Avant-propos du gouverneur
L’année 2020 aura été comme nulle autre. Au début, le taux de chômage touchait presque un creux historique au pays, l’inflation frôlait la cible de 2 % et le taux directeur de la Banque du Canada était à 1¾ %. L’économie canadienne se portait bien. Pour citer l’avant‑propos du gouverneur Poloz dans le dernier rapport annuel, la situation macroéconomique était « de retour à bon port ».
Un an plus tard, le port n’est plus qu’un point à l’horizon.
En février 2020, la COVID‑19 se propageait aux quatre coins du globe, et en mars, le Canada se mettait en confinement. Grâce aux efforts conjugués d’un nombre incalculable de travailleurs de la santé, premiers répondants, travailleurs essentiels, administrations publiques, chefs d’entreprise et Canadiens ayant pris à cœur les recommandations de santé publique, nous avons évité le pire de la catastrophe. Il reste que la pandémie a eu d’inestimables coûts humains et économiques, et ce n’est pas fini.
La COVID‑19 a emporté plus de 15 000 Canadiens en 2020. Tant que le virus continuera de se transmettre, nous serons de plus en plus nombreux à tomber malades, ce qui aura des conséquences dévastatrices pour certains. Au printemps 2020, l’économie a été plongée dans la pire récession jamais enregistrée : plus de trois millions de Canadiens ont perdu leur emploi et l’inflation est tombée à zéro.
Depuis, l’économie a nettement remonté la pente, mais la reprise est loin d’être complète. À la fin de 2020, les cas d’infection en hausse et les nouveaux confinements menaçaient d’aggraver la situation économique dans la nouvelle année, avant que l’administration des nouveaux vaccins permette un retour graduel à plus de normalité dans les mois suivants.
La Banque n’a pas non plus été épargnée par 2020. Confrontés à des circonstances hors du commun, les employés ont agi avec rapidité, détermination et dévouement pour assurer la réalisation de notre mandat comme banque centrale du pays. Dans la première moitié de l’année, j’ai suivi leurs efforts de l’extérieur avec beaucoup d’admiration. Et quand je suis entré dans mes fonctions de gouverneur en juin, tout le monde à la Banque m’a d’autant plus impressionné et rempli de fierté.
Malgré de considérables défis professionnels et personnels, les employés de la Banque se sont dévoués pour mettre au point une série de programmes et de politiques visant à soutenir l’économie et le système financier. Quand la crise a frappé, la Banque s’est vite mise à analyser les répercussions économiques de la COVID‑19 au Canada et autour du monde. Dans un contexte d’incertitude extrême, cette analyse a orienté nos décisions monétaires déterminantes. C’est ce qui a mené, entre autres, à la mise en œuvre d’outils sans précédent, tout d’abord dans le but de préserver le fonctionnement des marchés et soutenir le crédit, et plus tard d’apporter le degré de détente monétaire nécessaire pour appuyer la reprise économique.
Afin de pallier le grave manque de liquidités dans le système financier, la Banque a mis en œuvre onze dispositifs exceptionnels, dont huit étaient entièrement nouveaux. Parmi ceux-ci, le mécanisme permanent d’octroi de liquidités à plus d’un jour, les programmes d’achat d’obligations de sociétés et d’obligations provinciales, ainsi que le Programme d’achat d’obligations du gouvernement du Canada.
Dans l’optique de soutenir la confiance et d’accroître le degré de détente monétaire dans l’économie, le Conseil de direction de la Banque a abaissé d’urgence le taux directeur à trois reprises, jusqu’à la valeur plancher. En juillet, le Conseil s’est engagé à le maintenir à ce niveau tant qu’il resterait des capacités excédentaires dans l’économie, l’objectif étant de permettre à l’inflation de retourner à la cible et d’y rester. La Banque a par la suite renforcé cette indication prospective exceptionnelle en y ajoutant un autre engagement, celui de poursuivre son programme d’achat massif d’actifs jusqu’à ce que la reprise soit bien engagée. Ce programme a montré son efficacité en rendant le crédit plus abordable pour les ménages et les entreprises.
Nous avons aussi collaboré avec les institutions financières et nos partenaires de la chaîne d’approvisionnement pour expédier rapidement un nombre record de billets de banque et ainsi veiller à ce que les Canadiens aient accès à des liquidités en cette période d’incertitude.
La rapidité avec laquelle la Banque a déployé ses mesures d’urgence en renfort à l’économie et au système financier témoigne de l’immense travail derrière l’intervention de l’institution face à la COVID‑19. Notre cadre de gestion des interventions a aidé tous nos leaders à adapter leurs façons de faire en fonction des nouvelles mesures et politiques sanitaires. Grâce à notre infrastructure technologique robuste, nous sommes rapidement passés au télétravail obligatoire, tout en continuant de mener nos activités essentielles. Nous avons également utilisé notre cadre de gestion des risques pour anticiper les risques et les affronter dès qu’ils se matérialisaient. Tous ces efforts ont été appuyés par des communications claires, rapides et complètes, tant à l’interne qu’à l’externe.
Et malgré les obstacles qui se dressaient sur notre chemin, nous n’avons jamais délaissé nos priorités courantes.
Afin de jeter les bases du renouvellement, prévu en 2021, de notre entente avec le gouvernement du Canada au sujet de la cible d’inflation, nous avons examiné différents cadres de politique monétaire. Nous avons ensuite présenté nos conclusions à un groupe diversifié de spécialistes et d’intervenants avant de les publier en ligne. Nous avons aussi organisé des consultations auprès du grand public pour mieux comprendre les perceptions de l’inflation dans la population. Les résultats de ces efforts seront diffusés en 2021.
Nous avons poursuivi notre important travail qui consiste à fournir aux Canadiens des billets de banque qu’ils peuvent utiliser avec confiance et fierté. Comme nous l’avions fait pour le billet de 10 $ orné du portrait de Viola Desmond, lequel a connu un succès retentissant, nous avons lancé une campagne de consultation publique nationale pour trouver la personnalité qui sera à l’honneur sur le nouveau billet de 5 $. Nous avons reçu plus de 45 000 candidatures et publié une liste restreinte de candidats. Nous avons aussi continué de nous préparer à la nouvelle ère de l’argent. La façon dont les Canadiens utilisent l’argent comptant a continué d’évoluer, et ce, à un rythme accéléré en raison de la pandémie. Dans ce contexte, nous avons fait avancer les plans de prévoyance concernant l’émission d’une monnaie numérique de banque centrale, plus particulièrement en ce qui a trait à la planification des politiques et des aspects techniques.
La Banque a continué de se pencher sur les implications des changements climatiques pour l’économie et le système financier afin d’aider les acteurs du système financier à s’y préparer. Nous avons été nommés au comité directeur du Réseau pour le verdissement du système financier, ce qui nous permettra de jouer un rôle important dans l’orientation de ce dernier. En collaboration avec le Bureau du surintendant des institutions financières, nous avons commencé à travailler sur des scénarios qui aideront les institutions financières et les assureurs à mener des tests complets et comparables liés aux changements climatiques. Entre-temps, nous avons fixé des cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour les immeubles de la Banque.
Confrontés à des circonstances hors du commun, les employés ont agi avec rapidité, détermination et dévouement pour assurer la réalisation de notre mandat comme banque centrale du pays. »
En 2020, nous sommes parvenus à tisser des liens avec des groupes que nous n’avions pas suffisamment abordés par le passé, particulièrement les Autochtones. De plus, le mouvement Black Lives Matter a brutalement ramené à l’avant‑plan la nécessité d’en faire plus pour combattre le racisme et créer un milieu de travail véritablement inclusif dans nos institutions. D’entrée de jeu, il est important que la Banque soit à l’image du pays et que nous prenions en considération tous les points de vue pour bien servir les Canadiens. C’est dans cette optique que nous avons lancé une nouvelle stratégie sur la diversité et l’inclusion, fixé des objectifs pour améliorer la représentation des femmes et des groupes racisés parmi nos cadres supérieurs, amorcé des actions pour lutter contre le racisme et introduit de nouvelles bourses destinées aux étudiants appartenant à une minorité visible.
Les réussites de la Banque au cours de l’année, particulièrement la résilience de ses activités et ses rapides interventions d’urgence, sont en grande partie attribuables au leadership et aux efforts du gouverneur Stephen Poloz et de la première sous‑gouverneure Carolyn Wilkins.
M. Poloz a été un leader exemplaire pendant les sept années qu’il a passées à la tête de la Banque. Si l’institution a pu déployer des mesures rapides, ingénieuses et d’envergure quand la crise a frappé, c’est en grande partie grâce au gouverneur et à son approche axée sur la gestion des risques pour la conduite de la politique monétaire, à sa fine compréhension du milieu des affaires canadien et à son engagement à l’égard du perfectionnement des leaders.
Mme Wilkins, qui a quitté la Banque en décembre, a joué un rôle primordial dans la conception et le déploiement des interventions d’urgence de la Banque. Au cours de son mandat, elle a élevé l’institution au rang de chef de file mondial en recherche sur les technologies financières et les monnaies numériques, en plus d’avoir fait la promotion de la recherche économique avec une passion et un intellect incomparables. Enfin, en tant que première femme nommée au poste de premier sous‑gouverneur, elle a inspiré toute une génération de femmes à se sentir à leur place dans le domaine de la macroéconomie, et à la Banque.
Au nom du Conseil d’administration et du personnel de la Banque, je tiens à remercier Stephen Poloz et Carolyn Wilkins de leur service exceptionnel envers la population canadienne. Je suis fier de continuer leur travail alors que j’entame ma première année complète comme gouverneur de notre grande institution. Les Canadiens comptent sur nous pour favoriser leur bien-être économique et financier. Et peu importe ce que 2021 nous réserve, je sais que nous mènerons notre mandat à bien avec un inébranlable dévouement.
Tiff Macklem
Gouverneur