Introduction

La pandémie de COVID‑19 a créé un environnement difficile pour bon nombre d’entreprises au Canada. Nous présentons ici une évaluation préliminaire de son impact sur la santé financière des sociétés non financières.

Nos principales constatations sont les suivantes :

  • Les mesures énergiques des autorités ont aidé beaucoup d’entreprises à gérer leurs problèmes de liquidité en dépit de fortes baisses de revenu. En conséquence, le nombre de cas d’insolvabilité est resté bas et les risques de défaillance semblent globalement contenus.
  • Les indicateurs généraux des vulnérabilités financières dans le secteur des entreprises ne se sont pas encore détériorés. Toutefois, les entreprises ont été touchées de manière inégale par la pandémie. Les petites et grandes entreprises de services où la distanciation physique est difficile, voire impossible, ont particulièrement souffert. Nos simulations laissent entrevoir que la reprise demeurera inégale : alors que certaines entreprises vont se faire des réserves, d’autres vont s’endetter.
  • Compte tenu du soutien financier exceptionnel fourni aux entreprises au cours de la dernière année, il est difficile de tirer des conclusions définitives quant à la santé financière fondamentale du secteur. Il reste à voir, par exemple, si certaines entreprises seront financièrement viables une fois que les programmes de soutien auront pris fin. En raison de cette incertitude, le risque d’une augmentation importante et soudaine des cas d’insolvabilité subsiste.

La pandémie se poursuit, et la situation évolue en permanence. La Banque du Canada continuera de surveiller la santé financière des entreprises et de signaler les changements notables dans son portail sur le système financier et dans la Revue du système financier.

Les mesures publiques ont aidé les entreprises à gérer leurs problèmes de liquidité

La pandémie a touché les entreprises de manière inégale et a entraîné une diminution importante de revenu pour beaucoup d’entre elles. Par exemple, selon les résultats de l’Enquête canadienne sur la situation des entreprises, plus de 60 % des entreprises ont subi une perte de revenu en 2020 par rapport à l’année précédente et près du tiers ont enregistré une chute de revenu d’au moins 30 %1. Ce sont les petites entreprises et les entreprises de services où la distanciation physique est difficile, voire impossible, qui ont connu les baisses les plus marquées (graphique 1).

Les chutes de revenu signifient que les entreprises génèrent moins de liquidités qu’auparavant. Si les entreprises ont moins de rentrées d’argent, il leur est plus difficile de payer leurs factures. Durant la pandémie, les programmes de soutien des administrations publiques les ont aidées à gérer ces problèmes de liquidité. Parmi les principaux programmes à l’échelle fédérale, mentionnons :

  • le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes (CUEC), permettant aux petites entreprises d’obtenir des prêts subventionnés;
  • la Subvention salariale d’urgence du Canada (SSUC);
  • l’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial (AUCLC), remplacée ensuite par la Subvention d’urgence du Canada pour le loyer (SUCL).

Ces programmes ont été largement utilisés, en particulier dans les branches d’activité durement touchées, comme celles de l’hébergement et de la restauration (graphique 2)2.

Graphique 1 : La pandémie a causé de fortes baisses de revenu pour beaucoup d’entreprises de services

Graphique 1 : La pandémie a causé de fortes baisses de revenu pour beaucoup d’entreprises de services

Distribution de la variation du revenu des entreprises, par branche d’activité

Source : Statistique Canada Dernière observation : décembre 2020


Graphique 2 : Les entreprises des branches d’activité les plus touchées ont davantage utilisé les programmes publics pour gérer leurs problèmes de liquidité

Graphique 2 : Les entreprises des branches d’activité les plus touchées ont davantage utilisé les programmes publics pour gérer leurs problèmes de liquidité

Taux de variation du PIB et recours aux programmes publics, par branche d’activité

Nota : Les données sont en date du 18 septembre pour le CUEC, du 28 septembre pour la SSUC et du 2 septembre pour l’AUCLC.
Sources : Statistique Canada et calculs de la Banque du Canada Dernière observation : septembre 2020

Les taux d’emprunt plus bas ont également aidé les entreprises à gérer leurs problèmes de liquidité en réduisant le montant de leurs paiements d’intérêts. Suivant l’apparition de tensions sur les marchés au début de la pandémie, la Banque du Canada a lancé une série de mécanismes d’octroi de liquidité et de programmes d’achat d’actifs. Ceux-ci ont contribué à rétablir le fonctionnement des marchés et assuré la transmission des interventions de politique monétaire dans l’économie3. De ce fait, les taux d’intérêt appliqués par les grandes banques aux prêts nouveaux et existants ont touché de nouveaux creux au printemps 2020 (graphique 3) et sont restés relativement stables depuis. De même, les rendements des obligations de sociétés se sont situés en deçà des niveaux observés avant la crise de la COVID‑19. Les résultats de l’enquête de la Banque auprès des responsables du crédit indiquent également que les conditions de prêt aux entreprises seraient demeurées généralement favorables durant la pandémie4. Cette situation est donc très différente de la crise financière mondiale de 2008-2009, où les conditions du crédit s’étaient resserrées.

Graphique 3 : Les taux d’emprunt ont baissé au printemps 2020 et sont restés bas depuis

Nota : Les grandes banques englobent les six plus grandes banques du Canada, légalement désignées « banques d’importance systémique intérieure » (BISi).
Sources : Bureau du surintendant des institutions financières et Intercontinental Exchange Bank of America Merrill Lynch Dernière observation : février 2021

Les entreprises ont emprunté modérément auprès des institutions financières pour gérer leurs problèmes de liquidité. La hausse des prêts bancaires observée en mars s’est dissipée à mesure que les conditions du marché se sont normalisées et que les administrations publiques ont instauré des programmes de soutien. Les grandes sociétés ont recouru à leurs marges de crédit aux moments où les marchés financiers subissaient des tensions, mais elles ont remboursé une partie de cette dette et émis des obligations quand les conditions se sont améliorées (graphique 4). La diminution des prêts bancaires qui en a résulté au deuxième trimestre de 2020 a été en grande partie contrebalancée par les prêts gouvernementaux accordés aux petites entreprises via le CUEC (graphique 5).

Depuis récemment, de plus en plus de signes annoncent une reprise de la demande de sources traditionnelles de crédit. Les données de l’enquête auprès des responsables du crédit indiquent que la demande de crédit des petites entreprises a augmenté de façon notable au quatrième trimestre de 2020. Il s’agit là de la première hausse observée depuis le début de la pandémie (graphique 6). Certains prêteurs ont fait remarquer que les entreprises empruntent pour combler des besoins opérationnels à court terme et qu’elles continuent à chercher des moyens d’accroître leur productivité.

Graphique 4 : Les prêts bancaires ont fortement augmenté en mars 2020, mais ont chuté lorsque les émissions d’obligations se sont accrues

Nota : Les prêts englobent les prêts hypothécaires et non hypothécaires accordés à des sociétés non financières, tous prêteurs confondus. Les titres d’emprunt englobent les obligations à long terme et les titres à court terme émis par des sociétés non financières.
Source : Banque du CanadaDernière observation : septembre 2020


Graphique 5 : Les administrations publiques sont devenues le principal fournisseur de prêts supplémentaires aux entreprises

Graphique 5 : Les administrations publiques sont devenues le principal fournisseur de prêts supplémentaires aux entreprises

Prêts non hypothécaires accordés aux entreprises par secteur de prêt, données trimestrielles

Source : Statistique Canada Dernière observation : 2020T4


Graphique 6 : La demande de crédit des petites entreprises s’est accrue au quatrième trimestre de 2020

Nota : Le solde des opinions est égal à la différence entre le pourcentage de répondants signalant une hausse de la demande et le pourcentage de ceux qui signalent une baisse.
Source : enquête de la Banque du Canada auprès des responsables du crédit Dernière observation : 2020T4

Les entreprises affichent un bilan solide et les risques d’insolvabilité semblent contenus

Le secteur des entreprises a affiché un bilan solide tout au long de la pandémie. On peut le constater notamment en surveillant l’évolution récente des indicateurs de vulnérabilité financière, comme le levier d’endettement et la liquidité (Davydenko, 2013; Fortier-Labonté, 2021). Ce levier, habituellement exprimé par le ratio de la dette à l’actif, correspond à la dette qu’une entreprise utilise pour financer ses actifs. Plus une entreprise s’endette, plus elle est sujette des problèmes de liquidité dans l’éventualité d’une baisse de revenu. La liquidité désigne la capacité d’une entreprise de faire face à ses obligations financières au moyen de ses actifs les plus liquides. Elle est mesurée par le ratio de l’encaisse à la dette. Plus l’encaisse est élevée par rapport à la dette, moins l’entreprise est susceptible de connaître des problèmes de liquidité si son revenu baisse. Pour l’ensemble du secteur des sociétés non financières, le levier d’endettement a légèrement augmenté, tandis que la liquidité s’est sensiblement améliorée au cours de la pandémie. Ces évolutions confirment que le bilan du secteur des entreprises a bien résisté jusqu’à présent (graphique 7).

En examinant les différents éléments du bilan, nous constatons une hausse marquée de l’encaisse des entreprises. Au quatrième trimestre de 2020, cette dernière dépassait les niveaux prépandémie de quelque 28 % (ou 150 milliards de dollars) (graphique 8).

Graphique 7 : Le bilan du secteur des entreprises a bien résisté à la pandémie

Source : Statistique Canada Dernière observation : 2020T4


Graphique 8 : L’encaisse globale des entreprises a substantiellement augmenté

Graphique 8 : L’encaisse globale des entreprises a substantiellement augmenté

Variation de différents éléments du bilan des entreprises, de 2019T4 à 2020T4

Source : Statistique Canada Dernière observation : 2020T4

Bien que les entreprises aient augmenté leur encaisse dans l’ensemble, l’impact de la pandémie a été inégal et l’accumulation de réserves a varié de manière significative d’un établissement à l’autre, notamment parmi les sociétés ouvertes (graphique 9)5. En effet, environ la moitié de celles-ci ont puisé dans leur encaisse tandis que l’autre moitié l’ont fait croître. Toutefois, la majeure partie de l’augmentation globale de l’encaisse n’est attribuable qu’à 10 % des entreprises, issues entre autres des services publics, des télécommunications, de l’extraction minière (en particulier l’or) et de certains segments du commerce de détail (p. ex., épiceries, dépanneurs et certains magasins à grande surface). Les plus fortes baisses ont été observées surtout dans les sociétés pétrolières.

Graphique 9 : Les variations de l’encaisse des sociétés ouvertes ont été inégales

Sources : Compustat et calculs de la Banque du Canada Dernière observation : 2020T4

Grâce aux reports de remboursement de prêts offerts par les institutions financières et aux mesures exceptionnelles de soutien des administrations publiques, le nombre d’entreprises en grande difficulté financière a été particulièrement bas. En fait, le nombre d’entreprises ayant déposé des dossiers d’insolvabilité (propositions et faillites) en 2020 a diminué de près de 25 % par rapport à 2019 (Graphique 10)6. La part des prêts non productifs était également faible et bien inférieure aux niveaux observés durant la crise financière de 2008-2009 (graphique 11).

Graphique 10 : Le nombre de dossiers d’insolvabilité déposés par des entreprises a baissé de près de 25 % en 2020

Source : Bureau du surintendant des institutions financières via Haver Analytics Dernière observation : décembre 2020


Graphique 11 : La part de l’encours des prêts détenue par des entreprises peu susceptibles de faire leurs paiements est restée limitée

Sources : Bureau du surintendant des institutions financières et calculs de la Banque du CanadaDernière observation : 2020T4

Les indicateurs prospectifs donnent à penser que les risques de défaillance semblent globalement contenus. Les provisions constituées par les grandes banques pour couvrir les créances irrécouvrables sur les prêts productifs aux entreprises constituent un bon indicateur de l’évaluation des pertes sur prêts potentielles menée par ces banques. Ces provisions ont atteint un sommet au deuxième et au troisième trimestre de 2020, mais sont sensiblement revenues à la normale depuis. En fait, les banques ont commencé à récupérer une partie des provisions pour pertes sur prêts qu’elles avaient constituées lors de la phase initiale de la pandémie (graphique 12). On peut donc en déduire que, bien qu’il soit possible que les créances douteuses augmentent, les banques jugent que leurs provisions actuelles sont appropriées. Elles ne s’attendent pas à ce que les créances irrécouvrables s’accentuent au point de dépasser leurs provisions. Pour les grandes sociétés ouvertes, les mesures de la distance par rapport au défaut fondées sur le marché se sont détériorées à la fin mars et au début avril 2020, mais ont également regagné du terrain depuis (graphique 13)7. Cette amélioration a été observée au sein de toutes les branches d’activité, même si la plupart des mesures n’ont pas encore retrouvé leur niveau d’avant la pandémie. Les risques de défaillance implicites dans le marché semblent plus prononcés dans l’industrie pétrolière.

Graphique 12 : Les provisions pour créances irrécouvrables sur les prêts productifs ont commencé à diminuer

Graphique 12 : Les provisions pour créances irrécouvrables sur les prêts productifs ont commencé à diminuer

Provisions des grandes banques pour couvrir les créances irrécouvrables sur les prêts aux entreprises, données trimestrielles

Source : Bureau du surintendant des institutions financières Dernière observation : 2021T1


Graphique 13 : Les mesures du risque de défaillance fondées sur le marché sont retournées près de leur niveau d’avant la pandémie

Graphique 13 : Les mesures du risque de défaillance fondées sur le marché sont retournées près de leur niveau d’avant la pandémie

Mesures de la distance par rapport au défaut fondées sur le marché pour les plus grandes sociétés ouvertes, par branche d’activité

Nota : Les valeurs près de zéro indiquent une forte probabilité de défaillance.
Sources : Refinitiv et calculs de la Banque du Canada Dernière observation : 22 mars 2021

Les vulnérabilités et les risques que la Banque surveille

Les risques que la COVID‑19 fait peser sur la stabilité financière semblent avoir été contenus, mais les vulnérabilités financières pourraient s’accroître dans la phase de récupération de la reprise. Après quelques années de croissance rapide, l’endettement des sociétés non financières avait atteint un sommet historique au Canada au début de la pandémie. Même si les vulnérabilités liées à l’endettement n’étaient pas généralisées dans toutes les branches d’activité, cette situation mérite une surveillance continue8.

Les entreprises qui sont restées à flot grâce à du crédit provenant d’institutions financières, de marchés financiers ou d’administrations publiques pourraient devenir beaucoup plus endettées qu’elles ne l’étaient. Cela pourrait mener à un surendettement et créer un problème macroéconomique généralisé du fait que les niveaux élevés d’endettement décourageraient les entreprises de saisir les occasions de faire des investissements rentables (Myers, 1977)9. Ce genre de comportement peut ralentir le redressement du bilan des entreprises et garder ces dernières exposées à de fortes vulnérabilités.

Pour évaluer la possibilité de futures vulnérabilités causées par l’endettement, nous utilisons un modèle de microsimulation qui projette les flux de trésorerie d’entreprises considérées individuellement selon une projection macroéconomique10. Nous faisons les hypothèses suivantes :

  • Les entreprises qui ont plus de sorties que de rentrées de fonds pendant un trimestre donné dépensent tout d’abord les liquidités qu’elles ont sous la main. Une fois ces réserves épuisées, elles contractent de nouveaux prêts pour se financer et continuent d’augmenter leur levier d’endettement sur la période de simulation.
  • À l’inverse, les entreprises qui génèrent plus de liquidités qu’elles n’en dépensent se servent de la différence pour accumuler des liquidités et réduisent leur levier d’endettement sur la période de simulation11.

D’après les résultats des simulations, les entreprises des branches d’activité les plus touchées par la pandémie risquent de devenir plus vulnérables sur le plan financier, tandis que celles des autres branches d’activité sont susceptibles d’accroître leurs réserves de liquidités. En supposant que les besoins de financement de l’hypothèse ci-dessus sont bel et bien comblés par de nouveaux emprunts et que les prêts existants sont renouvelés, nous pouvons simuler la distribution du levier d’endettement des entreprises. Dans ce scénario, la queue droite de la distribution du levier – qui représente les entreprises très endettées – s’inscrit en hausse (graphique 14 et tableau 1). Cependant, les entreprises dans la tranche inférieure de la distribution (peu endettées) voient aussi leur part augmenter. Comme elles ne font pas face à un déficit de financement, elles accumulent des liquidités sur la période de simulation. Dans l’ensemble, la simulation donne une distribution où le nombre d’entreprises ayant un faible et un fort levier d’endettement s’accentue. Le ratio de levier médian affiche une légère baisse, passant de 0,63 à 0,59.

Graphique 14 : Les simulations indiquent que le clivage du levier d’endettement des entreprises pourrait se creuser davantage alors que la pandémie persiste

Sources : Statistique Canada et calculs de la Banque du Canada Dernière observation : 2020T3

Tableau 1 : La part des entreprises très endettées pourrait augmenter dans le secteur canadien des entreprises en 2021

Part des entreprises ayant un fort levier d’endettement en proportion* : 2020T3 (pourcentage réel) 2021T4 (pourcentage simulé)
- du nombre d’entreprises 12,5 16,6
- de l’ensemble du passif 14,3 19,7
- de l’ensemble des salaires 7,8 10,7
- de l’ensemble des revenus 6,6 8,9

* Les entreprises ayant un fort levier d’endettement ont un ratio de levier de plus de 1.

L’un des risques potentiels à court terme est que les cas d’insolvabilité connaissent une hausse soudaine et d’une ampleur inattendue quand les programmes publics prendront fin. Le soutien financier exceptionnel dont ont profité certaines entreprises dans la dernière année vient brouiller le bilan de santé financière du secteur. En particulier, on ne sait pas exactement si celles qui reçoivent actuellement de l’aide financière seraient financièrement viables autrement.

Un autre risque vient de l’augmentation potentielle du nombre d’entreprises zombies. Par exemple, la baisse du nombre de dossiers d’insolvabilité déposés qu’on constate malgré le grand ralentissement économique pourrait indiquer une « zombification » accrue des entreprises au Canada (graphique 15)12. Ces entreprises zombies pourraient nuire aux résultats économiques parce qu’elles sont moins productives et que leur existence réduit l’investissement et l’emploi dans les entreprises plus productives (Banerjee et Hoffmann, 2018).

Graphique 15 : Le nombre d’entreprises zombies au Canada a grimpé ces dernières années

Nota : Selon la définition générale, une entreprise zombie est une entreprise qui existe depuis longtemps et qui est constamment incapable de générer un revenu suffisant pour payer les intérêts sur ses emprunts. Selon la définition restreinte, il est aussi attendu que la viabilité de l’entreprise demeure faible à l’avenir. Voir Grieder et Ortega (2020).
Sources : Compustat et calculs de la Banque du Canada Dernière observation : 2020T4

Enfin, bien que les données à ce jour donnent à penser que les programmes de soutien des administrations publiques ont aidé de nombreuses entreprises à gérer leurs problèmes de liquidités causés par la COVID‑19, il faut noter deux choses importantes :

  • La pandémie n’est pas finie. Le secteur des entreprises va continuer de faire face à des défis à mesure que les autorités ajusteront les directives de santé publique en fonction de la trajectoire du virus. Certaines des entreprises ayant réussi à rester à flot jusqu’à présent pourraient voir leur santé financière se détériorer alors que la pandémie se poursuit.
  • Il manque de données à jour sur la santé financière des petites entreprises. Contrairement aux grandes entreprises, qui doivent publier des états financiers tous les trimestres pour leurs actionnaires, les petites entreprises tendent à ne divulguer leurs renseignements financiers qu’une fois par année, en même temps que leur déclaration d’impôts. Ainsi, les chercheurs n’auront accès à des données sur la santé financière des petites et moyennes entreprises durant la pandémie qu’en format anonymisé et avec un retard substantiel. Les estimations de Statistique Canada concernant la production réelle et les heures travaillées selon la taille d’entreprise semblent indiquer que la pandémie a eu un impact disproportionné sur les petites entreprises13. Cette observation n’est toutefois pas encore manifeste dans bon nombre de statistiques sur le secteur des entreprises que le personnel de la Banque surveille régulièrement.

Conclusion

Notre analyse donne des indications préliminaires de l’impact de la pandémie sur les entreprises canadiennes. Dans l’ensemble, les programmes de soutien exceptionnels lancés par les administrations publiques et la Banque semblent avoir réussi à atténuer les conséquences pour la santé financière des entreprises. Cela dit, nous savons que ce constat ne rend pas compte des différentes réalités d’un type d’entreprise à l’autre ni du fait que beaucoup de petites entreprises sont en situation difficile. Les grandes entreprises sont plus susceptibles que les autres de causer des problèmes pour l’ensemble du système financier si elles ne sont pas en mesure de rembourser leurs dettes. Sur les plans économique et humain, cependant, les petites et moyennes entreprises apportent une importante contribution à l’emploi et à la prospérité du pays. Pour l’instant, nous ne pouvons pas conclure avec certitude que la santé financière du secteur des entreprises a été épargnée, ou qu’elle demeurera épargnée, par la pandémie. Celle-ci pourrait laisser certaines entreprises, surtout celles des branches d’activité les plus touchées, dans une situation financière précaire, notamment en raison des niveaux d’endettement élevés. Il y a aussi le risque d’une hausse forte et soudaine des cas d’insolvabilité parmi les entreprises une fois que les programmes publics auront pris fin.

Le personnel de la Banque continuera de surveiller la santé financière des entreprises à mesure que de nouvelles données seront publiées. La Banque fera état des évolutions notables dans son portail sur le système financier et la Revue du système financier.

Annexe : Précisions sur le modèle de microsimulation

Le tableau A-1 présente les hypothèses formulées quant à l’évolution des différentes variables.

Tableau A-1 : Hypothèses

Variable Hypothèse
Croissance du revenu Est déterminée par les prévisions du produit intérieur brut publiées dans le Rapport sur la politique monétaire de janvier 2021
Élasticité des dépenses par rapport au revenu Suit la dynamique des entreprises de 2019
Fonds de roulement Augmente au même taux que le revenu
Investissements Sont suffisants pour maintenir la capacité de production
Dividendes Sont payés si l’entreprise a les liquidités nécessaires

La figure A-1 montre l’évolution des réserves de liquidités d’un trimestre à l’autre.

Figure A-1 : Dynamique des flux de trésorerie dans le modèle

Figure A-1 : Dynamique des flux de trésorerie dans le modèle

  1. 1. Pour en savoir plus, consulter l’Enquête canadienne sur la situation des entreprises sur le site Web de Statistique Canada.[]
  2. 2. Le gouvernement du Canada fournit des statistiques sur l’utilisation de ces programmes : CUEC, SSUC et SUCL. La page Web du Plan d’intervention économique du Canada pour répondre à la COVID‑19 énumère quant à elle l’ensemble des programmes de soutien offerts aux entreprises.[]
  3. 3. Pour en savoir plus sur les mesures prises par la Banque durant la pandémie, consulter la page Web COVID‑19 : Mesures visant à soutenir l’économie et le système financier.[]
  4. 4. Voir la page Web Enquête auprès des responsables du crédit pour connaître les données les plus récentes sur les conditions de prêt aux entreprises.[]
  5. 5. Cette analyse est fondée sur des données de Compustat.[]
  6. 6. Les grandes entreprises peuvent demander la renégociation de leur dette en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Le nombre de ces demandes a atteint un niveau record au deuxième trimestre de 2020, mais il était faible en termes absolus et est depuis retombé aux niveaux habituellement observés au cours des dix dernières années. De plus, au lieu de déclarer faillite, les entreprises peuvent avoir recours à d’autres moyens. Elles peuvent notamment se restructurer dans le cadre d’une fusion ou d’une acquisition, ou simplement mettre fin à leurs activités et rembourser leurs dettes.[]
  7. 7. Pour une analyse de la mesure de la distance par rapport au défaut appliquée aux institutions financières canadiennes, voir MacDonald, van Oordt et Scott (2016). Pour une présentation détaillée du modèle de Merton, consulter Merton (1974).[]
  8. 8. Grieder et Schaffter (2019) font ressortir de considérables divergences dans les vulnérabilités d’une entreprise à l’autre. Ils soulignent aussi que la part de l’endettement global détenue par des entreprises vulnérables était d’une ampleur jamais vue en raison des évolutions dans les branches d’activité sensibles aux prix des produits de base.[]
  9. 9. Le surendettement désigne une situation où le niveau d’endettement d’une société est tel qu’il décourage les actionnaires et nouveaux créanciers de financer des investissements rentables. Cette distorsion tient au fait que les profits iraient en partie aux créanciers actuels et non pas seulement aux nouveaux qui auraient financé l’investissement en question. Pour des exemples récents de situations où le surendettement a mené à une reprise anémique, voir Bustamante (2020) ainsi que Blickle et Santos (2020).[]
  10. 10. Des précisions sur le modèle sont fournies dans l’annexe. Bien que nos simulations suivent les prévisions du produit intérieur brut présentées dans le Rapport sur la politique monétaire de janvier 2021, une incertitude considérable entoure les projections relatives aux flux de trésorerie des entreprises dans les branches d’activité les plus touchées par la pandémie.[]
  11. 11. En réalité, les entreprises choisissent la structure de liquidité et de fonds propres qui convient le mieux à leur situation individuelle (Gryglewicz, 2011). Ainsi, notre simulation devrait être considérée comme un exercice de calcul approximatif et non pas exact.[]
  12. 12. Nous considérons les entreprises zombies selon les deux définitions proposées par Banerjee et Hoffmann (2018). Selon la définition générale, une entreprise zombie est une entreprise qui existe depuis longtemps et qui est constamment incapable de générer un revenu suffisant pour payer les intérêts sur ses emprunts. Selon la définition restreinte, il est aussi attendu que la viabilité de l’entreprise demeure faible à l’avenir. Voir Grieder et Ortega (2020) pour une analyse de la présence des entreprises zombies et de leur impact potentiel sur le système financier avant la pandémie.[]
  13. 13. Voir Statistique Canada (2020), Étude : Répercussions économiques de la pandémie de COVID‑19 sur les entreprises canadiennes de toutes les catégories de taille, 19 août.[]

Bibliographie

  1. Banerjee, R. et B. Hofmann (2018). « The Rise of Zombie Firms: Causes and Consequences », Rapport trimestriel BRI, septembre, p. 67-78.
  2. Bustamante, C. (2020). Debt Overhang, Monetary Policy, and Economic Recoveries After Large Recessions, document non publié, Banque du Canada.
  3. Blickle, K. S. et J. A. C. Santos (2020). « The Costs of Corporate Debt Overhang Following the COVID‑19 Outbreak », Liberty Street Economics, Banque fédérale de réserve de New York, 1er décembre.
  4. Davydenko, S. A. (2013). Insolvency, Illiquidity, and the Risk of Default, document non publié, École de gestion Rotman, Université de Toronto, février.
  5. Fortier-Labonté, A. (2021). Les répercussions de la pandémie sur la solvabilité des entreprises, troisième trimestre de 2020, Statistique Canada, 18 janvier.
  6. Grieder, T. et J. Ortega (2020). A Financial Stability Analysis of Zombie Firms in Canada, note analytique du personnel no 2020-3, Banque du Canada.
  7. Grieder, T. et C. Schaffter (2019). Measuring Non-Financial Corporate Sector Vulnerabilities in Canada, note analytique du personnel no 2019-15, Banque du Canada.
  8. Gryglewicz, S. (2011). « A Theory of Corporate Financial Decisions with Liquidity and Solvency Concerns », Journal of Financial Economics, vol. 99, no 2, p. 365-384.
  9. MacDonald, C., M. van Oordt et R. Scott (2016). Implementing Market-Based Indicators to Monitor Vulnerabilities of Financial Institutions, note analytique du personnel no 2016-5, Banque du Canada.
  10. Merton, R. C. (1974). « On the Pricing of Corporate Debt: The Risk Structure of Interest Rates », The Journal of Finance, vol. 29, no 2, p. 449-470.
  11. Myers, S. C. (1977). « Determinants of Corporate Borrowing », Journal of Financial Economics, vol. 5, no 2, p. 147-175.

Avis d’exonération de responsabilité

Les notes analytiques du personnel de la Banque du Canada sont de brefs articles qui portent sur des sujets liés à la situation économique et financière du moment. Rédigées en toute indépendance du Conseil de direction, elles peuvent étayer ou remettre en question les orientations et idées établies. Les opinions exprimées dans le présent document sont celles des auteurs uniquement. Par conséquent, elles ne traduisent pas forcément le point de vue officiel de la Banque du Canada et n’engagent aucunement cette dernière.

DOI : https://doi.org/10.34989/san-2021-8

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