On a souvent regroupé sous l’étiquette « secteur bancaire parallèle » les activités et les entités de type bancaire qui ne sont pas soumises à la réglementation des banques. Il serait toutefois plus juste de parler d’intermédiation financière non bancaire (IFNB). La Banque du Canada surveille l’IFNB, notamment les activités et les entités qui se caractérisent par un important degré de transformation des échéances, de la liquidité et du crédit et qui présentent donc une source potentielle de risque systémique.
L’IFNB constitue une solution de rechange utile au système bancaire traditionnel, car elle favorise l’innovation, encourage la concurrence, permet de répondre aux besoins mal satisfaits de certains segments de marché et contribue ainsi à l’efficience du système financier. Cependant, les intermédiaires financiers non bancaires ne font généralement pas l’objet d’une surveillance prudentielle et d’exigences de fonds propres comme les institutions de dépôt traditionnelles.
Or, comme l’a montré la plus récente crise financière mondiale, le risque systémique peut s’accumuler quand il est difficile à repérer et que les entreprises exploitent les failles du système réglementaire. La divergence des incitatifs et la complexité des instruments financiers ont encouragé la croissance du crédit à l’extérieur du système réglementaire, contribuant ainsi à l’accumulation de risques qui a conduit à la crise financière mondiale. Le Canada n’a pas été épargné. Certaines parties de notre marché du papier commercial adossé à des actifs, qui investissaient principalement dans des dérivés de crédit complexes, ont été paralysées à l’été 2007.
Depuis la crise, les autorités partout dans le monde, y compris la Banque du Canada, ne cessent de recueillir des données pour améliorer leur compréhension des parties du système financier qui ne sont pas réglementées. Pour bien saisir l’évolution du système financier et le déplacement éventuel des risques, il faut procéder régulièrement à l’analyse des données recueillies, surtout compte tenu des changements importants qu’engendrent les réformes de la réglementation.
Selon de nouveaux travaux réalisés par le personnel de la Banque, l’IFNB a connu un essor considérable depuis la crise. Le secteur canadien de l’IFNB, en progression constante depuis 2006, représentait près de 1 500 milliards de dollars à la fin de 2017 (graphique 1). Même si la taille globale de ce secteur a fortement augmenté ces dix dernières années, sa croissance n’a pas suivi celle des institutions de dépôt traditionnelles, comme les banques et les coopératives de crédit (graphique 2). Mais la taille à elle seule ne peut bien sûr pas rendre compte de l’importance de vulnérabilités financières potentielles.
La composition du secteur de l’IFNB a changé au cours de la dernière décennie. Ainsi, le marché du papier commercial adossé à des actifs est beaucoup plus petit, et les vulnérabilités qui y sont associées se sont atténuées. Par contre, les fonds d’investissement de même que l’emprunt et le prêt de titres ont nettement progressé, ce qui pourrait influer sur la liquidité du marché lors de futures périodes de tension. En outre, de plus en plus de prêteurs privés offrent diverses options de financement aux emprunteurs n’ayant pas droit à des prêts hypothécaires bancaires. À mesure qu’ils gagneront en taille, les prêteurs non traditionnels pourraient de plus en plus utiliser de nouvelles sources de financement hypothécaire. Cette tendance pourrait se manifester par le développement accru des titres adossés à des créances hypothécaires résidentielles, issus de la titrisation privée, ou par l’augmentation des placements directs de prêts hypothécaires auprès d’investisseurs institutionnels.
La Banque du Canada continuera de suivre l’évolution du secteur canadien de l’IFNB et de prêter attention aux signes de migration des opérations d’intermédiation du crédit et du risque qui leur est associé vers le secteur parallèle.
DOI : https://doi.org/10.34989/sdp-2019-2