Avant-propos du gouverneur

En 2023, la Banque du Canada a fait des progrès considérables dans sa lutte contre l’inflation, et jeté les bases pour le retour à la stabilité des prix. Mais malgré une baisse importante de l’inflation, la hausse du coût de la vie a continué de mettre à mal les Canadiennes et Canadiens. Et les taux d’intérêt plus élevés ont alourdi le fardeau de bien des gens. Le défi auquel la Banque faisait face était de suffisamment relever le taux directeur pour venir à bout de l’inflation élevée, tout en le gardant assez bas pour éviter de freiner l’économie. Des événements mondiaux – des défaillances de banques étrangères à la guerre en Israël et à Gaza – ont accru l’incertitude et engendré de nouveaux risques.

Tout au long de l’année, la politique monétaire a produit l’effet voulu en limitant les dépenses, en rééquilibrant l’économie et en allégeant les pressions sur les prix. Après avoir culminé à 8,1 % en 2022, l’inflation est descendue à 3,4 % en décembre 2023, et devrait encore baisser en 2024. À la fin de l’année, l’économie n’était plus en situation de demande excédentaire. Le marché de l’emploi, qui était en grande surchauffe en 2022, était devenu mieux équilibré et le taux de chômage était au niveau où il était juste avant la pandémie de COVID‑19.

Le gouverneur Tiff Macklem (à droite) lors de son témoignage devant le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie, en novembre 2023.

L’inflation a été quelque peu volatile. L’indice des prix à la consommation est tombé à 2,8 % au milieu de l’année, puis a monté à 4 % avant de redescendre à 3,4 % à la fin de 2023. Il faut s’attendre à ce que l’inflation continue d’être tirée tant à la hausse qu’à baisse en 2024. En effet, alors que la faible croissance atténuera les pressions sur les prix, les tensions dans certains secteurs viendront les renforcer. La Banque fera preuve de prudence dans l’établissement de la politique monétaire, tout en restant déterminée à rétablir la stabilité des prix pour la population canadienne.

L’année 2023 nous a rappelé que l’instabilité financière peut s’installer rapidement, et la Banque doit être prête à y réagir. En mars, le système bancaire mondial a été ébranlé par les défaillances de banques aux États-Unis et en Suisse. La crise a été contenue grâce à la solidité de la réglementation bancaire internationale et à l’action rapide des autorités américaines et suisses. Au Canada, le système financier était stable et avait subi très peu d’effets d’événements mondiaux. Ces défaillances internationales nous ont toutefois rappelé brutalement qu’il importe de favoriser cette stabilité. La Banque a d’ailleurs surveillé de près notre système financier pour déceler les premiers signes de tensions. Nous demeurons vigilants et possédons les outils nécessaires pour y injecter des liquidités d’urgence s’il devient très tendu.

Notre détermination commune à rétablir la stabilité des prix et à maintenir la stabilité financière ancre les attentes d’inflation à long terme et limite la propagation d’effets causés par des événements qui entraînent de l’instabilité financière. La Banque est une voix forte à l’international pour ce qui est de garder le cap sur la stabilité des prix et achever la mise en œuvre des normes internationales pour les banques – des impératifs que partagent ses homologues. Toutefois, les conflits et les tensions géopolitiques accentuent la fragmentation mondiale, ce qui complique l’atteinte d’un consensus à l’échelle du globe. Cela met en relief l’importance des institutions multilatérales dans le maintien du bon fonctionnement du système monétaire international. La Banque continue par ailleurs d’appuyer le travail du Fonds monétaire international.

En 2023, la Banque a surtout concentré ses efforts sur la gestion des impératifs de politique monétaire les plus pressants, tout en effectuant d’importants investissements d’avenir. Nous avons investi dans la confiance, et devons rétablir celle que nous avons perdue en raison de l’inflation trop élevée ces deux dernières années. Nous voulons des points de vue diversifiés. Nous voulons écouter et rejoindre plus de gens partout au pays.

Pour atteindre ces objectifs, nous avons renforcé nos processus décisionnels et amélioré notre transparence et nos communications.

  • Nous avons créé le nouveau poste de sous-gouverneur non dirigeant externe au sein du Conseil de direction et y avons nommé Nicolas Vincent, professeur d’économie, pour un mandat de deux ans.
  • Nous avons commencé à publier les résumés des délibérations du Conseil de direction, fournissant ainsi plus d’informations sur les décisions de politique monétaire de la Banque.
  • Nous avons publié davantage de résumés et de courtes vidéos en langage simple sur les médias sociaux pour expliquer nos perspectives économiques.
  • Les membres du Conseil de direction ont voyagé à travers le pays pour être à l’écoute des Canadiennes et Canadiens et mieux comprendre comment la politique monétaire les touche.

À partir de 2024, nous tiendrons aussi une conférence de presse pour chaque annonce du taux directeur – et non plus seulement lorsque l’annonce s’accompagne de la publication du Rapport sur la politique monétaire. Nous voulons que les ménages, les entreprises et différents groupes de la population comprennent ce que nous faisons et nos motivations.

Nous avons aussi investi dans les outils et les compétences nécessaires pour évoluer dans un monde qui change rapidement. De plus en plus, il semble qu’il y aura davantage de problèmes d’approvisionnement et de transformations dans les relations économiques à l’échelle du globe. Les changements climatiques et la montée des tensions géopolitiques sont appelés à créer de nouvelles perturbations et mutations de l’économie. Nous rendons nos modèles économiques plus flexibles pour faire face à des changements soudains des conditions économiques. Leur prochaine génération analysera les données de façon plus précise et nous aidera à envisager d’autres scénarios de risque.

Le gouverneur Tiff Macklem participe à un panel lors de la 22e conférence annuelle de la Banque des Règlements Internationaux.

Il nous incombe de veiller à ce que les systèmes de paiement canadiens soient prêts pour l’économie d’aujourd’hui et de demain. C’est pourquoi nous avons investi dans notre avenir numérique. Plus précisément, nous devons nous préparer à la possibilité que la population canadienne veuille détenir de la monnaie de banque centrale sous forme numérique. Nous avons franchi un pas important en 2023 en lançant une consultation publique sur le « dollar canadien numérique ». Près de 90 000 personnes ont répondu au questionnaire. Nous les avons écoutées, et avons publié un rapport sur ce qui nous a été dit. Leurs réponses nous ont montré à quel point les gens tiennent à la protection de leur vie privée et qu’il leur importe beaucoup de pouvoir détenir de l’argent garanti par leur banque centrale.

Il ressort aussi clairement des réponses recueillies que la population veut encore utiliser des billets de banque physiques. Nous continuerons de lui fournir des billets de banque sûrs et dotés d’éléments anti-contrefaçon. Nouvellement couronné, Sa Majesté le roi Charles III figurera sur le prochain billet canadien de 20 dollars. Les premiers préparatifs sont en cours en vue d’émettre ce nouveau billet vertical en polymère, qui sera doté de la prochaine génération d’éléments de sécurité destinés à le protéger des faussaires.

La Banque a aussi pris des mesures pour s’acquitter de son nouveau mandat de supervision des fournisseurs de services de paiement de détail. En 2023, elle a :

  • mené des activités de sensibilisation auprès des fournisseurs de services de paiement pour s’assurer qu’ils comprennent bien leurs obligations en vertu de la Loi sur les activités associées aux paiements de détail
  • soutenu le ministère des Finances du Canada dans la rédaction du Règlement sur les activités associées aux paiements de détail
  • ajouté une section à son site Web pour expliquer les politiques et les pratiques auxquelles elle aura recours pour s’assurer que les fournisseurs de services de paiement respectent les exigences en matière de gestion des risques opérationnels et de protection des fonds des utilisateurs finaux

Beaucoup de choses ont changé en 2023, mais certaines sont restées les mêmes. Les membres de notre personnel demeurent notre plus grande force, et nous avons continué d’investir dans leur bien-être. La Banque s’est classée parmi les 100 meilleurs employeurs du Canada pour la 14e année d’affilée. Plus de 80 % de nos effectifs recommanderaient la Banque comme milieu de travail, et 86 % ont dit avoir le soutien de leur gestionnaire. Ces résultats sont une source de fierté pour nous, mais nous n’avons pas dormi sur nos lauriers. Nous avons continué de favoriser une plus grande diversité ainsi que davantage d’équité et d’inclusion. Nous enrichissons notre analyse des données relatives aux ressources humaines afin de mieux comprendre les causes fondamentales des écarts salariaux des groupes visés par l’équité en matière d’emploi, et d’y remédier.

Cette année sera sans doute une année de transition. Les effets des augmentations de taux passées vont continuer de se transmettre dans l’économie, ce qui va ralentir les dépenses et limiter la croissance et l’emploi. Ce ne sera pas agréable. Mais d’ici la fin 2024, l’inflation devrait être plus près de notre cible de 2 %, la croissance devrait s’être redressée et les entreprises devraient avoir plus de projets d’embauche.

Nous savons que nous devons être prêts à faire face à de nouveaux événements. Nous ne pourrons pas tous les prévoir : notre chemin sera certainement parsemé d’embûches et de nouvelles surprises. Nous devons traiter nos prévisions avec humilité et faire preuve d’agilité quand il le faut. Et, surtout, nous devons tirer des leçons de l’inflation élevée que nous avons connue récemment afin de sortir de cette période difficile mieux préparés pour l’avenir.

Tiff Macklem
Gouverneur