Le résumé qui suit rend compte des délibérations du Conseil de direction de la Banque du Canada ayant mené à la décision de politique monétaire annoncée le 23 octobre 2024.
Il reflète les discussions et les délibérations qu’ont tenues les membres du Conseil de direction à la troisième étape du processus entourant les décisions de politique monétaire, soit après avoir reçu toutes les informations et recommandations pertinentes du personnel.
Les réunions concernées, présidées par le gouverneur Tiff Macklem, ont débuté le 15 octobre 2024. La première sous-gouverneure Carolyn Rogers, le sous-gouverneur Toni Gravelle, la sous‑gouverneure Sharon Kozicki, le sous-gouverneur Nicolas Vincent et le sous-gouverneur Rhys Mendes y ont participé.
Économie internationale
Les membres du Conseil de direction (le Conseil) ont entamé leurs délibérations en discutant de l’évolution de l’économie mondiale depuis la parution du Rapport sur la politique monétaire de juillet. Leurs échanges ont porté principalement sur les perspectives de croissance et d’inflation aux États-Unis et en Chine.
Aux États‑Unis, la croissance avait continué de surpasser les attentes, surtout en raison de la vigueur de la consommation, tandis que l’inflation avait ralenti graduellement. Les révisions à la hausse des données américaines sur le revenu et l’épargne laissaient penser que les consommateurs avaient plus d’argent à dépenser que la Banque l’avait d’abord estimé. Les membres ont discuté des facteurs qui avaient peut-être contribué à freiner l’inflation malgré le dynamisme continu de l’activité économique et de l’emploi. Ils ont parlé de la possibilité que les mesures de l’inflation fondamentale aux États‑Unis prennent plus de temps qu’anticipé précédemment pour revenir à la normale. Si c’était le cas, et que le marché du travail demeurait vigoureux en parallèle, le rythme des futures baisses de taux d’intérêt chez nos voisins du sud pourrait ralentir.
En Chine, les mesures de relance des autorités nationales semblaient avoir empêché un affaiblissement encore plus prononcé de l’économie, mais l’efficacité de ces mesures pour renforcer la croissance future était incertaine. Les membres se sont aussi demandé quel serait l’impact d’une faiblesse persistante de l’économie chinoise sur les cours mondiaux des produits de base, et par conséquent sur l’économie canadienne.
Les membres ont également souligné le manque de vigueur de certaines grandes économies de la zone euro, où la faiblesse des exportations et de la fabrication faisait contrepoids au dynamisme du secteur des services, et surtout du tourisme. L’inflation dans la zone euro était passée sous la barre des 2 %, mais on s’attendait à ce qu’elle remonte.
Les conditions financières mondiales s’étaient assouplies depuis la parution du Rapport de juillet. Les rendements des obligations de référence à plus court terme avaient baissé en raison de l’assouplissement attendu de la politique monétaire. Le rétrécissement des écarts de crédit, signe d’une amélioration des perspectives économiques, combiné à la chute des rendements des obligations d’État, avait eu pour effet de réduire les coûts d’emprunt des entreprises. Les cours des actions avaient augmenté dans la plupart des grands pays, ce qui avait fait baisser le coût en capital et soutenu la demande.
Les prix du pétrole avaient été volatils, le prix du baril s’établissant environ 10 $ sous les niveaux postulés dans la projection de juillet.
Économie canadienne et perspectives d’inflation au pays
Les membres ont ensuite porté leur attention sur l’activité économique et l’inflation au Canada. Tandis que la croissance du PIB avait tourné autour de 2 % en moyenne durant la première moitié de l’année, les données récentes laissaient penser qu’elle ralentirait légèrement dans la deuxième.
Les membres ont discuté des conditions du marché du travail et ont conclu qu’elles restaient détendues. Le taux de chômage, qui se situait à 5,7 % en début d’année, avait augmenté pour s’établir à 6,5 % en septembre. Le taux d’activité avait quant à lui diminué durant la même période. Cette détente, plus attribuable à une réduction de l’embauche qu’à des mises à pied, avait entraîné une baisse du taux d’obtention d’un emploi, surtout chez les jeunes et les nouveaux arrivants au Canada. Le Conseil a aussi abordé la croissance des salaires, constatant qu’une fois corrigée de l’inflation, elle était demeurée forte comparativement à la productivité.
Les membres ont ensuite parlé des perspectives de croissance démographique. Les restrictions supplémentaires visant l’afflux de résidents non permanents annoncées par le gouvernement fédéral au cours des derniers mois semblaient correspondre assez fidèlement aux hypothèses du Rapport de juillet. Ces hypothèses prenaient notamment en compte un ralentissement marqué de la croissance démographique l’an prochain. Les membres ont indiqué que l’impact de ce ralentissement sur les perspectives de croissance économique dépendrait du moment où il se produirait. Ils ont souligné que l’expansion démographique pourrait être plus ou moins forte que prévu et que d’autres annonces sur l’immigration étaient possibles, ce qui ajoutait à l’incertitude. Ils ont jugé que la trajectoire de la croissance de la population influencerait les prévisions de croissance du PIB, mais qu’elle n’aurait pas autant d’effet sur l’inflation puisque les variations démographiques touchent autant l’offre que la demande.
Les discussions ont ensuite porté sur les perspectives de consommation. Les membres ont noté que les dépenses de consommation par habitant avaient diminué au deuxième trimestre, et ils ont discuté des facteurs ayant possiblement contribué à cette situation :
- Bon nombre des détenteurs d’un prêt hypothécaire à taux fixe avaient récemment renouvelé leur prêt à un taux d’intérêt plus élevé, ce qui avait réduit leur revenu disponible pour d’autres dépenses.
- Les taux d’intérêt élevés avaient poussé les ménages à accroître leur épargne.
Ces facteurs allaient vraisemblablement diminuer en importance dans le futur. Il était vrai que certains détenteurs d’un prêt hypothécaire à taux fixe sur cinq ans allaient devoir composer avec des taux d’intérêt plus élevés au renouvellement. En revanche, beaucoup de gens avaient déjà ajusté leur consommation en conséquence. De plus, les taux plus bas encourageraient sans doute les dépenses pour des biens et des services sensibles aux taux d’intérêt.
Les membres se sont aussi demandé dans quelle mesure le ralentissement de la croissance démographique allait mettre un frein à la croissance de la consommation totale. Ils ont indiqué qu’il faudrait du temps pour que les taux d’intérêt plus bas aient une incidence assez grande sur les dépenses par habitant pour compenser l’effet modérateur de la faible expansion démographique sur la croissance de la consommation totale. Par conséquent, ils estimaient que la croissance de la consommation risquait de ralentir à court terme, mais que les baisses de taux d’intérêt la feraient éventuellement reprendre de plus belle. Ils ont aussi reconnu qu’étant donné l’incertitude entourant la croissance de la population et la rapidité avec laquelle les taux d’intérêt plus bas entraîneraient une poussée des dépenses, il était très difficile de prévoir le moment où la consommation totale allait reprendre de la vigueur.
Les membres ont également discuté des perspectives d’investissement des entreprises. La croissance des investissements avait ralenti, les données de l’enquête sur les perspectives des entreprises et du Pouls des leaders d’entreprise laissant entrevoir des conditions commerciales difficiles où la demande augmenterait lentement. Certains membres ont indiqué avoir entendu le même son de cloche de la part de leaders d’entreprise récemment, lors de visites de rayonnement. Étant donné ces perspectives modérées du côté de la demande, les entreprises tournées vers le marché intérieur faisaient état de plans d’investissement modestes, certaines attendant une diminution des coûts de financement pour agir. Les entreprises étaient plus optimistes quant à leurs perspectives d’exportations.
Les exportations avaient contribué à la croissance malgré leur faiblesse récente du côté des pièces automobiles. Les exportations d’énergie avaient été fortement stimulées par l’agrandissement du réseau d’oléoducs Trans Mountain. Comme l’exploitation de ce réseau atteindrait pratiquement sa pleine capacité au cours des trimestres à venir et qu’une hausse des exportations de gaz naturel liquéfié était anticipée, les membres s’attendaient à ce que les exportations d’énergie continuent de s’accroître en 2025. Selon eux, la forte demande américaine continuerait également de soutenir les exportations.
Les membres ont aussi discuté de l’évolution et des perspectives du secteur du logement. Ils s’attendaient à ce que les taux d’intérêt plus bas stimulent l’investissement résidentiel sur l’horizon de projection, mais ce n’était pas encore le cas. Selon certains membres, les reventes encore modérées s’expliquaient probablement en partie par le fait que les acheteurs potentiels attendaient que les taux hypothécaires baissent avant d’acheter. Les membres ont discuté du risque que des taux d’intérêt plus bas, une demande refoulée et de nouvelles règles d’admissibilité au financement hypothécaire puissent accroître la demande de logements et faire grimper les prix de ceux-ci plus que prévu.
Le Conseil a souligné que dans l’ensemble, la croissance avait été légèrement inférieure à son potentiel ces derniers mois et que d’importantes capacités excédentaires subsistaient dans l’économie.
En ce qui concerne l’inflation, les membres ont noté que l’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC) global était tombée à 1,6 % en septembre. La baisse avait donc été plus rapide que le prévoyait la Banque dans le Rapport de juillet. Cela était en grande partie attribuable au recul des cours mondiaux du pétrole depuis juillet, mais également au léger ralentissement de l’augmentation des frais de logement et à des réductions des prix de certains biens. La croissance des salaires était demeurée élevée, mais les hausses de prix de certaines des composantes de l’IPC fortement influencées par les salaires s’étaient modérées. Les membres ont en outre souligné que les pressions sur les loyers s’atténuaient dans certaines régions, possiblement sous l’effet d’une offre importante de nouveaux logements en copropriété dans certains marchés et d’une baisse du nombre d’étudiants étrangers venant au Canada.
Dans l’ensemble, divers changements donnaient à penser qu’après le sommet atteint postpandémie, l’inflation était revenue autour de la cible. Entre autres :
- les mesures de l’inflation fondamentale avaient fléchi pour se situer en deçà de 2½ %
- les pressions sur les prix n’étaient plus généralisées, la part des composantes de l’IPC dont la croissance des prix avait dépassé 3 % se situant légèrement sous la moyenne historique
- les attentes d’inflation des ménages et des entreprises avaient diminué et se rapprochaient de la normale
Les membres du Conseil ont noté que la distribution des taux d’inflation parmi les biens et les services était plus large que d’habitude en septembre, une déflation de -1,0 % ayant été observée dans le secteur des biens et une inflation de 4,0 % dans celui des services. Selon la prévision de la Banque, la distribution allait se normaliser quand ces pressions inflationnistes à la baisse et à la hausse s’atténueraient quasi simultanément, laissant l’inflation à peu près à la cible de 2 %. Les membres ont toutefois reconnu qu’en pratique, ces pressions opposées ne s’atténueraient peut-être pas en même temps, de sorte que l’inflation pourrait fluctuer à la hausse et à la baisse. Mais ils s’attendaient en général à ce que l’inflation demeure près du milieu de la fourchette de 1 à 3 %.
Considérations pour la politique monétaire
Les membres se sont ensuite penchés sur les implications de ces changements pour la conduite de la politique monétaire. Maintenant que l’inflation était de nouveau autour de la cible de 2 % et que selon leurs prévisions, elle se maintiendrait proche de ce niveau, les membres ont convenu qu’ils devaient se préoccuper tout autant d’une inflation supérieure aux attentes que d’une inflation inférieure à celles-ci. Ils avaient davantage la conviction que les sources de pressions à la hausse, en particulier les frais de logement, s’atténueraient. Néanmoins, les membres ont reconnu qu’il était possible que le marché du logement se redresse plus rapidement que prévu. De plus, la croissance des salaires pourrait être plus persistante qu’anticipé, ce qui exercerait des pressions à la hausse sur l’inflation.
En même temps, les membres ont noté que l’offre excédentaire continuait d’exercer des pressions à la baisse sur l’inflation, que la croissance semblait un peu plus lente dans la deuxième moitié de l’année et que le moment de sa reprise prévue était incertain. Si la croissance restait inférieure à la croissance potentielle, l’offre excédentaire pourrait continuer à tirer l’inflation vers le bas.
Les membres ont discuté des risques pour les perspectives, notamment la grande incertitude géopolitique qui persistait et les répercussions que pourraient avoir de nouveaux chocs. Ils ont souligné que les risques étaient plus importants que la normale.
Décision de politique monétaire
Puisque plusieurs indicateurs laissaient croire que l’inflation était revenue à un niveau bas, le Conseil a convenu que la politique monétaire devait continuer à devenir moins restrictive. Les membres se sont entendus pour dire que l’accent devrait maintenant être mis sur le maintien de l’inflation autour de la cible de 2 %. Ils ont donc décidé d’abaisser le taux directeur de 50 points de base, pour le faire passer à 3¾ %.
Les membres ont évalué la possibilité de réduire le taux directeur de 25 points de base, mais ils étaient largement d’accord pour procéder à une plus grosse réduction. Un certain nombre de facteurs ont été mentionnés pour appuyer cette décision. Les membres étaient de plus en plus convaincus que les pressions à la hausse sur l’inflation continueraient de s’estomper, de sorte qu’il n’était pas nécessaire que la politique soit aussi restrictive. De plus, ils estimaient qu’une baisse plus importante était appropriée compte tenu de la faiblesse persistante du marché du travail et du fait qu’une croissance économique plus forte était nécessaire pour absorber l’offre excédentaire.
Les membres se sont aussi questionnés sur la trajectoire future du taux directeur. Ils ont indiqué que si l’économie continuait d’évoluer à peu près comme prévu, ils s’attendaient à réduire encore le taux directeur. Il faudrait que la croissance s’accélère pour absorber l’offre excédentaire dans l’économie, empêcher le marché du travail de ralentir davantage et réduire les pressions à la baisse sur l’inflation à mesure que les pressions à la hausse s’atténueront. Les membres ont échangé leurs points de vue sur l’ampleur des réductions supplémentaires du taux directeur qui seraient nécessaires. Ces discussions ont mis en relief un certain nombre de facteurs, comme les projections pour l’économie et le moment où l’offre excédentaire se résorberait; le rythme relatif auquel les pressions à la hausse et à la baisse sur l’inflation diminueraient; et l’incertitude entourant le taux directeur neutre.
Une réduction de 50 points de base étant inhabituelle, certains membres ont dit craindre qu’une telle décision soit interprétée comme un signe de difficultés économiques, et laisse supposer que d’autres mesures de cette ampleur seront prises ou que le taux directeur devra devenir très expansionniste à l’avenir. Les membres tenaient à souligner que cette réduction plus importante était appropriée puisqu’elle était appuyée par les données économiques obtenues depuis juillet. En même temps, ils continuaient de s’attendre à ce que l’économie progresse et à ce que l’inflation se maintienne près de la cible. Ils ont convenu qu’étant donné l’incertitude entourant la façon dont les moteurs de la croissance et de l’inflation évolueraient, ils continueraient à prendre leurs décisions une à la fois, en fonction des nouvelles données.
Enfin, les membres se sont mis d’accord pour poursuivre la politique consistant à normaliser le bilan en ne remplaçant pas les obligations arrivant à échéance.