Pour mieux comprendre comment le conflit commercial déclenché par l’administration américaine influe sur les décisions économiques qui sont prises au pays, la Banque du Canada a élargi ses consultations auprès des entreprises et des ménages1.
Les entreprises et les ménages considèrent que le climat économique est imprévisible. L’étendue et l’ampleur des droits de douane prévus par les États-Unis, tout comme le moment de leur entrée en vigueur, continuent de changer. Cette incertitude fait en sorte que les entreprises ont de la difficulté à prendre leurs décisions d’investissement et d’embauche ainsi qu’à établir leurs prix.
Les résultats des enquêtes et des consultations reflètent la situation à la fin de janvier et en février, plus précisément l’effet des menaces tarifaires, soit l’imposition de droits de douane généralisés de 25 % par les États-Unis et la riposte du Canada. La situation évolue constamment. La Banque continuera de consulter les entreprises et les ménages canadiens régulièrement.
Dépenses des ménages
Les tensions commerciales ont nourri les inquiétudes des ménages en ce qui concerne leur sécurité d’emploi et leur santé financière, au point où ils ont maintenant l’intention de réduire leurs dépenses (graphique 1). La sécurité d’emploi préoccupe particulièrement les personnes œuvrant dans des secteurs qui dépendent fortement du commerce (graphique 2).
Perspectives de vente, investissements et intentions d’embauche des entreprises
Les entreprises ont revu leurs perspectives de vente à la baisse. Les indicateurs des ventes futures (carnets de commandes, demandes de renseignements) affichent une diminution, particulièrement prononcée dans le secteur manufacturier. En outre, dans les secteurs qui dépendent des dépenses de consommation non essentielles des ménages, on continue de signaler une faible demande. En revanche, certaines entreprises remarquent une forte solidarité quant à l’achat de biens et services canadiens, ce qui atténue probablement en partie l’effet négatif des tensions commerciales.
L’incertitude accrue entourant les échanges commerciaux a également conduit beaucoup d’entreprises à réduire leurs projets d’embauche et d’investissement (graphique 3). Les nouveaux investissements sont d’autant plus bridés que :
- les prêts sont devenus plus difficiles à obtenir pour certaines entreprises
- le coût des biens d’équipement importés, comme les machines et le matériel, a augmenté
Cela dit, la plupart des entreprises affirment qu’elles poursuivent leurs projets d’investissement existants, en particulier ceux qui visent à maintenir leur capacité de production et à améliorer leur productivité. Dans le secteur pétrolier et gazier, de nombreuses entreprises ne s’attendent qu’à des répercussions limitées sur leurs décisions d’investissement et de production à court terme. Mais l’imposition de droits de douane rendrait les projets moins attrayants à moyen terme pour les investisseurs.
Intentions en matière d’établissement des prix et attentes d’inflation
Dans les consultations menées par la Banque, les entreprises ont commencé à indiquer que le conflit commercial fait monter leurs coûts. Ce renchérissement se produit par l’entremise de plusieurs canaux :
- Le dollar canadien s’est déprécié depuis octobre 2024, ce qui rend plus coûteux les biens importés.
- L’augmentation des droits de douane et des restrictions commerciales qui touchent d’autres pays comme la Chine se répercute sur les chaînes d’approvisionnement, ce qui a une incidence sur le coût de divers intrants.
- Les entreprises se préparent à diversifier leurs sources d’approvisionnement afin d’éviter les droits de douane et d’atténuer les perturbations commerciales, mais les nouveaux fournisseurs sont souvent plus chers que leurs fournisseurs actuels.
- Le manque de clarté entourant la politique commerciale rend difficile la négociation des contrats qui fixent les prix, certaines entreprises relevant leurs prix en prévision de futurs droits de douane.
À peu près la moitié des entreprises interrogées prévoient d’augmenter leurs prix si des droits de douane sont imposés sur leurs intrants ou leurs produits. Environ les trois quarts d’entre elles envisagent de répercuter sur les consommateurs plus de la moitié de la hausse de leurs coûts liée aux droits de douane (graphique 4).
De nombreux détaillants estiment être en mesure de répercuter rapidement cette hausse s’ils en expliquent en toute transparence les raisons aux consommateurs. Mais l’ampleur des hausses de prix, de même que leur mise en œuvre dans le temps, pourraient être contraintes par la concurrence, la faiblesse de la demande ainsi que l’étendue et le pourcentage des droits de douane.
La seconde moitié des entreprises interrogées n’envisagent pas d’augmenter leurs prix. Parmi celles-ci, il y en a :
- qui ne s’attendent pas à une augmentation de leurs coûts liée aux droits de douane
- d’autres, en plus petit nombre, qui s’attendent à des augmentations de leurs coûts liées aux droits de douane, mais qui ne comptent pas les répercuter sur leurs clients
Les tensions commerciales font augmenter les attentes d’inflation
Les ménages et les entreprises prévoient que les tensions commerciales vont faire monter les prix (graphique 5), comme le reflète la récente augmentation de leurs attentes d’inflation à court terme (graphique 6).
Graphique 6 : Les attentes d’inflation à court terme ont augmenté
Données trimestrielles et mensuelles
Nota : Les prévisions de Consensus Economics pour la prochaine année (selon des données mensuelles) et pour les deux prochaines années (selon des publications de données mensuelles et trimestrielles) sont converties en prévisions fondées sur un horizon fixe à l’aide d’une moyenne pondérée des prévisions sur un horizon fixe. Les attentes sur un horizon de 1 an se rapportent aux attentes d’inflation au cours des 12 prochains mois; l’horizon de 2 ans se rapporte à la période de 12 à 24 mois à venir; tandis que l’horizon de 5 ans se rapporte à la période de 48 à 60 mois à venir. Cette question n’a pas été posée dans Le Pouls des leaders d’entreprise de janvier et de mars 2022. Pour connaître les questions précises, voir l’annexe.
Sources : Consensus Economics, Banque du Canada et calculs de la Banque du Canada
Dernières observations : février 2025 (Consensus Economics et Le Pouls des leaders d’entreprise), 2025T1 (enquête sur les attentes des consommateurs au Canada et enquête sur les perspectives des entreprises)
Notes
- 1. La présente mise à jour fait état des résultats préliminaires de l’enquête sur les attentes des consommateurs au Canada (menée du 29 janvier au 19 février 2025), de l’enquête sur les perspectives des entreprises (menée du 6 au 26 février 2025) et de l’enquête Le Pouls des leaders d’entreprise (menée du 10 au 28 février 2025). Elle tient aussi compte de consultations menées en février auprès d’organisations sectorielles et d’entreprises sensibles aux échanges commerciaux. D’autres résultats de ces enquêtes et consultations seront publiés le 7 avril 2025.[←]