L’économie canadienne : entre effervescence et morosité
Introduction
Merci pour cette aimable introduction et merci à vous tous d’être présents aujourd’hui. Je suis ravi d’être ici en compagnie des membres du Saskatchewan Trade and Export Partnership. J’applaudis vos efforts pour stimuler les exportations de cette province à destination du reste du monde. Le Canada a besoin de ces exportations.
De mon point de vue à la Banque du Canada, j’envisage l’économie canadienne dans une optique très large, c’est-à-dire dans son ensemble. Or, selon l’endroit où vous travaillez ou vivez, vous aurez une impression différente de la tenue de l’économie. D’une région du Canada à une autre, d’un secteur de l’économie à un autre, nous observons des distinctions fondamentales au chapitre de la demande visant nos produits, de l’emploi, des salaires et du logement. De fait, les taux de croissance économique sont nettement différents. Certains secteurs et certaines régions sont en effervescence, d’autres moroses.
Cette situation se manifeste de façon particulièrement tangible en ce qui a trait à l’emploi et au logement. Dans une ville comme Fort McMurray, il est relativement facile de trouver un emploi, mais difficile de se loger. Dans d’autres villes, c’est l’inverse qui est vrai.
J’aimerais profiter de ce moment avec vous aujourd’hui pour traiter de l’effervescence et de la morosité observées au sein de l’économie canadienne et des forces qui alimentent ces conditions. J’ai l’intention aujourd’hui de vous présenter quelques analyses de la Banque sur lesquelles vous pourrez vous appuyer pour prendre des décisions éclairées sur le plan financier et économique pour vous-mêmes, vos familles, vos entreprises et votre avenir.
En effervescence : le pétrole
L’une des forces les plus importantes à l’origine de l’expansion de l’économie canadienne aujourd’hui est la vigueur à long terme des cours mondiaux des ressources naturelles. Au Canada, le pétrole se démarque. Notre pays dispose de la troisième réserve de pétrole brut en importance au monde. Et il est le premier producteur de potasse. Cela représente de l’argent dans nos poches.
En termes techniques, c’est un choc positif des termes de l’échange. En termes non techniques, il s’agit d’un cadeau. Comme la valeur des ressources naturelles que nous exportons augmente, et que celle des produits que nous importons demeure basse ou croît moins rapidement - ou comme nos termes de l’échange s’améliorent -, les Canadiens s’enrichissent.
Permettez-moi de présenter la chose ainsi. Vous conservez une boîte de vieilles cartes de hockey dans votre sous-sol, pas vrai? Tout le monde le fait. Et si dans cette boîte vous aviez une carte de Chris Kunitz, datant de l’époque où il était une recrue? Eh bien, à présent que ce natif de Regina a gagné une médaille d’or olympique et deux coupes Stanley, cette carte a tout à coup une grande valeur - et cela vous pousse à aller la récupérer dans le sous-sol.
Le même phénomène se produit dans le cas d’un choc des termes de l’échange. Depuis 2002, nous profitons d’une augmentation de presque 25 % des termes de l’échange du Canada. Les cours mondiaux du pétrole ayant plus que doublé en moyenne depuis dix ans par rapport aux trois décennies précédentes, les ressources naturelles que possède le Canada ont tout à coup une grande valeur - et cela nous pousse à procéder à leur extraction.
C’est ce qui s’est passé. La hausse des prix du pétrole en a stimulé la production au Canada, ce qui a amplifié les avantages découlant de l’amélioration des termes de l’échange. Cela se vérifie tout particulièrement en ce qui concerne les immenses gisements de sables bitumineux du Canada, l’augmentation des prix les ayant rendu viables sur le plan économique.
Pour accélérer la production, il faut plus de travailleurs et plus d’argent. D’où viennent-ils? Qu’est-ce qui les attire? L’économie est dotée de mécanismes de marché naturels qui facilitent les choses. Les prix plus élevés des produits de ces secteurs sur les marchés mondiaux font grimper les profits et les salaires et stimulent le marché de l’emploi, ce qui attire plus d’investisseurs et de travailleurs. Comme les gens gagnent plus, ils dépensent plus et, à mesure que cette main-d’œuvre s’élargit, ses besoins s’accroissent. Il faut donc plus de tout, des restaurants Tim Horton et des camionnettes, pour ne mentionner que cela. Résultat : le nombre d’emplois et les salaires augmentent dans d’autres secteurs de l’économie et d’autres régions, donc tout le monde en profite.
Les gens vont s’installer là où l’activité est florissante
En proportion du PIB, les investissements dans le secteur de l’extraction minière, pétrolière et gazière ont doublé depuis 2002. Lorsque les entreprises intensifient leurs investissements, elles déclenchent une réaction en chaîne de nature à attirer les gens. Depuis dix ans, un quart de millions de personnes environ, en chiffres nets, - soit à peu près la population de Saskatoon - ont quitté leur province pour s’installer en Alberta. L’année dernière seulement, la migration nette entre l’Alberta et le reste du Canada s’est chiffrée à près de 45 000 personnes. En Saskatchewan aussi, le nombre de personnes venues s’établir dans la province au cours de la dernière année est supérieur au nombre de celles qui en sont parties. Entre 2006 et 2011, un Saskatchewanais sur cinq environ était un nouvel arrivant ou avait déménagé à l’intérieur de la province. La donne a ainsi complètement changé pour l’ensemble des travailleurs canadiens.
Si l’Alberta et la Saskatchewan sont des bénéficiaires nets de personnes, le nombre total de personnes qui migrent dans les provinces et les secteurs plus moroses, et hors de ceux-ci, est encore appréciable. Le fait est que de nombreux emplois sont créés partout au pays, ce qui est révélateur de la capacité de l’économie à s’adapter à des circonstances changeantes.
Les gens ne quittent pas leur coin de pays seulement pour les emplois, mais aussi pour de meilleurs salaires. Peu importe l’angle sous lequel on examine les données, elles montrent invariablement que les travailleurs en Alberta, en Saskatchewan et à Terre-Neuve-et-Labrador ont vu leur salaire monter plus vite que partout ailleurs au Canada ces dernières années.
Il est intéressant de noter que, en partie à cause de cette circulation de personnes, les écarts de taux de chômage entre les provinces ne se sont pas creusés en réaction au choc des termes de l’échange; au contraire, ils se sont, en fait, amenuisés. L’accroissement du nombre d’occasions d’emploi dans les secteurs en expansion correspond presque au nombre de travailleurs qui quittent les provinces où les débouchés se font plus rares. La main-d’œuvre du Canada fait preuve d’une souplesse remarquable, les travailleurs d’un bout à l’autre du pays n’hésitant pas à déménager pour trouver de bons emplois et de bons salaires.
Cela ne veut pas dire pour autant qu’il est facile de le faire. Dans les endroits en pleine ébullition, on a peine à répondre à la demande de logements. Ici en Saskatchewan et à côté, en Alberta, le nombre de mises en chantier est proportionnellement nettement plus élevé que dans les autres régions du Canada. En outre, les coûts associés à l’entretien d’un logement dans ces provinces ont crû beaucoup plus qu’ailleurs.
La décision de déménager à l’autre bout du pays ne va pas de soi pour les gens qui ne vivent pas dans les régions en expansion. Ceux qui viennent s’y installer quittent d’autres secteurs - du pays et de l’économie - et ils emmènent avec eux des revenus et du potentiel. Ce bouleversement peut être difficile pour les régions et les secteurs qui perdent des travailleurs et pour les gens qui doivent entretenir des relations à distance avec les membres de leur famille.
À long terme, cependant, nous profitons tous d’un choc positif des termes de l’échange. Même si les ajustements sont différents d’une région et d’un secteur à l’autre et bien qu’ils puissent être pénibles, ils nous permettent de maximiser les avantages que nous procure l’abondance de nos ressources énergétiques et, en définitive, tout le monde y gagne. Globalement, le revenu intérieur brut (RIB) du Canada - mesure du pouvoir d’achat de tous les revenus tirés de la production intérieure - est supérieur d’environ 7 % à ce qu’il aurait été si les termes de l’échange ne s’étaient pas améliorés depuis 2002.
Effectivement, lorsqu’on ventile les chiffres par région, les trois provinces productrices de pétrole tirent très bien leur épingle du jeu. Mais ceux qui pensent que le RIB baisse ailleurs sont dans l’erreur. En effet, partout au Canada, le RIB est supérieur à ce qu’il aurait été sans l’amélioration des termes de l’échange.
Le dollar suit l’évolution des termes de l’échange
Pour le Canada dans son ensemble, le dollar suit l’évolution des termes de l’échange. Les investisseurs étrangers achètent des bonnes nouvelles et, quand ils achètent celles concernant le Canada, la valeur du dollar canadien grimpe. En conséquence, nos termes de l’échange et notre dollar évoluent parallèlement, quoique pas nécessairement toujours de façon synchronisée.
C’est comme promener un chien au bout d’une laisse rétractable. Peut-être espérez-vous qu’il reste à vos côtés, mais, en réalité, le chien court toujours dans toutes les directions. À la fin de la promenade, vos traces respectives forment des zigzags un peu partout, comme dans un graphique fait par un économiste. Mais quand vous quittez le parc, vous êtes encore ensemble. Voilà à quoi ressemble la relation entre les termes de l’échange et le dollar : elle est souple mais fiable.
De la même façon, le cadeau que constitue un choc positif des termes de l’échange finit par bénéficier à l’ensemble de l’économie. Un dollar plus fort procure à tout le pays un plus grand pouvoir d’achat sur les marchés mondiaux en faisant baisser les prix en dollars canadiens de biens et services importés. Cela se traduit par des téléviseurs, des voyages et des outils moins chers. Les consommateurs canadiens en profitent, de même que les entreprises qui achètent des machines et du matériel. Mais il est vrai que, pour certaines entreprises, la vigueur du dollar entrave également leur capacité de soutenir la concurrence sur les marchés mondiaux. Je reviendrai sur ce point dans quelques instants.
Rappelons que les termes de l’échange ne sont pas les seuls à influer sur le taux de change. Bien entendu, d’autres forces jouent un rôle important, en particulier le dollar américain. Après la crise, celui-ci a eu tendance à être plus faible par rapport à bon nombre d’autres monnaies, dont la nôtre. Mais ces derniers mois, sous l’effet du renforcement de l’activité économique aux États-Unis, notre dollar a perdu de la vigueur et est descendu de son sommet d’après la crise.
Moroses : les exportations hors énergie
Jusqu’ici j’ai surtout parlé des secteurs en effervescence de l’économie canadienne. Passons maintenant au secteur manufacturier, où l’activité est plus morose. Dans ce cas-ci, la situation n’est pas si simple.
Comme je l’ai mentionné, l’appréciation du dollar canadien en réaction à l’amélioration des termes de l’échange alimente les vents contraires auxquels sont exposés les exportateurs de biens non énergétiques sur le plan de la compétitivité, surtout les entreprises manufacturières. Ce revers s’est ajouté aux difficultés qui se sont abattues sur les fabricants des économies avancées du fait de la Grande Récession qui a suivi la crise financière.
Ici au Canada, la crise a refroidi le climat économique dans le secteur manufacturier et celui de l’énergie. Cependant, en partie en raison de l’ampleur du choc ressenti au sud de la frontière et des graves répercussions subies par les secteurs de l’économie américaine qui sont importants pour les fabricants canadiens - dont ceux du logement et de la production automobile -, la crise a touché plus durement les exportateurs du secteur manufacturier. De nombreuses entreprises et un grand nombre d’emplois de ce secteur ont tout simplement disparu. Pour l’ensemble du secteur, la reprise s’est fait attendre longtemps.
Ensemble, les deux chocs, celui des termes de l’échange et de la crise, ont frappé de plein fouet les fabricants canadiens. Maintenant que la reprise s’amorce à l’échelle du globe, les pressions exercées par le choc de la crise vont s’atténuer. Toutefois, les forces liées à l’évolution des termes de l’échange se feront encore sentir, même pendant que la reprise se poursuit dans le monde. Un choc s’en va, mais l’autre est toujours là.
Les défis sur le plan de la compétitivité ont incité de nombreux fabricants canadiens à devenir plus productifs. Certains ont rationalisé leurs activités, lancé de nouveaux produits et services, pénétré de nouveaux marchés et investi dans des technologies qui permettent de réduire les coûts. D’autres ont externalisé la fabrication, mais investi dans le développement de produits ainsi que dans la vente et le service après-vente sur les nouveaux marchés.
Des gains de productivité ont été observés dans les sous-secteurs manufacturiers dans lesquels le Canada dispose d’atouts naturels, notamment ceux des métaux de première transformation, des produits du bois, du papier et des aliments. Depuis 2002, les plus fortes hausses de production par travailleur dans le secteur manufacturier ont été enregistrées dans ces industries.
Nous savons tous que l’économie canadienne est axée sur les exportations. Depuis la crise, la croissance a été alimentée par les politiques publiques et non par des forces naturelles. Il faut que notre économie change de cap et que les exportations redeviennent le moteur qu’elles étaient.
L’importance du secteur manufacturier, et en particulier des exportateurs de ce secteur, dans l’économie - ainsi que le décalage croissant entre la tenue des exportations canadiennes et la demande étrangère - a amené la Banque à approfondir son analyse afin de mieux comprendre la dynamique en cours.
Pour ce faire, nous avons subdivisé le secteur des exportations de biens non énergétiques en 31 sous-secteurs et nous les avons examinés à ce niveau plus détaillé. Nous avons découvert que dans bon nombre d’entre eux, les exportations ont largement évolué en phase avec les facteurs fondamentaux de l’activité étrangère, voire mieux. Pour eux, les affaires redémarrent.
Parmi les sous-secteurs qui devraient prospérer à la faveur de la reprise des investissements aux États-Unis, mentionnons ceux des machines et du matériel, des matériaux de construction, des services commerciaux, ainsi que des aéronefs et pièces d’aéronef. D’autres sous-secteurs solides devraient gagner en vigueur, notamment ceux des produits pharmaceutiques, des matières plastiques, des produits métalliques, ainsi que du voyage et du tourisme. Certains de ces sous-secteurs devraient bénéficier à la fois de la baisse récente du dollar canadien et de l’activité plus robuste aux États-Unis. Pris dans leur ensemble, ils représentent à peu près la moitié des exportations canadiennes. C’est pourquoi nous avons bon espoir que grâce à l’amélioration du climat économique, ces industries contribueront au redressement des exportations du pays.
D’autres sous-secteurs, par contre, doivent encore faire face à des défis sur le plan de la compétitivité, qui s’accumulent depuis longtemps et pèsent sur la capacité de ces industries à profiter du renforcement de la croissance à l’étranger. On pense ici aux constructeurs de camions et de véhicules automobiles, aux fournisseurs d’aliments et de boissons et aux fabricants de produits chimiques. La reprise sera plus lente pour ces groupes, car leurs difficultés sont à plus long terme, même si la récente perte de vigueur du dollar canadien pourrait leur être favorable.
L’analyse effectuée par la Banque nous fournit une interprétation plus détaillée de la tenue des exportations, et nous donne davantage foi dans la reprise de notre secteur des exportations hors énergie. Toutefois, cela suppose aussi que le décalage que nous avons observé entre les exportations et la demande étrangère persistera quelque peu. Même si nous pensons que la restructuration de l’économie canadienne va se poursuivre, nous prévoyons une convergence graduelle entre le taux de croissance des exportations canadiennes et celui de la demande étrangère.
La Banque s’attend à ce que les secteurs qui se démarquent par leurs connaissances, leur savoir-faire technique et leurs atouts sur le plan de la production favorisent l’expansion des exportations canadiennes hors énergie; par exemple, des entreprises comme celles qui sont appuyées par Innovation Place ici à Saskatoon. Nous comptons sur des industries qui ont affiché un solide bilan durant la dernière décennie et, franchement, sur des industries du futur que nous ne pouvons peut-être même pas identifier actuellement. Il y a de bonnes chances que la croissance soit alimentée en grande partie par de toutes nouvelles entreprises offrant de tout nouveaux produits et services. Cependant, ce processus sera long; on doit faire preuve de patience.
Pour parvenir à un profil de croissance des exportations durablement plus solide, nous ne pouvons pas compter seulement sur le marché américain. Il ne fait aucun doute que l’amélioration de l’économie américaine est positive pour le Canada. Toutefois, selon les projections, le potentiel de croissance des économies émergentes devrait être environ quatre fois supérieur à celui des économies avancées. En définitive, en plus de tirer parti de la progression plus robuste de ces marchés, nous pouvons diversifier nos marchés d’exportation pour nous aider à réduire les risques associés à la faiblesse d’un seul marché. Nous pouvons agir maintenant, mais la mise en place de nos divers accords de libre-échange nous permettra de le faire encore plus efficacement.
Globalement, nous avons bon espoir que la hausse de la demande mondiale de biens et services canadiens, conjuguée au maintien des prix du pétrole à un niveau élevé, stimulera les investissements des entreprises au Canada et réorientera l’économie sur une trajectoire de croissance plus soutenable.
Les résultats de l’enquête du printemps sur les perspectives des entreprises menée par la Banque abondent dans le même sens. En effet, les fabricants qui y ont répondu ont indiqué qu’ils projetaient d’accroître leurs investissements en machines et matériel, afin d’être plus compétitifs ou de créer des occasions de croissance. Ces intentions sont un peu plus manifestes chez les petites et moyennes entreprises et chez les exportateurs. Selon les résultats les plus récents de l’enquête de Statistique Canada sur les intentions d’investissement des secteurs public et privé, les fabricants dans un large éventail de sous-secteurs comptent aussi augmenter leurs investissements, ce que je trouve encourageant.
Grâce à nos termes de l’échange plus solides au Canada, à notre climat des affaires sain et à notre capacité d’innover, le secteur manufacturier canadien est promis à un brillant avenir. Tout comme votre érable préféré qui a l’air différent d’un printemps à l’autre, ce secteur évoluera, en apparence du moins. Ainsi, on peut s’attendre à une délocalisation de certaines parties de la chaîne de production dans des régions où les coûts de fabrication sont plus bas. À cet égard, il convient de rappeler que le secteur manufacturier ne se résume pas seulement à la fabrication. Bien entendu, c’est beaucoup plus que cela. La recherche-développement et la conception précèdent la fabrication. Les activités de pré et postfabrication font partie des services à forte valeur ajoutée qui permettent aux travailleurs spécialisés de gagner de bons salaires. Parallèlement, le Canada étant fort bien pourvu en ressources naturelles, il va de soi qu’on y retrouve des entreprises de fabrication de produits alimentaires, de produits métalliques et de métaux de première transformation ainsi que de produits forestiers.
Effervescence ou morosité : le rôle des autorités monétaires
Quel rôle les autorités monétaires jouent-elles dans ce contexte? De fait, nous nous assurons que la situation générale est équilibrée et laissons ces forces interagir en arrière-plan. Notre contribution consiste à maintenir l’inflation à l’intérieur de la fourchette cible. Cependant, même si les autorités monétaires ne prennent pas en compte les enjeux sectoriels ou régionaux mais plutôt l’économie dans son ensemble, l’analyse que je viens de présenter ici est d’une importance primordiale pour notre processus décisionnel en matière de politique monétaire.
Nous prévoyons qu’en raison des prix à la consommation de l’énergie plus élevés, l’inflation mesurée par l’IPC global remontera au cours des prochains trimestres. Cette augmentation aura, par définition, des effets transitoires sur l’inflation tendancielle et, dans un an, les chiffres n’en feront plus état. Entre-temps, ce qui est crucial pour l’inflation sous-jacente, c’est qu’au point de départ, le taux d’inflation est bas. C’est pourquoi nous disons que les risques à la baisse entourant l’inflation demeurent importants - parce qu’ils pourraient éloigner considérablement l’inflation de notre cible de 2 %. Si nous nous interrogeons sur l’origine de ces risques, de toute évidence, nos propos font ressortir l’importance notable des perspectives concernant nos exportations.
Nous observons déjà ce qui semble être un début d’atterrissage en douceur dans le marché du logement. Il est donc essentiel, qu’au même moment, le rythme de progression de nos exportations s’accélère, ce qui, pensons-nous, sera suivi d’un redressement des investissements des entreprises. Ces deux évolutions nous mettront sur la voie d’une croissance soutenable.
Cependant, si, pour une raison quelconque, la reprise des exportations n’est pas à la hauteur de nos prédictions, l’inflation mesurée par l’IPC global, qui aura remonté à la cible, redescendra alors simplement pour converger avec l’inflation mesurée par l’indice de référence, aux alentours de 1 % peut-être, parce que l’écart de production sera tout aussi important qu’avant.
Quoi qu’il arrive, soyons clairs : nous sommes bien loin du compte, car l’inflation sous-jacente ne retournera à la cible de 2 % que dans les premiers mois de 2016. Notre économie dispose de la marge voulue pour croître. Et quand l’inflation aura regagné la cible, selon un consensus de plus en plus large, les taux d’intérêt demeureront plus bas que ce à quoi nous étions habitués dans le passé - en raison de l’évolution démographique et parce que, après s’être maintenus à des niveaux exceptionnellement bas pendant une période aussi longue, les taux d’intérêt n’auront pas à varier autant pour exercer le même effet sur l’économie.
La semaine dernière, compte tenu de notre analyse, nous avons décidé de maintenir le taux du financement à un jour à 1 %.
Conclusion
Le moment est venu de conclure. Il est impossible de savoir avec certitude si les prix du pétrole vont rester élevés indéfiniment. Nous avons établi des prévisions mais, de toute évidence, les circonstances peuvent changer. Ce qui est primordial, c’est que l’économie canadienne puisse encore s’adapter aux changements. Il importe de diversifier nos marchés d’exportation pour assurer notre croissance et notre résilience dans l’avenir.
Tout comme la température qui peut varier d’un extrême à l’autre selon la région que l’on traverse au Canada - chaude dans la vallée de l’Okanagan, glaciale dans les Prairies ou douce dans les Maritimes -, les économies locales peuvent refléter toute la gamme des états, allant de l’effervescence à la morosité. Nous avons la chance de pouvoir observer ces variations de climat économique à mesure qu’elles se produisent. L’important, c’est que l’économie soit suffisamment flexible pour pouvoir affronter les chocs et s’y ajuster en douceur. Plus nous en savons sur les chocs et les ajustements, mieux nous sommes préparés et en mesure de tirer parti de tout ce que notre grand pays a à offrir.