Déclaration préliminaire devant le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce
Monsieur le Président, distingués membres du Comité, bonjour. La première sous-gouverneure Wilkins et moi sommes heureux d’être de retour devant vous pour présenter le Rapport sur la politique monétaire (RPM) que la Banque du Canada a publié hier.
Au moment de notre dernier témoignage en octobre, j’ai traité des facteurs qui nous avaient amenés à revoir à la baisse nos perspectives pour l’économie canadienne. Six mois plus tard, je suis heureux de dire que je peux traiter des facteurs qui nous ont amenés à revoir nos prévisions à la hausse.
Depuis un certain temps, nous parlons de la façon dont le choc des prix du pétrole qui s’est amorcé en 2014 a déclenché une série d’ajustements complexes dans l’économie, dont une restructuration importante du secteur pétrolier et gazier. À présent, nous constatons que l’activité liée au secteur de l’énergie a cessé de reculer et qu’elle effectue une transition vers un nouveau niveau qui cadre avec le niveau actuel des prix du pétrole.
Comme maintenant cette importante force négative est essentiellement chose du passé, elle ne masque plus les sources de vigueur à l’œuvre depuis un certain temps, en particulier la croissance de la production et de l’emploi qui est alimentée par le secteur des services. L’expansion au cours des six derniers moins a dépassé nos prévisions antérieures, et nous avons revu à la hausse nos perspectives concernant la croissance annuelle moyenne en 2017 pour les établir à un peu plus de 2 1/2 %, ce qui représente un demi-point de pourcentage de plus qu’en janvier. La croissance devrait se situer à un peu moins de 2 % en 2018 et en 2019.
Une question cruciale pour la Banque actuellement est de savoir si les données économiques plus vigoureuses que nous observons indiquent une accélération de l’expansion. Cette vigueur découle en partie de facteurs qui ne continueront probablement pas à évoluer au même rythme. Par exemple, la très nette progression de la consommation au premier trimestre a été alimentée par l’impulsion passagère donnée par l’Allocation canadienne pour enfants. L’activité dans le secteur du logement a aussi été plus vigoureuse qu’escompté. Bien que nous ayons incorporé une partie de cette vigueur dans un profil plus élevé de l’investissement résidentiel, nous anticipons encore un ralentissement pendant la période de projection. Le rythme actuel de l’activité dans le Grand Toronto et certaines parties de la région du Golden Horseshoe a peu de chances de se maintenir étant donné les facteurs fondamentaux. L’augmentation des prix des logements dans la région du Grand Toronto s’est vivement accélérée ces derniers mois, ce qui donne à penser que des forces spéculatives sont à l’œuvre.
En ce qui a trait au marché du travail, les données récentes sont contrastées. Alors que la croissance de l’emploi a certainement été solide, les salaires et les coûts unitaires de main-d’œuvre n’ont progressé que lentement. Les données portent à croire qu’une marge notable de ressources inutilisées subsiste sur le marché canadien du travail, contrairement au marché américain, qui est proche du plein emploi.
Parallèlement, les exportations et les dépenses des entreprises au Canada demeurent plus faibles que ce à quoi on pourrait s’attendre à ce stade du cycle économique. Dans nos discussions avec elles, les entreprises nous indiquent qu’elles comptent accroître leurs dépenses, mais les hausses envisagées sont modestes ou elles visent l’entretien du matériel plutôt que des projets d’expansion. Bref, l’économie ne tourne pas encore à plein régime.
En outre, les entreprises canadiennes sont confrontées à des niveaux accrus d’incertitude relativement à la politique fiscale et la politique de commerce extérieur des États-Unis. Nous ne savons toujours pas quelles modifications fiscales seront apportées, ni quand. Et l’éventail de mesures commerciales envisagées est encore plus vaste maintenant qu’il ne l’était en janvier. Il comprend une taxe d’ajustement aux frontières, des droits tarifaires plus élevés visant certains produits ou pays, des barrières non tarifaires et des mesures commerciales multilatérales encore plus étendues. Nous ne savons pas lesquelles de ces mesures seront mises en œuvre, ni à quel moment elles le seront, et chacune d’elles aurait des répercussions sur les économies mondiale et canadienne par la voie d’une série de canaux différents et complexes. Face à toute cette incertitude, nous ne pouvons pas modéliser de manière fiable l’incidence des changements à la politique de commerce extérieur des États-Unis. Nous avons plutôt incorporé un degré supplémentaire de prudence dans nos prévisions liées aux exportations et aux investissements par rapport à celles de janvier.
L’inflation globale a avoisiné 2 % et devrait fléchir pour s’établir à quelque 1,7 % au milieu de l’année avant de se rapprocher à nouveau de sa cible. Toutefois, toutes nos mesures de l’inflation fondamentale se situent dans la moitié inférieure de la fourchette cible et se sont inscrites en baisse. Cette évolution corrobore le point de vue selon lequel il subsiste une marge considérable de capacités excédentaires au sein de l’économie. Selon notre scénario de référence, les capacités excédentaires devraient se résorber au sein de l’économie canadienne au cours du premier semestre de 2018, soit un peu plus tôt que prévu il y a trois mois.
Nous voyons clairement d’un bon œil la robustesse récente des données économiques et souhaitons la voir se maintenir avant de pouvoir considérer avec assurance que la croissance repose sur des bases solides. Nous estimons que l’économie dispose encore d’une marge notable pour croître. Et nous tenons compte du fait qu’une incertitude considérable pèse encore sur les perspectives.
Dans ce contexte, nous avons estimé que la politique monétaire actuelle est encore appropriée et nous avons maintenu le taux cible du financement à un jour à 1/2 %.
Sur ce, Monsieur le Président, la première sous-gouverneure Wilkins et moi nous ferons maintenant un plaisir de répondre à vos questions.