Rapport sur la politique monétaire – Janvier 2025
La croissance de l’économie mondiale demeure près de 3 % et l’inflation globale avoisine les cibles des banques centrales de nombreux pays. L’incertitude s’est toutefois accrue en raison des tensions politiques et commerciales. Les perspectives n’intègrent pas les nouveaux droits de douane que les États-Unis menacent d’imposer.
Les perspectives d’inflation et de croissance de l’économie mondiale sont globalement conformes aux attentes présentées dans le Rapport d’octobre (graphique 18; tableau 3 de la section Projections). Toutefois, ces perspectives sont empreintes d’une incertitude plus grande qu’à l’ordinaire, associée à la menace du président américain Donald Trump d’imposer des droits de douane substantiels sur les importations (graphique 19). En outre, plusieurs grandes économies connaissent une incertitude politique accrue.
Dans ce contexte, l’évolution des conditions financières a été contrastée d’un pays à l’autre. Les marchés s’attendent à moins de réductions du taux directeur aux États-Unis, et les taux d’intérêt américains à long terme ont remonté. Bon nombre d’économies avancées ont vu leur monnaie se déprécier par rapport au dollar américain.
Graphique 18 : L’inflation globale est près de la cible, mais l’inflation hors aliments et énergie reste élevée dans bon nombre de grandes économies
Taux de variation sur un an, données mensuelles
Sources : Statistique Canada, US Bureau of Economic Analysis et Eurostat via Haver Analytics et calculs de la Banque du Canada
Dernières observations : novembre 2024 (États-Unis), décembre 2024 (autres)
États-Unis
La croissance économique américaine devrait rester robuste en 2025 puis ralentir en 2026. La solide progression du revenu du travail et les augmentations passées du patrimoine financier continuent de stimuler les dépenses de consommation. Les pressions inflationnistes sur les prix des services compris dans la mesure de l’inflation fondamentale persistent et l’inflation aux États-Unis a légèrement augmenté, mais on s’attend à ce qu’elle diminue en 2025.
Dans sa projection, la Banque présume que les dispositions de la Tax Cuts and Jobs Act (la loi sur les emplois et les réductions d’impôts) seront prolongées. Les autres hypothèses relatives à la politique budgétaire américaine demeurent inchangées.
La croissance est vigoureuse, mais devrait se modérer
On estime que la croissance américaine s’est située à 2,9 % en moyenne dans la deuxième moitié de 2024 et on s’attend à ce qu’elle ralentisse progressivement pour s’établir à un rythme encore solide d’environ 2,3 % en 2026. La croissance repose principalement sur les dépenses de consommation, qui sont étonnamment fortes (graphique 20).
La croissance soutenue du revenu des ménages et les augmentations passées du patrimoine financier continuent de favoriser les dépenses de consommation en 2025. La prolongation attendue des dispositions de la Tax Cuts and Jobs Act devrait stimuler les dépenses des ménages jusqu’en 2026. D’ici la fin de la période de projection, le rythme de croissance de la consommation devrait fléchir légèrement pour s’établir autour de 2,2 %.
La croissance des dépenses des États et des administrations locales ainsi que des investissements des entreprises dans les infrastructures devrait se modérer au cours de la période de projection, puisque les effets des mesures incitatives passées du gouvernement fédéral s’atténuent.
Les perspectives de l’économie américaine sont entachées d’une incertitude plus grande qu’à l’accoutumée. La nouvelle administration américaine a proposé de réduire l’impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés, de modifier les politiques de réglementation et d’immigration, et d’imposer des droits de douane à grande échelle. (Point de mire : Évaluation des conséquences potentielles des droits de douane américains).
L’inflation reste élevée dans le secteur des services et ne ralentit que peu à peu
Le taux d’inflation aux États-Unis, qui est calculé selon l’indice de prix relatif aux dépenses de consommation des ménages, a, semble-t-il, un peu augmenté au quatrième trimestre de 2024 pour avoisiner 2,4 %. Cette augmentation découle surtout des pressions à la hausse qu’exerce la progression des prix des services compris dans la mesure de l’inflation fondamentale (graphique 21). Durant la période de projection, l’inflation devrait diminuer graduellement, à mesure que la croissance de la demande ralentira et que l’augmentation des frais de logement s’atténuera.
Selon les estimations, l’inflation dans le secteur des services est demeurée élevée, aux alentours de 3,8 % au quatrième trimestre de 2024, en raison de la forte demande des consommateurs et du fait que certains prix ont tardé à s’ajuster aux hausses de coûts passées. À mesure que ces prix s’ajusteront et que la progression de la demande intérieure se modérera, l’inflation dans ce secteur devrait reculer. De plus, le ralentissement de la croissance des prix des logements et les baisses récentes des nouveaux loyers devraient se traduire par un tassement de l’inflation liée au logement au fil du temps. Le taux de croissance des prix des biens, qui est à un niveau bas, devrait remonter à mesure que les effets des baisses passées des prix des biens durables se dissiperont.
Plus tard durant la période de projection, l’inflation aux États-Unis devrait se rapprocher de la cible, l’économie progressant essentiellement au même rythme que la production potentielle.
Graphique 21 : L’inflation mesurée par l’indice PCE demeure plus élevée dans le secteur des services qu’avant la pandémie
Inflation mesurée par l’indice PCE, taux de variation sur un an, données mensuelles
Sources : US Bureau of Economic Analysis via Haver Analytics et calculs de la Banque du Canada
Dernière observation : novembre 2024
Zone euro
La croissance du produit intérieur brut de la zone euro devrait être modérée et frôler 0,8 % en 2025, avant de se raffermir progressivement pour atteindre environ 1,3 % en 2026. La croissance économique devrait être freinée par la faiblesse qui continue de toucher le secteur manufacturier. Celui-ci a du mal à s’adapter à des problèmes structurels – tels que le manque d’investissements en infrastructure et des prix de l’énergie relativement élevés – ainsi qu’aux pressions concurrentielles persistantes.
Les marchés financiers s’attendent à ce que la Banque centrale européenne (BCE) réduise encore ses taux directeurs. Cet assouplissement monétaire devrait soutenir la demande intérieure et raviver la confiance des consommateurs et des entreprises.
Durant la période de projection, l’inflation dans la zone euro devrait se situer à un niveau proche de la cible de 2 % visée par la BCE. En particulier, la croissance des prix des services compris dans la mesure de l’inflation fondamentale devrait se modérer. Ce recul projeté s’explique par une expansion modeste de la demande des consommateurs, un ralentissement de la croissance des salaires et la dissipation des effets temporaires liés à des événements sportifs et culturels qui se sont tenus en 2024.
Chine
La progression de la demande intérieure devrait s’intensifier en Chine à court terme, à la faveur des mesures récemment annoncées par les autorités. Ces mesures comprennent, entre autres, des bons de consommation pour les ménages, des dispositifs de soutien du crédit pour les administrations locales et des politiques visant à stabiliser le secteur immobilier. Les exportations ont augmenté à un rythme rapide en 2024, en raison surtout de l’accroissement de la capacité de production et de la baisse des prix des biens manufacturés chinois. Les prix des produits manufacturés exportés devraient se stabiliser, entraînant un ralentissement de la croissance des exportations en 2025.
Plus tard durant la période de projection, l’activité économique devrait se modérer, à mesure que les effets des mesures de politique cyclique s’estomperont et que les problèmes structurels, comme le vieillissement de la population, freineront la croissance.
Produits de base
Les cours du pétrole ont augmenté à cause du durcissement des sanctions contre le pétrole russe et du faible niveau des stocks mondiaux (graphique 22). En outre, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et des membres de l’OPEP+ (l’OPEP en plus de certains producteurs non membres) ont encore décidé de repousser la fin des mesures de réduction volontaire de la production. On suppose que le cours du Brent se situera en moyenne à 80 $ US durant la période de projection, soit un niveau plus haut que prévu dans le Rapport d’octobre.
L’indice des prix des produits de base non énergétiques de la Banque du Canada n’a pratiquement pas changé (Révisions des projections, section Projections).
Conditions financières
De nombreuses banques centrales ont continué de réduire leur taux directeur à mesure que l’inflation se rapprochait de leurs cibles. Cependant, les données récentes et les changements de politique envisagés par la nouvelle administration américaine ont amené les acteurs du marché à s’attendre à une plus grande divergence des perspectives économiques entre les pays.
Dans ce contexte, l’évolution des conditions financières a varié d’un pays à l’autre. Aux États-Unis, les marchés prévoient maintenant que les réductions du taux directeur seront moins nombreuses et opérées plus tard qu’anticipé précédemment. Cela tient en partie au dynamisme soutenu de l’économie et à l’inflation persistante. De plus, les participants au marché ont commencé à accorder une certaine importance aux changements de politique potentiels sous la nouvelle administration et à leurs conséquences économiques probables. Ces facteurs ont contribué à une forte hausse des rendements des obligations du gouvernement américain. Dans la plupart des autres économies avancées, les rendements obligataires ont affiché un modeste recul depuis octobre, comme au Canada (graphique 23), ou ont augmenté dans une moindre mesure qu’aux États-Unis, en raison de l’assombrissement des perspectives de croissance et d’inflation.
Graphique 23 : Les rendements obligataires américains ont augmenté, tandis que leurs pendants canadiens ont reculé légèrement depuis le Rapport d’octobre
Dernière observation : 27 janvier 2025
Les cours des actions ont continué de monter dans les économies avancées. Les mesures de l’appétit pour le risque sont généralement restées solides, les primes de risque sur les actions et les écarts de taux sur les obligations de sociétés demeurant faibles au regard du passé.
Le dollar américain a continué de s’apprécier par rapport à la plupart des autres monnaies, et a récemment atteint un niveau sans précédent en termes nominaux pondérés en fonction des échanges commerciaux. La valeur du dollar canadien a chuté vis-à-vis du dollar américain, pour s’établir aux alentours de 70 cents américains, mais elle est restée plus stable par rapport à un panier d’autres monnaies (graphique 24).
La vigueur récente du dollar américain semble tenir en majeure partie à une augmentation de la prime de risque de change associée à la détention de devises autres que la monnaie américaine. Bien que l’écart entre les taux directeurs américain et canadien se soit accentué, les modèles de la Banque donnent à penser que cela n’a eu qu’une incidence modeste sur le taux de change Canada–États-Unis (Point de mire : Facteurs récents qui influent sur le taux de change Canada–États-Unis).