le taux d’emploi s’est stabilisé vers la fin de 2024 (graphique 10).
L’emploi s’est contracté en mars. La reprise du marché du travail est perturbée par les droits de douane et l’incertitude entourant les politiques commerciales. Le nombre d’offres d’emploi sur Indeed a diminué depuis la mi-janvier, surtout dans les secteurs susceptibles d’être touchés par les droits de douane américains. D’ailleurs, beaucoup des entreprises qui participent aux enquêtes de la Banque disent maintenant qu’elles ralentiront l’embauche à court terme.
En mars, le taux de chômage global a atteint 6,7 %; il affiche une légère hausse par rapport à février, mais il reste inférieur aux 6,9 % enregistrés en novembre 2024, son dernier sommet. Vu l’ensemble des indicateurs observés, le marché du travail semble en situation d’offre excédentaire modeste (graphique 11). La croissance des salaires dans le secteur privé continue de montrer des signes de modération (graphique 12).
Notes
- 1. Pour en savoir plus, voir Banque du Canada, Enquête sur les perspectives des entreprises – Premier trimestre de 2025 (avril 2025).[←]
- 2. Pour une analyse détaillée, voir Banque du Canada, «Économie canadienne – Conjoncture », Rapport sur la politique monétaire (janvier 2025).[←]
- 3. Pour des précisions, voir Banque du Canada, Enquête sur les perspectives des entreprises – Premier trimestre de 2025 (avril 2025) et Banque du Canada, Enquête sur les attentes des consommateurs au Canada – Premier trimestre de 2025 (avril 2025).[←]