Rapport sur la politique monétaire – Janvier 2025 – Point de mire
Le dollar canadien s’est déprécié par rapport au dollar américain depuis octobre 2024, principalement en raison de l’incertitude croissante entourant les politiques commerciales. L’écart grandissant entre les taux directeurs des deux pays a aussi joué un rôle modeste.
Ces derniers mois, l’incertitude croissante et l’écart de taux d’intérêt grandissant ont tous deux joué un rôle dans la dépréciation du dollar canadien. Pour mieux comprendre la contribution relative de chacun de ces deux facteurs, examinons comment ils influencent le taux de change1.
À quel point les écarts de taux d’intérêt influencent-ils le taux de change?
L’écart croissant entre les taux d’intérêt au Canada et aux États-Unis est une des raisons qui expliquent la récente dépréciation du dollar canadien. Mais quelle a été l’ampleur de son incidence?
Afin de l’évaluer, prenons l’exemple d’un placement dans des bons du Trésor à un an au Canada et aux États-Unis, qui offrent tous deux un rendement garanti après un an. Si le rendement des bons du Trésor canadiens descend à 1 point de pourcentage en dessous de celui des bons du Trésor américains, alors il devient relativement plus attrayant d’investir aux États-Unis. Dans ce cas, la demande des investisseurs pour les dollars canadiens diminue, et la valeur de marché du dollar canadien baisse temporairement d’environ 1 % en deçà de sa valeur à long terme. Les investisseurs peuvent ainsi s’attendre à ce que le dollar canadien s’apprécie de 1 % au cours de la prochaine année, ce qui compense l’écart de rendement de 1 point de pourcentage entre les bons du Trésor2.
L’exemple ci-dessus correspond à peu près à ce qui s’est passé depuis octobre 2024. L’écart grandissant entre les taux d’intérêt canadiens et américains, qui se situe autour de 1 point de pourcentage, a contribué à ce que le dollar canadien se déprécie d’environ 1 %. Toutefois, une grande partie de la dépréciation observée depuis octobre 2024 n’est pas expliquée par ce facteur.
Le risque de change peut aussi influer sur la valeur du dollar canadien
Le risque de change joue également un rôle important dans les décisions des investisseurs et influence donc les taux de change entre les devises.
Pour reprendre l’exemple ci-dessus, lorsque des investisseurs étrangers achètent des bons du Trésor canadiens, ils assument le risque de variations inattendues de la valeur du dollar canadien pendant qu’ils les détiennent.
En période d’incertitude accrue, les investisseurs exigent généralement une prime en guise de compensation pour le risque de change supplémentaire ou pour couvrir le coût d’une assurance sous la forme d’options ou de contrats à terme. On appelle cette prime la « prime de risque de change », et l’augmentation de sa valeur est associée à une dépréciation du taux de change3.
Les risques entourant le dollar canadien et d’autres devises se sont amplifiés depuis l’élection américaine, en partie à cause de l’incertitude découlant de la menace de nouveaux droits de douane (graphique 29). L’activité sur les marchés des options et des contrats à terme révèle des craintes accrues que le dollar canadien se déprécie davantage (graphique 30). Par exemple :
- les gestionnaires d’actifs ont augmenté leurs positions vendeur sur les contrats à terme sur devises, qui protègent contre la dévaluation du dollar canadien
- les prix d’autres contrats de produits dérivés utilisés comme assurance contre une dépréciation du dollar canadien, dont les contrats d’option, ont augmenté
Ces inquiétudes accrues ont fait augmenter la prime de risque de change et ont contribué à la dépréciation du dollar canadien.
Quelle est la contribution de chaque facteur à la variation du taux de change?
Il est possible d’estimer la contribution relative qu’ont eue l’écart de taux d’intérêt et la prime de risque de change à la récente dépréciation du dollar canadien4. Le personnel de la Banque estime que :
- une part relativement modeste de la dépréciation globale du dollar canadien est attribuable à l’élargissement de l’écart de taux d’intérêt
- la dépréciation est surtout due à la prime de risque de change (graphique 31)
Le personnel de la Banque a aussi constaté que la variation de la prime de risque de change a été le principal facteur qui explique pourquoi les monnaies d’autres économies avancées se sont dépréciées par rapport au dollar américain. En effet, ces dépréciations ont eu lieu au même moment et ont suivi la même trajectoire (graphique 32).
La prime de risque de change augmente lorsque l’incertitude est élevée. De nombreuses raisons expliquent l’incertitude croissante des derniers mois, mais celle-ci est en grande partie attribuable aux menaces de droits de douane du président américain Donald Trump. En pratique, il est très difficile de faire la distinction entre la part de la dépréciation du taux de change qui résulte directement de l’incertitude et celle qui est attribuable aux changements des attentes du marché concernant la valeur à long terme du taux de change.
Notes
- 1. Pour une analyse et du contexte supplémentaires, voir J.-S. Fontaine, I. Krohn, J. Kyeong, R. Vala et K. Zmitrowicz, « La politique monétaire, les taux d’intérêt et le dollar canadien », note analytique du personnel 2025-2 de la Banque du Canada (février 2025).[←]
- 2. Cette égalisation des rendements attendus ne détermine pas le niveau du taux de change, mais plutôt la variation future attendue qui est requise pour que les rendements attendus de chaque côté de la frontière s’équivaillent lorsque libellés dans la même devise.[←]
- 3. La prime de risque de change a une contrepartie dans la valeur des actions. Les actions qui ont tendance à perdre plus de valeur que la moyenne du marché sont considérées comme risquées, ce qui fait que leur valeur actualisée est moindre. C’est ce qui constitue la « prime de risque sur actions ». La prime de risque sur actions et la prime de risque de change sont étroitement liées. Pour en savoir plus, voir E. Djeutem et G. R. Dunbar « Uncovered Return Parity: Equity Returns and Currency Returns », document de travail du personnel 2018-22 de la Banque du Canada (mai 2018).[←]
- 4. Voir B. Feunou, J.-S. Fontaine et I. Krohn, « Real Exchange Rate Decompositions », document d’analyse du personnel 2022-6 de la Banque du Canada (mars 2022).[←]