Introduction
Bonjour à toutes et à tous. Quel plaisir d’être ici! Aujourd’hui, c’est bien sûr la Saint-Jean-Baptiste. Alors bonne Saint-Jean à tous ceux et celles qui célèbrent cette fête, en particulier les francophones du Manitoba.
Quand je suis devenu gouverneur le 3 juin 2020, l’économie était en crise. On était au début de la pandémie et le taux de chômage au Canada atteignait un sommet historique de 14 %. L’inflation était bien en dessous de la cible de 2 % – en fait, elle était légèrement négative. La priorité immédiate était d’éviter la déflation et de remettre l’économie sur pied.
Depuis 2022, nous livrons cependant une nouvelle bataille : l’inflation élevée. Lors de la réouverture de l’économie, les perturbations des chaînes d’approvisionnement mondiales, combinées à une forte hausse de la demande et à l’invasion non provoquée de l’Ukraine par la Russie, ont entraîné une flambée de l’inflation. Elle a atteint son sommet – juste au-dessus de 8 % – en juin 2022. Notre priorité depuis est de la faire rebaisser.
Nous avons fait beaucoup de progrès. La politique monétaire a eu, et a encore, les effets attendus. Depuis janvier, l’inflation est sous la barre des 3 % et nos mesures de l’inflation sous-jacente ont sans cesse baissé. Cela a renforcé notre confiance que l’inflation va continuer de se rapprocher de la cible de 2 % cette année. Au début de juin, nous avons d’ailleurs abaissé notre taux directeur pour la première fois en quatre ans.
Une inflation basse, stable et prévisible permet à la population de dépenser et d’investir en toute confiance, atténue l’incertitude et encourage les investissements à long terme. Elle appuie aussi la création soutenue d’emplois et l’accroissement de la productivité. Tout cela aide à améliorer le niveau de vie au Canada. C’est pourquoi la stabilité des prix est notre priorité absolue.
Un des principaux ingrédients de la stabilité des prix est un marché du travail sain, c’est-à-dire un marché qui permet aux gens d’obtenir l’emploi qu’ils souhaitent, aux employeurs d’avoir la main-d’œuvre dont ils ont besoin et aux salaires réels de croître en phase avec la productivité. Les économistes appellent cela le niveau d’emploi durable maximal. C’est le niveau d’emploi le plus élevé qui peut être atteint dans l’économie sans que cela provoque de pressions inflationnistes.
Aujourd’hui, je vais parler de la santé du marché du travail canadien. Lors du renouvellement du cadre de politique monétaire, en 2021, le gouvernement fédéral et la Banque du Canada ont convenu que la stabilité des prix est l’objectif premier de la Banque. Nous avons aussi convenu que la politique monétaire devrait continuer de soutenir l’atteinte du niveau d’emploi durable maximal. Depuis, nous avons mené des travaux approfondis pour renforcer notre analyse du marché du travail. Nous avons publié un nouveau tableau de bord des indicateurs de ce marché et mis à jour nos valeurs de référence pour ces indicateurs chaque année1.
Alors, où en sommes-nous? Et qu’est-ce qui nous attend?
Les taux d’intérêt plus élevés ont modéré les dépenses et les intentions d’embauche des entreprises. La forte immigration a aussi aidé l’offre de main-d’œuvre à rattraper la demande, ce qui a favorisé un meilleur équilibre sur le marché du travail. Mais il est désormais plus difficile de trouver un emploi, surtout pour les jeunes et les personnes qui arrivent au Canada. C’est aussi un signe que l’économie peut prendre de l’expansion sans causer de nouvelles pressions inflationnistes.
Avec du recul, on voit que la main-d’œuvre en croissance, inclusive et instruite du Canada a été un avantage déterminant pour notre économie. Elle a été le principal moteur de notre croissance au cours des 25 dernières années. Maintenir cet avantage est donc essentiel pour connaître une expansion qui sera forte, mais sans être une source d’inflation, à l’avenir.
Voilà le gros de mon message aujourd’hui. Si c’est tout ce que vous aviez besoin d’entendre, vous pouvez regarder votre téléphone. Mais si vous voulez bien m’accorder 15 minutes de plus, je vais vous parler de la santé du marché du travail canadien à court et à long terme.
Le cycle du marché du travail
Quand la pandémie a frappé, la fermeture de l’économie a entraîné trois millions de pertes d’emploi au Canada et deux millions de personnes ont vu leurs heures de travail réduites. Heureusement, grâce aux vaccins et aux mesures budgétaires et monétaires exceptionnelles mises en place, le marché du travail a connu un redressement rapide – le plus rapide jamais enregistré.
Cependant, quand l’économie a complètement rouvert, le marché du travail est vite passé de la reprise à la surchauffe. La demande a rapidement rebondi parce que les gens essayaient de reprendre les activités qui leur avaient manqué durant les confinements. Les entreprises avaient du mal à trouver du personnel et le taux de chômage est ainsi descendu à 4,8 % en juillet 2022 – un creux qu’on n’avait pas touché depuis les années 1970. Le nombre de postes vacants a monté en flèche pour s’établir à un million. Avec l’intensification de la pénurie de main-d’œuvre, la croissance des salaires a commencé à s’accélérer et l’inflation a dépassé 8 % à son plus fort. L’économie était manifestement en surchauffe.
À compter de mars 2022, la Banque a procédé à des hausses énergiques de son taux directeur pour freiner la demande et atténuer les pressions sur les prix. À mesure que les taux d’intérêt plus élevés se répercutaient sur l’économie et pesaient sur les dépenses, les employeurs ont commencé à faire état de moins de pénuries de personnel. Le taux de postes vacants est descendu pour revenir proche de sa moyenne historique et l’inflation a baissé (graphique 1)2.
À mesure que le taux de postes vacants baissait, le taux de chômage a peu à peu augmenté. Il était de 6,2 % le mois passé. C’est juste au-dessus du taux enregistré avant la pandémie. Le marché du travail était alors proche du niveau d’emploi durable maximal. Ici, au Manitoba, le taux de chômage était de 4,9 % en mai. Ça reste inférieur à ce qu’il était juste avant le début de la pandémie.
Dans l’ensemble, l’ajustement du marché du travail s’est bien passé
En novembre 2022, alors que nous étions dans une phase de hausse du taux directeur, j’ai parlé dans un discours de la façon dont la Banque s’attendait à ce que le marché du travail s’ajuste aux augmentations de taux et au ralentissement de la croissance. J’ai indiqué que, même si cet ajustement ne se ferait pas sans peine, il ne devrait pas nécessairement s’accompagner d’une flambée du taux de chômage. Compte tenu du grand nombre de postes vacants à l’époque, il était possible qu’une grosse partie de l’ajustement passe par le retrait d’affichages de postes plutôt que par des licenciements.
Ces prévisions étaient basées sur ce que les économistes appellent la « courbe de Beveridge », qui montre une relation habituellement inverse entre le taux de postes vacants et le taux de chômage3. L’évolution de cette courbe est un peu compliquée. Elle donne toutefois une idée de la raison pour laquelle le marché du travail dans son ensemble s’est ajusté sans trop de difficulté au ralentissement de la croissance (graphique 2). Voyons donc ce qui s’est passé.
Graphique 2 : Le taux de postes vacants a considérablement diminué et le taux de chômage a un peu augmenté
Sources : Statistique Canada, Indeed et calculs de la Banque du Canada
Dernière observation : mai 2024
Avant la pandémie, l’économie frôlait le plein emploi. Le nombre de postes vacants en pourcentage de la population active et le taux de chômage étaient tous deux plutôt bas (graphique 2, grappe de losanges bleus sur la courbe noire).
La pandémie a toutefois gravement perturbé le marché du travail. Le taux de chômage est monté en flèche pour s’établir juste au-dessus de 14 % en mai 2020 (graphique 2, point violet). Cette perturbation du marché du travail a entraîné un déplacement vers le haut et la droite de toute la courbe de Beveridge (graphique 2, courbe orange). Au fil de la réouverture graduelle de l’économie, le taux de postes vacants a légèrement augmenté et le taux de chômage est descendu rapidement. C’est illustré par le glissement des triangles orange le long de la courbe orange, de la droite à la gauche (graphique 2).
Une fois l’économie complètement rouverte, la courbe s’est redéplacée vers le bas. La diminution des perturbations a favorisé un meilleur appariement entre les personnes qui cherchaient un emploi et les postes vacants. Et on est redescendu de la courbe orange à la courbe noire. Le taux de chômage est descendu à son niveau le plus bas en 50 ans, soit 4,8 % (graphique 2, point noir), et l’économie évoluait de nouveau conformément à la courbe initiale (graphique 2, courbe noire).
À mesure que nous augmentions les taux d’intérêt et que l’économie se modérait, les entreprises ont commencé à réduire leurs offres d’emploi. En même temps, la plus forte immigration a aidé à pourvoir les postes vacants. L’effet combiné de ces deux forces a entraîné une baisse considérable du taux de postes vacants, comme le montrent les points verts qui descendent le long de la partie abrupte de la courbe de Beveridge (graphique 2). Nous approchons maintenant de la partie de la courbe où nous étions avant la pandémie – soit le point rouge, qui est notre plus récente observation.
Que peut-on conclure de la dynamique observée ces derniers temps? Lorsque le taux de chômage est très bas et que le taux de postes vacants est très élevé – la situation qu’on a vécue quand l’économie était en surchauffe –, la courbe est abrupte. Vous voyez les points verts qui descendent en se déplaçant très peu vers la droite? Cela signifie que le taux de postes vacants peut considérablement diminuer sans que cela fasse beaucoup augmenter le taux de chômage.
C’est ce qu’on appelle un atterrissage en douceur. Nous n’avons jamais eu beaucoup de marge de manœuvre et il nous faut encore arriver à bon port. Le taux de chômage pourrait encore monter, surtout en raison de l’aplatissement de la courbe de Beveridge. Nous continuons toutefois de penser que le retour de l’inflation à la cible de 2 % n’est pas obligé de passer par une forte hausse du chômage. L’inflation n’est pas encore revenue à 2 %, mais elle s’en est beaucoup rapprochée. Et puisque l’inflation sous-jacente a de nouveau ralenti – et de manière soutenue – ces derniers mois, notre confiance que l’inflation va continuer de retourner vers la cible s’est renforcée.
Pour ce qui est de la dynamique des salaires, quand le marché du travail était tendu et l’inflation élevée, la croissance des salaires s’est accélérée pour atteindre un sommet de 4½ à 6 %, selon la mesure utilisée. C’est environ le double de la moyenne prépandémique, qui allait de 2 à 3 %. Maintenant que l’inflation est beaucoup plus basse et que le marché du travail se rééquilibre, nous commençons à voir des signes que la croissance des salaires se modère. Les plus récentes données sur six mois indiquent qu’elle a ralenti pour s’établir à environ 4 %. C’est une baisse manifeste par rapport au sommet atteint, mais un chiffre qui reste supérieur à la moyenne prépandémique (tableau 1).
Le fait que les salaires se modèrent plus lentement que l’inflation n’a rien d’étonnant : il y a généralement un décalage entre les ajustements de l’emploi et ceux des salaires. À l’avenir, nous serons à l’affût de signes que la progression des salaires se modère encore.
Pour évaluer les répercussions de la croissance des salaires sur le coût de la main-d’œuvre et l’inflation, il importe de considérer séparément les gains salariaux qui sont le reflet d’améliorations de la productivité. En effet, ces gains salariaux ne font pas monter le coût unitaire de main-d’œuvre ni les pressions inflationnistes. Ces dernières années, le nombre d’emplois bien payés a plus augmenté que le nombre d’emplois faiblement rémunérés, ce qui signifie que la croissance globale des salaires a été plus élevée. Dans la mesure où cette croissance vient du fait que les gens acquièrent de nouvelles compétences utiles ou trouvent un emploi mieux adapté à leur profil, elle ne devrait pas tirer les coûts unitaires de main-d’œuvre ni l’inflation vers le haut. C’est pourquoi, pour déterminer les implications de la croissance des salaires pour l’inflation, nous accordons un poids plus grand aux mesures qui tentent de tenir compte des changements de carrière (la mesure à pondération fixe de l’Enquête sur la population active) et aux mesures du coût de la main-d’œuvre (comme le coût unitaire de main-d’œuvre). Ces mesures sont un peu inférieures aux autres mesures des salaires, surtout quand on utilise le taux de variation sur six mois, qui brosse un portrait plus actuel.
Sommet depuis 2022 | Taux de croissance le plus récent (sur un an) | Mouvement (sur six mois, taux annualisé) | Taux de croissance moyen (1998-2019, sur un an) | |
---|---|---|---|---|
Mesure à pondération variable (Enquête sur la population active) | 5,7 % | 5,1 % | 4,4 % | 2,8 % |
Mesure à pondération fixe (Enquête sur la population active) | 5,0 % | 4,5 % | 3,3 % | 2,6 % |
Salaire horaire moyen (Enquête sur l’emploi, la rémunération et les heures de travail) | 4,6 % | 3,8 % | 4,1 % | 2,5 % |
Rémunération horaire (Comptes de productivité) | 4,9 % | 4,6 % | 3,5 % | 3,0 % |
Coût unitaire de main-d’œuvre | 6,1 % | 5,4 % | 3,9 % | 1,9 % |
Le ralentissement de l’activité sur le marché du travail a touché certains groupes plus que d’autres
De façon globale, le ralentissement du marché du travail s’est donc déroulé sans trop de heurts. Mais la vue d’ensemble cache certaines différences importantes, notamment le fait que le ralentissement touche la main-d’œuvre de manière inégale. Même si les employeurs ne procèdent pas nécessairement à de nombreuses mises à pied, le fait qu’ils aient réduit l’embauche au cours de la dernière année signifie qu’il est plus difficile de trouver un premier emploi. Cela nuit aux jeunes ainsi qu’aux personnes qui viennent d’obtenir leur diplôme ou d’arriver au Canada.
Permettez-moi de vous donner plus de détails.
Le taux de chômage chez les nouveaux arrivants augmente bien plus rapidement que le taux de chômage global (graphique 3). Il leur faut plus de temps pour trouver un emploi et c’est de plus en plus difficile pour eux de s’intégrer à l’économie canadienne. Cela laisse à penser que le gouvernement dispose d’une certaine marge pour réduire les arrivées de résidents non permanents sans provoquer un resserrement trop prononcé du marché du travail ni de pénuries de main‑d’œuvre graves.
Chez les jeunes, l’emploi ralentit également (graphique 4). En même temps, les données semblent montrer que le taux de chômage chez les personnes bien établies dans leur poste n’augmente pas beaucoup. Mais étant donné le nombre plus limité de postes vacants, il faut plus de temps aux jeunes qui arrivent sur le marché du travail pour trouver un emploi. Le taux de chômage de ce groupe a donc augmenté. Il se situe maintenant à environ deux points de pourcentage au-dessus de la moyenne prépandémique.
Les ajustements du marché du travail ne sont jamais uniformes. Et la politique monétaire ne peut pas cibler des zones précises de ce marché. Cependant, au moment d’établir la politique monétaire, la Banque doit creuser plus loin que les données agrégées pour comprendre ce que le ralentissement du marché du travail signifie pour différentes personnes. Le taux de chômage global se situe près des niveaux prépandémiques et demeure relativement bas. Mais le ralentissement de l’embauche a entraîné des augmentations du chômage chez les jeunes et chez les personnes nouvellement arrivées au Canada. Ce sont ces gens qui ressentent les effets du ralentissement de la croissance plus que les autres, et on doit le reconnaître.
C’est important pour la politique monétaire parce que ça montre qu’il y a certaines capacités excédentaires sur le marché du travail. Ça nous permet de penser que l’économie peut croître et que plus d’emplois peuvent être créés sans entraîner de nouvelles pressions inflationnistes. C’est également important pour les tensions financières des ménages, car les personnes qui ont de la difficulté à se trouver un emploi peinent souvent à continuer de rembourser leurs dettes de cartes de crédit ou autres. Bon nombre des indicateurs de tensions financières ont baissé durant la pandémie, mais ils sont maintenant revenus près de leurs niveaux antérieurs. Et les paiements en retard du solde des cartes de crédit et des prêts automobiles sont maintenant plus nombreux qu’avant la pandémie. Nous observons surtout ces tensions chez les locataires, qui sont souvent des jeunes qui travaillent et de nouveaux arrivants4.
Le marché du travail et la croissance à long terme
Tournons-nous maintenant vers la situation à plus long terme.
Depuis de nombreuses années, notre plus grand avantage économique au pays est notre main-d’œuvre, qui est constituée des personnes ayant un emploi et de celles qui en cherchent un. Elle a connu une forte expansion. La croissance de l’emploi au Canada est bien plus forte que celle au Royaume-Uni, dans la zone euro et même aux États-Unis5. C’était le cas avant la pandémie et durant la période de reprise économique qui l’a suivie (graphique 5).
Trois principaux facteurs font de notre main-d’œuvre un avantage : un taux élevé de participation au marché du travail, une immigration forte et un bon système d’éducation. Laissez-moi vous parler un peu de chacun de ces éléments.
Premièrement, notre taux de participation au marché du travail est plus élevé que celui des pays que je viens de mentionner. Le taux de participation des femmes est le plus élevé du G7, en partie grâce aux services de garde d’enfants abordables et aux modalités de travail flexibles.
Deuxièmement, le Canada attire certains des meilleurs talents qui viennent travailler et étudier au pays, et les intègre relativement vite à son économie.
Et finalement, notre système d’éducation réussit en général plutôt bien à former les travailleurs et travailleuses dont l’économie a besoin et que les entreprises veulent embaucher. Notre niveau d’obtention de diplômes postsecondaires est le plus élevé de toutes les économies avancées, mais les États-Unis nous devancent pour ce qui est de l’obtention de diplômes d’études supérieures.
Notre talon d’Achille, c’est la productivité. Nous réussissons bien à faire croître notre économie en y ajoutant de la main-d’œuvre. Mais nous avons bien plus de mal à faire monter la production par travailleur et c’est en train de nous rattraper. De 2000 à 2019, nous avons réussi à compenser nos résultats peu reluisants en matière de productivité grâce à notre solide main-d’œuvre. Mais depuis la pandémie, la croissance du produit intérieur brut (PIB) du Canada est plus faible que celle des États-Unis (graphique 6).
Comme ma collègue, la première sous-gouverneure Carolyn Rogers, l’a souligné en mars, la faible croissance de la productivité du Canada est un enjeu de longue date et elle atteint des niveaux alarmants. Même si nous réussissons bien à faire croître notre économie en y ajoutant de la main-d’œuvre, nous avons besoin de plus d’un moteur.
À partir de maintenant, nous devons miser sur notre force – la croissance de la main-d’œuvre –, tout en surmontant nos faiblesses – l’investissement et la productivité.
Nous ne devons pas tenir pour acquis l’avantage que représente notre main-d’œuvre – nous devons le maintenir et le développer. Cela veut dire qu’il faut continuer de rendre les services de garde d’enfants plus accessibles. Cela veut aussi dire que nous devons fournir des efforts concertés pour améliorer la participation au marché du travail de groupes qui en ont traditionnellement été écartés. Je pense spécialement aux Autochtones du Canada – un bassin de plus en plus important de jeunes talents qui n’ont pas accès aux possibilités économiques depuis trop longtemps. Il faut aussi que l’immigration réponde mieux aux pénuries de main-d’œuvre de longue date dans des secteurs clés, comme les métiers spécialisés. Cela signifie de mieux reconnaître les compétences, les qualifications et l’expérience des personnes qui immigrent au Canada. Et ça veut aussi dire soutenir et améliorer notre système d’éducation afin qu’il forme les générations qui occuperont les emplois de demain.
Ce ne sera pas facile de faire des gains de productivité, mais c’est vital. La croissance de la productivité favorise la capacité concurrentielle de nos entreprises sur les marchés mondiaux. Elle permet de couvrir les hausses salariales et de rehausser le niveau de vie. Améliorer la croissance de notre productivité deviendra de plus en plus important pour maintenir la croissance tendancielle, surtout dans un contexte où la population vieillit et où le nombre d’immigrants que nous pouvons bien accueillir chaque année devient limité.
À première vue, la cause de la faible croissance de la productivité au Canada est assez évidente. En moyenne, les entreprises canadiennes investissent beaucoup moins par travailleur que celles des États-Unis. Le manque d’investissements dans les machines et le matériel – particulièrement dans les technologies d’information et de communication – font que la main-d’œuvre canadienne est moins équipée et travaille avec des machines et des ordinateurs désuets. De plus, la faiblesse des investissements dans la propriété intellectuelle limite l’accès à des outils novateurs qui aident à travailler plus rapidement, plus intelligemment et plus efficacement.
Mais la grande question est la suivante : pourquoi y a-t-il eu systématiquement moins d’investissements au Canada qu’aux États-Unis? Ou de façon plus positive : comment peut-on faire du Canada un lieu où il fait bon investir? Il faut absolument répondre à ces questions si nous voulons renforcer l’expansion non inflationniste de l’économie canadienne et améliorer le niveau de vie au pays.
Conclusion
C’est le moment pour moi de conclure.
La stabilité des prix, c’est notre principal mandat, et elle va de pair avec un marché du travail en santé. Si le taux d’emploi est de beaucoup inférieur à son niveau maximal durable, il manque des emplois et des revenus dans l’économie. Cela exerce des pressions à la baisse sur l’inflation et la pousse sous la cible de 2 %. C’est ce qui s’est passé au début de la pandémie. Lorsque l’économie fonctionne au-dessus du niveau d’emploi durable maximal, les entreprises sont incapables de trouver assez de travailleurs pour répondre à la demande, ce qui crée des pressions à la hausse sur les prix et pousse l’inflation au-dessus de la cible. C’est là où nous étions en 2022.
Aujourd’hui, l’inflation est beaucoup plus près de la cible de 2 %. Et puisque l’économie dispose d’une certaine marge de capacités inutilisées, il est possible de la faire croître et de créer des emplois sans nuire au retour graduel de l’inflation à la cible. Mais nous ne sommes pas encore à la cible et nous ne pouvons pas être certains qu’il n’y aura pas d’autres obstacles sur notre route. Mais il semble de plus en plus que nous soyons sur la bonne voie. Analyser le marché du travail sous différents angles est important pour nos décisions de politique monétaire.
À long terme, la santé du marché du travail est essentielle à la forte expansion non inflationniste de l’économie canadienne. Nous arrivons bien à pousser notre économie vers le haut en accroissant notre main-d’œuvre. Pour maintenir cet avantage, nous devrons continuer à investir dans nos plus grandes forces : un marché du travail inclusif, une immigration judicieuse et un système d’éducation robuste et accessible. Nous devons régler notre problème de productivité, tout en continuant de miser sur ces forces.
Merci.
J’aimerais remercier Daniel de Munnik, Marc-André Gosselin et Shu Lin Wee de l’aide qu’ils m’ont apportée dans la préparation de ce discours.