Pour rentrer à bon port : l’interprétation des signaux de l’économie

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Introduction

Bonjour, c’est toujours un grand plaisir d’être à l’Île-du-Prince-Édouard.

Depuis l’inauguration du pont de la Confédération, il est plus facile de se rendre ici. Si vous venez sur l’Île en voiture, vous n’avez plus à franchir le détroit de Northumberland par bateau. Selon l’Encyclopédie canadienne, les eaux peu profondes de ce bras de mer sont exposées à d’impétueux courants, de fortes marées et des turbulences. Même pour les navigateurs les plus aguerris, il peut être difficile d’interpréter les mouvements du vent, des vagues et des courants transversaux.

Si seulement l’économie canadienne était dotée d’un tel pont. Depuis la Grande Récession, nous avons entamé un périple en vue d’une reconstruction. Mais le trajet s’est avéré plus long et plus complexe que lors des reprises précédentes en raison de tous les courants transversaux qui agissent sur l’économie. Non seulement les vents contraires de la crise financière mondiale soufflent toujours, mais nous sommes aussi maintenant aux prises avec une baisse des cours du pétrole et des autres produits de base clés, qui comptaient auparavant parmi les principaux moteurs de la croissance au pays. Les répercussions de cette situation sur les revenus et les investissements, ainsi que les ajustements qu’elle occasionne dans les différents secteurs et régions, pourraient nécessiter des années pour se dissiper.

La chute des cours du pétrole est le plus récent coup dur auquel l’économie canadienne a été exposée, mais ce n’est pas la première fois que nous subissons un choc qui a des effets différents selon les régions. Cela n’est pas surprenant dans un vaste pays comme le nôtre, fournisseur d’une grande variété de produits de base.

Il ne fait aucun doute que les travailleurs des secteurs de la pêche au homard ou de la culture de moules et d’huîtres ont connu leur part de périodes difficiles dans le passé. Mais les entreprises se sont adaptées et ont apporté des améliorations qualitatives qui permettent aux industries de l’aquaculture et de la pêche de se renforcer maintenant que l’économie américaine se redresse. Parallèlement, les exportations de l’Île-du-Prince-Édouard bénéficient de la diversification dans des secteurs comme l’aérospatiale et la biotechnologie, ainsi que de l’expansion vers les marchés émergents, principalement l’Asie.

L’expérience de l’Île-du-Prince-Édouard est un exemple de la résilience dont a fait preuve l’ensemble du Canada par le passé. Nous nous attendons à en être encore témoins, au moment où le pays poursuit son trajet pour rentrer à bon port et renouer avec une croissance naturelle, autoalimentée et équilibrée d’une économie tournant à plein régime.

J’aimerais aujourd’hui faire le point sur notre périple. Faute de pont, nous devons naviguer sur une mer agitée. Toutefois, des indices nous laissent croire que nous mettons le cap dans la bonne direction. Il est important pour nous, à la Banque, de faire preuve de transparence quant aux signaux que nous surveillons, à la fois parce que les acteurs des marchés financiers doivent se faire leur propre idée sur nos actions futures et parce que notre politique monétaire fonctionne mieux lorsque les Canadiens comprennent ce que nous faisons et pourquoi nous le faisons.

Un long itinéraire

Notre voyage a commencé au moment de la Grande Récession de 2008-2009, durant laquelle les exportations canadiennes ont enregistré une chute pire qu’au cours de toutes les récessions qui ont suivi la Deuxième Guerre mondiale. Les décideurs publics de partout ont réagi vigoureusement à ces turbulences observées à l’échelle de la planète. Au Canada, les gouvernements ont augmenté leurs dépenses, et la Banque du Canada a progressivement abaissé les taux d’intérêt jusqu’à ce qu’ils atteignent leur valeur plancher. Ces mesures, conjuguées à la solidité du système financier, ont permis au Canada de connaître l’une des meilleures performances d’après-crise dans les économies avancées. On peut affirmer à juste titre que les ménages ont fait le plus gros du travail pour maintenir la croissance de l’économie, en empruntant pour acheter des maisons et des automobiles. Nous avons également profité d’une bonne croissance de notre secteur de l’énergie, à la faveur des cours élevés du pétrole.

Toutefois, une croissance qui est trop tributaire des taux d’intérêt bas et des dépenses des ménages est insoutenable. Nous sommes demeurés à l’affût des indices de la présence dans l’économie d’une succession naturelle de certains facteurs : une reprise aux États-Unis et ailleurs qui entraînerait un raffermissement des exportations, lequel améliorerait la confiance des entreprises, déclencherait une hausse de leurs investissements et relancerait l’emploi. En définitive, l’économie renouerait avec une croissance naturelle et équilibrée, la part des exportations augmentant et l’inflation regagnant la cible de 2 % de façon durable.

Après la récession, les exportations ont commencé à se redresser avant de stagner en 2012 et en 2013, en dépit de la forte croissance de l’économie américaine. C’est pourquoi, à la Banque du Canada, nous n’avons pas ménagé nos efforts pour tenter de comprendre ce qui se passait, en analysant l’évolution des déterminants des exportations, y compris la compétitivité de divers secteurs et le recul de la capacité de production dans le sillage de la récession.

Nous avons examiné 31 catégories d’exportations hors énergie du Canada et constaté qu’autour de la moitié d’entre elles affichaient une tenue décevante par rapport à ce à quoi on pourrait s’attendre, vu l’état de la demande étrangère et le taux de change. Nous avons ensuite réparti ces secteurs peu performants en 2 000 sous-catégories de biens et services et nous avons remarqué qu’à peu près 500 d’entre elles avaient décliné depuis le début des années 2000, jusqu’à leur quasi-disparition. Nous avons été en mesure de démontrer que cette baisse était en grande partie causée par le fait que des entreprises de ces secteurs ont cessé leurs activités au Canada. Les pertes de capacité de production qui en découlent sont donc permanentes.

Mais qu’en est-il de l’autre moitié des catégories d’exportations hors énergie? Ces 15 catégories devraient alimenter la reprise des exportations, compte tenu de facteurs comme leurs liens avec les investissements des entreprises et l’investissement résidentiel aux États-Unis de même que la sensibilité aux variations du taux de change qu’elles ont affichée par le passé. Ces catégories comprennent notamment les machines et le matériel, les produits métalliques ouvrés, l’aérospatiale, ainsi que les produits pharmaceutiques; nombre de ceux-ci sont en croissance ici même, dans l’Île-du-Prince-Édouard. Et c’est sans parler des services, qui incluent le tourisme.

Rappelons-nous que l’été dernier, les perspectives économiques étaient plutôt favorables. Les secteurs d’exportation qui devaient alimenter la reprise commençaient à se comporter comme nous l’avions escompté. Le cours du pétrole brut Brent se situait à plus de 100 dollars américains le baril, et l’économie mondiale montrait des signes de raffermissement à mesure que les vents contraires se dissipaient. Les perspectives de l’économie américaine semblaient particulièrement positives, ce qui renforçait notre conviction que la succession naturelle se matérialisait et que nous étions en bonne voie de renouer avec une croissance ferme et autoalimentée.

Bien sûr, nous connaissons tous la suite. La chute des cours pétroliers survenue plus tard durant l’année a fait dériver la reprise. Comme il était devenu clair que le choc aurait un effet net négatif sur l’économie canadienne et représenterait un risque à la baisse pour l’atteinte de la cible d’inflation, la Banque a abaissé son taux directeur en janvier.

Même s’il était évident que le choc des prix du pétrole constituait un revers, il a été difficile d’évaluer à quel point il nous a fait dévier de notre trajectoire et combien de temps il faudra pour nous remettre sur la bonne voie. Selon les données dont nous disposons jusqu’à maintenant, les effets semblent avoir commencé à se manifester dans les derniers mois de 2014. À titre d’exemple, les activités de forage se sont alors mises à chuter, ce qui s’est répercuté sur les statistiques de l’emploi dans le secteur pétrolier, surtout en Alberta.

Cette baisse a contribué à un recul de la croissance du secteur du logement et des dépenses générales de consommation. La production manufacturière a faibli au tournant de 2015, ce qui tient en partie au fait que de nombreux intrants du secteur pétrolier sont manufacturés, mais aussi au mauvais temps et au ralentissement temporaire de l’économie américaine. Nous nous attendons à ce que les données, lorsqu’elles auront toutes été publiées, indiquent que la production de l’économie canadienne a essentiellement stagné au premier trimestre.

Comme nous l’avons signalé dans la livraison du mois dernier du Rapport sur la politique monétaire, nous sommes d’avis que la croissance rebondira partiellement au deuxième trimestre. Bien qu’il subsiste un risque que les prix du pétrole plus bas aient une incidence plus marquée, les signaux que nous avons captés jusqu’à maintenant nous portent à croire que les répercussions du choc se font sentir plus vite qu’il était prévu initialement, mais qu’elles ne sont pas plus importantes. Parallèlement, les forces positives que nous avions déjà repérées continuent de s’accumuler et devraient être soutenues par la réduction du taux directeur et le dollar plus faible. Nous nous attendons à ce que, au deuxième semestre de l’année, ces forces positives aient un effet prépondérant et que l’économie soit en voie de se remettre à tourner à plein régime vers la fin de 2016.

Sur quoi nos prévisions se fondent-elles? D’abord, la baisse du taux directeur opérée en janvier donne des résultats. Dans un contexte où de nombreuses autres banques centrales assouplissaient elles aussi leur politique monétaire, la réaction à cette réduction du taux a contribué à une détente sensible des conditions financières au Canada. Cette diminution sera bénéfique aux ménages qui détiennent un prêt hypothécaire, même si son effet sera partiellement contrebalancé par un déclin du revenu des épargnants.

Voyons ce que cela signifie plus concrètement. Le personnel de la Banque estime qu’un ménage qui a renouvelé un prêt hypothécaire de 100 000 dollars économiserait environ 250 dollars en paiements d’intérêts cette année. Cette somme s’ajoute aux quelque 500 dollars que les ménages épargneront en moyenne lorsqu’ils feront le plein d’essence. Cela dit, les plus grandes répercussions se font sentir sur les entreprises ayant des contrats d’exportation en dollars américains déjà signés, pour lesquelles une baisse de 3 cents du taux de change se traduirait par des rentrées de liquidités additionnelles totalisant entre 15 et 20 milliards de dollars durant l’année. Ces firmes seront également dans une position plus solide dans l’avenir pour rivaliser avec leurs concurrents en vue de la conclusion de nouveaux contrats.

Je me dois bien sûr de souligner à quel point les perspectives sont incertaines. Au cours des dernières semaines, tant les prix du pétrole que le dollar canadien se sont inscrits en hausse. Nous devrons soigneusement considérer cette situation et les autres évolutions économiques et financières, ainsi que la manière dont les entreprises et les ménages canadiens sont susceptibles de réagir dans les mois à venir.

Jetons maintenant un coup d’œil aux catégories d’exportation de produits non énergétiques dont nous avons dit qu’elles alimenteraient la reprise. Dans l’ensemble, ce groupe - dont les exportations totalisent plus de 185 milliards de dollars - a enregistré une hausse de près de 15 % en valeur nominale au cours de la période de 12 mois terminée en mars. Parmi les secteurs présents à l’Île-du-Prince-Édouard, l’aérospatiale a progressé de 20 % à l’échelle nationale, et les machines et le matériel ont crû d’environ 11 %.

D’ailleurs, les exportations de la province ont bondi de 22 % l’année dernière, pour s’établir à plus de 1 milliard de dollars aujourd’hui. Le tourisme, un autre secteur d’importance pour l’Île-du-Prince-Édouard comme pour l’ensemble du Canada, a aussi connu une bonne année. La demande des touristes étrangers a augmenté de 4,5 % pour atteindre son plus haut niveau en dix ans. Étant donné les prix plus bas de l’essence et le niveau du dollar canadien, ce secteur devrait croître encore cette année.

Qu’en est-il des prochaines étapes de la séquence, à savoir l’augmentation des investissements des entreprises et de l’emploi? Dans le cadre de notre plus récente enquête sur les perspectives des entreprises, les répondants ont déclaré que les firmes qui bénéficient du renforcement de la demande américaine commencent à ressentir des pressions sur leur capacité de production, et une part grandissante d’exportateurs étaient d’avis que des contraintes de capacité nuiraient à leur aptitude à répondre à une hausse soudaine de la demande. Ces contraintes donnent à penser que les entreprises pourraient devoir accroître leurs investissements. Assurément, il existe une certaine marge de capacités excédentaires parmi les groupes qui devraient, selon nous, alimenter la reprise. Toutefois, à l’extérieur du secteur de l’énergie, les perspectives relatives aux investissements sont prometteuses.

Au chapitre de l’emploi, on a observé récemment des signes que le marché du travail commence à mieux fonctionner. En voici quelques exemples : le chômage de longue durée est en baisse et un nombre accru de travailleurs dans la force de l’âge intègrent la population active. De plus, le nombre de postes vacants s’est orienté à la hausse depuis le début de l’an dernier, ce qui laisse supposer qu’il est plus facile de changer d’emploi. Par ailleurs, les résultats de l’Enquête sur l’emploi, la rémunération et les heures de travail de Statistique Canada font état d’une tendance à la hausse pour les six derniers mois environ en ce qui concerne l’emploi dans le secteur manufacturier. L’indicateur de la Banque, cependant, montre qu’il subsiste une marge de ressources inutilisées sur le marché du travail, et les chiffres de l’emploi ne rendent sans doute pas encore pleinement compte des effets du choc des prix du pétrole.

J’aimerais aborder un dernier indicateur, soit la création d’entreprises. L’augmentation des investissements des entreprises sera certes en partie attribuable aux firmes qui accroîtront leur propre capacité de production, mais elle proviendra aussi de la création de nouvelles entreprises.

En règle générale, la croissance de la population d’entreprises tend à être faible lorsque l’économie l’est aussi, et se renforce à mesure que l’économie gagne en vigueur. Les nouvelles firmes sont les principaux créateurs d’emplois dans l’économie. Elles sont également liées à la croissance de la productivité, car elles sont bien souvent innovatrices ou tirent parti d’innovations pour exploiter certains créneaux et mettre au point de nouveaux produits. Les nouvelles entreprises ont tendance à être plus productives que ne l’étaient celles qui ont fermé leurs portes et peuvent en outre inciter les firmes existantes à relever leur productivité. De ce fait, elles contribuent à la croissance de la productivité, qui, en définitive, est essentielle à l’amélioration de notre niveau de vie.

Les récessions sont douloureuses et nécessitent des ajustements. Des entreprises, et parfois des industries entières, mettent fin à leurs activités, dans bien des cas pour de bon. Mais après la destruction, de nouvelles firmes voient le jour et contribuent à la prochaine vague de croissance.

Nous savons que le Canada a perdu de nombreuses entreprises exportatrices durant la récession. Au pays, la croissance de la population d’entreprises a touché un creux en 2009, comme ce fut le cas au Royaume-Uni et aux États-Unis. Après la récession, le nombre d’entreprises au Royaume-Uni a commencé à monter en flèche en 2012, et aux États-Unis, il a pris son essor l’année suivante. Au Canada, le rebond n’a pas été aussi rapide que nous l’aurions souhaité, mais les données récentes sont encourageantes. Nous continuerons de suivre de près ces données.

Évidemment, ce ne sont pas les seuls signaux que nous surveillons. Nous examinons tout un éventail de données économiques, auxquelles s’ajoutent les résultats de diverses enquêtes. Nous consultons également les chefs d’entreprise, et nos bureaux régionaux jouent un rôle inestimable à cet égard. Tous ces renseignements nous aident à formuler notre meilleur jugement en ce qui a trait à la marge de capacités excédentaires présente au sein de l’économie, c’est-à-dire à la distance qu’il reste à franchir pour rentrer à bon port.

Jauger l’inflation

Le jugement que nous portons sur l’inflation est vraiment important, car il touche au cœur de notre mandat à la Banque du Canada. En effet, il nous incombe de favoriser la prospérité économique et financière des Canadiens, et le meilleur moyen pour nous d’y parvenir est d’instaurer un climat caractérisé par un taux d’inflation bas et stable. Pourquoi? Eh bien, parce qu’un taux d’inflation bas et stable permet aux consommateurs et aux entreprises de prendre leurs décisions au sujet de l’avenir avec une plus grande certitude. Depuis que la Banque a commencé à cibler l’inflation, il y a près de 25 ans, les taux d’intérêt sont moins élevés et la croissance économique, plus forte et plus stable.

Nous savons que l’inflation est fondamentalement déterminée par l’ampleur de la marge de capacités excédentaires. Si l’économie tourne en deçà de son plein potentiel, des pressions à la baisse s’exercent sur l’inflation. Cependant, l’inflation est un indicateur entaché de bruit. Toutes sortes de facteurs peuvent influer sur elle d’un mois à l’autre. Les événements survenus au cours de la dernière année nous ont compliqué la tâche quand il s’agit de juger de la tendance sous-jacente de l’inflation : il y a le choc des prix du pétrole, qui pousse l’inflation à la baisse, et le niveau plus faible du dollar canadien, qui la pousse à la hausse. Il faut ajouter à cela certains facteurs ponctuels qui se répercutent sur l’inflation. La conjonction de tous ces facteurs fait qu’il est sans aucun doute plus difficile pour nous de faire la distinction entre les tendances et les effets temporaires.

Comme il peut s’écouler jusqu’à deux ans avant qu’une modification des taux d’intérêt ne fasse pleinement sentir ses effets sur l’inflation, il serait insensé de réagir au moindre frémissement du taux d’inflation. Notre défi est de faire abstraction des effets temporaires et d’orienter notre politique monétaire en fonction des mouvements de l’inflation qui sont persistants. Et pour ce faire, nous devons formuler notre meilleur jugement quant à la tendance sous-jacente de l’inflation.

Nous avons recours à un certain nombre d’indicateurs pour poser ce jugement. Le plus connu est la mesure de l’inflation fondamentale que l’on appelle communément l’indice de référence, laquelle exclut huit des composantes les plus volatiles de l’indice des prix à la consommation (IPC) ainsi que l’effet des modifications des impôts indirects. Mais nous disposons de plusieurs autres méthodes, modèles et outils, qui nous aident à jauger la tendance sous-jacente de l’inflation.

L’an prochain, la Banque renouvellera son entente sur la maîtrise de l’inflation avec le gouvernement. Comme nous l’indiquons depuis plusieurs mois, l’une des questions que nous examinons à cette fin est celle de savoir si nous devrions continuer de mettre en exergue une mesure particulière de la tendance sous-jacente de l’inflation et, dans l’affirmative, si l’indice de référence devrait demeurer notre principal guide à ce titre.

D’après les données les plus récentes, l’inflation mesurée par l’IPC global se situe à 1,2 %, soit un niveau bien en deçà de notre cible de 2 %. Ce résultat s’explique en grande partie par la baisse des prix de l’essence, que nous considérons comme un effet temporaire. L’inflation mesurée par l’IPC global serait encore plus basse, en fait très près de zéro, si ce n’était des effets de taux de change et de certains facteurs ponctuels. Parallèlement, l’inflation mesurée par l’indice de référence se chiffre à 2,4 %, mais elle est alimentée elle aussi par les effets de taux de change et de certains facteurs ponctuels, tels que les prix de la viande et des communications.

Nous sommes ici en présence d’un grand nombre de pièces mobiles, et l’incidence de chacune de ces forces transitoires doit être estimée : on ne peut pas simplement la mesurer. Il nous faut donc une bonne dose de jugement pour déterminer l’incidence conjuguée de ces forces. Il va sans dire que ces estimations s’accompagnent d’une marge d’erreur appréciable. Mais, selon notre meilleur jugement actuel, la tendance sous-jacente de l’inflation se situe autour de 1,6 à 1,8 %. Pour que la tendance revienne vers 2 %, il est essentiel que les capacités excédentaires dans l’économie se résorbent. Comme la croissance est appelée à s’accélérer durant le reste de l’année, la tendance sous-jacente devrait finir par converger avec l’inflation mesurée par l’IPC global à la cible de 2 % lorsque l’économie tournera de nouveau à plein régime.

Voici en bref où nous en sommes dans notre périple pour rentrer à bon port. Il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir : d’après nos projections, il nous faudra 18 mois environ pour arriver à destination. Et ce n’est que dans la mesure où la croissance évolue comme prévu et où nous ne devons pas affronter d’autres courants transversaux ou tempêtes, que celles-ci donnent lieu à des vents contraires ou à des vents favorables. Selon notre meilleur jugement, nous devrions retrouver la normalité - à savoir une économie qui fonctionne à plein régime et une inflation qui s’établit à 2 % de façon durable - vers la fin de 2016.

Conclusion

Pour conclure, j’aimerais dire quelques mots sur ce à quoi nous pouvons nous attendre une fois rentrés à bon port. Si certaines entreprises ont fermé boutique pour de bon pendant la Grande Récession, d’autres font leur apparition dans de nouvelles industries. En même temps, l’économie de l’avenir sera façonnée par des forces démographiques qui prennent forme depuis des décennies. Le départ à la retraite des baby-boomers influe sur le potentiel de croissance de l’économie, et c’est l’une des raisons pour lesquelles les taux d’intérêt resteront probablement plus bas que par le passé.

Les événements récents font nettement ressortir que nous vivons dans un monde incertain. Naviguer sur les eaux de l’économie mondiale est toujours hasardeux : on ne sait jamais quand une tempête soudaine se lèvera pour nous faire dévier de notre cap. C’est pourquoi nous menons la politique monétaire en suivant une démarche axée sur la gestion des risques. Nous examinons toutes les données, tirées des plus récents modèles et outils, et les complétons avec des renseignements issus d’entreprises et de résultats d’enquêtes. En définitive, cependant, nous formulons un jugement, à la fois sur la marge de capacités excédentaires de l’économie et ses conséquences pour notre objectif de maîtrise de l’inflation.

En faisant preuve de transparence au sujet des signaux que nous surveillons, nous essayons d’aider les acteurs des marchés financiers à se forger leur propre opinion sur les perspectives de l’économie. Ces opinions sont importantes, car elles nous permettent de vérifier la validité de notre propre analyse.

La route jusqu’ici a été longue, et il reste encore du chemin à parcourir. Mais soyez assurés que la Banque du Canada continuera de s’employer à ramener l’économie à bon port - c’est-à-dire de veiller à ce que celle-ci renoue avec son plein potentiel et à ce que l’inflation s’établisse à la cible de façon durable - afin de s’acquitter de son mandat, qui consiste à favoriser la prospérité économique de tous les Canadiens.

Je tiens à remercier Pierre St-Amant, Marc-André Gosselin et David Amirault de l’aide qu’ils m’ont apportée dans la préparation de ce discours.

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