Le résumé qui suit rend compte des délibérations du Conseil de direction de la Banque du Canada ayant mené à la décision de politique monétaire annoncée le 25 octobre 2023.

Il reflète les discussions et les délibérations qu’ont tenues les membres du Conseil de direction à la troisième étape du processus entourant les décisions de politique monétaire, soit après avoir reçu toutes les informations et recommandations pertinentes du personnel.

Les réunions concernées ont débuté le mardi 17 octobre. Étaient présents le gouverneur Tiff Macklem (qui a présidé les réunions), la première sous-gouverneure Carolyn Rogers, le sous-gouverneur Toni Gravelle, la sous-gouverneure Sharon Kozicki, le sous-gouverneur Nicolas Vincent et le sous-gouverneur Rhys Mendes.

Économie internationale

Le Conseil de direction (le Conseil) a entamé ses discussions en faisant le point sur l’évolution récente de l’économie internationale. La croissance mondiale se modérait et l’inflation était en baisse dans la plupart des économies, conformément à la projection de juillet de la Banque. Cependant, la composition de la croissance avait changé, l’économie américaine se montrant plus résiliente et l’économie chinoise plus faible que prévu.

Les membres du Conseil ont discuté des raisons pouvant expliquer la vigueur des dépenses de consommation et de la croissance économique aux États-Unis. L’utilisation de l’épargne accumulée durant la pandémie y était beaucoup plus importante qu’au Canada. La forte croissance des revenus portait aussi la consommation aux États-Unis. En même temps, la croissance de la productivité y était élevée et celle des coûts unitaires de main-d’œuvre s’y modérait, ce qui aidait à faire baisser l’inflation fondamentale. La Banque s’attendait à ce que l’inflation américaine baisse encore, les taux d’intérêt plus élevés et le resserrement des conditions financières ralentissant la demande.

En Chine, les investissements directs étrangers affichaient une chute marquée, et les problèmes dans le secteur immobilier continuaient à peser sur la confiance et la croissance économique. Les membres ont fait remarquer que le rebond des transports et des voyages pourrait avoir masqué une partie de la faiblesse sous-jacente de l’économie. Ils ont aussi noté le haut niveau d’incertitude entourant les perspectives pour la Chine.

Dans la zone euro, la croissance ralentissait comme prévu, à mesure que la politique monétaire plus restrictive gagnait en efficacité. L’inflation baissait aussi conformément aux attentes, mais le Conseil était moins convaincu que ce mouvement se poursuivrait, étant donné l’évolution incertaine des prix de l’énergie.

La projection d’octobre supposait que le baril de pétrole coûtait 10 dollars de plus qu’en juillet. Et, la guerre en Israël et à Gaza amplifiait le risque que les prix du pétrole restent élevés ou augmentent encore.

Le Conseil a longuement discuté des conditions financières mondiales, étant donné la récente augmentation des rendements obligataires mondiaux. Il a envisagé plusieurs raisons pouvant expliquer cette situation, notamment :

  • Le marché qui estimait que les taux directeurs des banques centrales resteraient plus élevés pendant plus longtemps.
  • L’accentuation de l’incertitude qui faisait monter la prime de terme demandée par les investisseurs pour faire contrepoids à la volatilité des taux à long terme.
  • Le financement continu du déficit aux États-Unis qui donnait lieu à une importante offre d’obligations du Trésor américain, conjuguée à un moins grand nombre d’acheteurs et au resserrement quantitatif.
  • Le taux neutre qui pourrait être en train de monter.

Il était difficile d’établir avec certitude lesquels parmi ces facteurs avaient l’incidence la plus importante. Les membres ont aussi fait remarquer que les marchés boursiers s’étaient généralement bien portés, malgré la hausse des rendements attribuable à la vigueur continue des résultats des entreprises et des titres de sociétés du secteur de l’intelligence artificielle.

Économie canadienne et perspectives d’inflation au pays

Le Conseil a passé en revue l’évolution de l’économie canadienne et la dynamique de l’inflation depuis juillet. Au cours de l’année précédente, la croissance économique avait ralenti pour s’établir à environ 1 % en moyenne au Canada. Les membres ont convenu qu’il y avait des signes plus clairs que la politique monétaire restreignait les dépenses. Avec une demande en baisse et une offre qui rattrapait la demande, l’économie s’approchait du point d’équilibre.

Les dépenses de consommation étaient inférieures aux attentes. Les membres ont mentionné que la croissance du crédit aux ménages avait considérablement diminué, ceux-ci s’adaptant aux coûts d’emprunt plus élevés. Les réponses à l’enquête du troisième trimestre sur les attentes des consommateurs au Canada laissaient présager un recul des dépenses pour le logement et les biens durables. Le Conseil a aussi noté que la diminution des dépenses avait commencé à se propager aux services.

On s’attendait à ce que les exportations stagnent à cause de la baisse de la demande étrangère. Et les répondants à l’enquête sur les perspectives des entreprises du troisième trimestre ont déclaré avoir moins l’intention d’investir, en raison des coûts de financement élevés et des moins bonnes perspectives de ventes.

Le Conseil a discuté des dépenses prévues, globalement, par le gouvernement fédéral et les administrations provinciales, qui devraient augmenter à un rythme annuel d’environ 2,5 % en 2024. Si toutes les dépenses prévues sont effectuées, cela contribuerait sensiblement à la croissance au cours de l’année à venir. En entraînant une progression de la demande plus rapide que celle de l’offre, les dépenses des gouvernements pourraient faire obstacle au retour de l’inflation à la cible.

Le Conseil a convenu qu’une vaste gamme d’indicateurs laissaient entrevoir une poursuite de la détente sur le marché du travail. Dans l’ensemble, le marché semblait toutefois encore plutôt tendu :

  • Le rythme de la création d’emplois avait ralenti jusqu’à devenir inférieur à celui de la croissance de la population active.
  • Les entreprises faisaient état d’une baisse généralisée de l’intensité des pénuries de main-d’œuvre.
  • Le nombre de postes vacants avait diminué graduellement, mais restait au-dessus des niveaux d’avant la pandémie.
  • Le taux de chômage avait un peu augmenté, mais était bas en regard du passé.
  • Les salaires avaient continué de croître dans une fourchette de 4 à 5 %.

Les membres ont observé que le rythme de croissance des salaires récemment reflétait en partie un rattrapage des salaires réels. Certaines entreprises déclaraient qu’elles prévoyaient continuer d’augmenter les salaires pour retenir les travailleurs. Le Conseil a discuté de la probabilité que les pénuries chroniques de main-d’œuvre persistent dans des secteurs comme la santé et les métiers spécialisés, même si les tensions générales sur le marché du travail continuaient de se relâcher.

Le Conseil a examiné les récentes données sur l’inflation. Même si l’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation avait reculé par rapport au pic de 8,1 % atteint en juin 2022, les dernières données étaient volatiles, l’inflation étant passée de 2,8 % en juin 2023, à 4 % en août et à 3,8 % en septembre. Les membres ont néanmoins estimé que les effets des taux d’intérêt plus élevés se faisaient de plus en plus sentir sur le prix de nombreux biens généralement achetés à crédit, comme les meubles et les électroménagers.

La diminution des prix était aussi visible pour de nombreux biens semi-durables et services hors logement qui, comme les biens durables, ont affiché une progression de 2 % ou moins en septembre. L’inflation dans le secteur des services, excluant le logement, contribuait moins à l’inflation globale que par le passé, mais les prix de certains services avaient été anormalement volatils. Le taux d’augmentation des prix des aliments s’était également inscrit en baisse, mais, à près de 6 %, il restait élevé. Les membres ont indiqué qu’ils s’attendaient à ce que ce taux se modère encore, à mesure que les coûts plus bas des intrants se répercuteront sur les prix de vente finaux.

Malgré ces progrès, les membres ont revu à la hausse leurs perspectives d’inflation à court terme. Ils ont discuté de plusieurs facteurs ayant entravé le processus de désinflation :

  • Les prix plus élevés du pétrole à l’échelle mondiale avaient fait monter les prix de l’essence. C’était le principal facteur expliquant le rebond de l’inflation depuis juin.
  • Les frais de logement progressaient à un rythme d’environ 6 %, ce qui tenait en partie à l’augmentation des intérêts hypothécaires découlant des relèvements du taux directeur. Mais les loyers et les autres charges liées au logement étaient aussi en forte hausse. Des taux d’intérêt plus élevés exerceraient normalement des pressions à la baisse sur les prix des logements et d’autres frais connexes, comme l’entretien, les taxes et l’assurance. Cependant, la pénurie structurelle de logements au sein de l’économie maintenait les prix à un niveau élevé. De plus, la croissance démographique rapide au Canada avait accentué le déséquilibre existant entre la demande et l’offre de logements.
  • Les attentes d’inflation à court terme et la croissance des salaires demeuraient élevées.
  • Les pratiques d’établissement des prix des entreprises ne se normalisaient que lentement.

Ensemble, ces facteurs contribuaient à la persistance de la forte inflation. Les mesures annualisées de l’inflation fondamentale sur trois mois s’étaient maintenues dans une fourchette de 3,5 à 4 % depuis un an, laissant supposer une faible dynamique à la baisse de l’inflation sous-jacente.

Par conséquent, le Conseil a revu à la hausse sa prévision pour l’inflation à court terme. Cependant, avec des perspectives de croissance plus modestes et une offre excédentaire plus importante, il a continué de s’attendre à ce que l’inflation retourne à la cible de 2 % en 2025.

Considérations pour la politique monétaire

Les membres ont réfléchi aux façons dont l’évolution économique récente pourrait influer sur la politique monétaire. Ils ont passé en revue les discussions tenues en septembre, aux termes desquelles ils avaient décidé de maintenir le taux directeur à 5 %. À ce moment-là, les données obtenues depuis juillet montraient plus clairement que la demande faiblissait, les effets de la politique monétaire se propageant dans l’économie.

En octobre, le Conseil a estimé que des signes portaient à croire que l’économie continuait à se rééquilibrer. Les effets de la politique monétaire avaient continué à s’intensifier, comme en faisaient foi la demande excédentaire qui se résorbait et les pressions sur les prix de nombreux biens et services qui s’atténuaient.

Les membres ont toutefois noté que la demande plus faible avait tardé à se traduire par une croissance plus lente des prix. L’absence de mouvement à la baisse de l’inflation sous-jacente les préoccupait beaucoup. Ils se sont de nouveau penchés sur les deux raisons pouvant expliquer cette persistance, soit qu’il fallait plus de temps pour que les pleins effets des mesures de politique monétaire se transmettent à l’inflation ou que la politique monétaire n’était pas encore assez restrictive pour atténuer les pressions sur les prix.

Le Conseil s’est demandé si la difficulté à faire baisser les mesures de l’inflation fondamentale était attribuable au fait que la demande était encore excédentaire ou que l’inflation était peut-être en train de s’enraciner.

L’écart de production indiquait qu’une période d’offre excédentaire s’amorçait, mais une incertitude considérable entourait cette estimation. Une demande excédentaire latente pourrait expliquer pourquoi :

  • le marché du travail restait plutôt tendu
  • les entreprises continuaient à accroître leurs prix plus souvent qu’en temps normal
  • les attentes d’inflation à court terme demeuraient élevées

Les membres ont souligné qu’une croissance des salaires qui se maintiendrait au rythme actuel de 4 à 5 % ne cadrerait pas avec un retour à la stabilité des prix. Ils ont donc convenu de suivre de près les coûts élevés de la main-d’œuvre pour voir s’ils commenceraient à se traduire par de nouvelles pressions inflationnistes.

Concernant les pratiques d’établissement des prix, malgré certains progrès, beaucoup d’entreprises indiquaient encore qu’elles comptaient relever leurs prix plus fréquemment qu’en temps normal. Les membres du Conseil ont dit craindre que les entreprises :  

  • répercutent plus lentement les baisses de coût des intrants sur les prix
  • relèvent leurs prix plus rapidement dans l’avenir en réaction aux chocs

Enfin, les membres ont noté que même si elles demeuraient élevées, les attentes d’inflation à court terme étaient à la baisse. Celles à long terme restaient quant à elles bien ancrées. Les dépenses des ménages et les décisions des entreprises reflétaient donc probablement davantage leurs expériences récentes de l’inflation qu’une acceptation de l’idée que la forte inflation allait durer.

Le Conseil a souligné qu’une forte inflation fondamentale persistante, des attentes d’inflation et une croissance des salaires élevées, ainsi que des pratiques d’établissement des prix atypiques pendant que la demande excédentaire continue de se résorber pourraient être des signes que la forte inflation s’enracine. Il a reconnu que si une telle situation se produisait, la politique monétaire devrait vraisemblablement être resserrée davantage pour rétablir la stabilité des prix.

Les membres ont aussi discuté des conséquences du fort taux d’augmentation des frais de logement sur la politique monétaire. Celui-ci pourrait contribuer plus qu’à l’habitude à l’inflation globale pendant encore un bon moment, puisqu’il faudra du temps pour accroître suffisamment l’offre de logements de façon à remédier sensiblement aux pénuries.

Le Conseil a également parlé du risque que le ralentissement de l’économie soit supérieur aux attentes. Les perspectives de croissance du produit intérieur brut avaient été revues à la baisse comparativement à celles du Rapport sur la politique monétaire de juillet, en raison notamment du resserrement des conditions financières mondiales. Si ces conditions se resserraient encore ou si les hausses passées du taux directeur freinaient la demande plus que prévu, l’économie pourrait être moins forte et l’inflation plus basse qu’anticipé.

Dans l’ensemble, les membres se sont entendus sur le fait que la politique monétaire fait baisser la demande et allège les pressions sur les prix de nombreux biens et services. Ils ont également indiqué qu’ils s’attendaient à ce que les resserrements monétaires passés continuent à faire diminuer l’inflation à mesure que l’offre deviendra excédentaire. Toutefois, étant donné les prévisions d’inflation à court terme plus élevées, la forte inflation fondamentale persistante et le risque que les tensions croissantes à l’échelle mondiale fassent monter les prix du pétrole ou perturbent de nouveau les chaînes d’approvisionnement, ils ont convenu que les risques inflationnistes globaux avaient augmenté.

La décision de politique monétaire

Les membres se sont demandé si la politique monétaire était assez restrictive pour ramener l’inflation à la cible de 2 %.

Pour certains, il était plus probable que le taux doive être relevé davantage pour permettre un retour de l’inflation à la cible. Pour d’autres, le scénario le plus probable était qu’un taux directeur à 5 % suffirait à ramener l’inflation à 2 %, à condition qu’il soit maintenu à ce niveau assez longtemps.

Néanmoins, les membres se sont largement entendus sur le fait que comme les données montraient plus clairement que les taux d’intérêt plus élevés modéraient les dépenses, ralentissaient la croissance et atténuaient les pressions sur les prix, le Conseil se devait d’être patient et de maintenir le taux directeur à 5 %. Ils se sont mis d’accord pour réévaluer la nécessité de relever le taux au moment des décisions à venir, lorsqu’ils auraient davantage d’information.

Étant donné les progrès plus lents que prévu vers la stabilité des prix et les risques inflationnistes accrus, les membres ont convenu d’énoncer clairement qu’ils étaient prêts à augmenter de nouveau le taux directeur si nécessaire.

Ils ont noté que pour avoir l’assurance que la politique monétaire était assez restrictive pour rétablir la stabilité des prix, ils devaient voir l’inflation fondamentale sur une trajectoire à la baisse. Ils ont décidé ensemble de continuer à suivre l’évolution des pressions inflationnistes sous-jacentes en se concentrant sur les indicateurs suivants :

  • l’équilibre entre l’offre et la demande
  • les attentes d’inflation
  • la croissance des salaires
  • les pratiques d’établissement des prix des entreprises

Les membres ont également discuté du programme de resserrement quantitatif de la Banque et se sont mis d’accord pour poursuivre la politique en vigueur consistant à normaliser le bilan en ne remplaçant pas les obligations arrivant à échéance.

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