Rapport sur la politique monétaire – Déclaration préliminaire à la conférence de presse
Bonjour. La première sous-gouverneure Wilkins et moi sommes ravis d’être ici pour répondre à vos questions au sujet de l’annonce d’aujourd’hui concernant les taux d’intérêt et de notre Rapport sur la politique monétaire (RPM). Mais auparavant, permettez-moi de vous donner un aperçu des délibérations du Conseil de direction.
Il est important de remettre les faits récents en contexte. L’économie canadienne a fonctionné près de son potentiel durant la majeure partie de 2017 et 2018, et en conséquence, l’inflation se trouve à la cible. Le Conseil de direction se préoccupe bien sûr du récent ralentissement de l’économie. Si celui-ci devait persister, alors il serait à prévoir que l’inflation évoluerait sous la cible dans l’avenir.
Nous croyons que le ralentissement de la croissance jusqu’à un rythme inférieur à celui de son potentiel va s’avérer temporaire. Il est important de comprendre qu’un grand nombre de perturbations agissent sur le niveau de l’activité économique, et à mesure qu’elles se propagent dans l’économie, le taux de croissance diminue. Mais une fois que l’ajustement à ces perturbations est terminé, la croissance reprend.
Appliquons cette idée à la situation mondiale actuelle. Tous les prévisionnistes s’attendaient à ce que l’économie mondiale ralentisse dans la dernière partie de 2018 et au début de 2019. En effet, l’économie américaine s’était accélérée à la suite de mesures budgétaires dont les effets devaient s’estomper au cours de 2019. Cependant, l’économie mondiale a ralenti plus que prévu à la fin de 2018, et ce ralentissement se poursuit en 2019. Bien que différents facteurs permettent d’expliquer cette situation, on note un élément commun : les conflits commerciaux. Cet élément retarde les décisions d’investissement des entreprises dans de nombreuses économies et ralentit davantage les échanges. Une fois que l’économie se sera ajustée, ce niveau accru d’incertitude ne pèsera plus sur la croissance. Une escalade des conflits commerciaux poserait évidemment un risque à la baisse pour le monde, mais des progrès vers leur résolution représenteraient un risque à la hausse.
Ici au Canada, nous ne sommes pas à l’abri de ces événements à l’échelle mondiale. Mais nous devons aussi faire face à certains problèmes qui nous sont propres. Le Conseil de direction s’est concentré sur quatre d’entre eux.
Premièrement, comme nous l’avons expliqué en détail dans notre RPM de janvier, le secteur pétrolier canadien subit encore une pression considérable. Depuis janvier, les prix du pétrole se sont raffermis, y compris ceux obtenus par les producteurs de l’Ouest du pays. Mais l’accès limité aux marchés demeure une source appréciable de ralentissement et d’incertitude. Celui-ci a entraîné une autre révision à la baisse des intentions d’investissement dans le secteur. Cette révision est probablement en partie de nature structurelle, étant donné qu’elle représente l’ajustement continu du secteur à des cours mondiaux du pétrole entre 50 et 60 $ US le baril, des cours qui étaient beaucoup plus élevés il y a cinq ans. Ce processus d’ajustement se manifeste aussi dans les salaires et d’autres coûts, ainsi que dans l’évolution du marché du logement en Alberta. Surtout, à mesure que les investissements dans le secteur pétrolier diminuent, la croissance de l’économie canadienne ralentit. Cela dit, lorsque ces niveaux d’investissement vont cesser de descendre, la croissance au pays va se redresser, même si ce n’est pas le cas des investissements dans le secteur pétrolier, car d’autres sources de croissance vont devenir prédominantes dans les données.
Deuxièmement, l’incertitude entourant les futures politiques commerciales a encore augmenté au Canada. Nous constatons que les investissements des entreprises sont modérés dans la plupart des secteurs depuis deux ans, mais nous espérions que la signature de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique, conjuguée à l’incitatif à l’investissement accéléré du gouvernement, entraînerait une reprise des investissements. On ne sait pas encore quel va être l’effet global, mais les doutes quant à la ratification de cet accord demeurent un risque à la baisse pour nos perspectives d’investissement. Par ailleurs, les exportations ont été très faibles au début de 2019. Bien que les données soient un peu déroutantes, peut-être en raison des mauvaises conditions météo, nous les avons prises telles quelles au moment de mettre à jour nos prévisions, en laissant une porte ouverte à une croissance additionnelle dans les mois à venir. Ainsi, tant pour les investissements que pour les exportations, nous avons des raisons de croire que la croissance sera plus forte dans la deuxième moitié de 2019.
Troisièmement, nous suivons l’évolution du marché du logement de très près, afin de comprendre comment les effets des modifications fiscales locales, des changements aux règles hypothécaires et des hausses passées des taux d’intérêt se manifestent. L’analyse se trouve compliquée en partie par la façon dont les marchés qui étaient effervescents — à savoir les régions du Grand Toronto et du Grand Vancouver — s’ajustent à une révision importante des attentes à l’égard des prix. De nombreux autres marchés — comme Halifax, Montréal, Ottawa et Winnipeg — connaissent une activité solide. C’est ce à quoi on s’attendrait dans une économie en croissance, où la population augmente et le marché de l’emploi est vigoureux. Par conséquent, à mesure que la situation va se stabiliser à Toronto et à Vancouver, le secteur canadien du logement devrait globalement croître de nouveau plus tard cette année. De plus, les taux hypothécaires ont diminué à la suite de la baisse des rendements obligataires mondiaux. Dans le même ordre d’idées, les accessoires de maison et les rénovations ont fait bonne figure au début de l’année, contrairement au reste des ventes au détail. Il faut noter que les mauvaises conditions météo ont peut-être eu également une influence sur les ventes au détail.
Quatrièmement, plusieurs annonces budgétaires ont eu lieu depuis la parution de notre dernier RPM. Les initiatives prises à l’échelon fédéral ainsi qu’au Québec et en Colombie-Britannique vont contribuer à la croissance du PIB canadien. Cependant, la baisse des dépenses publiques prévues en Ontario suffit amplement à contrebalancer toutes ces initiatives, de sorte que les politiques budgétaires représentent maintenant une révision à la baisse nette de nos perspectives de croissance pour 2020, d’environ 0,2 point de pourcentage.
Le Conseil de direction est d’avis que la politique monétaire doit conserver un degré de détente suffisant pour neutraliser ces différents vents contraires jusqu’à ce que les perspectives économiques s’améliorent. L’économie a ralenti et une certaine marge de capacités excédentaires est réapparue, bien que celle-ci ne soit pas généralisée dans l’ensemble de l’économie. En effet, le secteur des services reste très vigoureux et crée de nombreux emplois, et il reste encore beaucoup de postes vacants. De plus, les conditions financières mondiales et canadiennes se sont nettement assouplies depuis la publication de notre RPM de janvier. Par exemple, les taux hypothécaires fixes à cinq ans ont diminué de plus de 60 points de base. Compte tenu de tous ces éléments, il y a de bonnes raisons de croire que l’économie va se redresser dans la deuxième moitié de l’année.
Le Conseil de direction croit par conséquent que ces perspectives favorables cadrent avec le niveau actuel du taux directeur. Dans notre décision à ce sujet, nous avons choisi de retirer la mention de la nécessité pour le taux directeur de retourner à l’intérieur d’une fourchette neutre, que nous avons révisée et qui va maintenant de 2,25 à 3,25 %. Nous avions à l’origine ajouté cette mention de la fourchette neutre pour rappeler aux gens ce à quoi pourrait ressembler la normalisation de la politique monétaire. Dans la situation actuelle, nous estimons important de souligner que nous continuerons d’évaluer le degré approprié de la détente monétaire à mesure que les nouvelles données seront disponibles. En particulier, nous suivons l’évolution des dépenses des ménages, des marchés pétroliers et des politiques commerciales mondiales afin de jauger la mesure dans laquelle les facteurs qui pèsent sur la croissance et les perspectives d’inflation se dissipent.
Sur ce, la première sous-gouverneure Wilkins et moi serons heureux de répondre à vos questions.