Avant-propos du gouverneur
L’année 2022 a été éprouvante pour les Canadiennes et les Canadiens, et exigeante pour la Banque du Canada.
En début d’année, l’inflation atteignait à peine 5 %; elle s’est hissée à 8 % en juin, avant de reculer pour s’inscrire juste au-dessus de 6 % en fin d’année. L’inflation élevée a entraîné des difficultés pour beaucoup de gens au pays, qui ont trouvé de plus en plus dur de joindre les deux bouts. Les personnes à faible revenu ont été durement touchées, car les prix de nombreuses dépenses essentielles, comme la nourriture et le logement, ont grimpé en flèche.
Les Canadiennes et les Canadiens ont donc beaucoup de questions pour la Banque. Pourquoi l’inflation est-elle si élevée? Que fait la Banque pour y remédier? Quand l’inflation baissera-t-elle? Permettez-moi d’y répondre.
Au début de 2022, l’inflation était déjà élevée. Cela s’expliquait en grande partie par les perturbations persistantes des chaînes d’approvisionnement, dans un contexte de forte demande pour les biens à l’échelle mondiale. Puis, en février, l’invasion non provoquée de l’Ukraine par la Russie a fait bondir les cours mondiaux du pétrole et d’autres produits de base, entraînant une nouvelle poussée de l’inflation, qui s’est ensuite généralisée et intensifiée. En effet, les coûts plus élevés de l’énergie, des aliments et des expéditions se sont répercutés sur les prix de nombreux biens et services, en plus d’accentuer les pressions existantes sur les prix au pays. Lorsque l’économie canadienne a complètement rouvert, les consommateurs ont voulu se rattraper, mais les entreprises ne pouvaient pas répondre à la demande accrue, ce qui a exercé des pressions à la hausse sur les prix de beaucoup de services.
La Banque était – et demeure – déterminée à ramener l’inflation à la cible de 2 %, comme elle s’y est engagée. Pour faire baisser l’inflation, nous avons haussé notre taux directeur sept fois d’affilée en 2022, quand venait le temps de prendre nos décisions de politique monétaire. Ce taux est ainsi passé de 0,25 %, un niveau faible lié à la pandémie, à 4,25 %. En avril, nous avons aussi entrepris un resserrement quantitatif en vue de réduire le bilan de la Banque.
Puisque l’inflation a grimpé rapidement, nous avons relevé les taux d’intérêt vigoureusement. Comme l’histoire le démontre, cette approche offre les meilleures chances d’éviter non seulement des hausses encore plus importantes à l’avenir, mais surtout une grave récession – ce dont personne ne veut.
À la fin de 2022, l’inflation était encore trop haute, mais avait amorcé un recul. Celui-ci tenait essentiellement aux prix moins élevés de l’énergie ainsi qu’au désengorgement des chaînes d’approvisionnement à l’échelle mondiale. La politique monétaire plus restrictive avait également commencé à entraîner une réduction des dépenses, surtout dans les secteurs de l’économie sensibles aux taux d’intérêt, comme le logement et les ventes de meubles.
Au fil de 2023, nous nous attendons à ce que les effets des taux d’intérêt plus élevés continuent de se répercuter dans l’économie, ralentissant encore plus les dépenses et permettant à l’offre de rattraper la demande. Les pressions sur les prix devraient ainsi s’atténuer à plus grande échelle, ce qui fera baisser l’inflation de façon significative au cours de l’année.
La hausse marquée de l’inflation durant la première moitié de 2022 nous a surpris. Les ratés que nous avons connus dans certaines prévisions nous ont poussé à travailler plus fort pour mieux comprendre les pressions inflationnistes ainsi que les interventions à privilégier dans un contexte de bouleversements mondiaux et de contraintes d’approvisionnement. Nous en avons tiré trois leçons :
- Il est plus difficile d’accroître l’offre de biens et de services que de rétablir la demande. Nos outils de politique monétaire ont été très efficaces pour soutenir la demande pendant la pandémie, mais nous avons sous-estimé la persistance des perturbations de l’approvisionnement.
- L’écart global entre la demande et l’offre dans l’économie ne dit pas tout. Lors des confinements, la demande de biens a fait davantage monter les prix que la baisse de la demande de services ne les a fait chuter.
- Les conséquences inflationnistes des perturbations de l’approvisionnement sont plus marquées lorsque l’économie surchauffe, car les entreprises craignent moins de perdre des ventes si elles augmentent leurs prix.
Nous sommes conscients que beaucoup de ménages ont eu de la difficulté à s’adapter aux taux d’intérêt plus élevés, en particulier ceux qui sont très endettés. Nous savons aussi que pour bien des gens, il n’est pas naturel de penser qu’on puisse réduire l’inflation en haussant les coûts d’emprunt, alors que d’autres coûts montent déjà. Néanmoins, dès la fin de 2022, il était manifeste que le resserrement de la politique monétaire avait permis de commencer à rééquilibrer l’économie et à réduire les pressions inflationnistes. Nous avons certes terminé l’année loin de notre cible d’inflation de 2 %, mais nous sommes convaincus que la politique monétaire poursuivie est en train d’agir pour rétablir la stabilité des prix.
Toujours en 2022, la Banque a enregistré une perte nette pour la première fois de son histoire. Après avoir touché des revenus qui se sont maintenus au-dessus de la moyenne pendant la période associée à l’assouplissement quantitatif qui a été opéré en 2020 et 2021, la Banque a encouru des charges d’intérêts nettes en 2022. Nous nous attendons à subir encore de telles pertes pendant quelques années avant de renouer avec un résultat net positif. L’ampleur des pertes et la durée de l’épisode dépendront en fin de compte d’un certain nombre de facteurs, dont la trajectoire des taux d’intérêt ainsi que l’évolution de l’économie et du bilan de la Banque.
La ministre des Finances a indiqué que le gouvernement avait l’intention de présenter des modifications législatives afin d’autoriser la Banque du Canada à conserver, à l’avenir, ses bénéfices nets de manière temporaire, plutôt que de les remettre à l’État. Cela permettrait à la Banque de compenser une perte nette par un revenu net à venir. Une fois revenue à une situation de capitaux propres positifs suffisants, la Banque pourrait reprendre ses versements à l’État. Je tiens à souligner que nous ne conduisons pas la politique monétaire dans une optique de profit. Nos décisions en matière de politiques sont guidées par nos mandats de stabilité des prix et de stabilité financière.
Pendant toute l’année, nous avons maintenu notre engagement de faire preuve de transparence et avons voulu aider le public à comprendre notre travail par des communications et des activités de sensibilisation et de mobilisation proactives. Nous avons été réceptifs à des questions difficiles, et avons été francs sur nos succès comme sur nos échecs. Nous avons expliqué nos décisions et nos raisonnements dans des conférences de presse, des discours et des entrevues avec les médias. Nous avons également redoublé d’efforts pour nous rapprocher des gens en utilisant efficacement les médias sociaux et en rouvrant le Musée de la Banque du Canada.
Au-delà des problèmes immédiats engendrés par la pandémie et l’inflation élevée, nous nous sommes encore attachés à renforcer la résilience de nos opérations et à mener à bien des projets de transformation des activités de grande ampleur, notamment en renforçant notre capacité de reprendre les opérations après des perturbations, et en améliorant nos contrôles de cybersécurité.
La Banque a également élargi sa panoplie d’outils servant à comprendre les risques économiques et financiers liés aux changements climatiques. Nous avons publié les résultats d’un projet pilote – entrepris conjointement avec le Bureau du surintendant des institutions financières et plusieurs grandes institutions financières – visant à évaluer la mesure dans laquelle l’économie et le système financier pourraient être touchés par différents scénarios de transition vers une économie sobre en carbone.
Nous avons accru notre influence sur la scène mondiale relativement à plusieurs dossiers cruciaux, comme l’évaluation des réformes introduites par le dispositif de Bâle III, l’avenir du système monétaire international et l’établissement de pratiques exemplaires à l’échelle mondiale pour la réglementation des cryptoactifs.
Au Canada même, nous avons soutenu la stabilité et la sécurité de l’univers des systèmes et méthodes de paiement, qui connaît une évolution rapide.
- Nous avons poursuivi les travaux liés au nouveau mandat qui nous a été confié en 2021, soit la supervision des paiements de détail au Canada.
- Nous avons multiplié les échanges avec les représentants de ce secteur afin de bien comprendre l’ampleur des relations entre les différents acteurs ainsi que les interconnexions associées à l’écosystème des paiements de détail.
- Nous avons également procuré des conseils au ministère des Finances du Canada au sujet de règlements qu’il élaborait.
Tout au long de 2022, nous nous sommes efforcés de soutenir nos employés dans leur retour au travail sur place, après plus de deux ans d’absence du bureau. Nous avons lancé un modèle de travail hybride et nous nous sommes assurés que nos locaux et nos espaces en ligne étaient prêts.
Notre équipe de direction et notre personnel ont continué à faire preuve d’intégrité, de professionnalisme et d’une éthique professionnelle à toute épreuve. Ils ont été soutenus dans leur travail par une stratégie qui a été actualisée en vue de favoriser l’équité, la diversité et l’inclusion, et un plan d’accessibilité a été mis au point avec le concours des principaux intéressés dans nos différents départements. Je me réjouis donc que la Banque figure au palmarès des 100 meilleurs employeurs au Canada pour la 13e année de suite et qu’elle continue d’être reconnue comme l’un des meilleurs employeurs pro-famille et pour la diversité au pays.
Quant à notre travail principal – maîtriser l’inflation – tout le pays peut compter sur nous pour que ce soit fait. L’inflation élevée a été douloureuse pour tout le monde, mais la réponse énergique que nous avons apportée en 2022 produit ses effets. La demande ralentit, ce qui permet à l’offre de la rattraper, et l’inflation diminue. Nous sommes déterminés à rétablir la stabilité des prix afin que les Canadiennes et les Canadiens puissent à nouveau bénéficier d’une inflation faible, stable et prévisible et d’une croissance économique durable.
Au nom du Conseil d’administration et du personnel de la Banque, je m’engage à ce que notre institution continue à servir les Canadiennes et les Canadiens tandis que nous devrons faire face à de nouveaux défis au cours de l’année à venir. Peu importe ce que 2023 nous réserve, nous continuerons à favoriser le bien-être économique et financier de la population aux quatre coins du pays.
Tiff Macklem
Gouverneur