Le présent rapport résume ce qui nous a été dit et indique comment nous comptons l’utiliser pour la suite des choses.
Ce que nous avons fait
Depuis 2020, nous avons discuté avec le grand public et de nombreuses parties prenantes du concept d’un dollar canadien numérique. Nous avons recueilli divers points de vue par les moyens suivants :
- Des entretiens avec des membres du secteur financier
- Des groupes de discussion
- Des discussions avec des organisations de la société civile
- Un questionnaire en ligne auquel pouvait répondre toute la population
Ce qu’on nous a dit
Nous avons entendu des points de vue variés sur le dollar canadien numérique de la part de différentes communautés.
- Les parties prenantes du secteur financier souhaitaient généralement en savoir plus sur le fonctionnement du dollar canadien numérique afin de mieux comprendre ses conséquences potentielles sur leurs modèles d’affaires et la stabilité financière globale.
- Les participants aux groupes de discussion acceptaient largement la nécessité éventuelle d’un dollar numérique, mais souhaitaient obtenir davantage d’informations sur son fonctionnement exact.
- Les organisations de la société civile sont majoritairement favorables à un dollar canadien numérique si sa conception permet d’éliminer les obstacles actuels à l’accessibilité et à l’inclusion financière.
- Les répondants au questionnaire de la consultation publique se sont largement opposés à la création d’un dollar canadien numérique et même à la réalisation de recherches à ce sujet par la Banque. Les répercussions qu’aurait un dollar numérique sur leurs droits les inquiétaient.
La population canadienne et les parties prenantes se sont exprimées sur ces grands thèmes :
- Accessibilité et inclusion financière
- Respect de la vie privée
- Maintien de l’accès aux billets de banque
- Sécurité et technologie
- Écosystème du dollar numérique
- Stabilité financière
Accessibilité et inclusion financière
Les personnes mal servies par le système financier, les organisations de la société civile et les institutions financières qui s’adressent principalement aux communautés rurales, isolées ou autochtones ont toutes fait part de leurs idées sur la manière dont le dollar numérique pourrait permettre une meilleure inclusion des personnes ayant un accès limité à des services bancaires. Ces parties prenantes ont toutes mis en lumière des lacunes dans les offres de paiement numérique existantes. Dans l’ensemble, les organisations de la société civile ont cité l’accès universel comme priorité pour un éventuel dollar numérique.
Les répondants au questionnaire de la consultation publique doutent qu’un dollar numérique puisse être inclusif et, pour la majorité d’entre eux, pensent qu’il n’est pas nécessaire de faire de l’inclusion une priorité.
Les personnes en faveur de l’inclusion financière ont exprimé leur inquiétude quant à l’obstacle que représentent les exigences d’identification pour les services bancaires, parce que beaucoup de gens ne disposent pas d’un accès fiable à une pièce d’identité délivrée par l’État. Ces défenseurs de l’inclusion financière estiment que pour que le dollar canadien numérique soit inclusif et accessible à tout le monde, il faudrait pouvoir y accéder sans avoir besoin de s’identifier. Des précisions sont apportées à ce sujet dans l’annexe intitulée Discussions avec les organisations de la société civile.
Respect de la vie privée
Les participants aux groupes de discussion, des organisations de la société civile et les participants à la consultation publique sur le dollar numérique ont souligné que le dollar canadien numérique devrait remplir les fonctions des billets de banque sans qu’il soit nécessaire de donner des renseignements personnels. La communication des données personnelles nécessaires pour activer des fonctionnalités que n’offrent pas les billets de banque, comme les paiements automatiques et le recouvrement de fonds perdus, devrait être volontaire.
Les répondants au questionnaire de la consultation publique apprécient quasi unanimement le respect de la vie privée et l’anonymat associés aux billets de banque et estiment que la Banque ne devrait pas recueillir de renseignements personnels et de données relatives aux dépenses, ni y avoir accès. Bon nombre d’entre eux ne font pas confiance à la Banque et aux autres institutions pour protéger ou respecter leur vie privée et s’inquiètent du fait que les lois sur la protection de la vie privée, comme la Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, n’offrent pas une protection suffisante.
Les répondants préfèrent les billets de banque parce qu’ils ne sont pas facilement retraçables. Les participants ont également déclaré qu’ils pensaient que les billets de banque continueraient de garantir sur le long terme le respect de la vie privée et l’anonymat pendant les transactions, et ce, quel que soit le gouvernement du moment. Ils étaient généralement préoccupés par le fait que les crimes financiers puissent être utilisés comme motif pour justifier une limitation du respect de la vie privée ou de l’anonymat et par les effets que cette restriction pourrait avoir sur d’autres droits et libertés, comme la liberté pour les individus de prendre des décisions économiques en toute autonomie.
Maintien de l’accès aux billets de banque
La plupart des membres du grand public ont accordé beaucoup d’importance au fait d’avoir accès à des billets de banque qui constituent une monnaie garantie par la banque centrale. Cet attachement s’explique par la large acceptation des billets, leur disponibilité universelle et la confidentialité des transactions.
Pour que l’accès aux billets de banque soit élargi dans l’avenir, la plupart des participants ont indiqué être favorables à l’idée d’obliger les commerces à accepter les billets de banque comme mode de paiement. Les organisations de la société civile ont fait remarquer qu’un meilleur accès des consommateurs à l’argent comptant et une plus grande acceptation de l’argent comptant par les commerçants contribueraient à empêcher les personnes marginalisées d’être encore plus exclues de l’économie.
Sécurité et technologie
La population canadienne et les parties prenantes ont clairement indiqué que le dollar numérique devait être sûr. Toutefois, la confiance dans la capacité de la Banque à assurer la cybersécurité nécessaire varie considérablement.
Les organisations de la société civile, les participants aux groupes de discussion et certaines parties prenantes du secteur financier souhaitent que l’utilisation d’un dollar numérique ne nécessite pas de connexion Internet. À leur avis, il existe de nombreuses circonstances dans lesquelles un mode de paiement numérique fonctionnant hors ligne, par exemple en cas d’interruption du service Internet ou de coupure d’électricité, serait beaucoup plus avantageux que d’autres modes de paiement, tant du point de vue de la résilience pratique que pour des raisons d’accessibilité et d’inclusion.
Les répondants au questionnaire de la consultation publique se sont montrés largement sceptiques quant à la capacité de la Banque à assurer la cybersécurité, citant divers échecs des gouvernements en général dans ce domaine. En revanche, les parties prenantes du secteur financier étaient confiantes dans la capacité de la Banque à le faire et ont voulu recevoir davantage de détails pratiques d’ordre technologique sur la manière dont la Banque mettrait en œuvre un dollar numérique.
Écosystème du dollar numérique
Les parties prenantes du secteur financier ont indiqué avoir besoin de plus d’éléments d’information avant de pouvoir se prononcer sur l’écosystème du dollar numérique en toute connaissance de cause. Les institutions financières ont exprimé une forte préférence pour un modèle où elles joueraient dans la distribution d’un éventuel dollar numérique un rôle semblable à celui qu’elles ont dans la distribution des billets de banque.
Les personnes consultées ont estimé que, comme pour les billets de banque, l’utilisation du dollar numérique devrait être gratuite. Les commerçants et les parties prenantes du secteur financier ont décrit les coûts précis qu’ils assument pour les billets de banque, par exemple pour leur stockage et leur transport, mais ont indiqué que ces coûts sont largement cachés aux consommateurs. Ils ont souhaité en savoir plus sur les frais potentiels associés à un dollar numérique.
Stabilité financière
Les institutions financières craignaient que le dollar numérique ne remplace les dépôts bancaires, réduisant ainsi une source de financement de leurs activités. Elles ont souligné qu’en situation de crise, les paniques bancaires seraient accélérées si la limite physique créée par les billets était réduite. Pour être en position d’évaluer la validité de cette inquiétude, ces parties prenantes tenaient à recevoir plus d’informations sur la conception envisagée du dollar numérique. Des précisions sont apportées à ce sujet dans l’annexe intitulée Discussions avec les membres du secteur financier.
Les prochaines étapes
Dans une ère de numérisation rapide, la Banque fait le nécessaire pour se préparer si jamais les préférences ou les besoins de la population dans le domaine des paiements devaient changer. Au bout du compte, c’est la population canadienne et ses représentants au Parlement qui décideront s’il faudra émettre un dollar numérique et à quel moment.
Pour se préparer à l’adoption éventuelle du dollar numérique et préparer le système de paiement canadien à l’évolution future de l’économie numérique, la Banque poursuivra ses échanges avec un large éventail de parties prenantes au sujet des enjeux et caractéristiques qui importent le plus à la population. Le public aura d’ailleurs d’autres occasions de donner son avis.
Respect de la vie privée
La population canadienne a droit au respect de sa vie privée, et ce droit ne saurait être remis en question par l’avènement d’un dollar numérique. La Banque examinera les différentes possibilités pour la création d’un dollar numérique dont l’utilisation :
- n’obligerait pas la population canadienne à avoir une pièce d’identité ou un compte bancaire, ou encore à divulguer des informations confidentielles, comme avec les billets de banque et certaines cartes prépayées, pour faire des transactions financières de base
- pourrait permettre aux utilisateurs de fournir volontairement certains éléments d’identification – comme à l’ouverture d’un compte bancaire – afin de pouvoir récupérer des fonds volés ou perdus
La conception d’un éventuel dollar numérique nécessitera d’abord d’évaluer l’équilibre souhaité entre le respect de la vie privée et la prévention des crimes financiers. C’est au Parlement qu’il appartiendra de trouver cet équilibre. La Banque évaluera ce qui est réalisable sur le plan technologique en recueillant les points de vue de différentes parties, notamment les ministères et organismes gouvernementaux, les organisations de défense des libertés civiles, le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada et les institutions financières, ainsi que des experts de l’inclusion et de la protection de la vie privée.
Accessibilité et inclusion
Afin de mieux comprendre les obstacles que la population rencontre pour accéder aux services financiers, la Banque travaillera avec des personnes mal servies par le système financier, ainsi qu’avec des organisations de la société civile et des experts en accessibilité. Elle examinera également comment le dollar numérique pourrait permettre de lever ces obstacles, qu’ils soient physiques, cognitifs, économiques ou situationnels.
Lors des discussions avec les organisations autochtones nationales, il a été décidé que, pour tenir compte des capacités et des priorités de ces organisations, les discussions devraient être reportées jusqu’à ce que des travaux plus poussés aient été réalisés sur le dollar numérique. La Banque travaillera avec les organisations autochtones pour trouver la meilleure façon de procéder et établir les enjeux qui leur importent le plus.
Sécurité et technologie
Les participants ont exprimé leur confiance dans la sûreté des billets. Cela étant acquis, la Banque poursuivra ses recherches sur la sécurité et les technologies qui pourraient soutenir la mise en œuvre d’un dollar numérique, notamment sur la manière de fournir une version potentiellement utilisable hors ligne. Ces recherches s’appuieront sur la consultation des parties prenantes disposant d’une expertise pertinente.
Écosystème du dollar numérique
La Banque concentrera ses efforts sur un modèle dans lequel elle émettrait un dollar numérique et fournirait le réseau de paiement. Les institutions financières et d’autres entités réglementées (p. ex., fournisseurs de services de paiement) s’occuperaient de toutes les activités liées aux consommateurs et aux commerçants. Ce modèle serait très semblable à celui utilisé pour les billets de banque : la Banque émet les billets et confie au secteur financier la relation directe avec les consommateurs et les commerçants. La Banque discutera de ce modèle avec le secteur financier et d’autres parties prenantes.
Stabilité financière
Afin de minimiser le risque de voir le dollar numérique remplacer les dépôts des banques commerciales, le dollar numérique ne produirait pas d’intérêts. La Banque continuera à étudier la relation entre la stabilité financière et le dollar numérique, conformément à son principal mandat, qui consiste à favoriser la stabilité et l’efficience du système financier. La Banque travaillera avec des ministères et organismes gouvernementaux pour mieux comprendre les conséquences potentielles au regard de la stabilité financière.