Le résumé qui suit rend compte des délibérations du Conseil de direction de la Banque du Canada ayant mené à la décision de politique monétaire annoncée le 12 juillet 2023.
Il reflète les discussions et les délibérations qu’ont tenues les membres du Conseil de direction à la troisième étape du processus entourant les décisions de politique monétaire, soit après avoir reçu toutes les informations et recommandations pertinentes du personnel.
Les réunions concernées ont débuté le mercredi 5 juillet. Étaient présents le gouverneur Tiff Macklem (qui a présidé les réunions), la première sous-gouverneure Carolyn Rogers, le sous-gouverneur Paul Beaudry, le sous-gouverneur Toni Gravelle, la sous-gouverneure Sharon Kozicki et le sous-gouverneur Nicolas Vincent.
Économie internationale
Le Conseil de direction (le Conseil) a entamé ses discussions en faisant le point sur l’évolution récente de l’économie mondiale, laquelle était généralement plus vigoureuse qu’anticipé en début d’année. La croissance avait ralenti, mais les dépenses des ménages et des entreprises s’avéraient résilientes, surtout aux États-Unis. L’inflation globale avait reculé dans la plupart des économies avancées, surtout en raison de la diminution des prix du pétrole et du taux d’augmentation des prix des biens.
Le Conseil a discuté de certains thèmes communs à toutes les économies avancées :
- Les mesures de l’inflation fondamentale s’étaient révélées difficiles à faire baisser, à cause de la demande vigoureuse des consommateurs, des tensions sur les marchés du travail et des attentes d’inflation élevées.
- Les chaînes d’approvisionnement s’étaient en grande partie désengorgées et le secteur manufacturier ralentissait, vu la baisse de la demande de biens. Cela dit, la demande de services restait solide.
- Malgré le resserrement monétaire prononcé au cours de la dernière année, les pressions inflationnistes sous-jacentes s’étaient montrées plus persistantes, incitant ainsi les grandes banques centrales à indiquer que de nouvelles augmentations de taux d’intérêt pourraient être nécessaires pour combattre l’inflation.
Les membres du Conseil ont noté que l’activité économique aux États-Unis était plus forte que prévu, surtout en raison de l’étonnante robustesse des dépenses de consommation. Les ménages américains bénéficiaient d’un marché du travail dynamique qui stimulait la croissance des revenus, et ils continuaient de puiser dans leur épargne accumulée.
Dans la zone euro, l’économie avait essentiellement arrêté de progresser durant la première moitié de 2023, en raison de la faible demande de biens de consommation et du resserrement de la politique monétaire. En même temps, le secteur des services demeurait résilient, en partie à cause de la demande refoulée.
En ce qui concerne la Chine, les membres du Conseil ont parlé du fait qu’on prévoyait un ralentissement économique plus prononcé qu’auparavant en raison du fort rebond de la croissance enregistré après la levée des restrictions sanitaires. L’expansion économique plus lente à l’échelle du globe pesait sur l’activité manufacturière et les exportations du pays, et le secteur immobilier restait affaibli. Les membres ont souligné que ce ralentissement de la croissance chinoise aurait des implications pour les prix du pétrole et la demande de produits de base non énergétiques.
Le Conseil a noté que les prix du pétrole avaient baissé depuis la dernière projection, mais qu’ils pourraient augmenter de nouveau si l’offre ne suivait pas la demande mondiale durant la période projetée. Les réductions volontaires de production de pétrole annoncées par plusieurs membres – et certains pays non membres – de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole en vue de limiter l’offre à l’échelle mondiale pourraient avoir de plus importantes répercussions que la faiblesse potentielle de la demande qui découlerait principalement de la croissance mondiale plus lente et d’un ralentissement plus marqué que prévu en Chine.
Les membres du Conseil étaient d’accord que le risque de tensions dans le secteur bancaire mondial avait diminué, mais qu’il était toujours présent. Les rendements des obligations d’État en Europe et en Amérique du Nord avaient augmenté, tandis que les cours des actions avaient généralement monté depuis juin.
Économie canadienne et perspectives d’inflation au pays
Les membres du Conseil ont poursuivi les discussions qu’ils avaient eues lors des réunions préalables à la décision de juin et examiné les données accumulées depuis les derniers mois concernant l’économie canadienne et la dynamique de l’inflation.
Ils ont revu leur évaluation de la croissance surprenante des dépenses de consommation du premier trimestre de 2023. Ils ont convenu que beaucoup de facteurs avaient pu contribuer à cette vigueur, mais que les suivants étaient probablement les plus importants :
- Les tensions sur les marchés du travail et la solide progression des revenus soutenaient les dépenses.
- Le surplus d’épargne accumulé pendant la pandémie donnait à la population une marge de manœuvre pour faire face aux hausses de prix et de taux d’intérêt.
- La forte expansion démographique avait bondi au premier trimestre, stimulant la consommation.
- La demande refoulée, surtout celle de services, continuait de stimuler la consommation, plus de gens reprenant les activités impossibles pendant la pandémie.
Les membres du Conseil se sont demandé s’il était probable que les dépenses de consommation restent élevées de la sorte à court terme. D’une part, comme la consommation avait été faible dans la seconde moitié de 2022, il était possible que le regain de vigueur constaté au premier trimestre de 2023 ne soit que temporaire et attribuable au moment où certains biens durables avaient été livrés. La demande refoulée de services serait aussi appelée à diminuer au fil du temps. D’autre part, les données sur le commerce de détail d’avril indiquaient que la demande de biens était soutenue, et laissaient entrevoir une croissance au deuxième trimestre pour la plupart des secteurs sensibles aux taux d’intérêt, sauf celui des véhicules automobiles. Qui plus est, les prix des logements s’étaient redressés, la demande ayant continué de surpasser l’offre dans ce secteur.
Le Conseil a discuté de l’incidence de l’immigration sur l’offre et la demande. Comme la croissance démographique avait monté en flèche dernièrement, plus de travailleurs avaient intégré la population active, ce qui avait aidé à pallier la pénurie de main-d’œuvre. Les nouveaux arrivants avaient aussi contribué à la demande, devant dépenser sur-le-champ pour trouver un logement et s’installer. Les membres du Conseil étaient d’accord pour dire qu’il était difficile d’évaluer avec précision l’effet net de la croissance démographique sur la demande excédentaire. Ils considéraient cependant que l’effet initial était plutôt neutre.
Dans l’ensemble, les membres du Conseil ont convenu que la consommation était appelée à se modérer à mesure que les hauts taux d’intérêt continueraient de se faire sentir dans l’économie. Mais ils ont noté que cette modération prendrait plus de temps qu’escompté étant donné le dynamisme plus fort que prévu de la consommation au deuxième trimestre, ainsi que les tensions encore présentes sur les marchés du travail et le surplus d’épargne des ménages.
Les membres se sont entendus sur le fait que la baisse des intentions d’investissement des entreprises et de la croissance des exportations était un signe que le resserrement monétaire au pays et à l’étranger freinait la demande. Parmi les raisons de leur réticence à investir, les entreprises sondées par la Banque avaient cité la perspective d’un ralentissement économique et le resserrement des conditions financières. Les membres ont aussi souligné qu’à mesure que la croissance mondiale ralentirait, la demande d’exportations canadiennes devrait aussi baisser, quoique plus lentement qu’anticipé, étant donné la croissance plus robuste de la consommation aux États-Unis.
Le Conseil a discuté des données récentes indiquant que les tensions sur les marchés du travail persistaient et ne montraient que des signes graduels d’allégement. La demande de main-d’œuvre était quant à elle restée robuste. Cependant, la création d’emplois au cours des cinq mois précédents avait été modeste et demeurait un peu inférieure au niveau compatible avec l’expansion démographique, indiquant que l’équilibre entre l’offre et la demande de main-d’œuvre s’était quelque peu amélioré. Lors d’enquêtes, les entreprises avaient déclaré qu’il leur était plus facile de trouver les travailleurs dont elles avaient besoin. Par ailleurs, le taux de chômage avait légèrement progressé, atteignant 5,4 % en juin – un taux encore bas en regard du passé. L’Enquête sur la population active révélait que la croissance des salaires sur un an avait ralenti et s’était située à 4,1 % en juin. Il était toutefois encore trop tôt pour savoir si ce mouvement à la baisse allait se poursuivre. Les mesures de la croissance des salaires s’établissaient entre 4 et 5 % depuis plusieurs mois, et plus de données étaient nécessaires pour déterminer si les pressions salariales étaient en train de se modérer.
Les membres du Conseil se sont ensuite penchés sur la dynamique de l’inflation et ont discuté des récentes tendances observées dans les données. L’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC) était descendue à 3,4 % en mai, ce qui cadrait généralement avec les projections de la Banque. Cette baisse importante par rapport au sommet de 8,1 % atteint l’été dernier reflétait surtout la diminution des prix de l’énergie, les effets de glissement annuel et la diminution du taux d’augmentation des prix des biens durables. Malgré le recul de l’inflation globale, la progression des prix de nombreux biens et services compris dans le panier de l’IPC avait mis en lumière la persistance de pressions sous-jacentes s’exerçant sur les prix. Plus de la moitié des composantes du panier de l’IPC affichaient encore des hausses de prix supérieures à 5 %. De plus, les répondants aux enquêtes menées auprès d’entreprises avaient indiqué prévoir continuer d’augmenter leurs prix plus souvent qu’à l’habitude.
Les mesures de l’inflation fondamentale n’avaient pas baissé au cours des mois précédents, les taux sur trois mois s’étant constamment établis autour de 3½ à 4 % depuis septembre 2022. En outre, le gros des fortes hausses de prix de l’an dernier n’apparaissait plus dans l’inflation mesurée par l’IPC sur un an en raison des effets de glissement annuel. Par conséquent, le Conseil a conclu que l’inflation mesurée par l’IPC ne profiterait plus que d’un faible élan à la baisse à court terme.
Les membres du Conseil ont trouvé le recul de l’inflation mesurée par l’IPC encourageant. Toutefois, la stagnation des mesures de l’inflation fondamentale donnait à penser que le retour à la cible de 2 % prendrait plus de temps que prévu. Ils ont convenu que les perspectives d’inflation étaient très incertaines, étant donné la persistance de l’inflation fondamentale à un niveau élevé et les forces opposées qui soutenaient la demande.
Considérations pour la politique monétaire
Les membres du Conseil ont réfléchi aux données qui s’étaient accumulées depuis janvier et à leurs effets sur la politique monétaire. Ils étaient d’avis qu’elles indiquaient clairement que la demande excédentaire et l’inflation fondamentale élevée s’avéraient plus persistantes qu’anticipé. Ces constatations les ont menés à évaluer deux scénarios concernant les perspectives d’inflation.
Dans le premier scénario, les hausses du taux directeur prendraient plus de temps que par le passé à faire baisser la demande et l’inflation. Ce décalage dans la transmission de la politique monétaire serait alors attribuable aux circonstances inhabituelles créées par la pandémie et la reprise économique, ainsi qu’aux fortes variations de l’inflation et des attentes d’inflation connexes.
Les membres du Conseil ont noté que les taux d’intérêt réels n’étaient devenus vraiment restrictifs que récemment, dans la foulée des hausses du taux directeur et de la baisse des attentes d’inflation. Cela expliquerait pourquoi les effets des taux d’intérêt plus élevés semblaient différés, même s’ils avaient initialement atténué la demande de logements et de biens sensibles aux taux d’intérêt. De plus, le désengorgement des chaînes d’approvisionnement et la forte hausse de l’immigration au Canada pouvaient en même temps avoir stimulé la consommation.
Dans le second scénario, la politique monétaire devrait être plus restrictive pour faire baisser la demande excédentaire et ramener l’inflation à la cible.
Comme les marchés du travail restaient tendus et l’épargne des ménages, bien au-dessus des niveaux prépandémiques, la demande pourrait demeurer plus forte qu’estimé auparavant. En outre, les taux de l’inflation fondamentale annualisés sur trois mois se maintenaient entre 3,5 et 4 % depuis huit mois et l’inflation globale s’était mise à descendre moins vite.
Selon la projection que la Banque s’apprêtait à publier, l’inflation allait demeurer près de 3 % pour une année de plus avant de retourner progressivement à la cible. Les membres du Conseil se sont dits préoccupés par le fait que l’inflation reste aussi longtemps supérieure à la cible puisse accroître le risque que les attentes d’inflation s’établissent au-dessus d’un niveau compatible avec l’atteinte de la stabilité des prix. Contrairement aux épisodes passés où ces attentes ne s’étaient que très peu ajustées aux chocs d’inflation, la persistance des hausses de prix au moment des délibérations pouvait contribuer à maintenir les attentes d’inflation à un niveau élevé. À mesure que ces attentes accrues se refléteraient dans les pratiques de fixation des prix et des salaires, l’inflation pourrait être plus difficile à ramener à la cible.
Le Conseil a examiné les données d’enquêtes sur les questions relatives aux attentes d’inflation des entreprises et des consommateurs. Dans l’ensemble, même si ces attentes à court terme étaient en baisse, elles restaient supérieures aux prévisions de la Banque. Les pratiques de fixation des prix semblaient aussi se normaliser graduellement, mais les entreprises prévoyaient encore des hausses de prix plus grandes et plus fréquentes que d’habitude. De même, les consommateurs s’attendaient à ce que l’inflation demeure élevée et ne revienne que peu à peu à des niveaux plus normaux.
En tenant compte de ces scénarios, le Conseil a discuté des meilleurs moyens d’équilibrer les risques liés à un resserrement trop faible ou trop fort.
Si la politique monétaire n’était pas assez restrictive pour ramener l’inflation à la cible dans un délai raisonnable, les taux pourraient devoir être relevés de nouveau plus tard. Si la politique monétaire mettait plus de temps à agir seulement parce que les effets du resserrement nominal ne faisaient que commencer à se répercuter sur la consommation globale, un resserrement trop fort pourrait rendre les conditions économiques plus difficiles que nécessaire.
Pour évaluer ces risques, les membres ont pris en considération certains éléments des deux scénarios. Plus particulièrement, ils étaient d’accord que les hausses de taux passées allaient continuer de se répercuter dans l’économie, ralentissant ainsi la demande. Ils ont aussi convenu que la demande excédentaire et l’inflation sous-jacente semblaient toutes deux plus persistantes. Enfin, l’inflation devant dépasser la cible pour une autre année, ils étaient d’avis que même si les attentes d’inflation à long terme paraissaient encore raisonnablement ancrées, elles risquaient de demeurer élevées à court terme, ce qui compliquerait les choses pour restaurer la stabilité des prix.
La décision de politique monétaire
Lors de sa décision précédente, en juin, le Conseil avait conclu que la politique monétaire n’était pas assez restrictive et avait relevé le taux directeur de 0,25 point de base, pour le faire passer à 4,75 %.
Pendant les réunions de juillet, les membres ont convenu qu’une nouvelle hausse était nécessaire. Vu la persistance de la demande excédentaire et de l’inflation fondamentale élevée, et compte tenu des révisions des perspectives, la politique monétaire devait être plus restrictive pour ralentir la croissance de la demande et ramener l’inflation à la cible de 2 %.
Le Conseil s’est ensuite demandé s’il était approprié de relever le taux directeur en juillet ou s’il valait mieux attendre d’avoir d’autres données pour renforcer les arguments en faveur d’un resserrement monétaire accru. Les membres étaient d’accord pour dire qu’il y avait plus de risques que d’avantages à ne pas agir tout de suite. Comme la projection indiquait que l’inflation resterait autour de 3 % encore un an et compte tenu des risques à la hausse entourant les attentes d’inflation et les dépenses des ménages, les membres du Conseil se sont dits préoccupés par le risque que les progrès vers la stabilité des prix puissent stagner, et que l’inflation monte à nouveau si certains chiffres dépassaient les prévisions de la Banque.
Le Conseil a donc convenu d’augmenter le taux cible du financement à un jour de 25 points de base pour le faire passer à 5 %.
Les membres ont discuté de la façon de décrire dans leurs communications la trajectoire possible des taux d’intérêt. Compte tenu des incertitudes entourant les projections ainsi que de l’ampleur des effets des hausses de taux d’intérêt sur la demande et du moment où ces effets se manifesteraient, les membres se sont mis d’accord pour prendre les décisions futures une à la fois, selon les données à leur disposition. Ils se sont aussi dits prêts à relever encore le taux directeur si les pressions inflationnistes ne s’atténuaient pas comme prévu et que les progrès pour ramener l’inflation à la cible de 2 % étaient freinés. Ils ne voulaient cependant pas en faire plus que nécessaire.
Le Conseil a discuté des principaux indicateurs à examiner alors qu’il poursuivra son évaluation de la dynamique de l’inflation fondamentale et des perspectives de l’inflation mesurée par l’IPC. Plus particulièrement, les membres ont ensemble décidé de continuer d’évaluer l’évolution des indicateurs suivants pour voir si elle est compatible avec l’atteinte de la cible d’inflation :
- la demande excédentaire
- les attentes d’inflation
- la croissance des salaires
- les pratiques de fixation des prix des entreprises
Les membres ont également discuté du programme de resserrement quantitatif de la Banque et se sont mis d’accord pour poursuivre la politique en vigueur consistant à normaliser le bilan en ne remplaçant pas les obligations arrivant à échéance.