Le résumé qui suit rend compte des délibérations du Conseil de direction de la Banque du Canada ayant mené à la décision de politique monétaire annoncée le 5 juin 2024.
Il reflète les discussions et les délibérations qu’ont tenues les membres du Conseil de direction à la troisième étape du processus entourant les décisions de politique monétaire, soit après avoir reçu toutes les informations et recommandations pertinentes du personnel.
Les réunions concernées, présidées par le gouverneur Tiff Macklem, ont débuté le 31 mai. La première sous-gouverneure Carolyn Rogers, le sous-gouverneur Toni Gravelle, la sous-gouverneure Sharon Kozicki, le sous-gouverneur Nicolas Vincent et le sous-gouverneur Rhys Mendes y ont participé.
Économie internationale
Le Conseil de direction (le Conseil) a entamé ses discussions en examinant les données sur l’économie mondiale accessibles depuis la publication du Rapport sur la politique monétaire d’avril. À l’échelle du globe, la croissance s’était un peu améliorée pour atteindre environ 3 % au premier trimestre de 2024, ce qui cadrait généralement avec les attentes. Elle avait ralenti aux États-Unis, et repris dans la zone euro et en Chine.
L’économie américaine était plus faible que prévu, freinée en grande partie par les exportations et les stocks. La croissance de la consommation et les investissements des entreprises affichaient un rythme solide, mais avaient ralenti. Même si l’inflation aux États-Unis s’était révélée tenace au cours des mois précédents, les membres du Conseil s’attendaient toujours à ce qu’elle baisse graduellement.
En revanche, la croissance s’était accentuée en Chine après avoir été inégale en 2023, et elle avait repris dans la zone euro après avoir stagné dans la deuxième moitié de cette même année. La reprise de l’économie chinoise était surtout attribuable à la demande étrangère qui avait fait grimper les exportations, tandis que la demande intérieure était demeurée au ralenti. L’accroissement modeste de l’activité économique dans la zone euro avait été principalement porté par une hausse de la demande de services.
Les membres ont noté que malgré une inflation globale inférieure à 3 % aux États-Unis et dans la zone euro, les mesures de l’inflation fondamentale sur trois mois avaient progressé dans les deux régions depuis le début de l’année, renversant la tendance à la baisse observée précédemment. Même s’ils s’attendaient à ce que l’inflation continue à diminuer peu à peu, ils étaient d’avis que le retour aux cibles des banques centrales pourrait être parsemé d’obstacles.
Les prix du pétrole avaient initialement dépassé les hypothèses formulées dans le Rapport d’avril en raison de craintes de perturbations importantes dans le secteur un peu partout dans le monde. Ces craintes s’étaient toutefois dissipées par la suite. Dans l’ensemble, les prix du pétrole se situaient en moyenne près des niveaux postulés en avril. Et les conditions financières étaient perçues comme étant restées pratiquement les mêmes depuis le Rapport.
Économie canadienne et perspectives d’inflation au pays
Les membres du Conseil ont discuté de l’évolution récente de l’économie canadienne. Selon les données des comptes nationaux, la croissance avait repris au premier trimestre de 2024, après avoir stagné dans la deuxième moitié de 2023. Se chiffrant à 1,7 %, elle avait été plus faible qu’anticipé dans le Rapport d’avril. Mais comme la demande intérieure finale s’était accrue de 2,9 %, les dépenses étaient vigoureuses au pays. La consommation avait progressé d’environ 3 %, à peu près en phase avec la croissance démographique. Les achats de véhicules automobiles et dans plusieurs catégories de services avaient alimenté cette progression.
Les investissements des entreprises avaient augmenté plus qu’on s’y attendait dans le Rapport d’avril et, tout comme les investissements résidentiels et les exportations, ils avaient stimulé la croissance. Les investissements plus faibles en stocks avaient été le principal frein à l’activité économique durant le trimestre. Les membres se sont demandé si la vigueur de la consommation avait entraîné une réduction des stocks ou si les entreprises ne se réapprovisionnaient pas par manque de confiance dans les perspectives de ventes.
Le Conseil a noté que le taux d’épargne était plus élevé que prévu, étant donné la progression plus forte du revenu. La hausse de l’épargne était peut-être un signe d’une plus grande prudence des consommateurs en attendant que les conditions économiques s’améliorent. Elle indiquait peut-être aussi que les ménages qui anticipaient une augmentation de leurs remboursements au renouvellement de leur prêt hypothécaire avaient réduit leurs dépenses.
Les membres ont discuté des récentes données sur le marché du travail et convenu que celui-ci avait évolué essentiellement comme prévu au moment de la publication du Rapport d’avril. Un large éventail d’indicateurs donnait à penser que les pressions sur le marché du travail s’étaient atténuées. Les entreprises avaient continué à embaucher, mais la création d’emplois avait été plus lente que la croissance de la population en âge de travailler.
Si la croissance annuelle des salaires restait autour de 4 %, les différentes mesures de celle-ci affichaient de la volatilité. Un tel niveau de croissance, combiné à une faible progression de la productivité, signifiait que les coûts unitaires de main-d’œuvre continuaient à augmenter à un taux supérieur à la moyenne. Les membres ont reconnu que pour déterminer l’incidence probable de la croissance des salaires sur l’inflation, il fallait tenir compte des autres coûts des entreprises, ainsi que de leurs marges bénéficiaires.
Ils ont discuté longuement des données récentes sur l’inflation. L’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC) avait reculé légèrement en avril, pour s’établir à 2,7 %. Les mesures de l’inflation fondamentale privilégiées par la Banque avaient également baissé en avril et progressaient à peu près au même rythme que l’inflation globale. Les membres s’attendaient à ce que cette baisse se poursuive, puisque les mesures de l’inflation fondamentale sur trois et six mois avaient été inférieures aux taux sur un an.
Le Conseil a aussi passé en revue l’étendue des hausses de prix parmi les composantes de l’IPC. La proportion de ces composantes affichant un taux d’augmentation supérieur à 3 % sur un an avait continué à diminuer et se situait près de sa moyenne historique en avril. Toutefois, la hausse des frais de logement était encore élevée et demeurait le facteur contribuant le plus à l’inflation mesurée par l’IPC global.
Les membres ont convenu que la politique monétaire restrictive avait permis de limiter l’activité et de faire baisser le taux d’inflation.
Considérations pour la politique monétaire
Les membres ont poursuivi leurs discussions de la réunion d’avril concernant le degré d’assurance dont ils auraient besoin pour avoir la conviction que l’inflation progressait durablement vers la cible de 2 %. Ils se sont aussi demandé si les conditions étaient maintenant réunies pour commencer à relâcher la posture restrictive de la politique monétaire.
Ils ont convenu que les données récentes sur l’inflation fondamentale – indiquant que les deux mesures privilégiées par la Banque se situaient en dessous de 3 % après avoir baissé pendant quatre mois d’affilée – avaient renforcé leur confiance que les progrès vers la cible de 2 % se poursuivraient.
Les membres du Conseil ont discuté de l’évolution récente des quatre indicateurs de l’inflation future qu’ils surveillaient. Ils ne disposaient pas de nouvelles données sur les attentes d’inflation ni sur les pratiques d’établissement des prix des entreprises, mais ces indicateurs évoluaient de façon constructive au moment de la publication du Rapport d’avril. Leurs discussions ont porté principalement sur l’équilibre entre l’offre et la demande. D’après leur évaluation des données du PIB pour le premier trimestre, l’économie affichait encore une offre excédentaire, ce qui laissait supposer qu’elle pourrait prendre de l’expansion même pendant que l’inflation continuait à baisser. Les membres se sont entendus pour dire que même si la croissance des salaires demeurait relativement élevée par rapport aux valeurs historiques, elle devrait continuer à décélérer graduellement à mesure que diminueraient la forte inflation et les pressions haussières venant des tensions passées sur le marché du travail.
Les membres ont discuté longuement des risques entourant la trajectoire future de l’inflation. Ils ont parlé notamment de plusieurs risques pesant sur les perspectives de croissance économique et d’inflation, plus précisément les suivants :
- Le fait qu’un grand nombre de ménages renouvelleront leur prêt hypothécaire à un taux plus élevé et verront leurs versements augmenter en 2025 pourrait freiner les dépenses et peser sur l’activité économique et l’inflation plus que prévu. La consommation pourrait aussi rebondir plus qu’anticipé à mesure que la confiance des consommateurs se rétablira.
- La persistance de la forte croissance des salaires et de la faible progression de la productivité pourrait créer des pressions inflationnistes sur les prix des services. Les membres ont noté que les pressions à la hausse sur ces prix avaient jusque-là été compensées par une désinflation plus importante du côté des biens.
- Les réductions des taux d’intérêt pourraient entraîner une surchauffe du marché du logement, compte tenu de la demande refoulée.
- Le moment de la mise en œuvre des mesures du gouvernement visant à ralentir la croissance du nombre de résidents non permanents, de même que les répercussions de ces mesures, pourraient jouer sur les prévisions d’inflation et de croissance. Comme les nouveaux arrivants ont une incidence à la fois sur l’offre et la demande dans l’économie, les membres ont convenu que ces mesures n’auraient généralement pas d’effet important sur les prévisions d’inflation. Mais une forte expansion démographique pourrait exercer des pressions à la hausse sur l’inflation du côté du logement, en particulier sur les loyers. La croissance économique serait probablement plus sensible à l’expansion démographique. Les membres estimaient donc qu’il leur faudrait surveiller de près la dynamique de la population dans les prochains mois.
- Les tensions géopolitiques ou l’aggravation des conflits régionaux à l’étranger, ainsi que les perturbations du travail et les phénomènes climatiques – comme les feux de forêt au Canada – pourraient se répercuter sur les prix mondiaux du pétrole, les chaînes d’approvisionnement et l’inflation.
Lors de leurs discussions sur ces risques, les membres ont établi des pondérations et des probabilités différentes pour chacun. Certains membres se sont davantage concentrés sur les risques à la baisse pour l’inflation résultant de la faiblesse de l’économie et des effets continus de la politique monétaire restrictive. D’autres ont plus mis l’accent sur les risques à la hausse liés à la persistance de la croissance des salaires et à la possibilité d’un rebond sur le marché du logement.
Enfin, les membres ont échangé sur la possibilité d’une divergence entre les politiques monétaires canadienne et américaine. Une des principales caractéristiques du cadre de conduite de la politique monétaire du Canada est le taux de change flottant, qui permet à la Banque d’établir une politique monétaire axée sur les besoins de l’économie canadienne. Les membres ont discuté de nombreux facteurs pouvant influer sur le taux de change, notamment les attentes du marché quant à l’évolution divergente des politiques monétaires. Ils ont convenu qu’il y avait probablement des limites à la divergence possible entre la politique monétaire du Canada et celle des États-Unis, mais que ces limites n’étaient pas près d’être atteintes.
La décision de politique monétaire
Les membres du Conseil ont discuté de la façon dont les données accumulées avaient renforcé leur confiance que les progrès vers l’atteinte de la cible de 2 % allaient durer. Ils se sont entendus pour dire qu’avec des données plus probantes indiquant que l’inflation sous-jacente ralentissait et se dirigeait de façon plus soutenue vers la cible, il n’était plus nécessaire d’avoir une politique monétaire aussi restrictive et qu’il convenait de réduire le taux directeur.
Compte tenu des risques pesant sur les perspectives d’inflation, les membres se sont demandé s’ils n’auraient pas avantage à attendre d’autres données mensuelles sur l’IPC pour avoir une plus grande certitude avant de réduire le taux directeur en juillet. Ils étaient conscients du risque que les progrès stagnent – comme cela avait été le cas aux États-Unis –, mais l’inflation fondamentale avait baissé pendant quatre mois consécutifs et les indicateurs laissaient entrevoir que ce ralentissement allait se poursuivre. Convenant que les progrès accomplis étaient suffisants pour justifier une première baisse du taux directeur, ils ont décidé de le réduire tout de suite de 25 points de base pour le faire passer à 4,75 %.
Les membres ont également convenu que si l’inflation continuait à ralentir et à progresser durablement vers la cible de 2 %, il était raisonnable de s’attendre à d’autres baisses du taux directeur. Ils se sont entendus pour dire que les assouplissements monétaires seraient probablement graduels, étant donné qu’ils prévoyaient que l’inflation allait diminuer et se rapprocher de la cible progressivement. Le moment des autres baisses dépendrait des nouvelles données et de leur incidence sur la trajectoire future de l’inflation. Les membres se sont donc mis d’accord pour souligner dans leurs communications qu’ils prendraient leurs prochaines décisions de politique monétaire une à la fois.
Les membres du Conseil ont convenu de continuer à surveiller de près l’évolution de l’inflation fondamentale et à se concentrer sur ces quatre indicateurs clés des pressions inflationnistes sous-jacentes :
- l’équilibre entre l’offre et la demande dans l’économie
- les pratiques d’établissement des prix des entreprises
- les attentes d’inflation
- la progression des salaires par rapport à celle de la productivité
Enfin, les membres se sont mis d’accord pour poursuivre la politique consistant à normaliser le bilan en ne remplaçant pas les obligations arrivant à échéance.