Introduction
Dans le sillage de la crise financière mondiale de 2008-2009, plusieurs banques centrales ont mis en œuvre des programmes d’achat massif d’actifs, ce qu’on appelle communément l’assouplissement quantitatif (AQ). L’objectif de ces programmes est d’apaiser les tensions sur les marchés financiers et d’accentuer la détente monétaire quand les taux directeurs atteignent leur valeur plancher ou qu’ils s’en approchent. Ainsi, pour bon nombre de banques centrales dans le monde, l’AQ est devenu un outil important pour modifier les conditions monétaires quand le recours aux instruments classiques est limité. La Banque du Canada n’a pas fait appel à l’AQ en réaction à la crise financière mondiale, mais cet outil fait partie du cadre de conduite de la politique monétaire en contexte de bas taux d’intérêt (Banque du Canada, 2015).
En mars 2020, la Banque a mis en œuvre un programme fédéral d’achat d’obligations d’État pour composer avec les tensions financières et économiques causées par la pandémie de COVID-191. Le Programme d’achat d’obligations du gouvernement du Canada (PAOGC) a été lancé au moment où la Banque a abaissé son taux directeur pour l’établir à sa valeur plancher de 25 points de base2. Au début, la Banque achetait des titres du gouvernement du Canada à hauteur d’au moins 5 milliards de dollars par semaine sur le marché secondaire. Ces achats ont été financés par une augmentation du volume des soldes de règlement (aussi appelés « réserves » dans certains pays)3. L’objectif du PAOGC était alors d’aider « à diminuer les tensions sur le marché des obligations du gouvernement du Canada et à améliorer l’efficacité de toutes les autres mesures prises jusqu’à maintenant » (Poloz 2020a). La Banque avait pris l’engagement de poursuivre ses achats d’obligations d’État jusqu’à ce « que la reprise économique [soit] bien engagée ». À mesure que les tensions financières se sont dissipées, la raison d’être du PAOGC s’est transformée. Le programme est devenu un outil visant à « fournir le degré de détente monétaire requis pour atteindre la cible d’inflation » (Banque du Canada, 2020).
Le rythme des achats effectués dans le cadre du PAOGC a ralenti à mesure que les conditions économiques se sont améliorées :
- Le 28 octobre 2020, la Banque a recalibré son programme pour favoriser l’achat d’obligations à plus long terme; le montant minimal de ses achats hebdomadaires est passé à 4 milliards de dollars.
- Le 21 avril 2021, la Banque a rajusté ses achats nets d’obligations d’État, les faisant passer à une cible hebdomadaire de 3 milliards de dollars. Cette réduction du montant qui s’ajoutait, chaque semaine, pour stimuler l’économie reflétait la progression de la reprise économique au Canada.
- Le 14 juillet 2021, le rythme cible des achats a été ramené à 2 milliards de dollars par semaine.
- Le 27 octobre 2021, la Banque a mis fin à son assouplissement quantitatif et elle a amorcé une phase de réinvestissement. Durant celle-ci, l’achat d’obligations d’État s’est effectué dans le seul but de remplacer celles qui venaient à échéance afin que le portefeuille de la Banque reste relativement stable au fil du temps.
- Le 13 avril 2022, la Banque a annoncé qu’elle mettait fin à la phase de réinvestissement et qu’elle amorçait un resserrement quantitatif.
À la fin de la phase de réinvestissement, la Banque avait acheté au titre du PAOGC environ 340 milliards de dollars d’obligations d’État assorties d’une échéance moyenne pondérée d’environ six ans. Le rythme et l’ampleur des opérations d’achat d’actifs de la Banque sont mis en perspective dans le graphique 1. Le bilan de la Banque, exprimé en pourcentage du produit intérieur brut (PIB), y est comparé à celui de la Réserve fédérale, de la Banque centrale européenne et de la Banque d’Angleterre. Voici quatre observations importantes qui s’en dégagent :
- Contrairement aux autres banques centrales, la Banque du Canada n’a pas eu recours à l’AQ après la crise financière mondiale de 2008-2009. Son bilan était donc beaucoup plus petit que celui des autres banques centrales en début de pandémie.
- Après le début de la pandémie, le rythme des achats d’actifs de la Banque a été plus rapide que l’expansion du bilan d’autres banques centrales, quand on l’exprime en pourcentage du PIB. Toutefois, même si ce rythme a été plus rapide en début de pandémie, le montant total de l’expansion du bilan de la Banque pendant la pandémie a été inférieur à celui des autres banques centrales. En outre, la rapidité de l’expansion tenait en grande partie à des opérations de prêt; lorsque l’on exclut ces opérations, le rythme est similaire.
- À son plus fort, le bilan de la Banque, toujours exprimé en pourcentage du PIB, représentait environ la moitié de la taille des bilans des autres banques centrales selon des mesures comparables.
- Depuis son apogée, le bilan de la Banque a connu un déclin plus marqué que ceux des autres banques centrales, surtout pour deux raisons :
- La Banque avait acheté plusieurs actifs à court terme (au titre du PAOGC ou en dehors de ce programme), qui sont naturellement arrivés à échéance peu après le début du resserrement quantitatif.
- Elle a graduellement ralenti ses opérations de prêt, mais les autres banques centrales ont poursuivi les leurs.
Graphique 1 : Variations des éléments des bilans des banques centrales, en pourcentage du PIB nominal
Graphique 1 : Variations des éléments des bilans des banques centrales, en pourcentage du PIB nominal
Sources : Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale, Banque centrale européenne, Banque d’Angleterre et Banque du Canada
Dernière observation : décembre 2022
Il s’agissait de la première fois que la Banque avait recours à l’AQ, et le montant des achats requis pendant la pandémie a été considérable. Il est donc crucial d’approfondir notre compréhension des effets de cet instrument de politique monétaire, tant sur les marchés financiers que sur l’économie. Dans son étude, Johnson (2023) passe en revue toutes les opérations que la Banque a effectuées sur les marchés en lien avec la pandémie, et il fournit quelques recommandations pour en adapter la conception et la mise en œuvre à l’avenir. Pour leur part, Arora et autres (2021) analysent les mouvements intrajournaliers des rendements des obligations du gouvernement du Canada dans l’heure qui a suivi la première annonce de la Banque concernant le PAOGC, le 27 mars 2020, à 9 heures. Ils remarquent que l’annonce du PAOGC a eu une incidence importante et instantanée, les rendements à terme des obligations de référence à 10 ans ayant reculé d’environ 10 points de base immédiatement après.
Le reste de notre étude s’articule comme suit. En premier lieu, nous élargissons l’analyse menée par Arora et autres (2021) sur les effets du PAOGC sur les marchés financiers :
- en examinant un ensemble plus vaste d’annonces en lien avec le PAOGC;
- en analysant les effets du PAOGC sur une gamme élargie d’actifs des marchés financiers.
En considérant un vaste ensemble d’annonces, nous constatons une diminution des rendements à terme des obligations à 10 ans d’environ 20 points de base et des baisses similaires du côté des obligations assorties d’autres échéances. Comme les retombées du PAOGC sont probablement plus importantes que les variations de rendement liées aux annonces, nous estimons, en nous fondant sur un scénario hypothétique simple, que le programme pourrait avoir eu un impact de près de 80 points de base sur le rendement des obligations à 10 ans.
En second lieu, à l’aide du modèle de Zhang (2021), nous utilisons le scénario hypothétique mentionné plus haut pour estimer les répercussions du PAOGC sur l’inflation et la production4. En considérant un impact de 80 points de base sur le rendement des obligations à 10 ans, le modèle donne à penser que l’effet du PAOGC sur le PIB réel aurait culminé à environ 3 %, et celui sur l’inflation, à environ 1,8 point de pourcentage annualisé. D’un autre côté, un scénario hypothétique se traduisant par un impact de 20 points de base sur le rendement des obligations à 10 ans laisse penser que l’effet du PAOGC sur le PIB réel aurait culminé à environ 0,6 %, et celui sur l’inflation, à approximativement 0,6 point de pourcentage annualisé.
Théorie de l’assouplissement quantitatif
L’AQ vise à soutenir l’ensemble de l’activité économique quand l’instrument classique de politique monétaire, soit le taux d’intérêt nominal à court terme, ne peut plus être abaissé puisqu’il se heurte à sa valeur plancher. L’idée générale, c’est que l’achat d’actifs peut faire diminuer les taux d’intérêt à plus long terme lorsque le taux du financement à un jour est près de zéro. En théorie, il y a trois canaux potentiels par lesquels l’AQ peut influer sur les prix des marchés financiers et sur l’économie.
Le canal des indications
Dans ce canal, les annonces concernant l’AQ indiquent aux participants au marché que la banque centrale a changé d’avis sur les conditions économiques actuelles ou futures (Bauer et Rudebusch, 2014). Par ailleurs, ces annonces peuvent aussi véhiculer des informations sur des changements relatifs à la fonction de réaction de la politique monétaire ou à des objectifs de la politique, comme la cible d’inflation. Dans ces cas, les investisseurs peuvent modifier leurs attentes quant à la trajectoire future du taux directeur, en s’attendant peut-être à ce que les taux d’intérêt à court terme avoisinent zéro plus longtemps5. Parfois, les participants au marché anticipent une trajectoire des taux d’intérêt en se fondant sur le calendrier ou sur l’ordre implicite de mise en œuvre de l’assouplissement et du resserrement quantitatif. Par exemple, si les participants croient que la banque centrale ne relèvera pas son taux du financement à un jour de sa valeur plancher avant de mettre fin à l’assouplissement quantitatif ou d’amorcer un resserrement quantitatif, toute annonce connexe peut influencer les attentes relatives aux taux d’intérêt.
De la même façon, les annonces de taux d’intérêt peuvent aussi influencer les attentes d’AQ, en raison de l’ordre implicite de mise en œuvre. Si les participants s’attendent à ce qu’un AQ soit lancé quand le taux du financement à un jour se rapproche de sa valeur plancher, il est possible que des baisses de taux avoisinant la valeur plancher aiguisent leurs attentes d’AQ. Dans un tel contexte, il est difficile de mesurer l’impact de l’AQ, car les participants ont peut-être déjà des attentes en la matière au moment où la banque centrale présente officiellement son programme.
Les annonces d’AQ sont parfois accompagnées d’indications prospectives, soit des déclarations dans lesquelles les banques centrales fournissent « des informations directes sur l’orientation probable de la politique monétaire » (Sutherland, 2023). En ce sens, un programme d’AQ d’une banque centrale pourrait être perçu comme un signal de son engagement à maintenir sa politique d’indications prospectives.
Le canal du rééquilibrage des portefeuilles
Pour que ce canal soit efficace, il faut qu’il y ait des frictions sur les marchés financiers, ou que ceux-ci soient segmentés. Sinon, les achats effectués au titre de l’AQ seraient neutres et n’auraient aucune incidence sur les prix des actifs (Wallace, 1981)6. Concrètement, l’assouplissement quantitatif correspond au remplacement, ou « swap », d’un actif par un autre (Melzer, 2010). La banque centrale retire les obligations d’État du marché et les remplace par des soldes de règlement détenus par les participants au système de paiement. En supposant que les marchés sont complets et concurrentiels, ce swap d’actifs ne devrait avoir aucune incidence sur les prix des actifs. C’est un principe analogue à la théorie de l’équivalence ricardienne (pour ce qui est de la question dette c. impôts) et au théorème de Modigliani-Miller (pour le choix de la structure de financement des entreprises). L’implication est que, en l’absence de frictions ou de segmentation, la courbe de la demande des obligations à long terme devrait être plate.
La segmentation des marchés et les frictions sont des principes qui ont été intégrés à plusieurs types de modèles pour démontrer comment l’assouplissement quantitatif peut faire augmenter les prix des actifs. L’étude de Vayanos et Vila (2021) est souvent citée comme un exemple par excellence de modélisation du canal du rééquilibrage des portefeuilles. Dans leur modèle, les investisseurs privilégiant des segments particuliers n’investissent que dans des obligations d’une échéance précise (p. ex., 10 ans). En outre, les arbitragistes réfractaires au risque peuvent investir dans toute la gamme des échéances. Mais ce faisant, ils s’exposent au risque de durée, soit le risque que les taux d’intérêt changent. Puisqu’ils sont réfractaires au risque, ils exigent une compensation pour ce risque sous la forme d’une prime de terme sur les obligations à long terme. Dans le modèle de Vayanos et Vila, l’AQ absorbe une partie du risque de durée et réduit l’exposition des arbitragistes aux variations des taux d’intérêt, diminuant du même coup la prime de terme sur toute la gamme d’obligations. L’incidence de l’AQ est d’autant plus forte que les arbitragistes sont réfractaires au risque. En effet, selon le modèle, il n’y aurait aucune incidence si les arbitragistes étaient neutres face au risque.
Plusieurs autres facteurs peuvent influer sur l’efficacité du canal du rééquilibrage des portefeuilles associé à l’AQ. Par exemple, si les taux d’intérêt sont proches de leur valeur plancher et que l’on s’attend à ce qu’ils le demeurent pendant longtemps, le risque de durée est moindre sur le marché et il se peut que l’incidence de l’AQ soit plus faible (King, 2019). Cela peut aussi être le cas dans une petite économie ouverte, s’il y a un haut degré de substituabilité entre les actifs nationaux et étrangers (Kabaca, 2016; Diez de los Rios et Shamloo, 2017).
Pour mettre cette théorie en perspective, le graphique 2 illustre la façon dont le PAOGC a changé la composition des portefeuilles d’actifs des participants au marché. Étant donné les mesures de politique budgétaire prises pour soutenir les ménages et les entreprises au début de la pandémie, il y a eu une hausse marquée de l’encours brut des obligations d’État, en particulier celles ayant une échéance de moins de cinq ans. En l’absence d’AQ, selon la théorie de l’équilibrage des portefeuilles, cette hausse de l’encours aurait dû accroître à la fois le risque de durée sur le marché et la prime de terme sur les obligations d’État. Le graphique 2 montre également que le PAOGC a absorbé le gros de cette hausse à même l’encours brut des obligations d’État offertes sur le marché. Les mesures de politique budgétaire et le PAOGC ont été déployés en réponse aux mêmes conditions économiques et financières préoccupantes, ce qui explique pourquoi la dette publique et l’encours de ce programme ont augmenté en même temps. Toutefois, compte tenu de l’existence même du PAOGC, le marché n’a pas eu à absorber le risque de durée supplémentaire lié à l’émission des obligations d’État. S’il avait dû le faire, les arbitragistes auraient exigé une compensation plus importante pour la détention d’obligations à long terme, et par conséquent, la prime de terme aurait été plus élevée.
Graphique 2 : Détention des obligations du gouvernement du Canada
Graphique 2 : Détention des obligations du gouvernement du Canada
Source : Banque du Canada
Dernière observation : 31 janvier 2023
Le canal de la liquidité ou le canal du fonctionnement du marché
Les achats au titre de l’AQ peuvent faire augmenter les prix des actifs en réduisant la prime de risque de liquidité. Cette prime se traduit par un rendement plus élevé et compense le risque qu’assument les investisseurs de devoir liquider prématurément et à un prix défavorable leur position longue sur un titre. Alors que dans le canal du rééquilibrage des portefeuilles, l’AQ influe sur les prix au moment de l’annonce, dans le canal de la liquidité, les prix (et les mesures de la liquidité) changent généralement quand les achats au titre de l’AQ sont effectués (Vissing-Jorgensen, 2021).
L’AQ peut contribuer à rétablir le fonctionnement du marché lorsque la capacité d’intermédiation des courtiers sur le marché est dégradée, entraînant une brusque augmentation de la prime de risque de liquidité (Duffie et Keane, 2023). Des achats massifs d’actifs peuvent être effectués pour soutenir le fonctionnement du marché même lorsque le taux de financement à un jour n’est pas à sa valeur plancher. Duffie et Keane soulignent également que, même si les objectifs de politique monétaire et de soutien du fonctionnement du marché se confondent généralement, ce n’est pas toujours le cas. Par exemple, à l’automne 2022, la Banque d’Angleterre a acheté des obligations du gouvernement du Royaume-Uni en même temps qu’elle resserrait la politique monétaire.
Christensen et Gillan (2022) postulent que la prime de risque de liquidité est le résultat d’un jeu de négociation entre acheteurs et vendeurs, et que les achats massifs d’actifs accroissent le pouvoir de négociation des vendeurs en mettant à leur disposition un acheteur engagé. Ils estiment que ce renforcement du pouvoir de négociation fait grimper les prix, et qu’il fait donc baisser le rendement des obligations (c’est-à-dire qu’il réduit la prime de risque de liquidité), parce que les vendeurs sont moins susceptibles d’être contraints.
Transmission de l’assouplissement quantitatif
L’objectif ultime de l’AQ est de stimuler l’activité économique pour favoriser l’atteinte de la cible d’inflation. La figure 1 illustre la manière dont il peut se transmettre à l’ensemble de l’économie. À la première étape de la transmission, les trois canaux font augmenter les prix des actifs financiers et baisser les rendements. Chaque canal peut influer sur un ensemble différent de prix. Le canal des indications est plus susceptible d’avoir un effet plus important sur les obligations à court terme (à échéance de moins de trois ans). Le canal du rééquilibrage des portefeuilles peut, quant à lui, avoir une plus grande incidence sur les obligations à long terme quand la banque centrale élimine le risque de durée. L’AQ peut également influer sur les obligations particulières achetées s’il contribue à restaurer la liquidité du marché. Il fait augmenter les prix non seulement des obligations d’État mais aussi d’autres actifs, tels que les obligations étrangères et les obligations de sociétés, en plus d’influencer les taux de change (p. ex., Neely, 2015; Diez de los Rios et Shamloo, 2017; Krishnamurthy et Vissing-Jorgensen, 2011). La hausse des prix des actifs accroît la richesse et réduit les coûts d’emprunt tant pour les ménages que pour les entreprises, qui, en conséquence, accroissent leurs investissements et leur consommation, ce qui a pour effet d’augmenter le PIB et l’inflation.
Figure 1 : Transmission stylisée de l’assouplissement quantitatif
Il devient plus difficile de mesurer les effets de l’AQ à mesure qu’on progresse dans son parcours de transmission. S’il est aisé d’observer les changements des prix des actifs financiers qui surviennent peu après les annonces d’AQ, il n’en va pas de même pour l’évolution des variables macroéconomiques. D’une part, ces dernières sont communiquées moins fréquemment (par exemple, une fois par mois ou par trimestre), et d’autre part, l’inflation et le PIB réagissent aux mesures de politique monétaire avec un certain décalage. L’une des approches pour mesurer l’incidence de l’AQ sur les variables macroéconomiques est d’intégrer les achats d’actifs dans un modèle vectoriel autorégressif (VAR) avec une combinaison de contraintes de signe et de nullité sur certains coefficients (p. ex., Weale et Wieladeck, 2022). Une autre approche consiste à incorporer les frictions sur les marchés financiers directement dans un modèle d’équilibre général dynamique et stochastique (EGDS) (p. ex., Chen, Cúrdia et Ferrero, 2012). Les travaux empiriques présentent le risque que les estimations soient des moyennes de différents effets dépendant de la conjoncture à différents moments. Dans le cas des modèles EGDS, un des risques est que l’estimation ou l’étalonnage reflète principalement des circonstances « normales », et qu’en période d’incertitude de Knight, les estimations puissent être entachées d’une marge d’erreur particulièrement importante.
Incidence sur les marchés financiers
Au moins deux grands facteurs rendent difficile la mesure des effets de l’AQ sur les marchés financiers. Tout d’abord, pour comprendre l’incidence de celui-ci sur les rendements des obligations d’État, il faut connaître la pente de la courbe de la demande des obligations d’État à long terme. Autrement dit, dans quelle mesure un changement de la quantité de ces actifs influence-t-il le rendement que le marché exige pour les détenir? Le défi est que la pente de la courbe de la demande n’est pas facile à observer et probablement pas constante. La courbe peut être relativement plate lorsque l’encours des obligations est modéré, mais s’accentuer quand la quantité d’obligations augmente. De plus, cette courbe de la demande peut fluctuer au fil du temps et devenir plus raide en période de tensions financières et d’aversion au risque croissante. À titre d’exemple, en 2012, Krishnamurthy et Vissing-Jorgensen ont examiné la courbe de la demande globale des titres du Trésor américain et montré que sa pente n’est pas constante. Plus tard, dans le cadre d’une mise à jour effectuée dans son site Web, Krishnamurthy a établi que la courbe de la demande avait changé depuis la crise financière mondiale en réaction à la hausse de la demande d’actifs sûrs.
Ensuite, pour comprendre la pleine incidence d’un programme d’AQ sur les marchés financiers, il faut savoir comment les prix des actifs auraient évolué si celui-ci n’avait pas été mis en œuvre. L’incidence de l’AQ est la différence entre les prix observés et les prix en l’absence du programme. Comme ces derniers ne peuvent pas être observés, la plupart des études quantifient les effets de l’AQ sur les prix des actifs financiers en mesurant comment ces prix réagissent aux annonces d’AQ faites par la banque centrale. Dans cette approche, on formule l’hypothèse que les prix des actifs financiers observés juste avant l’annonce sont une bonne approximation, impliquant que l’AQ était complètement imprévu, puisque les prix des actifs sont censés refléter les attentes du marché, y compris en considération d’un AQ éventuel.
Dans le cas du PAOGC, toutefois, il est peu probable que son annonce par la Banque du Canada ait pris les participants au marché complètement par surprise, étant donné que d’autres pays avaient adopté leur propre programme d’AQ auparavant, et que le taux du financement à un jour avait déjà été abaissé près de sa valeur plancher. En outre, les participants au marché ont sans doute formé des attentes quant à l’ampleur du PAOGC après que la Banque a fait des annonces s’y rapportant. Par exemple, il se peut que tant qu’elle procédait à des achats (surtout au début, lorsque leur montant hebdomadaire représentait au moins 5 milliards de dollars), les participants au marché aient revu à la hausse leurs attentes quant à la durée (et donc à l’encours total) de ce programme.
La figure 2 illustre ces difficultés dans un cadre d’analyse de l’offre et de la demande. Dans ce cadre, la courbe de la demande suit une pente ascendante puisqu’on examine les rendements à terme des obligations et non leurs prix. Supposons que l’offre d’obligations avant la pandémie est représentée par la courbe (ou plutôt ligne) verticale de l’offre OA. Le rendement obligataire d’équilibre est donné par le niveau qui est atteint au point A du diagramme. Compte tenu des programmes lancés en réponse à la pandémie, le marché s’attend à ce que le gouvernement accroisse l’offre, si bien que la courbe de l’offre se déplace vers la droite jusqu’à la ligne OB. En l’absence de toute autre mesure, les rendements obligataires augmentent jusqu’au niveau matérialisé par le point B du diagramme. Toutefois, comme les participants au marché estiment aussi qu’il est très probable que la banque centrale instaure un programme d’AQ qui contrebalancera une partie de cette offre, la courbe de l’offre attendue ne correspond pas à la ligne OB mais plutôt à la ligne OC. En bref, on n’observe pas les rendements au niveau du point B, mais seulement au niveau du point C. Une fois que la banque centrale annonce officiellement l’adoption d’un programme d’AQ, les attentes à l’égard de l’offre font en sorte que la courbe de l’offre se déplace vers la gauche, jusqu’à la ligne OD.
L’incidence de l’AQ que nous souhaitons mesurer est la différence entre les rendements relevant du scénario hypothétique, dans lequel il n’y a pas d’AQ, et les rendements réels. C’est pourquoi dans la figure 2 on s’intéresse à la différence entre les rendements aux points B et au point D. Malheureusement, lorsqu’on mesure l’évolution des rendements autour des annonces d’AQ, on mesure seulement la différence entre les rendements au point C et au point D. En outre, il est difficile d’extrapoler le plein impact de l’AQ à partir de l’impact de l’annonce, car :
- On ne sait pas dans quelle mesure les marchés ont modifié leurs attentes en matière d’AQ quand l’annonce a été faite.
- La pente de la courbe des rendements change vraisemblablement, donc extrapoler à partir de la partie la plus plate (la plus raide) de la courbe de la demande peut revenir à sous-estimer (surestimer) l’impact.
Figure 2 : Schéma illustrant l’offre et la demande d’obligations à long terme
Pour atténuer ces difficultés, nous employons trois stratégies, comportant chacune leurs avantages et inconvénients. La première consiste à examiner les variations des rendements des obligations à long terme qui se sont produites autour d’un ensemble beaucoup plus vaste de communications de la Banque du Canada, y compris certaines précédant l’annonce officielle du lancement du PAOGC. Parmi ces communications, on trouve non seulement des annonces du taux directeur, mais aussi des discours prononcés par des membres du Conseil de direction et des rapports sur les résultats de certaines opérations. Cette stratégie n’est pas parfaite, car :
- les attentes des marchés peuvent encore évoluer en dehors de ces annonces
- certaines des variations de rendement qui surviennent après les annonces peuvent tenir à des facteurs non liés à l’AQ
Toutefois, ces communications peuvent avoir modifié les attentes en matière d’AQ, et l’inclusion de cet ensemble plus large nous permet potentiellement de saisir ces changements.
Notre deuxième stratégie porte sur la réaction des taux d’intérêt américains à l’annonce par le Comité de l’open market de la Réserve fédérale de l’adoption de son premier programme d’AQ, en réaction à la crise financière mondiale de 2008-2009. Nous adoptons cette deuxième approche du fait que cette annonce-là était plus inattendue et qu’elle a donc plus de chances de donner la mesure du plein impact d’un programme d’AQ sur les rendements. Cependant, la comparaison a ses limites, puisque ce premier programme de la Réserve fédérale répondait à un différent type de crise (en l’espèce, une crise bancaire, et non une pandémie) et qu’il a consisté à acheter des titres adossés à des créances hypothécaires en plus d’obligations du Trésor américain7. Par ailleurs, l’incidence de l’AQ dans une petite économie ouverte peut différer de celle qu’on observe dans une grande économie (Diez de los Rios et Shamloo, 2017).
Dans le cadre de notre troisième stratégie, nous nous penchons sur trois annonces de la Banque du Canada dans lesquelles elle a fait part de réductions de son programme d’AQ. Bien que ces annonces aient été largement anticipées, nous postulons que chacune d’elles a amené les gens à escompter une réduction du rythme des achats hebdomadaires de 1 milliard de dollars 13 semaines plus tôt qu’ils n’auraient commencé à s’y attendre autrement (cela correspond à la période couverte par un Rapport sur la politique monétaire et le cycle de décision concernant le taux directeur). Une réduction des achats de 13 milliards de dollars consécutivement à chaque annonce implique une réduction globale de 39 milliards de dollars pour les trois annonces8. Nous extrapolons ensuite pour obtenir un impact sur le rendement correspondant au montant total des achats effectués dans le cadre du programme, qui était d’environ 340 milliards de dollars.
Étude événementielle
Nous effectuons une étude événementielle en analysant les réactions des marchés financiers à des annonces de mesures prises par la Banque du Canada à des dates situées entre mars 2020 et octobre 2021. Notre échantillon porte sur trois périodes distinctes :
- Annonces pré-PAOGC, soit deux annonces faites quand la Banque a abaissé son taux directeur les 3 et 14 mars 2020.
- Annonces liées au PAOGC, soit cinq annonces s’étalant entre le 27 mars et le 9 septembre 2020.
- Annonces pendant la phase de réduction des achats, soit neuf annonces échelonnées entre le 28 octobre 2020 et le 27 octobre 2021.
Nous incluons des annonces ayant précédé l’adoption du PAOGC parce que les participants au marché pourraient avoir déjà formé des attentes en matière d’AQ avant le 27 mars 2020, compte tenu de la gravité du choc économique et du fait que les taux d’intérêt étaient proches de leur valeur plancher9. L’analyse des annonces liées à la réduction des achats nous permet d’évaluer l’incidence d’une diminution des attentes à l’égard des mesures de relance suivant l’amélioration des conditions économiques. Nous axons notre analyse sur les annonces plutôt que sur les opérations, en partant de l’hypothèse que des marchés financiers efficients devraient rapidement intégrer l’impact des nouvelles de la Banque dans leurs prix10.
Nous examinons l’évolution des prix de divers actifs financiers entre 10 minutes avant et 20 minutes après chaque annonce. En privilégiant une fenêtre étroite pour l’étude événementielle, nous veillons à ce que les prix des actifs soient moins susceptibles d’être influencés par d’autres événements macroéconomiques importants (non liés à l’AQ), ce qui améliore la précision de notre estimation. À titre d’exemple, le premier ministre Trudeau a fait un discours pour annoncer un train important de mesures budgétaires le 27 mars 2020, à 11 h 15, soit à peine quelques heures après l’annonce par la Banque de l’adoption du PAOGC. Cette annonce de mesures budgétaires a influé sur l’offre attendue d’obligations d’État et, par conséquent, sur les rendements obligataires. En outre, notre méthodologie reposant sur une fenêtre étroite est dans la lignée de précédentes études analysant les effets des annonces de banques centrales sur les marchés financiers (Gürkaynak, Sack et Swanson, 2005; Swanson, 2017; Feunou et autres, 2017).
Pour déterminer l’incidence de l’AQ, nous examinons l’évolution de plusieurs instruments financiers. Nous nous penchons d’abord sur les contrats à terme sur acceptations bancaires canadiennes à 90 jours (BAX) négociés à la Bourse de Montréal. Ils nous servent à mesurer les anticipations des participants au marché sur les niveaux futurs des taux d’intérêt à court terme. En l’espèce, nous calculons les variations de prix des contrats BAX expirant entre deux et trois mois après chaque annonce11. Moyennant une méthode similaire, nous calculons aussi les variations des rendements d’obligations de titres de référence (à savoir des obligations du gouvernement du Canada à 2 ans, 5 ans et 10 ans) à partir des données du Système d’établissement de relevés des opérations sur le marché 2.012, des prix de contrats à terme standard fondés sur l’indice S&P/TSX 60 négociés à la Bourse de Montréal, ainsi que du taux de change États-Unis–Canada fourni par Refinitiv.
Nous commençons par examiner les variations des prix du marché au moment des deux annonces du taux directeur faites par la Banque au début de mars 2020 (les « annonces pré-PAOGC »). Bien que celles-ci aient précédé l’annonce initiale du PAOGC de la Banque, les attentes des participants au marché en matière d’AQ pourraient avoir augmenté lorsque la Banque a abaissé son taux directeur plus près de sa valeur plancher. De plus, dans ces annonces, la Banque a indiqué qu’elle était prête à fournir des liquidités, ce qui pourrait aussi avoir fait monter les attentes des marchés en matière d’AQ. Ces annonces pré-PAOGC ont entraîné une réduction plus prononcée des rendements des obligations et du marché monétaire dans les segments à plus court terme (tableau 1, partie A). Plus précisément, les annonces des 4 et 13 mars 2020 ont mené à des reculs du rendement des contrats BAX totalisant environ 18 points de base13. De plus, aux alentours de ces annonces, les rendements à terme des obligations d’État à 2, 5 et 10 ans ont diminué de 8, 17 et 10 points de base, respectivement. Le recul dans les segments à plus court terme était probablement attribuable à la modération des attentes concernant les taux à court terme, étant donné l’information contenue sur les taux d’intérêt dans les annonces. Cependant, le repli des rendements dans les segments à plus long terme pourrait avoir été dû en partie à l’augmentation des attentes en matière d’AQ.
Ensuite, nous analysons les mouvements du marché aux alentours des cinq annonces liées au PAOGC. Nous constatons une diminution cumulative d’environ 15, 11 et 11 points de base des rendements à terme des obligations à 2, 5 et 10 ans, respectivement. La plus significative de ces annonces en ce qui a trait à la réaction des marchés est l’annonce initiale du PAOGC le 27 mars 2020. Elle a entraîné une diminution de 9 à 14 points de base du taux de rendement des obligations d’État de référence (tableau 1, partie B). La baisse des rendements obligataires au moment de cette annonce concorde avec celle observée dans Arora et autres (2021). L’annonce du PAOGC a fait baisser les cours des actions d’environ 55 points de base, mais a eu une incidence négligeable sur la valeur du dollar canadien par rapport au dollar américain. Les prix des actifs financiers ont très peu changé durant la période englobant les quatre autres annonces de la Banque liées au PAOGC. Cela n’est pas surprenant, puisqu’aucune de ces annonces ne présentait de modification du programme14.
Date | Contrats à terme sur acceptations bancaires | Obligations à 2 ans | Obligations à 5 ans | Obligations à 10 ans | Actions | Devises |
---|---|---|---|---|---|---|
Partie A : Période pré-PAOGC | ||||||
4 mars 2020 | -11,2 | -10,6 | -7,9 | -5,3 | 21,9 | -42,3 |
13 mars 2020 | -7,0 | 2,9 | -9,0 | -4,7 | 285,7 | -24,8 |
Total | -18,2 | -7,8 | -16,9 | -10,0 | 307,6 | -67,1 |
Partie B : Période englobant les annonces liées au PAOGC | ||||||
27 mars 2020 | -1,3 | -14,2 | -12,9 | -8,5 | -55,5 | -3,4 |
15 avril 2020 | 0,0 | -0,8 | -1,0 | -2,6 | -1,0 | 3,2 |
3 juin 2020 | 2,3 | 0,7 | 2,2 | 2,3 | -3,2 | 26,5 |
15 juillet 2020 | -0,5 | -0,7 | 0,3 | -1,9 | 19,2 | -4,9 |
9 septembre 2020 | -0,5 | 0,3 | 0,3 | 0,0 | -3,1 | 9,2 |
Total | -0,1 | -14,6 | -11,1 | -10,7 | -43,5 | 30,6 |
Partie C : Période de réduction des achats | ||||||
28 octobre 2020 | -0,2 | 0,6 | 0,2 | -0,2 | -54,3 | -24,4 |
9 décembre 2020 | 0,1 | 0,1 | 0,6 | 0,9 | -19,7 | 10,8 |
20 janvier 2021 | 0,8 | 1,1 | 1,6 | 1,5 | -10,8 | 48,1 |
10 mars 2021 | -1,3 | -1,3 | -0,8 | 0,7 | -12,9 | -19,3 |
21 avril 2021 | 3,3 | 5,3 | 6,3 | 5,0 | -25,9 | 91,1 |
9 juin 2021 | 0,5 | 0,0 | 0,6 | 0,0 | -10,5 | -8,3 |
14 juillet 2021 | -7,2 | -3,2 | -4,5 | -3,4 | 33,4 | -31,6 |
8 septembre 2021 | -0,5 | -0,3 | -1,1 | 0,0 | 4,0 | -2,5 |
27 octobre 2021 | 37,4 | 25,2 | 12,0 | 7,2 | -48,3 | 76,0 |
Total | 32,9 | 27,6 | 14,9 | 11,6 | -145,0 | 140,0 |
Nota : Le sigle PAOGC signifie « Programme d’achat d’obligations du gouvernement du Canada ». Nous examinons les variations des prix de diverses catégories d’actifs financiers durant une période allant de 10 minutes avant une annonce à 20 minutes après. Nous utilisons le taux implicite des contrats à terme sur acceptations bancaires de trois mois sur un horizon de trois trimestres, les taux des obligations de référence du Canada à 2, 5 et 10 ans, le logarithme des prix des contrats à terme standardisés sur l’indice S&P/TSX 60 et le taux de change États-Unis–Canada. Les valeurs sont exprimées en points de base.
Enfin, nous nous penchons sur la réaction des marchés aux neuf annonces de la Banque durant la période de réduction des achats obligataires. L’effet global sur les prix au cours de cette période est l’inverse de celui observé lors de la période englobant les annonces pré-PAOGC et les annonces liées au PAOGC (tableau 1, partie C). Cela va de soi, puisque la Banque a diminué ses achats hebdomadaires au titre de l’AQ, et que les annonces faites durant cette période ont probablement modéré les attentes du marché quant à la taille du programme d’AQ. L’incidence la plus marquée a été observée le 27 octobre 2021, lorsque la Banque a annoncé qu’elle mettait fin au programme d’AQ et amorçait la phase de réinvestissement. À la suite de cette annonce, le rendement des contrats BAX et des obligations d’État a augmenté. Cette hausse a été plus prononcée dans les segments à plus courte échéance, sous l’effet du renforcement des attentes à l’égard des taux d’intérêt à court terme. Ces derniers avaient progressé de 37 points de base, et les taux d’intérêt à long terme, de 7 points de base. Les marchés ont vu dans cette annonce le signe que le Banque allait commencer à hausser les taux d’intérêt plus tôt que ce qu’ils avaient anticipé. En effet, dans la livraison d’octobre 2021 de son Rapport sur la politique monétaire, la Banque avait devancé ses prévisions quant à la résorption des capacités excédentaires, maintenant projetée pour le deuxième ou le troisième trimestre de 2022, plutôt que pour la deuxième moitié de 2022.
Notre étude événementielle de l’incidence de l’AQ sur les marchés financiers dépend de la mesure dans laquelle nous jugeons qu’une annonce donnée est liée à celui-ci. Si on s’en tient à la période englobant les annonces liées au PAOGC, on observe un recul total d’environ 10 points de base des rendements à terme des obligations d’État à 10 ans. Si on présume que le repli des rendements des obligations à 10 ans au moment des annonces des 4 et 13 mars 2020 était attribuable à l’augmentation des attentes quant à l’AQ, le recul estimé devient plus grand, soit d’environ 21 points de base. D’une part, il est possible que notre analyse de l’étude événementielle sous-estime l’incidence de l’AQ sur les marchés financiers, et ce, parce qu’elle ne tient pas compte de toutes les répercussions des annonces, mais seulement de la façon dont elles influent sur les attentes quant à l’AQ. D’autre part, il se peut que l’analyse surestime l’incidence de l’AQ, parce qu’elle suppose que le recul des rendements au moment des annonces du début mars était dû à celui-ci et non aux baisses de taux elles-mêmes. Dans l’ensemble, on sous-estime probablement les répercussions des annonces sur les marchés financiers. De plus, l’augmentation de 12 points de base des rendements à terme des obligations à 10 ans au moment des annonces coïncidant avec la réduction des achats donne à penser qu’on sous-estime les répercussions de l’AQ.
Afin de mettre en perspective notre estimation des répercussions du programme d’AQ au Canada, le graphique 3 compare l’incidence de celui-ci sur les rendements des obligations à 10 ans et l’importance des achats dans différents pays et dans le cadre de différents programmes. Les points représentent les programmes d’AQ annoncés en réponse à la crise financière mondiale, et les triangles représentent ceux annoncés lors de la pandémie de COVID-19. Le graphique ne montre aucun lien clair entre l’importance des achats et l’incidence sur les rendements des obligations à 10 ans. Cela pourrait être attribuable à plusieurs facteurs, comme la taille de l’économie, le degré de prévisibilité des annonces ou le fait que les taux d’intérêt se soient situés, ou non, à la borne du zéro au moment de l’annonce d’AQ. Par exemple, les achats du Japon au titre de l’AQ étaient plus importants que ceux d’autres pays, mais ont probablement eu un effet limité, étant donné que les taux de rendement obligataires avoisinaient déjà leur valeur plancher. Sans surprise, le premier programme d’assouplissement quantitatif aux États-Unis et le premier mécanisme d’acquisition d’actifs au Royaume-Uni, qui marquaient le début de l’AQ dans chacun des deux pays, ont eu l’incidence la plus marquée. Le PAOGC de la Banque du Canada se situe en milieu de peloton pour ce qui est de l’ampleur de ses effets.
Graphique 3 : Estimation des effets de l’assouplissement quantitatif sur les rendements des obligations à 10 ans, selon la taille du programme d’achat
Effets macroéconomiques
Dans cette section, nous estimons les effets des annonces d’AQ sur le plan macroéconomique. Diverses approches ont été utilisées pour estimer les effets macroéconomiques de l’AQ dans différentes économies. Le Comité sur le système financier mondial (2019) examine 25 études qui utilisent principalement des modèles d’équilibre général dynamique et stochastique et des modèles vectoriels autorégressifs. Dans l’ensemble, on estime que les effets sont positifs, en ce qui a trait tant à la production réelle qu’à l’inflation. Les estimations de l’effet maximal sur le PIB réel et l’inflation peuvent varier grandement en fonction de la méthodologie, de la banque centrale et du programme. Les estimations des effets de l’AQ se situent entre 0 et 4 points de pourcentage.
On trouvera des précisions sur le modèle utilisé dans la présente étude dans Zhang (2021), dont le cadre se fonde sur le modèle de Gertler et Karadi (2011, 2013). Ces derniers auteurs adaptent un modèle de type nouveau keynésien relativement standard afin d’y inclure explicitement un secteur bancaire et des bilans d’institutions bancaires. Le modèle se fonde sur trois hypothèses principales pour intégrer le rôle de l’AQ :
- les banques financent des actifs risqués à long terme avec des emprunts à court terme sans risque
- l’existence d’un problème d’agence entre les ménages et les banques restreint la capacité d’emprunt de ces dernières et génère des rendements excédentaires liés à la différence entre les emprunts à court et à long terme
- la banque centrale achète des actifs à long terme lors des crises économiques et stimule l’économie en réduisant les coûts du crédit du secteur bancaire
Se basant sur les travaux de Gertler et Karadi (2011, 2013), Zhang (2021) ajoute les trois caractéristiques ci-dessous au modèle. Elles sont toutes trois nécessaires pour étudier les indications prospectives et les politiques d’achat d’actifs dans un même cadre, ainsi que les effets des politiques sur l’ensemble de la courbe des rendements.
- Premièrement, l’étude présente un taux d’intérêt nominal à un jour théorique qui suit une règle de Taylor. Le taux à un jour théorique correspond au taux à un jour observé lorsque la borne du zéro n’est pas contraignante, et il est négatif lorsqu’elle l’est.
- Deuxièmement, l’étude décrit un choc attribuable à des indications prospectives, sous la forme d’une annonce de chocs futurs touchant la règle de Taylor, qui sert d’outil de modélisation pour générer des innovations en ce qui a trait aux taux d’intérêt futurs anticipés.
- Troisièmement, l’étude présente une approximation flexible qui permet d’interpoler toute la courbe des rendements au moyen du taux théorique et du taux applicable à une obligation perpétuelle.
Dans le modèle, les indications prospectives et les achats d’actifs influencent de façon différente la courbe des rendements :
- Lorsque les taux d’intérêt se situent à la borne du zéro, une banque centrale peut annoncer une politique d’assouplissement au moyen d’indications prospectives afin de maintenir peu élevé le taux à un jour dans un avenir rapproché. La politique fait diminuer les attentes liées à la trajectoire prévue du taux directeur, ce qui réduit davantage les rendements à court et à moyen terme que les rendements à long terme. Ce choc attribuable à des indications prospectives peut aussi représenter l’information sur la trajectoire future du taux directeur que les marchés déduisent de l’annonce d’AQ.
- À l’inverse, l’achat d’obligations à long terme réduit les primes de terme et fait diminuer davantage les rendements à long terme que les rendements à court terme.
Les politiques de ce type entraînent aussi des répercussions indirectes sur la courbe des rendements, dont il faut tenir compte. Comme elles accentuent les attentes des marchés quant à la production et à l’inflation, elles ont une incidence sur les rendements à plus court terme. Par exemple, l’incidence d’un choc attribuable à des indications prospectives sur les taux à court et à moyen terme peut être réduite parce que les marchés s’attendent à ce que la situation économique s’améliore. Advenant une telle amélioration, on observerait une modération des attentes quant au temps nécessaire pour un relèvement des taux par rapport à la borne du zéro et à la trajectoire du taux à un jour. De plus, étant donné les effets directs et indirects de ces politiques sur la courbe des rendements, le modèle permet de déterminer dans quelle mesure un choc donné est lié aux indications prospectives et aux achats massifs d’actifs.
Nous combinons ensuite le modèle avec les données observées sur les rendements. Nos estimations sont formulées de façon que les variations des rendements prédites par le modèle structurel, à partir d’une combinaison linéaire des deux types de chocs, correspondent aux variations observées des rendements à terme des obligations à 2, 5 et 10 ans au moment des annonces d’AQ. Nous intégrons au modèle trois scénarios différents de variation des rendements. Dans le premier scénario, nous nous intéressons uniquement aux annonces d’AQ effectuées aux dates d’annonce préétablies de taux d’intérêt. Dans le deuxième scénario, nous ajoutons les deux annonces pré-PAOGC faites en mars 2020. Comme les deux premiers scénarios estiment seulement les répercussions attribuables au caractère imprévu des annonces d’AQ, le troisième scénario se base sur des calculs sommaires pour estimer les pleins effets du PAOGC sur les rendements.
Pour le troisième scénario, nous nous penchons sur les trois annonces de réduction des achats d’avril, de juillet et d’octobre 2021, aux alentours desquelles le rendement à terme des obligations d’État à 10 ans a enregistré une augmentation cumulative d’environ 8,8 points de base. Nous estimons l’évolution des attentes du marché concernant le bilan de la Banque en supposant que les participants au marché ont devancé de trois mois leurs attentes d’une réduction du rythme des achats hebdomadaires d’obligations d’État d’un milliard de dollars à chaque annonce. Cela dit, comme la plupart des participants au marché s’attendaient à ces annonces, il s’agit peut-être d’une estimation généreuse de l’évolution des attentes en ce qui a trait à l’offre. Selon notre hypothèse, la quantité d’obligations d’État en circulation aurait enregistré une augmentation hebdomadaire imprévue d’un milliard de dollars pendant 13 semaines. Ainsi, chaque annonce aurait mené à une variation de 13 milliards de dollars, pour un total de 39 milliards de dollars au terme de la période englobant les trois annonces. Considérant qu’une réduction des achats de 39 milliards de dollars sur 13 semaines s’est traduite par une différence de 8,8 points de base en ce qui concerne les rendements à terme des obligations à 10 ans, par une extrapolation linéaire pour l’ensemble du programme (340 milliards de dollars), nous aboutissons à un effet sur les rendements de 77 points de base. Si nous postulons une variation moins importante des attentes des marchés concernant les achats ou la quantité d’obligations en circulation, nous obtenons une plus grande incidence pour l’ensemble du programme. L’estimation de 77 points de base correspond à peu près à l’effet estimé du premier programme d’assouplissement quantitatif aux États-Unis. Ce programme américain constituait davantage une surprise que le PAOGC (car il s’agissait de la première annonce d’AQ aux États-Unis), ce qui permet de croire que les effets estimés dans notre étude événementielle se rapprochent davantage de l’incidence globale du programme américain15.
Étant donné les variations observées des rendements des obligations à 2, 5 et 10 ans aux environs des annonces des banques centrales, le modèle permet d’isoler de quelle manière chaque composante – achats d’actifs et indications prospectives – influera sur l’inflation et le PIB. Nous intégrons ensuite au modèle la variation totale des rendements des obligations d’État à 2, 5 et 10 ans, tirée des deux premiers scénarios, pour estimer l’importance des chocs attribuables à des indications prospectives et à l’AQ, de même que leurs répercussions sur le PIB et l’inflation. Pour le troisième scénario, nous utilisons seulement les rendements des obligations d’État à 10 ans et attribuons l’ensemble des variations aux achats massifs d’actifs.
Le graphique 4 montre les effets dynamiques de l’AQ sur le PIB réel et l’inflation pour chacun des trois scénarios. Il présente uniquement la réaction aux achats d’actifs, et non la réaction aux indications prospectives, parce que nous voulons nous concentrer exclusivement sur les effets de l’AQ. Certaines des annonces d’AQ s’accompagnaient de modifications des taux d’intérêt, lesquelles se refléteraient dans la portion des scénarios liée aux indications prospectives.
Comme le montre la partie A du graphique 4, les effets de l’AQ sur le PIB réel ont culminé environ trois à quatre trimestres après les chocs, et se situent entre 0,14 % pour le scénario 1 et à peu près 3 % pour le scénario 3. Le scénario 3, qui vise à rendre compte des composantes tant prévues qu’imprévues de l’AQ, se situe au milieu de la fourchette proposée par le Comité sur le système financier mondial (2019) pour estimer les effets de l’AQ sur le PIB dans différents pays. De même, la partie B du graphique 4 montre que les effets sur l’inflation atteignent le sommet le plus élevé, soit 1,8 point de pourcentage, dans le scénario 3. L’incidence inflationniste de l’AQ se trouve près de la limite inférieure des estimations multipays présentées dans l’ouvrage cité, lesquelles se situent dans une fourchette de 0 à 4 points de pourcentage.
Graphique 4 : Effets dynamiques de l’assouplissement quantitatif selon trois scénarios
Graphique 4 : Effets dynamiques de l’assouplissement quantitatif selon trois scénarios
Conclusion
Nous présentons un survol du PAOGC de la Banque et nous nous penchons sur les théories concernant la façon dont l’AQ se transmet aux marchés financiers et à la macroéconomie. Nous examinons également les défis inhérents à l’estimation des effets de l’AQ. À cause de ces défis, l’incidence globale de l’AQ est incertaine.
Dans cette étude, nous constatons que les rendements à terme des obligations d’État à 10 ans ont diminué de 10 à 20 points de base aux environs des annonces liées au PAOGC. Toutefois, ce changement ne représente que la composante imprévue des effets globaux de l’AQ, puisque les marchés s’attendaient probablement à ce que des mesures d’assouplissement quantitatif soient prises avant que celles-ci soient annoncées. Naturellement, le scénario hypothétique ne peut pas être observé, et les effets de l’AQ ne peuvent donc pas être mesurés directement, mais l’incidence globale de celui-ci est probablement beaucoup plus importante que ce que laissent supposer les prix observés autour des annonces. Dans un des scénarios utilisés, des calculs simples nous permettent d’estimer que le plein effet de l’AQ sur le rendement à terme des obligations à 10 ans se rapproche davantage de 80 points de base. Nous examinons divers scénarios pour estimer les effets macroéconomiques. Nous utilisons un modèle qui fait correspondre les effets sur les rendements à ceux sur le PIB et l’inflation pour estimer l’incidence de l’AQ sur ces deux variables. Dans un scénario qui prend en considération le plein effet du PAOGC, le modèle donne à penser que l’incidence de celui-ci a culminé à environ 3 % pour ce qui est du PIB, et à 1,8 % pour ce qui est de l’inflation.
Il y a beaucoup d’incertitude entourant les effets de l’AQ sur les rendements obligataires, et probablement encore plus en ce qui concerne l’incidence de l’AQ sur le PIB et l’inflation. Par conséquent, ces estimations sont à prendre avec un grain de sel. De plus, les modèles d’AQ ne rendent pas compte de la possibilité que celui-ci élimine les retombées négatives extrêmes. Par exemple, dans le scénario hypothétique d’absence d’AQ, les rendements à terme auraient pu augmenter beaucoup plus que ce que nous estimons dans le scénario de 80 points de base, car le marché aurait eu à absorber des émissions supplémentaires totalisant 340 milliards de dollars. Le modèle ne rend pas compte non plus de la possibilité que l’AQ aide à éviter une conséquence macroéconomique négative majeure.
Plusieurs questions sont encore à explorer :
- La demande d’obligations d’État pourrait être non linéaire, et cette non-linéarité n’est pas observée directement. Nous évaluons la réaction des marchés aux environs des annonces d’AQ; toutefois, beaucoup d’incertitude demeure quant à la forme de la courbe de la demande. Cela s’explique par le fait que ces annonces ne permettent pas de tirer beaucoup d’information sur les effets des variations importantes de l’encours de la dette publique et, par extension, sur l’effet global de l’AQ.
- Bien que nous sachions que les effets de l’assouplissement (et du resserrement) quantitatif dépendent du contexte institutionnel et économique, nous n’avons pas de bonnes estimations de l’incidence des différents facteurs.
- Notre estimation des effets macroéconomiques de l’AQ est basée sur un modèle macroéconomique en économie fermée. La transmission de l’AQ pourrait être différente dans des petites économies ouvertes comme celle du Canada.
Ce sont là des questions qui pourraient faire l’objet de futurs travaux de recherche.
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Notes
- 1. Dans la présente étude, sauf mention contraire, les obligations d’État correspondent à des obligations du gouvernement du Canada. La Banque a mis sur pied plusieurs autres programmes d’achat d’actifs pour des titres de provinces ou d’entités non gouvernementales, mais nous ne traitons pas de ces programmes dans ces lignes.[←]
- 2. Pour en savoir plus sur les mesures prises par la Banque face à la pandémie de COVID-19, voir Poloz, 2020 b.[←]
- 3. Pour de plus amples renseignements sur les soldes de règlement, voir Chu et autres, 2022.[←]
- 4. Une baisse de 25 points de base des rendements à terme des obligations à 10 ans procure un plus grand degré de détente monétaire qu’une baisse de 25 points de base du taux cible du financement à un jour, car il est peu probable que cette dernière persiste pendant 10 ans. De janvier 2008 à juillet 2023, il y a eu 11 annonces du taux directeur qui ont été suivies d’une variation de plus de 10 points de base du taux d’intérêt à court terme (tel que représenté par le contrat à terme sur acceptations bancaires ayant la plus courte échéance). En moyenne, pour l’ensemble de ces annonces, le taux d’intérêt à court terme a varié d’environ 19 points de base, tandis que le rendement des obligations à 10 ans a varié de 6 points de base (chaque fois en valeur absolue).[←]
- 5. Voir aussi P. Beaudry, « Nos opérations du programme d’assouplissement quantitatif : une radiographie » (discours prononcé par vidéoconférence devant les Chambres de commerce du Grand Moncton, de Fredericton et de Saint John, Nouveau-Brunswick, 10 décembre 2020).[←]
- 6. Ce résultat en termes de neutralité de l’assouplissement quantitatif suppose également que ce dernier n’a aucune incidence sur la politique budgétaire.[←]
- 7. Il se peut que la part d’assouplissement quantitatif qui était escomptée avant la première annonce en la matière ait été plus importante dans le cas de la pandémie, puisque les attentes concernant l’expansion de la dette publique (cf. les déplacements de la ligne verticale SB vers la droite, dans la figure 2) auraient été plus grandes pendant la pandémie, à la fois au Canada et aux États-Unis, que durant la crise financière mondiale.[←]
- 8. Pour simplifier l’analyse, nous supposons que ces annonces ne contiennent aucune information susceptible d’entraîner des changements potentiels des attentes visant la structure des échéances des achats de la Banque.[←]
- 9. Le dysfonctionnement observé sur le marché des obligations du gouvernement du Canada (Fontaine, Ford et Walton, 2020) peut avoir également contribué à renforcer les attentes en matière d’AQ.[←]
- 10. Outre l’examen des variations autour des dates de décision concernant le taux directeur, nous avons aussi mesuré les variations des prix des actifs financiers aux dates d’annonce des adjudications de la Banque, aux dates de ces opérations et aux dates auxquelles des membres du Conseil de direction ont prononcé des discours (résultats non présentés dans le présent document). Les variations des prix du marché qui se sont produites autour de toutes ces dates étaient minimes.[←]
- 11. Les contrats BAX à trois mois comptent parmi les instruments les plus liquides et les plus activement négociés sur le marché monétaire canadien. Ils reflètent en particulier le taux CDOR (Canadian Dollar Offered Rate) à trois mois, qui s’exprime sous forme d’un taux d’intérêt annuel. Trois années de contrats BAX trimestriels sont répertoriées en tout temps. Le cycle trimestriel standard comprend mars, juin, septembre et décembre. Par exemple, pour la date d’annonce du taux directeur le 15 avril 2020, nous utilisons le contrat BAX expirant en décembre 2020; le taux exprimé dans ce contrat peut être interprété comme représentant les attentes des participants au marché pour le taux CDOR à trois mois au dernier jour de négociation de décembre 2020.[←]
- 12. L’incidence estimée de l’AQ demeure à peu près la même si on la mesure en se fondant sur les prix des contrats à terme sur des obligations du gouvernement du Canada à 2 ans, 5 ans et 10 ans, négociés à la Bourse de Montréal, pour calculer les variations des rendements implicites.[←]
- 13. Pour soutenir le fonctionnement du marché des acceptations bancaires, la Banque a annoncé son intention de lancer une facilité d’achat d’acceptations bancaires (FAAB) le 13 mars 2020, vers 14 h 00. Cela coïncide avec la fenêtre de temps utilisée pour l’annonce faite à cette date (14 h 08). Le repli du rendement des contrats BAX observé aux alentours de l’annonce du 13 mars pourrait donc être partiellement attribuable à l’annonce de la FAAB. Toutefois, comme les contrats BAX que nous examinons arrivent à échéance trois ou quatre trimestres plus tard et que les rendements des obligations à court terme ont connu une baisse semblable, il est probable que cette variation du rendement des contrats BAX s’explique en grande partie par l’annonce de taux d’intérêt de la Banque.[←]
- 14. Tous les actifs financiers que nous avons examinés pour la période suivant l’annonce du 35 juin5 2020 ont connu une faible variation. À cette date, la Banque a annoncé une baisse de la fréquence de ses opérations de pension à plus d’un jour et de ses achats d’acceptations bancaires en raison de l’amélioration des conditions financières. Plus précisément, nous observons une augmentation des rendements des contrats BAX et des obligations d’État, une hausse du taux de change Canada–États-Unis et une diminution du rendement des contrats à terme standardisés sur actions.[←]
- 15. Le 21 mars 2024, le sous-gouverneur Toni Gravelle a réitéré le point de vue de la Banque selon lequel la fourchette d’équilibre des soldes de règlement est de 20 et 60 milliards de dollars. En même temps, certains participants avaient estimé que les soldes de règlement pourraient atteindre un niveau plus élevé, se situant par exemple près de 80 milliards de dollars selon un participant (Vieira, 2024). Les rendements des obligations à 10 ans ont augmenté d’environ 4 points de base durant la période entourant le discours. Si l’on suppose que les effets du resserrement quantitatif sont aussi importants que ceux de l’AQ, et que le discours a fait passer de 15 à 25 milliards de dollars le montant auquel s’attendaient les marchés en ce qui a trait au resserrement quantitatif, nous pouvons produire une autre estimation de l’incidence du PAOGC en extrapolant les données observées en fonction de son montant total, soit 340 milliards de dollars. Ainsi, la réaction des marchés laisse supposer que ce programme d’AQ aurait eu globalement un effet sur les rendements des obligations à 10 ans se situant entre 54 et 90 points de base. Toutefois, il se peut que cet effet soit sous-estimé, car les annonces de resserrement quantitatif tendent à avoir une moins grande incidence que les annonces d’AQ (Du, Forbes et Luzzetti, 2024).[←]
Avis d’exonération de responsabilité
Les documents d’analyse du personnel de la Banque du Canada présentent les résultats de recherches menées à terme par les employés sur un vaste éventail de questions touchant aux politiques de la banque centrale et sont rédigés en toute indépendance du Conseil de direction de la Banque. Ils peuvent étayer ou remettre en question les idées dominantes en matière de politiques, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue officiel de la Banque. Par conséquent, les opinions exprimées dans le présent document sont celles de l’auteur uniquement et n’engagent aucunement cette dernière.
DOI : https://doi.org/10.34989/sdp-2024-5