Les marchés de l'immobilier et des prêts hypothécaires et la politique monétaire
Bonjour à toutes et à tous. Je suis très heureuse d'être parmi vous à Banff, particulièrement aujourd'hui. C'est en effet un 23 juin, en 1887, que le Parlement promulgua la Loi du Parc des Montagnes-Rocheuses, qui fit de Banff le premier parc national du Canada. Donc, bon anniversaire au Parc national Banff!
Je suis ravie de participer à ce congrès de l'Association canadienne du commerce des valeurs mobilières. De même que les parcs et, plus généralement, la conservation des ressources naturelles, jouent un rôle vital pour notre bien-être et celui de nos enfants sur les plans environnemental et spirituel, les bons placements jouent un rôle vital pour notre bien-être futur sur les plans économique et financier. Pour de nombreux Canadiens et Canadiennes, l'achat d'une maison représente l'un des investissements les plus importants qu'ils puissent faire. Et pour vous, les professionnels des marchés financiers, les liens entre le marché du logement et les marchés financiers ont des conséquences appréciables. Aujourd'hui, j'aimerais vous entretenir de la question du logement, et en particulier de ses interactions avec l'économie, les marchés financiers et la politique monétaire.
Ces dix dernières années, le marché canadien du logement a affiché une belle vigueur. La demande et l'offre ont augmenté, de même que les prix (graphique : Activité sur le marché du logement au Canada – de 1998 à 2008). Néanmoins, même si notre marché de l'immobilier ne présente pas actuellement les signes d'excès généralisés qu'on constate dans certains autres pays 1, il n'y a pas lieu de pavoiser. En effet, après avoir connu une augmentation assez substantielle, les prix réels des habitations enregistrent maintenant un recul aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Espagne, et les Canadiens seraient bien avisés de ne pas oublier que les prix de l'immobilier résidentiel peuvent certes monter mais aussi descendre (graphique : Évolution des prix réels des logements aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Espagne). Cela ne fait d'ailleurs pas si longtemps – fin des années 1980 et début des années 1990, pour être exacte – que le Canada a vécu le gonflement, puis l'éclatement, d'une bulle immobilière. Il a fallu ensuite une décennie avant que l'activité reprenne, et que les prix réels commencent à grimper (graphique : Évolution des prix réels des logements au Canada). Plus récemment, bien sûr, le marché de l'habitation dans la région ici a connu un cycle de forte expansion.
L'état actuel du marché canadien du logement et son évolution probable ont des incidences sur l'économie, les marchés financiers et les politiques publiques. Je décrirai ces incidences par la suite, mais avant cela, j'aimerais planter le décor en abordant le rôle du logement dans notre économie, et certains des facteurs qui pèsent le plus sur l'activité et les prix dans ce secteur.
Le logement, l'économie et les marchés financiers
Le logement joue un rôle essentiel dans l'économie, et exerce des effets directs et indirects sur la richesse des ménages et la consommation. Ces dix dernières années, les investissements dans le secteur résidentiel au Canada ont représenté en moyenne quelque 6 % du PIB – soit un peu plus qu'au Royaume-Uni et aux États-Unis. Environ le tiers de ces investissements concernent la rénovation. Le taux de propriété au Canada dépasse 68 %, comme aux États-Unis; c'est un chiffre légèrement moins élevé qu'au Royaume Uni et en Australie, mais nettement supérieur à celui de pays européens tels que la France et l'Allemagne. Les actifs immobiliers représentent également une grande richesse – dans le cas du Canada, plus de 2 200 milliards de dollars ou 37 % de l'ensemble des actifs détenus par les ménages.
Les variations du niveau d'activité et des prix dans le marché du logement ont de nombreuses répercussions sur l'économie. En fait, on observe non seulement des conséquences directes, compte tenu que ce secteur contribue grandement à l'activité globale, mais aussi des incidences indirectes, du fait que la valeur nette des propriétés est une importante source de richesse et de financement pour les ménages. Alors, quels sont les facteurs qui influent le plus sur ces variations? Bien qu'ils se chevauchent et interagissent entre eux, je serais tentée de les répartir en trois groupes, à savoir les paramètres fondamentaux de l'offre et de la demande, les innovations financières et les politiques publiques. Permettez-moi de dire quelques mots à leur sujet.
Pour commencer, comme dans la plupart des marchés, les prix du logement sont largement déterminés par les paramètres fondamentaux de l'offre et de la demande. À long terme, bien sûr, l'offre et la demande s'équilibrent inévitablement, aucune pression à la hausse ou à la baisse ne s'exerçant sur les prix. Mais à court terme, l'offre (sur les marchés des habitations neuves et de la revente) peut être lente à réagir, ce qui signifie que des variations de prix marquées peuvent survenir en cas de chocs de demande majeurs. Ces chocs peuvent résulter de changements démographiques (ce qui touche notamment la taille de la population en âge de travailler et les flux migratoires) (graphique : Formation des ménages et mises en chantier); de l'évolution du marché du travail, du revenu disponible, de la richesse et des coûts de financement (graphique : Revenu disponible, chômage et taux d'intérêt hypothécaires); et des modifications des prix et des autres possibilités qu'offre le marché locatif (graphique : Taux d'inoccupation des logements locatifs et croissance des prix des logements – Calgary).
Par ailleurs, les innovations financières jouent également un rôle dans l'évolution de la demande et des prix observés dans le secteur de l'immobilier résidentiel. La plupart des acheteurs de maisons ont besoin de financement, et, par conséquent, le marché hypothécaire et ses produits de plus en plus novateurs peuvent influer sur le moment de l'achat d'une maison et sur le genre d'habitation choisi. Plusieurs produits de prêts et d'assurances hypothécaires ont été lancés ces dernières années au Canada, y compris les prêts hypothécaires avec mise de fonds réduite (voire sans aucune mise de fonds); les prêts amortis sur une plus longue période (soit plus de 25 ans, et jusqu'à 40 ans); et, dans une faible mesure chez nous, les prêts conçus à l'intention des emprunteurs à risque.
Naturellement, les innovations peuvent conférer aux ménages une souplesse accrue sur le plan financier, en permettant une mise de fonds et des remboursements hypothécaires réduits. En outre, dans la mesure où les innovations financières donnent souvent lieu à de nouvelles façons d'affecter l'épargne aux investissements recherchés, elles peuvent aussi améliorer l'efficience des marchés financiers.
Mais les innovations financières peuvent également comporter des risques. Par exemple, si les innovations financières sont mises en oeuvre alors que la demande est déjà forte, elles sont susceptibles d'amplifier une tendance haussière des prix, qui, à son tour, pourrait faire grimper globalement les taux d'intérêt hypothécaires. Bien entendu, pour le futur propriétaire, certaines innovations peuvent augmenter – parfois considérablement – le coût total d'achat d'une maison, et donc réduire sa capacité d'épargner ou de dépenser à long terme et d'investir dans d'autres secteurs de l'économie. À titre d'exemple, le titulaire d'un prêt hypothécaire de 200 000 dollars, remboursé au moyen de versements mensuels pendant 40 ans à un taux de 5 %, paiera environ 110 000 dollars de plus, au total, que s'il amortissait son emprunt sur 25 ans (graphique : Incidence de la période d'amortissement sur les paiements hypothécaires). Bien que nous ne disposions pas de statistiques officielles sur les périodes d'amortissement au Canada, certaines observations donnent à penser que plus de la moitié des nouveaux prêts hypothécaires assurés qui ont été accordés au cours de la dernière année au pays prévoyaient de longues périodes d'amortissement. Même si de nombreux clients concernés par ces emprunts peuvent privilégier les paiements accélérés, l'effet potentiel de ce changement de comportement financier peut, lorsqu'il est conjugué à des prêts hypothécaires à mise de fonds réduite ou sans mise de fonds, être problématique, surtout s'il se produit également un relâchement des critères d'octroi de prêts.
Par ailleurs, si les innovations financières permettent aux gens d'acheter des maisons avec une très faible mise personnelle, elles risquent, dans un contexte de hausse des prix, d'inciter ceux-ci à spéculer et à investir dans des logements dans le cadre d'opérations d'achat-vente. Cette stimulation supplémentaire de la demande peut, dans un marché déjà marqué par le resserrement de l'offre et la montée des prix, amplifier encore l'appréciation des maisons et accroître le risque d'une correction.
Comme la crise américaine récente l'a clairement mis en évidence, il peut aussi exister des risques pour les investisseurs tentés par les produits hypothécaires novateurs. Prenons la titrisation, par exemple. Le passage du modèle traditionnel d'émission de créances à celui d'octroi puis de cession du crédit, qui tire parti de la titrisation, et la création concomitante d'instruments synthétiques complexes ont diminué l'incitation à évaluer sérieusement la qualité du crédit aux États-Unis et dans certains autres pays. Qui plus est, puisque l'on croyait que ces produits titrisés n'étaient pas inscrits au bilan des institutions financières qui les émettaient, ils n'étaient pas toujours correctement pris en compte dans les plans de gestion des liquidités et la structure du capital de ces dernières. Enfin, étant donné que ces produits étaient complexes et manquaient de transparence, les risques qui leur étaient associés étaient difficiles à comprendre et, par conséquent, mal évalués.
Heureusement, au Canada, nous n'avons pas été aussi loin dans la rupture des liens entre l'émission et la distribution du crédit, et nous n'avons guère élaboré d'instruments complexes de titrisation synthétique adossés à des créances hypothécaires canadiennes. De plus, les prêts hypothécaires consentis avec une mise de fonds représentant moins de 20 % de la valeur de la propriété doivent être assurés au Canada, et une large part du marché des titres hypothécaires est constituée d'Obligations hypothécaires du Canada, qui bénéficient d'une garantie de l'État.
En somme, les innovations financières peuvent globalement être utiles lorsque toutes les parties – emprunteurs, prêteurs et investisseurs – comprennent les risques et sont bien placés pour les assumer. Mais elles peuvent être néfastes si elles amplifient les tensions cycliques, amènent des gens à acheter des habitations qu'ils n'ont pas les moyens de se payer à plus ou moins long terme, favorisent la spéculation, ou si les risques inhérents ne sont pas bien compris.
En abordant à présent le troisième facteur qui agit sur l'activité et les prix du marché du logement, je dois faire remarquer que les paramètres fondamentaux et les innovations financières n'existent pas en vase clos. Ces facteurs subissent en effet l'influence – pour le meilleur ou pour le pire – du cadre de politiques en vigueur. La politique monétaire figure ici au premier plan, mais d'autres politiques publiques peuvent aussi entrer en jeu.
Quelle que soit leur raison d'être, certaines politiques peuvent restreindre l'offre et influer directement ou indirectement sur les coûts. C'est le cas de celles qui visent l'utilisation du sol et le zonage, ainsi que les droits d'aménagement et les codes du bâtiment. D'autres politiques peuvent avoir une incidence sur la demande, comme celles qui touchent l'immigration, le logement et les prêts hypothécaires.
Le marché du logement et la politique monétaire
Je passerai maintenant à la politique d'intérêt public que je connais le mieux. La politique monétaire exerce un effet important sur le marché du logement à plusieurs égards. De fait, elle ne se répercute pas seulement sur le coût des prêts hypothécaires. Permettez-moi de préciser brièvement ma pensée.
La politique monétaire du Canada a pour objectif de maintenir l'inflation à un niveau bas, stable et prévisible, proche du taux de 2 % que nous visons pour l'inflation mesurée par l'IPC global. Le régime de maîtrise de l'inflation en vigueur a au moins deux incidences essentielles sur l'activité et les prix du marché du logement.
Tout d'abord, un niveau d'inflation bas, stable et prévisible joue un rôle de stabilisateur macroéconomique : il a tendance à soutenir la croissance de la production et à en réduire la variabilité, tout en se traduisant par des taux d'intérêt moins élevés et moins volatils. L'environnement ainsi créé tend, à son tour, à appuyer le marché du logement, dans un sens très général, et aide à stabiliser la demande de logements. En second lieu, dans un contexte d'inflation basse et stable, les constructeurs tout comme les acheteurs de maisons sont en mesure de prendre des décisions plus avisées. Dans l'ensemble, la politique monétaire du Canada joue donc un rôle déterminant en contribuant à la solidité et à la stabilité du marché du logement.
Cela dit, depuis plusieurs années, un débat sévit quant à l'opportunité ou à la nécessité pour les banques centrales de tenir compte des prix des actifs dans leur processus décisionnel. Bien entendu, la catégorie d'actifs qui retient depuis peu le plus l'attention est l'immobilier résidentiel.
Comme je viens de l'indiquer, nous croyons que le cadre le plus approprié pour parvenir à cette fin est un cadre axé sur le maintien de l'inflation à un niveau bas, stable et prévisible. Dans ce contexte, l'évolution de l'activité et des prix du marché du logement est importante pour la conduite de la politique monétaire, et ce, pour plusieurs raisons. J'en mentionnerai trois.
La première est l'effet direct sur l'inflation, qui est pris en compte dans la composante « logement en propriété » de l'indice des prix à la consommation (IPC). La deuxième est l'incidence indirecte sur les dépenses des ménages. Enfin, les répercussions que peut avoir l'évolution rapide des prix – le gonflement et le dégonflement d'une bulle – sur l'économie réelle constituent une troisième raison. J'aborderai maintenant chacune d'elles.
Au Canada, contrairement à la pratique suivie dans certains pays, l'IPC rend pleinement compte de l'effet direct des variations des prix des maisons sur l'inflation dans sa composante « logement en propriété », qui comprend les intérêts sur les prêts hypothécaires, le coût de remplacement, les impôts fonciers, l'assurance habitation, l'entretien et les réparations ainsi que les « autres dépenses pour le logement en propriété ». Comme cette composante représente 16,5 % du panier de l'IPC (graphique : Inflation – IPC global et logement en propriété), les variations du niveau des prix qui y sont inclus ont une incidence directe marquée sur l'inflation globale.
L'évolution des prix des logements peut aussi avoir une grande incidence sur les dépenses des ménages. La richesse immobilière étant largement répartie, bien plus que la richesse boursière par exemple, elle exerce une influence importante sur la demande globale qui, elle, a une incidence sur l'inflation. Qui plus est, une hausse des prix des logements peut induire un « effet d'accélérateur financier ». Lorsque la valeur d'une maison augmente, son propriétaire peut généralement souscrire un emprunt garanti par la valeur nette accrue ainsi générée pour financer des rénovations ou l'achat d'une deuxième maison ou d'autres biens et services (graphique : Ponctions sur la valeur nette des propriétés et rénovations résidentielles) 2. Ces dépenses peuvent entraîner une accélération de la hausse des prix des logements et, par conséquent, des valeurs des garanties, ce qui permet d'emprunter davantage, d'où une progression des dépenses des ménages. Naturellement, cet effet d'accélérateur peut aussi fonctionner à l'inverse : un recul des prix des maisons tend à amoindrir la capacité d'emprunt des ménages et à accentuer la baisse des dépenses.
Enfin, une augmentation ou une diminution marquée des prix des logements par rapport à la normale – à savoir le gonflement ou le dégonflement d'une « bulle » – peut se répercuter sur l'économie réelle. Pour résumer, les bulles coûtent cher (aussi bien dans le cas d'un gonflement que d'un dégonflement), parce qu'elles faussent la prise de décisions et nuisent à une répartition optimale des ressources. Lorsqu'une bulle se développe, les gens ont tendance à construire plus de maisons ou à en acheter plus qu'ils ne le feraient si les prix reflétaient les facteurs fondamentaux, et les prêteurs vont peut-être investir dans le logement des ressources qu'ils auraient pu employer à d'autres fins plus productives. Lorsque la bulle éclate, le processus décisionnel est encore faussé, et tant les ménages que les prêteurs en subissent les conséquences. Ce cycle d'expansion et de contraction peut se révéler très coûteux pour l'économie. La question de savoir comment la politique monétaire doit réagir à ces bulles fait l'objet d'un débat considérable. La Banque du Canada s'est penchée sur cette question dans la période qui a précédé le renouvellement de l'entente relative à la cible de maîtrise de l'inflation conclue avec le gouvernement 3 et poursuit cet examen.
Ces trois effets – l'effet direct sur l'inflation, l'influence sur la consommation ainsi que les répercussions du gonflement ou du dégonflement d'une bulle – comportent d'importantes implications pour la politique monétaire, que nous prenons en considération lorsque nous formulons la politique afin d'atteindre notre cible d'inflation à moyen terme, soit 2 %. Permettez-moi maintenant d'aborder certains défis qui se posent pour la Banque, d'autres décideurs publics, les prêteurs et les investisseurs en ce qui a trait à la promotion d'un marché de l'habitation robuste au Canada.
Les défis qui se présentent aux décideurs publics et aux marchés financiers
Le premier défi consiste à continuer de faire en sorte que les politiques publiques facilitent le genre de pratiques et d'innovations qu'il est souhaitable d'avoir dans les domaines des prêts hypothécaires et du crédit garanti par la valeur nette des propriétés. À cet égard, il est primordial d'appliquer systématiquement des critères d'octroi de prêts judicieux, et cela, même dans les « bonnes périodes ». Nous devrions nous méfier des innovations qui favorisent des hausses de prix supérieures à ce que pourraient justifier les facteurs fondamentaux; bon nombre d'innovations de cette sorte ne résisteront pas à l'épreuve du temps. Les nouveaux produits ne devraient pas être fondés sur l'hypothèse d'une appréciation des prix des logements, et les motivations doivent être en synergie pour promouvoir un comportement prudent à la fois chez l'emprunteur et le prêteur. En dernier lieu, il est nécessaire de bien prendre en compte et de mieux saisir la dynamique de l'accélérateur financier dont j'ai parlé tantôt et la manière dont l'innovation influe sur celui-ci 4.
Le deuxième défi, apparenté au premier, est de veiller à ce que les innovations relatives au financement des prêts hypothécaires améliorent vraiment l'efficience du système financier et ne menacent pas la stabilité financière. Il importe que les investisseurs et les participants aux marchés financiers comprennent les risques qu'ils prennent pour pouvoir les gérer efficacement. Il est également important qu'il y ait assez de transparence pour que les marchés financiers puissent évaluer les risques de manière efficiente et les répartir parmi ceux qui sont les mieux placés pour les assumer. On a plus de chances d'évaluer les risques avec efficience lorsque l'information pertinente est facilement accessible et que les motivations concordent. En outre, l'adéquation de la transparence et des communications aide les investisseurs à comprendre les caractéristiques des titres qu'ils détiennent et facilite l'évaluation des actifs par les participants aux marchés, ce qui contribue à maintenir la liquidité des marchés. Enfin, il faut assurer une bonne compatibilité des motivations afin de prévenir les conflits d'intérêts qui peuvent perturber ou fausser l'évaluation des risques.
Le dernier défi que j'aimerais aborder consiste à améliorer la littératie financière des détenteurs potentiels et actuels de prêts hypothécaires ainsi que des investisseurs. La prise de décisions financières éclairées par des particuliers constitue l'un des meilleurs moyens d'éviter des déconvenues sur le marché du logement. Depuis quelques années, il est de plus en plus nécessaire de bien comprendre les questions financières, et cela deviendra probablement impératif dans l'avenir 5. La bonne nouvelle à propos de l'innovation sur les marchés des prêts hypothécaires, de l'assurance hypothécaire et du crédit garanti par la valeur nette des propriétés est que les gens disposent d'un plus grand choix en matière de financement. Cependant, les gens doivent avoir une bonne compréhension des questions financières et toute l'information pertinente de la part de ceux qui vendent des produits hypothécaires pour pouvoir faire les choix qui conviennent le mieux à leur situation.
Le marché du logement au Canada
Comme je l'ai dit au début de mon discours, contrairement à la situation qui existe dans un grand nombre de pays, les conditions dans le marché canadien du logement demeurent relativement favorables. Le niveau d'activité sur le marché demeure élevé et, dans l'ensemble, les prix des habitations continuent leur ascension. La modération de l'activité et de l'augmentation des prix qui s'est produite ces derniers mois était à la fois attendue et bienvenue. Mais, nous ne pouvons pas nous permettre de nous reposer sur nos lauriers. C'est là l'enseignement à tirer des cycles antérieurs d'expansion et de contraction – un enseignement mis en évidence par les difficultés qu'éprouve actuellement le marché américain du logement.
Dans la première moitié de la présente décennie, le marché de l'habitation aux États-Unis a connu un boom sous l'effet de l'introduction de diverses innovations financières, dont certaines ont incité des gens qui n'en avaient manifestement pas les moyens à s'acheter une maison. L'avènement des prêts hypothécaires à risque servant à financer l'achat d'une maison a joué un rôle déterminant dans cette expansion. À la fin de 2007, environ 14 % de l'encours total des prêts hypothécaires à l'habitation aux États-Unis étaient des prêts à risque. De 1998 au sommet du boom, en 2007, les prix réels des logements se sont appréciés, selon l'indicateur utilisé, d'approximativement 45 % (indice de l'Office of Federal Housing Enterprise Oversight – OFHEO) ou même de 105 % (indice Case-Shiller). Cependant, après avoir atteint ce sommet, les prix réels des maisons ont diminué de 7,4 % à 22,3 % (selon les mesures de l'OFHEO et Case-Shiller respectivement). Ce recul a eu des répercussions négatives sur l'économie réelle et le système financier, et a entraîné de sérieuses difficultés pour de nombreuses personnes.
Grâce surtout à la culture plus conservatrice au Canada en matière de crédit hypothécaire, caractérisée par des critères d'octroi de prêts relativement prudents, et du fait que la plupart des prêts hypothécaires qu'accordent les grandes banques commerciales apparaissent dans leurs bilans ou sont financés par l'intermédiaire de véhicules titrisés de qualité, le marché du logement au pays n'a pas été en butte aux mêmes excès que l'on a constatés chez nos voisins du sud. La vigueur du marché canadien de l'habitation depuis dix ans se reflète dans les ventes de maisons et les mises en chantier, qui ont augmenté d'environ 55 %. Les prix réels des maisons existantes ont progressé de 52 % durant cette période, et ceux des logements neufs, d'environ 27 %. Bien sûr, ces moyennes occultent les disparités régionales. Dans l'Ouest du Canada, la vigueur des marchés du travail, la croissance soutenue des revenus et la demande découlant de la migration de Canadiens en provenance d'autres provinces se sont traduites par des hausses des prix des logements supérieures à la moyenne nationale.
L'expansion durant cette période a résulté en grande partie de la satisfaction de la demande refoulée découlant du ralentissement de l'activité dans le secteur du logement à la fin des années 1980 et au début des années 1990 6.
Passons maintenant à la conjoncture actuelle. Notre dernière livraison de la Revue du système financier indique que la progression des revenus, les faibles taux de chômage et des conditions de crédit relativement avantageuses ont soutenu la montée des prix des maisons, quoique celle-ci ait un peu ralenti. Cette décélération a été particulièrement sensible dans les marchés (comme celui de l'Alberta) ayant enregistré de très fortes majorations de prix au cours des deux dernières années. La hausse plus modérée des prix résulte de la conjonction de deux éléments : l'accroissement de l'offre de logements et un certain repli de la demande, qui peut s'expliquer par l'augmentation antérieure des prix sur les marchés les plus dynamiques et un léger ralentissement de l'économie. Cette baisse de l'activité dans le secteur du logement était attendue et est bienvenue.
Le marché canadien du logement ne semble pas afficher une offre excédentaire actuellement. Dans la plupart des villes, la proportion de logements neufs inoccupés reste au dessous des moyennes historiques, ce qui donne à penser qu'un renversement accusé et généralisé des prix des maisons est peu probable à court terme. La récente tendance à la baisse du nombre de permis de construire tend à montrer que l'offre est en train de s'ajuster au fléchissement de la demande. Et fait important, le marché hypothécaire au Canada se porte plutôt bien. Le marché canadien des prêts hypothécaires « à risque » – qu'il serait peut-être préférable de qualifier de « near-prime », les critères d'octroi de prêts qui s'y appliquent étant très différents de ceux qui semblent avoir été utilisés aux États-Unis – représente moins de 5 % du marché des prêts hypothécaires à l'habitation (graphique : Pourcentage des prêts hypothécaires à risque arriérés depuis plus de 90 jours ou ayant donné lieu à une procédure de saisie immobilière).
Conclusion
Permettez-moi de conclure.
Le marché du logement joue un rôle déterminant dans l'économie nationale. Et les variations de l'activité et des prix de ce marché peuvent être lourdes de conséquences. Ces douze derniers mois, les perturbations issues du marché américain de l'habitation ont présenté des risques et des défis pour un grand nombre de personnes ainsi que pour la conduite de la politique monétaire. Même si l'économie canadienne n'a pas échappé aux effets de la tourmente sur les marchés financiers ou de l'affaiblissement de l'économie américaine, le système financier et le marché du logement du Canada ont fait preuve d'une résilience remarquable, ce qui tient en partie au recours à des pratiques prudentes.
Le cadre de mise en oeuvre de la politique monétaire canadienne continue de contribuer de manière importante à ancrer les attentes d'inflation, favorisant ainsi une croissance économique durable et un marché de l'habitation robuste. La stabilité macroéconomique ne peut pas empêcher les prix des actifs de grimper, mais elle facilite grandement la prise de décisions financières et contribue à atténuer les répercussions lorsque des hausses ou des revirements surviennent.
L'assise fournie par une inflation basse, stable et prévisible continuera de s'avérer fort précieuse, puisqu'elle aidera les Canadiens et les Canadiennes à prendre des décisions éclairées non seulement en matière de logement, mais aussi à l'égard de bien d'autres formes de dépenses et d'investissement.