Le résumé qui suit rend compte des délibérations du Conseil de direction de la Banque du Canada ayant mené à la décision de politique monétaire annoncée le 8 mars 2023.

Il reflète les discussions et les délibérations qu’ont tenues les membres du Conseil de direction à la troisième étape du processus entourant les décisions de politique monétaire, soit après avoir reçu toutes les informations et recommandations pertinentes du personnel.

Les réunions concernées ont débuté le vendredi 3 mars. Étaient présents le gouverneur Tiff Macklem (qui a présidé les réunions), la première sous-gouverneure Carolyn Rogers, le sous-gouverneur Paul Beaudry, le sous-gouverneur Toni Gravelle et la sous-gouverneure Sharon Kozicki.

Économie internationale

Le Conseil de direction (le Conseil) a entamé ses discussions avec un survol de l’évolution récente de la conjoncture internationale. Parmi les faits saillants dont ont discuté les membres, mentionnons :

  • le ralentissement de la croissance du produit intérieur brut (PIB) partout sauf au Japon
  • l’évolution des prix mondiaux de l’énergie conformément aux attentes de la Banque
  • la poursuite du désengorgement des chaînes d’approvisionnement mondiales
  • la persistance de l’inflation fondamentale élevée dans la plupart des régions malgré une baisse de l’inflation globale. Cela avait renforcé les attentes des marchés voulant que les taux d’intérêt puissent devoir être plus élevés pendant plus longtemps

Le Conseil a noté que, malgré le ralentissement qui se poursuivait, la croissance économique mondiale avait été plus forte qu’anticipé dans certaines régions, notamment aux États-Unis et dans la zone euro. Aux États-Unis, la croissance avait été soutenue par les exportations et les dépenses publiques, et la consommation était demeurée solide. Les économies de la zone euro avaient quant à elles été plus résilientes que prévu. Les perturbations des marchés de l’énergie découlant de la guerre que la Russie mène à l’Ukraine avaient en effet été moins prononcées qu’on l’avait craint.

La réouverture de l’économie chinoise progressait généralement de manière conforme aux attentes. Au moment des délibérations, les prix mondiaux du pétrole restaient près des niveaux postulés dans la projection de janvier. Néanmoins, si la demande chinoise venait à rebondir plus fortement que prévu, les prix mondiaux de l’énergie et des autres produits de base pourraient grimper en flèche, exerçant une pression à la hausse sur l’inflation à l’échelle du globe.

En dépit du ralentissement de la croissance mondiale, les marchés du travail étaient encore tendus, particulièrement aux États-Unis et en Europe. Le taux de chômage dans la zone euro se situait toujours à un creux historique. Aux États-Unis :

  • le taux chômage était bas
  • le ratio de postes vacants au nombre de chômeurs était élevé
  • la croissance des salaires était forte

L’inflation fondamentale élevée aux États-Unis et en Europe persistait également. Aux États-Unis, l’augmentation plus faible des prix des biens compris dans la mesure de l’inflation fondamentale était contrebalancée par celle plus marquée des prix des services intégrés à cette mesure. Dans la zone euro, l’inflation fondamentale avait continué de croître, alors que l’inflation globale affichait une légère baisse. Selon les données récentes, l’inflation fondamentale dans ces régions s’annonçait plus forte dans les mois à venir que ce qu’on prévoyait dans le Rapport sur la politique monétaire (RPM) de janvier.

Les membres du Conseil se sont demandé si la résilience de l’économie américaine face aux hausses de taux et la persistance de l’inflation fondamentale élevée laissaient présager une évolution similaire de l’économie canadienne. Les tensions sur les marchés du travail au Canada pourraient faire perdurer l’inflation fondamentale élevée, comme aux États-Unis.

Toutefois, les membres ont noté d’importantes différences entre les deux pays. Par exemple, le taux d’immigration plus élevé et un rebond plus prononcé du taux d’activité au Canada, particulièrement chez les femmes, contribuaient à alléger les pressions sur les marchés du travail. La consommation avait rebondi plus fortement et plus tôt aux États-Unis qu’au Canada. De plus, étant donné les niveaux plus élevés d’endettement des ménages et des différences dans la structure du marché hypothécaire, la demande au Canada pourrait être plus sensible aux hausses de taux d’intérêt.

Le Conseil a discuté des conditions financières, qui s’étaient resserrées depuis le RPM de janvier. Les marchés s’attendaient à ce que la Réserve fédérale américaine doive continuer de resserrer la politique monétaire et maintenir cette dernière en posture restrictive plus longtemps, afin de ramener l’inflation à la cible aux États-Unis. Les membres du Conseil ont comparé leurs évaluations de l’ampleur des tensions financières générales, en se basant sur divers indicateurs comme les courbes de rendement, les écarts de crédit et les cours des actions. Les attentes quant aux taux d’intérêt aux États-Unis avaient augmenté sur toute la courbe de rendement, et le dollar américain s’était apprécié par rapport à d’autres monnaies, y compris le dollar canadien.

Évolution de l’économie et perspectives d’inflation au Canada

Le Conseil a examiné les données canadiennes récentes et comparé l’évolution de l’économie avec les perspectives présentées dans le RPM de janvier. Dans l’ensemble, l’économie avait ralenti et des signaux clairs montraient que le resserrement de la politique monétaire exerçait un effet modérateur sur la demande. L’économie n’avait pas progressé au quatrième trimestre de 2022, la croissance du PIB réel s’étant chiffrée à 0 %. C’est plus faible que la Banque ne l’avait anticipé, surtout en raison d’un vif ralentissement des investissements en stocks. La demande intérieure finale avait augmenté de 1 % durant le trimestre, essentiellement comme prévu, pour les raisons suivantes :

  • les effets des hausses de taux d’intérêt avaient continué de peser sur les dépenses des ménages
  • les investissements des entreprises s’étaient affaiblis, de pair avec le fléchissement de la demande intérieure et étrangère

Les membres du Conseil ont noté que le ralentissement de la croissance de la demande finale commençait à améliorer l’équilibre entre l’offre et la demande. Mais l’économie continuait d’afficher une demande excédentaire.

Ils ont aussi discuté des conséquences des données du PIB pour le quatrième trimestre de 2022 sur la croissance au premier trimestre de 2023. Comme l’ajustement des stocks s’était fait plus tôt que prévu, ils ont conclu que la croissance au début de 2023 pourrait être un peu plus forte que la Banque l’avait prévu dans le RPM de janvier.

Les membres ont accordé une attention particulière aux conditions du marché du travail, l’emploi ayant récemment progressé avec une force surprenante. Ils ont convenu que le marché du travail demeurait très tendu et que l’emploi dépassait encore son niveau durable maximal. La Banque s’était attendue à un allègement des tensions sur le marché du travail, mais les données récentes semblaient plutôt indiquer qu’aucun changement significatif n’avait eu lieu au cours des six mois précédents. Les membres se sont demandé si la progression de l’emploi découlait de l’offre ou de la demande. Ils se sont aussi penchés sur :

  • les conséquences de la croissance démographique à la hausse en 2022 par rapport aux années précédentes
  • l’incidence possible des vagues du virus sur la désaisonnalisation des données sur l’emploi
  • les évolutions récentes sur les plans de l’emploi et du nombre moyen d’heures travaillées

La croissance des salaires s’était maintenue entre 4 et 5 %. Les membres du Conseil ont convenu qu’à moins d’une hausse de la productivité bien supérieure à la moyenne historique, il ne serait pas possible de ramener l’inflation à 2 % si ce rythme de croissance se poursuivait. Convenant que la productivité peut être volatile et difficile à mesurer, les membres ont cependant noté que les données récentes semblaient plutôt indiquer qu’elle affichait un déclin.

Les données sur l’inflation montraient des progrès vers l’atteinte de la cible de 2 % de la Banque. Les membres ont examiné de près la dynamique de l’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation. Celle-ci était descendue à 5,9 % en janvier, soit légèrement en deçà de la projection de la Banque. Ce fléchissement découlait en grande partie des facteurs suivants :

  • le recul des prix de l’énergie
  • la baisse continue de l’inflation des biens durables
  • la diminution des prix de certains services (principalement les services de téléphonie mobile)

Les prix des aliments avaient continué d’afficher une croissance supérieure à 10 %. Les membres du Conseil ont reconnu que les taux d’inflation élevés touchant les dépenses essentielles, comme l’épicerie et le logement, étaient particulièrement éprouvants pour les ménages canadiens à faible revenu. Ils ont observé que les mesures de l’inflation fondamentale sur 12 mois avaient très légèrement baissé pour s’établir à environ 5 %, et que celles sur 3 mois se situaient autour de 3½ %. Ils ont noté que le recul devait se poursuivre pour ramener l’inflation globale à la cible de 2 %.

Considérations pour la politique monétaire

Les membres du Conseil se sont dit d’accord avec les perspectives présentées dans le RPM selon lesquelles l’inflation continuera de diminuer cette année, à mesure que le resserrement de la politique monétaire se répercutera sur l’économie et que les effets de glissement annuel feront redescendre le taux d’inflation sur 12 mois. Ils demeuraient toutefois préoccupés par le risque que l’inflation reste considérablement supérieure à la cible de 2 %. Ils ont discuté des conditions pour que l’inflation retourne durablement à la cible. Celles-ci étaient que les attentes d’inflation à court terme diminuent, tout comme les mesures de l’inflation fondamentale. De plus, les pressions concurrentielles devaient revenir à la normale afin que les entreprises soient moins enclines à répercuter les hausses des coûts des intrants sur les prix des produits finaux. Cela allait nécessiter un meilleur équilibre entre l’offre et la demande, de telle sorte que les entreprises craignent davantage de perdre des clients si elles montaient leurs prix. Il fallait aussi que les coûts unitaires de main-d’œuvre se modèrent, parallèlement à un ralentissement de la croissance des salaires, à une accélération de la croissance de la productivité ou à une combinaison des deux. C’était particulièrement important afin d’atténuer la croissance des prix pour la plupart des services, qui se révélait tenace en raison de l’augmentation des coûts unitaires de main-d’œuvre.

Les membres ont aussi noté que la croissance des dépenses publiques au quatrième trimestre de 2022 avait été plus forte qu’anticipé, atteignant 3,9 %. Ils ont observé qu’une progression des dépenses publiques soutenue et beaucoup plus rapide que la croissance potentielle contribuerait à stimuler la demande intérieure. La Banque intégrera les plans budgétaires annoncés par les gouvernements fédéral et provinciaux à sa projection mise à jour dans le RPM à paraître le 12 avril prochain.

Les autres risques que les membres ont abordés sont ceux mis en évidence dans le RPM de janvier.

Du côté des risques à la hausse, les attentes d’inflation à court terme étaient supérieures aux prévisions de la Banque. Si elles ne se tempéraient pas, l’inflation élevée pourrait s’avérer plus persistante que prévu. Il était aussi possible que les ménages dépensent une plus grande partie de leur épargne accumulée, ce qui aurait pour effet de stimuler la croissance de la consommation et la demande.

Du côté des risques à la baisse, les prix des biens durables pourraient chuter si les entreprises se retrouvaient en situation de stocks excédentaires. De plus, il était possible que les niveaux élevés d’endettement des ménages fassent que leurs dépenses soient plus sensibles aux taux d’intérêt élevés que la Banque ne l’avait estimé.

Le Conseil restait davantage préoccupé par les risques à la hausse entourant la projection que par ceux à la baisse, étant donné l’inflation encore bien au-dessus de la cible.

La décision de politique monétaire

Les membres du Conseil se sont entendus sur le fait que, prises ensemble, les données économiques et la conjoncture depuis le RPM de janvier ne changeaient pas de manière significative les perspectives les plus récentes de la Banque. Selon celles-ci, l’économie était en train de ralentir et l’inflation, de descendre. Dans ce contexte, le Conseil a décidé de maintenir le taux cible du financement à un jour à 4½ %, ce qui concordait avec l’annonce d’une pause conditionnelle faite en janvier. Les membres ont également discuté du programme de resserrement quantitatif de la Banque et se sont mis d’accord pour poursuivre la politique en vigueur qui consistait à réduire la taille du bilan en ne remplaçant pas les obligations arrivant à échéance.

Après huit hausses consécutives du taux directeur, le Conseil a vu la pause comme une occasion de découvrir si les taux avaient suffisamment augmenté pour ramener l’inflation à la cible de 2 %. Les membres ont reconnu que la Banque a beaucoup resserré sa politique monétaire sur une très courte période, et que seule l’accumulation de données au fil du temps permettra de constater si l’incidence prévue sur l’inflation et la croissance se matérialisera conformément aux prévisions de janvier. Ils ont convenu de rester à l’affût de signes que la politique monétaire est assez restrictive pour atteindre l’objectif d’inflation. Ils ont aussi souligné que leur évaluation continue de l’orientation de la politique monétaire doit être prospective et axée sur la trajectoire probable de l’inflation. Si les données accumulées semblent indiquer que la forte inflation s’enracine, il faudra hausser à nouveau le taux directeur afin de garder le cap vers la cible de 2 %.

Le Conseil a convenu que les communications prospectives sur la politique monétaire devaient s’articuler dans des mots semblables à ceux du communiqué du 23 janvier 2023. Les membres souhaitaient que le communiqué exprime qu’ils continuent d’évaluer si la politique monétaire est suffisamment restrictive. Les membres se sont entendus sur l’importance de mettre l’accent sur le caractère conditionnel de la pause et sur le fait qu’ils sont disposés à relever encore le taux directeur si cela est nécessaire pour ramener l’inflation à la cible de 2 %.

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