Rapport sur la politique monétaire – Déclaration préliminaire à la conférence de presse

Bonjour. Je suis ravi d’être ici avec la première sous-gouverneure Carolyn Rogers pour parler de notre décision de politique monétaire et du Rapport sur la politique monétaire d’avril.

Aujourd’hui, le Conseil de direction a maintenu le taux directeur à 2,75 %, après l’avoir baissé sept fois de suite.

À la fin de 2024, l’économie canadienne était en bonne posture. L’inflation tournait autour de la cible de 2 % depuis l’été. Les baisses importantes du taux directeur effectuées depuis le printemps dernier avaient stimulé les dépenses des ménages, la croissance économique s’était redressée et beaucoup d’entreprises nous disaient que l’économie affichait un regain de vigueur.

Depuis, le changement de cap radical et protectionniste de la politique commerciale américaine et son implantation chaotique ont accru l’incertitude, perturbé les marchés financiers, modéré les perspectives de croissance mondiale et fait monter les attentes d’inflation.

La trajectoire que prendra la politique commerciale américaine demeure extrêmement imprévisible. Il y a aussi beaucoup d’incertitude entourant les effets que pourrait avoir une guerre commerciale sur notre économie.

Lors des décisions de politique monétaire de janvier et de mars, le Conseil de direction avait réduit le taux directeur de 25 points de base, alors que les menaces d’augmentation des droits de douane s’accentuaient.

Il s’est passé beaucoup de choses depuis notre décision de mars, il y a cinq semaines. Mais l’avenir n’est pas plus clair. On ne sait toujours pas quels droits de douane seront imposés, s’ils seront réduits ou augmentés, ni quelle sera leur durée.

Au moment de la décision d’avril, nous avons convenu de laisser le taux directeur inchangé, pendant que l’orientation des droits de douane et leurs effets se précisent.

Nous ne pouvons pas, avec la politique monétaire, résoudre l’incertitude liée au commerce ni neutraliser les répercussions d’une guerre commerciale. Mais ce que nous pouvons – et devons – faire, c’est veiller à préserver la confiance des Canadiennes et Canadiens dans la stabilité des prix.

Notre priorité sera de mesurer les pressions sur l’inflation – celles à la baisse dues à l’affaiblissement de l’économie et celles à la hausse découlant de la montée des coûts. Nous soutiendrons la croissance économique en gardant l’inflation bien maîtrisée.

Vu l’incertitude généralisée, le Conseil de direction fera preuve de prudence, en portant une attention particulière aux risques. Cela implique d’être moins tournés vers l’avenir que d’habitude, jusqu’à ce que la situation soit plus claire. Cela veut aussi dire que nous sommes prêts à agir de manière décisive si de nouvelles informations pointent clairement dans une certaine direction.

Laissez-moi maintenant parler de ce qu’on observe dans l’économie canadienne.

De plus en plus, les nouvelles données laissent entrevoir une baisse considérable des investissements des entreprises et des dépenses des ménages. Après s’être accrue de 5,6 % au quatrième trimestre de 2024, la demande intérieure finale devrait avoir été à peu près nulle au premier trimestre de 2025. La croissance du produit intérieur brut (PIB), soutenue par un devancement des exportations avant l’application des droits de douane, devrait s’être établie à environ 1,8 % au premier trimestre. Mais étant donné la baisse attendue des exportations, elle devrait être beaucoup plus lente au deuxième trimestre.

Du côté du marché du travail, la croissance de l’emploi se redressait à la fin de l’année dernière, mais les tensions commerciales perturbent cette reprise. L’emploi n’a pas progressé en février, puis a baissé en mars. Bon nombre d’entreprises disent revoir à la baisse leurs intentions d’embauche.

Au Canada, l’inflation est passée de 1,8 % au moment où le Rapport de janvier a été publié à 2,3 % en mars, étant donné la fin du congé de TPS et de TVH et un certain rebond des prix des biens. La forte hausse des frais de logement a continué de se modérer. Toutefois, le rythme de cette modération a été inférieur à celui auquel les prix des biens ont augmenté. Les prix des biens importés ont grimpé à la suite de la dépréciation passée du dollar canadien. Certaines entreprises ont également indiqué que les fournisseurs relèvent déjà leurs prix en prévision de futurs droits de douane. Les attentes d’inflation à court terme ont aussi augmenté, car les ménages et les entreprises s’attendent à ce que les droits de douane fassent monter les prix.

Les perspectives d’inflation à très court terme sont relativement claires. Le retrait de la taxe sur le carbone pour les consommateurs, le 1er avril, fera baisser l’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC) d’environ 0,7 point de pourcentage pendant un an. Le recul des cours mondiaux du pétrole tirera aussi l’inflation à la baisse. On s’attend donc à ce que l’inflation mesurée par l’IPC avoisine 1½ % en avril.

Au-delà du très court terme, l’évolution de l’économie et de l’inflation au Canada dépend fortement de la politique commerciale américaine, qui reste hautement imprévisible. Compte tenu de cette incertitude, des prévisions ponctuelles de la croissance économique et de l’inflation ne peuvent pas vraiment nous guider. Par conséquent, nous présentons plutôt, dans le Rapport d’avril, deux scénarios indicatifs – le scénario 1 et le scénario 2 – qui incluent un vaste éventail de trajectoires possibles de la politique commerciale américaine.

Dans le scénario 1, nous supposons que la plupart des nouveaux droits de douane sont annulés, mais le processus est imprévisible, et les entreprises et les ménages demeurent prudents. La croissance du PIB stagne au deuxième trimestre, puis s’accélère ­– mais seulement modérément. L’inflation descend sous la cible de 2 % pour le reste de 2025 et au début de 2026, en raison du retrait de la taxe sur le carbone pour les consommateurs et de la faiblesse de l’économie.

Dans le scénario 2, nous postulons que le monde plonge dans une guerre commerciale de longue durée. Les répercussions sur l’économie sont graves. Le PIB canadien se contracte au deuxième trimestre et l’économie est en récession pendant un an. La croissance reprend graduellement en 2026, mais reste faible en 2027, les droits de douane américains réduisant de façon permanente la production potentielle au Canada ainsi que notre niveau de vie. L’inflation monte au-dessus de 3 % au milieu de 2026, les droits de douane, les contre-mesures et les changements dans les chaînes d’approvisionnement faisant augmenter les coûts et ainsi grimper bon nombre de prix. Par la suite, l’inflation recule, la faiblesse de la demande limitant les pressions inflationnistes persistantes.

Je tiens à préciser que, outre ces deux scénarios, beaucoup d’autres pourraient être envisagés. Et même ceux-ci ne pourraient pas inclure toutes les issues possibles.

Les membres du Conseil de direction se sont entendus pour dire que la politique commerciale américaine oscille entre les scénarios 1 et 2. Après l’annonce du 2 avril, on se rapprochait du scénario 2. Mais le renversement partiel du 9 avril et les nouvelles exemptions annoncées ces derniers jours ramènent la politique commerciale vers le milieu des deux scénarios. On ne sait pas ce qui nous attend, et la politique commerciale américaine pourrait aller dans un sens puis dans l’autre avant que la situation se précise.

Au moment d’envisager notre décision de politique monétaire, nous avons utilisé ces deux scénarios pour illustrer l’incertitude qui entoure la politique commerciale américaine. Nous avons aussi tenu compte des risques liés aux répercussions des droits de douane, lesquelles pourraient être plus faibles et mettre plus de temps à se faire sentir, ou plus fortes et agir plus rapidement que dans nos scénarios.

Ce qu’il adviendra de l’inflation dépend surtout de la trajectoire que prendront les droits de douane. Si la guerre commerciale devait être de longue durée, l’inflation subira des pressions opposées : la faiblesse de l’économie créera des pressions à la baisse, tandis que la montée des coûts causée par les droits de douane entraînera des pressions à la hausse. Étant donné l’incertitude relative aux droits de douane ainsi que les forces opposées qu’ils créeront sur l’inflation, il est exceptionnellement difficile d’effectuer une projection de l’inflation à ce moment-ci.

Nous porterons une attention particulière aux risques et aux incertitudes entourant l’économie et l’inflation au Canada, notamment : dans quelle mesure les droits de douane plus élevés feront baisser la demande pour les exportations canadiennes; à quel point cela aura une incidence sur les investissements des entreprises, l’emploi et les dépenses des ménages; avec quelle ampleur et à quelle vitesse les hausses de coûts seront répercutées sur les prix à la consommation; et comment évolueront les attentes d’inflation.

Permettez-moi de conclure.

Depuis janvier, la politique commerciale américaine a changé de façon radicale et l’incertitude a beaucoup augmenté. Les États-Unis ont imposé de nouveaux droits de douane à des secteurs clés du Canada et à l’ensemble de leurs partenaires commerciaux. D’énormes réévaluations des prix se sont produites sur les marchés financiers canadiens et mondiaux, qui restent volatils. Les ménages et les entreprises ici et à l’étranger se préparent à une croissance plus faible et à des prix plus élevés.

La politique monétaire permettra de garder l’inflation bien maîtrisée et soutiendra la croissance économique pendant que le Canada mène cette guerre commerciale indésirée. Comme toujours, la Banque sera guidée par son cadre de politique monétaire et son engagement à maintenir la stabilité des prix au fil du temps.

Sur ce, la première sous-gouverneure et moi répondrons avec plaisir à vos questions.

 

Rapport sur la politique monétaire – Avril 2025

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La Banque du Canada maintient le taux directeur à 2¾ %

La Banque du Canada a annoncé aujourd’hui qu’elle maintient le taux cible du financement à un jour à 2,75 %. Le taux officiel d’escompte s’établit à 3 %, et le taux de rémunération des dépôts, à 2,70 %.

Conférence de presse : Rapport sur la politique monétaire – Avril 2025

Publication du Rapport sur la politique monétaire – Conférence de presse donnée par le gouverneur Tiff Macklem et la première sous-gouverneure Carolyn Rogers. (vers 10 h 30, heure de l’Est)