Politique monétaire

La croissance économique canadienne a beaucoup ralenti en 2023, les effets des hausses de taux d’intérêt continuant de se faire sentir dans l’économie. Même si l’inflation dépassait encore la cible de 2 % de la Banque du Canada à la fin de l’année, le resserrement de la politique monétaire au Canada et à l’étranger a freiné la demande et déclenché un allègement des pressions sur les prix.

Après avoir atteint un pic de 8,1 % en juin 2022, l’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC) a sensiblement diminué pour s’établir à 3,4 % à la fin de 2023. Malgré un durcissement substantiel de la politique monétaire, les progrès vers la cible de maîtrise de l’inflation ont été plus lents que prévu.

La Banque a relevé son taux directeur à trois reprises en 2023, pour une hausse totale de 75 points de base. Ces décisions ont porté le taux à 5 % en juillet. Par la suite, le Conseil de direction a maintenu le taux inchangé à la lumière des indices qui laissaient entrevoir que les hausses passées produisaient les effets voulus en améliorant l’équilibre entre l’offre et la demande, et en atténuant les pressions inflationnistes.

La Politique monétaire est l’une des cinq grandes sphères de responsabilité de la Banque. Découvrez les autres grandes fonctions de l’institution.

La Banque a eu recours à divers canaux pour indiquer qu’elle :

  • continuerait d’évaluer si la politique monétaire en place suffirait à ramener l’inflation à la cible de 2 %
  • était prête à relever davantage le taux directeur si les pressions inflationnistes venaient à persister
  • évaluait soigneusement les risques associés à un resserrement excessif ou insuffisant de la politique monétaire

Tout au long de 2023, la Banque a poursuivi son resserrement quantitatif dans le but de normaliser son bilan.

Renseignez-vous sur l’inflation et le processus entourant les décisions de politique monétaire de la Banque.

Faire le suivi de l’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation

Au cours de 2023, il est devenu de plus en plus clair que la politique monétaire fonctionnait. L’inflation, qui était de 5,9 % en janvier, est tombée à 2,8 % en juin. Bien qu’elle soit brièvement remontée à 4 % à l’automne, elle est descendue à 3,4 % à la fin de l’année. Malgré ces progrès, l’inflation est tout de même demeurée supérieure à la cible de la Banque tout au long de 2023.

Les bas prix de l’énergie sont l’un des principaux facteurs de la baisse de l’inflation au premier semestre de 2023. La croissance des prix des aliments et de nombreux autres biens et services a montré des signes d’essoufflement, dans un contexte où le coût des intrants diminuait et où la demande commençait à ralentir. En revanche, la hausse des frais de logement est demeurée forte, principalement en raison de la montée du coût de l’intérêt hypothécaire et des loyers. Dans l’ensemble, les progrès vers l’atteinte de la cible d’inflation ont été plus lents qu’escompté.

En outre, les attentes des entreprises et des consommateurs à l’égard de l’inflation à court terme ont continué de se modérer en 2023. Elles sont néanmoins demeurées supérieures à celles mesurées avant le début de la pandémie de COVID‑19 et aux prévisions d’inflation de la Banque. Les résultats des enquêtes de la Banque montrent que les consommateurs et les entreprises s’attendaient à ce que l’inflation se maintienne au-dessus de la cible de 2 % pour les deux prochaines années. Les attentes d’inflation à long terme sont quant à elles restées en phase avec la cible de 2 %. Les résultats des enquêtes ont également révélé que les entreprises avaient continué d’augmenter leurs prix de façon plus substantielle qu’à l’ordinaire, ce qui indique qu’elles ne sont pas encore revenues à leurs pratiques habituelles d’établissement des prix.

Mettre en œuvre la politique monétaire et gérer le bilan de la Banque

La Banque, comme bon nombre de banques centrales, a utilisé différents outils pour freiner l’inflation et gérer son bilan. En 2022, elle a notamment relevé son taux directeur à plusieurs reprises et mis en place une politique de resserrement quantitatif. Ces deux mesures se sont poursuivies tout au long de 2023. Aux fins du resserrement quantitatif, la Banque ne remplace plus dans son bilan les obligations du gouvernement du Canada qui arrivent à échéance. En conséquence, la taille de son bilan a encore diminué, passant de 410,7 milliards de dollars à la fin de 2022 à 316,8 milliards de dollars à la fin de 2023.

Par ailleurs, la Banque a entrepris d’évaluer son cadre opérationnel pour la mise en œuvre de la politique monétaire et la gestion de son bilan en vue du nouvel état stable. Pour ce faire, il a fallu estimer la fourchette visée des soldes de règlement et concevoir une approche pour leur gestion au jour le jour. Il a également fallu déterminer la composition du portefeuille d’actifs de l’institution, de même qu’examiner les outils dont elle dispose pour les opérations de marché et l’acquisition d’actifs.

Cela fait suite à l’avis de 2022 de la Banque, où elle annonçait qu’elle baserait la conduite de sa politique monétaire sur un système de valeurs plancher, dans lequel le taux d’intérêt de la facilité de dépôt à un jour correspond au taux cible du financement à un jour. En 2023, la Banque a expliqué plus en détail les raisons du maintien de ce système1. Elle a également fourni des estimations de la fourchette d’équilibre des soldes de règlement et de la durée prévue du resserrement quantitatif2.

Apprenez-en plus sur le resserrement quantitatif et le bilan de la Banque.

Rééquilibrer l’offre et la demande

Le produit intérieur brut a enregistré une croissance solide de 2,6 % au début de 2023, mais la croissance économique s’est mise à stagner au milieu de l’année. Le fléchissement de la demande a été particulièrement visible dans les secteurs sensibles aux mouvements des taux d’intérêt. À titre d’exemple :

  • le marché de l’habitation a continué de ralentir
  • les dépenses de consommation ont diminué
  • la consommation par habitant aussi a diminué, malgré le fait que la forte croissance démographique a continué de stimuler les dépenses globales

Étant donné le ralentissement de la croissance de la demande et l’augmentation de l’offre, un nombre accru d’indicateurs donnait à penser que l’économie avait retrouvé son équilibre au second semestre.

Soutenir la fonction Politique monétaire de la Banque

Malgré les forces très complexes qui s’exercent sur l’offre et la demande, la Banque dans ses projections avait correctement prévu qu’en 2023 :

  • la croissance de l’économie canadienne et de l’économie mondiale ralentirait
  • l’inflation baisserait considérablement par rapport aux sommets observés en 2022
Atteinte de la cible relative à l’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC)
Principaux indicateurs Niveau de référence 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023
Inflation mesurée par l’IPC (%) 2,0 1,6 2,3 1,9 0,7 3,4 6,8 3,9
Inflation moyenne mesurée par l’IPC depuis 2001 (%) 2,2
Attentes d’inflation sur dix ans (%) 2,0 2,0 2,0 2,0 2,0 2,0 2,0 2,0

Analyser les pressions inflationnistes et la transmission de la politique monétaire

En 2023, la Banque a poursuivi son analyse approfondie des pressions inflationnistes. Comme toujours, ses modèles macroéconomiques ont joué un rôle crucial dans cet exercice. Le personnel s’est notamment penché sur les sujets suivants :

  • l’offre au sein de l’économie
  • le rôle des changements structurels dans les marchés du travail et l’immigration
  • le coût des intrants et le prix des aliments
  • les perturbations dans la chaîne d’approvisionnement et l’externalisation proche3
  • l’incidence des pratiques d’établissement des prix et des marges bénéficiaires sur l’inflation45
  • les défis auxquels les banques centrales ont récemment été confrontées dans leur travail de prévision de l’inflation6

Parallèlement, les enquêtes menées par la Banque auprès des consommateurs et des entreprises ont continué de livrer des renseignements précieux sur les attentes d’inflation au pays. Le personnel de l’institution a fait aussi appel à des spécialistes externes sur tous ces sujets.

La Banque a également cherché à mieux comprendre les effets des taux d’intérêt plus élevés. Elle s’est servie de ses modèles macroéconomiques ainsi que de données détaillées sur les prêts hypothécaires au Canada pour cerner les répercussions des hausses de taux sur le coût de l’intérêt hypothécaire et les dépenses de consommation. De plus, elle a mis à jour et enrichi son cadre d’évaluation de la santé du marché du travail canadien et a utilisé des microdonnées afin de mieux discerner la dynamique de ce marché78.

La dynamique de l’inflation dans le reste du monde a été semblable à celle observée au Canada. Profitant de l’expérience de divers pays, la Banque a analysé le rôle que jouent la politique monétaire, les attentes d’inflation et l’assouplissement des contraintes d’approvisionnement dans le processus de désinflation à l’échelle mondiale.

Intégrer une gamme variée de données pour renforcer l’analyse

Face à la grande incertitude de la situation économique en 2023, la Banque s’est employée à trouver de nouvelles sources de données et d’informations pour renforcer son analyse. À cet effet, elle s’est efforcée :

  • d’enrichir ses enquêtes auprès des entreprises et des consommateurs et d’utiliser les observations tirées de son enquête auprès des participants au marché, dont les résultats ont été publiés pour la première fois en février 2023 à la suite d’un projet pilote réussi
  • d’appliquer des méthodes innovantes pour traiter les données non traditionnelles, en se servant par exemple de l’analyse textuelle de reportages pour faire le suivi des mises à pied en temps réel et en regroupant les offres d’emploi des entreprises pour suivre l’évolution des postes vacants dans chaque secteur d’activité
  • d’examiner les pratiques en matière de renseignements sur les marchés de façon à tirer le meilleur parti de ses contacts avec les participants aux marchés financiers
  • d’explorer la capacité des ratios d’évaluation du marché boursier canadien à révéler les attentes des investisseurs quant à la croissance future de l’économie
  • d’élaborer un nouveau modèle analytique qui combine des variables macroéconomiques et des variables des marchés financiers, afin d’estimer les probabilités de divers scénarios de croissance et d’inflation

Le personnel de la Banque s’est aussi penché sur les recherches et les données liées à l’activité économique dans les communautés autochtones au Canada et a continué d’étudier l’impact de la politique monétaire sur ces communautés9. De tels travaux donnent à la Banque une meilleure idée de l’incidence de ses actions sur divers groupes.

Évaluer les effets des changements structurels sur l’économie

Le personnel continue d’étudier les répercussions des changements structurels sur l’économie, tant au Canada qu’ailleurs dans le monde. Le travail de recherche et d’analyse ainsi mené soutient le processus décisionnel de la Banque et ses mesures de politique monétaire.

En 2023, une partie de ce travail de recherche a porté sur les implications de la poussée démographique amorcée en 202210. Le personnel s’est également intéressé aux rôles que jouent la numérisation, l’automatisation et l’adoption de technologies de pointe dans l’économie canadienne. Il a entre autres examiné les conséquences de la numérisation sur les marchés du travail, la productivité, les prix et la politique monétaire.

Les effets des changements climatiques sont également un facteur important de changement structurel. La Banque a continué d’intégrer les considérations relatives aux changements climatiques dans ses recherches et analyses. Elle s’est par exemple attachée à élaborer un ensemble amélioré et élargi d’outils de modélisation permettant d’évaluer les effets des changements climatiques et de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. La Banque a par ailleurs intégré l’impact des crédits d’impôt à l’investissement propre dans ses projections concernant les investissements des entreprises. De plus, le personnel a analysé les effets néfastes des perturbations climatiques sur le commerce international11.

Activités à venir

En 2024, la Banque continuera d’évaluer les effets des taux d’intérêt plus élevés sur l’inflation et l’ensemble de l’économie. De plus, elle :

  • adaptera la gestion de son bilan et la conduite de ses opérations de marché en vue de l’état stable recherché
  • poursuivra l’amélioration de ses modèles macroéconomiques, notamment par l’élaboration en continu d’une nouvelle série de modèles afin d’obtenir des projections plus précises et de favoriser une meilleure approche de la gestion des risques liés à la politique monétaire
  • approfondira sa compréhension des déterminants de l’inflation, dont les tensions sur le marché du travail et l’évolution des salaires
  • améliorera ses enquêtes et ses activités de communication, ainsi que les outils qu’elle utilise pour comprendre les effets des changements structurels sur la politique monétaire et l’économie
  • publiera son plan d’action pour la réconciliation avec les Autochtones
  • entreprendra un examen des mesures qu’elle a prises en réaction à la pandémie de COVID-19
  • planifiera le renouvellement de son cadre de politique monétaire prévu pour 2026

Renseignements complémentaires

Rapport sur la politique monétaire

Cadre régissant les opérations sur les marchés et l’octroi de liquidités

Enquête sur les perspectives des entreprises

Enquête sur les attentes des consommateurs au Canada

Enquête auprès des participants au marché

L’Économie claire et simple

« Traverser l’épreuve de la forte inflation » (discours du gouverneur Tiff Macklem)

« Comprendre l’inhabituel : la détermination des prix en période de forte inflation » (discours du sous-gouverneur Nicolas Vincent)

« Rééquilibrer l’économie tout en gérant les risques » (discours de la sous-gouverneure Sharon Kozicki)


  1. 1. T. Gravelle, R. Morrow et J. Witmer, « Reviewing Canada’s Monetary Policy Implementation System: Does the Evolving Environment Support Maintaining a Floor System? », document de travail du personnel 2023-10 de la Banque du Canada (mai 2023).[]
  2. 2. T. Gravelle, « Les programmes d’octroi de liquidités aux marchés de la Banque du Canada : les leçons de la pandémie », discours prononcé à la Conférence sur les services financiers de la Banque Nationale, Montréal, Québec (29 mars 2023).[]
  3. 3. S. Kabaca et K. Tuzcuoglu, « Supply Drivers of US Inflation Since the COVID‑19 Pandemic », document de travail du personnel 2023-19 de la Banque du Canada (mars 2023); O. Kryvtsov, J. C. MacGee et L. Uzeda, « The 2021–22 Surge in Inflation », document d’analyse du personnel 2023-3 de la Banque du Canada (janvier 2023).[]
  4. 4. R. Asghar, J. Fudurich et J. Voll, « Firms’ inflation expectations and price-setting behaviour in Canada: Evidence from a business survey », note analytique du personnel 2023-3 de la Banque du Canada (février 2023).[]
  5. 5. P. Bouras, C. Bustamante, X. Guo et J. Short, « The contribution of firm profits to the recent rise in inflation », note analytique du personnel 2023-12 de la Banque du Canada (août 2023).[]
  6. 6. C. Conces Binder et R. Sekkel, « Central Bank Forecasting: A Survey », document de travail du personnel 2023-18 de la Banque du Canada (mars 2023).[]
  7. 7. S. Birinci, F. Karahan, Y. Mercan et K. See, « Labour Market Shocks and Monetary Policy », document de travail du personnel 2023-52 de la Banque du Canada (octobre 2023); S. Birinci, Y. Park, T. Pugh et K. See, « Uncovering the Differences Among Displaced Workers: Evidence from Canadian Job Separation Records », document de travail du personnel 2023-55 de la Banque du Canada (octobre 2023); L. Shao, F. Sohail et E. Yurdagul, « Labour Supply and Firm Size », document de travail du personnel 2023-47 de la Banque du Canada (août 2023).[]
  8. 8. E. Ens, K. See et C. Luu, « Benchmarks for assessing labour market health: 2023 update », note analytique du personnel 2023-7 de la Banque du Canada (mai 2023).[]
  9. 9. A. Chernoff et C. Cheung, « An Overview of the Indigenous Economy in Canada », document d’analyse du personnel 2023-25 de la Banque du Canada (octobre 2023).[]
  10. 10. T. Gravelle, « Le point sur la situation économique : immigration, logement et perspectives d’inflation », discours prononcé devant la Chambre de commerce régionale de Windsor-Essex, Windsor, Ontario (7 décembre 2023).[]
  11. 11. G. R. Dunbar, W. Steingress et B. Tomlin, « Climate Variability and International Trade », document de travail du personnel 2023-8 de la Banque du Canada (janvier 2023).[]

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