Introduction

Bonjour. C’est un plaisir d’être ici en Alberta. Je tiens à remercier l’organisme Calgary Economic Development de l’invitation. La dernière fois que j’ai pris la parole à Calgary, c’était il y a un an et demi, en septembre 2023. La crise postpandémique se calmait, mais l’incertitude persistait. L’inflation était encore au-dessus de 3 %, et le taux directeur de la Banque du Canada était de 5 %. Les Canadiennes et les Canadiens étaient mis à rude épreuve par une inflation toujours forte et des taux d’intérêt plus élevés. Pouvions-nous ramener l’inflation à notre cible de 2 % sans faire basculer l’économie dans une récession?

À la fin de l’année 2024, cette question était en grande partie réglée. L’inflation se situait à la cible et la croissance économique avait repris. L’économie canadienne était en bonne posture.

L’inflation a diminué au cours de la première moitié de l’année dernière, pour s’établir à près de 2 % à l’été, niveau qu’elle avoisine depuis. Comme le Conseil de direction de la Banque était davantage convaincu que l’inflation était en passe de revenir à la cible, nous avons commencé à réduire le taux directeur au printemps dernier. Les baisses de taux importantes effectuées pendant le reste de l’année ont stimulé les dépenses des ménages, et la croissance économique s’est redressée pour atteindre 2,2 % au troisième trimestre et 2,6 % au quatrième. La progression de l’emploi s’est également renforcée de novembre à janvier, et le taux de chômage a diminué.

L’économie canadienne a donc réussi un atterrissage en douceur. Malheureusement, nous n’allons pas rester longtemps sur le tarmac.

Nous sommes maintenant aux prises avec une nouvelle crise économique. Depuis que le président américain Trump a commencé à menacer d’imposer un large éventail de droits de douane sur les importations provenant du Canada, l’incertitude s’est fortement accrue. Selon l’ampleur et la durée d’application de ces droits de douane, les répercussions économiques pourraient être graves. À elle seule, l’incertitude cause déjà des torts.

Il y a beaucoup de choses que nous ne savons pas. De nouveaux droits de douane sont imposés sur l’acier et l’aluminium, ainsi que sur des biens qui ne respectent par les critères de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM). Nous ignorons combien de temps ils vont durer. Et nous ignorons également si des droits de douane vont frapper d’autres secteurs. Au cours des deux derniers mois, l’administration américaine a, à deux reprises, imposé, puis retiré des droits de douane généralisés sur toutes les importations en provenance du Canada et du Mexique. Le président Trump a également menacé d’étendre les droits de douane à de nombreux secteurs, dont ceux de l’automobile, des semi-conducteurs et des produits pharmaceutiques. Il a aussi plusieurs fois indiqué que de nouveaux droits de douane « réciproques » allaient frapper de nombreux pays à compter du 2 avril, bien que nous ne sachions pas exactement ce que cela signifie.

Le plus troublant pour la population canadienne, c’est que le président Trump a menacé notre souveraineté, en parlant souvent du Canada comme du 51e État. Il ne peut y avoir aucune remise en doute de notre souveraineté ou de notre frontière.

Le mois dernier, j’ai prononcé un discours sur les effets des droits de douane généralisés sur l’économie canadienne. Aujourd’hui, je veux faire avancer la discussion sur trois fronts.

Premièrement, je vais discuter de ce que les droits de douane pourraient signifier dans notre pays pour des secteurs – et des régions – en particulier.

Deuxièmement, je vais parler des effets de l’incertitude causée par des droits de douane qui ne cessent d’être brandis puis qui sont retirés et des menaces d’imposition d’autres droits de douane. Les entreprises et les ménages canadiens font de leur mieux pour composer avec l’imprévisibilité de la politique américaine, mais cette incertitude nuit à notre économie.

Enfin, je vais dire un mot sur la façon dont la Banque mène la politique monétaire dans un contexte d’incertitude inhabituelle. La politique monétaire ne peut pas régler une guerre commerciale. Et nous ne pouvons pas faire disparaître l’incertitude. Mais nous pouvons éviter de l’aggraver, en veillant à ce que l’inflation demeure bien ancrée à la cible de 2 %. La population canadienne s’inquiète de l’incertitude liée aux politiques commerciales. Nous ne voulons pas qu’elle se préoccupe en plus de l’inflation.

Il y a beaucoup de choses à dire, alors commençons tout de suite.

Les droits de douane et l’incertitude vont nuire à des secteurs névralgiques et à certaines régions

Dans mon discours du mois dernier, j’ai expliqué l’incidence qu’auraient sur l’économie canadienne les droits de douane généralisés que le président Trump menace d’imposer au Canada et au Mexique. J’ai décrit les canaux d’influence et les répercussions de droits de douane de 25 % sur les exportations de produits non énergétiques et de 10 % sur celles de produits énergétiques à destination des États-Unis, ainsi que les mesures de rétorsion tarifaires mises en avant par le gouvernement canadien. Nos modèles économiques montrent que les exportations et les investissements des entreprises diminueraient fortement, que l’économie fonctionnerait moins efficacement, et que nos revenus et notre consommation baisseraient. Des droits de douane plus élevés feraient également augmenter les prix et entraîneraient ainsi une montée de l’inflation  pendant quelque temps. C’est parce que les pressions à la hausse sur les prix causées par l’augmentation des coûts l’emporteraient sur les pressions à la baisse dues à l’activité économique plus faible1.

Depuis ce discours en février, le niveau et le moment de l’entrée en vigueur des droits de douane ont changé à plusieurs reprises. Et il reste trop d’inconnues pour prévoir ce qui va se produire ensuite.

Mais nous savons que les droits de douane et l’incertitude – s’ils perdurent – nuiront particulièrement à quelques secteurs clés. Ceci aura des effets importants sur les économies régionales du Canada, dont ici dans l’Ouest canadien. Comme vous le savez très bien, pour l’Alberta, l’impact des droits de douane de 10 % sur le secteur de l’énergie est une préoccupation majeure. C’est aussi un gros enjeu pour les raffineries du Midwest américain qui ont investi massivement dans des infrastructures servant à raffiner le pétrole lourd canadien. Environ 94 % des exportations canadiennes de pétrole brut sont destinées aux États-Unis, et acheminées essentiellement par des oléoducs nord-sud.

L’agrandissement du réseau d’oléoducs Trans Mountain a accru l’accès du pétrole canadien aux marchés d’outre-mer, et de nouvelles installations d’exportation de gaz naturel liquéfié vont bientôt être mises en service. Ces investissements contribuent à diversifier les marchés d’exportation de l’énergie canadienne, mais leur objectif était d’accroître notre capacité d’exportation, et non de remplacer la demande des États-Unis.

Les droits de douane américains pourraient exercer des pressions à la baisse sur les prix de l’énergie au Canada et réduire la rentabilité des producteurs d’énergie d’ici – du moins jusqu’à ce que ces derniers trouvent de nouveaux débouchés. Le coup porté aux profits, combiné à l’incertitude, signifie que les investissements diminueront probablement, et que l’emploi pourrait suivre. Je sais que les gens de l’Alberta connaissent depuis longtemps les cycles d’expansion et de contraction des produits de base. Mais jamais une menace aux relations canado-américaines en matière d’énergie n’avait été envisagée.

Les autres provinces des Prairies sont également touchées. Les États-Unis ont accordé des exemptions temporaires de droits de douane sur les engrais, dont la potasse. Et ils ont réduit l’ampleur des droits de douane prévus pour les biens qui ne respectent par les critères de l’ACEUM, les faisant passer de 25 à 10 %. Mais l’incertitude demeure. L’ensemencement printanier commencera bientôt, et les agriculteurs des deux côtés de la frontière ressentent déjà les pressions des prix bas des céréales. Les agriculteurs américains importent de la potasse de la Saskatchewan pour enrichir leur sol en potassium, alors que leurs homologues canadiens ont souvent besoin de phosphate des États-Unis pour fertiliser leurs cultures. Et d’autres droits de douane auront aussi un impact. Les agriculteurs canadiens achètent des machines et du matériel provenant des États-Unis. Et la Chine a indiqué qu’elle imposerait des droits de douane de 100 %, entrant en vigueur aujourd’hui même, sur l’huile et les tourteaux de canola canadiens. La Chine est le principal marché pour le canola canadien, la valeur des exportations se chiffrant à près de 5 milliards de dollars. C’est une situation très difficile, à l’approche de la saison d’ensemencement, qui vient s’ajouter à l’incertitude que vit déjà le milieu agricole canadien.

D’autres régions du pays, particulièrement l’Ontario et le Québec, seront ébranlées par des droits de douane de 25 % sur l’acier et l’aluminium. En 2024, les États-Unis ont importé environ le quart de leur acier et 40 % de leur aluminium du Canada, tandis que le Canada a importé un quart de son acier et un cinquième de son aluminium des États-Unis. Ces flux transfrontaliers signifient que ces secteurs seraient touchés à la fois par les droits de douane américains et les mesures de rétorsion tarifaires. La production va en souffrir, et les prix, augmenter.

La politique monétaire ne peut pas cibler des secteurs ou régions spécifiques. Nous avons une seule politique monétaire pour tout le pays. Mais pour évaluer les implications globales des nouveaux droits de douane, il est essentiel de comprendre l’impact qu’ils ont sur chacun des secteurs et les répercussions qui en découlent pour l’ensemble des régions.

Les bureaux régionaux de la Banque à l’échelle du pays – à Halifax, Montréal, Toronto, Calgary et Vancouver – recueillent des données économiques dans tous les secteurs et toutes les régions. J’ai le plaisir d’être accompagné de Farrukh Suvankulov, le directeur de notre bureau régional de Calgary qui couvre les Prairies et les Territoires du Nord-Ouest. Notre bureau de Calgary est le deuxième en importance après le siège à Ottawa.

Un climat d’incertitude généralisée

Outre les impacts des droits de douane, l’incertitude généralisée créée par les changements soudains et imprévisibles de la politique commerciale des États-Unis nuit aux économies canadienne et américaine.

Les mesures de l’incertitude entourant les politiques commerciales – comme l’indice présenté au graphique 1 – ont grimpé en flèche au cours des derniers mois2. Après avoir connu un haut degré de prévisibilité pendant plus de 50 ans, nous avions fait face à un accroissement marqué de l’incertitude lors du premier mandat du président Trump. Mais cela n’a rien à voir avec ce que nous observons aujourd’hui.

Graphique 1 : L’incertitude entourant les politiques commercialesa atteint un sommetIndice de l’incertitude entourant les politiques commerciales
Source : Caldara et autres (2020)
Dernière observation : mars 2025

Il y a au moins deux types d’incertitude liés aux droits de douane américains : l’incertitude entourant les droits de douane comme tels – c’est-à-dire lesquels seront effectivement imposés, et pendant combien de temps –, et celle concernant les répercussions économiques des droits de douane. Nous n’avons pas connu de telles hausses de droits de douane généralisés depuis les années 1930.

Examinons ces deux types d’incertitude de plus près.

L’incertitude au sujet des droits de douane américains

La confiance des consommateurs a beaucoup diminué au Canada et aux États-Unis. Après s’être redressé progressivement l’année dernière, l’indice de confiance des consommateurs du Conference Board du Canada est tombé en mars au niveau le plus bas jamais enregistré, sous l’effet du chaos entourant les droits de douane américains. Et l’enquête menée par l’Université du Michigan auprès des consommateurs américains révèle que leur confiance a aussi diminué. Elle est actuellement à son plus bas niveau en deux ans et demi.

La semaine dernière, la Banque du Canada a publié de nouvelles données d’enquête sur ce que nous disent les ménages et les entreprises au pays3. Les ménages nous ont confié qu’ils étaient de plus en plus préoccupés par leur emploi et leur sécurité financière, et qu’ils avaient l’intention de réduire leurs dépenses. C’est particulièrement le cas des personnes qui travaillent dans des secteurs dépendant des échanges commerciaux, comme les secteurs manufacturier, minier et pétrolier et gazier.

Les entreprises ont revu à la baisse leurs perspectives de ventes, tout particulièrement dans le secteur manufacturier et dans des secteurs tributaires des dépenses de consommation. Certaines entreprises signalent que le crédit est devenu plus difficile à obtenir. Et comme la valeur du dollar canadien a baissé, il coûte plus cher d’importer des machines et du matériel. Les entreprises nous disent qu’elles en sont à retarder ou annuler leurs investissements et à réduire l’embauche.

L’incertitude influe aussi sur les décisions des entreprises en matière d’établissement des prix. Les entreprises nous ont expliqué qu’elles faisaient face à de nouveaux coûts, associés à la recherche de nouveaux fournisseurs et de nouveaux marchés, ainsi qu’à la gestion des stocks. La majorité des entreprises envisagent de répercuter ces coûts, ainsi que ceux qui sont liés directement aux nouveaux droits de douane, sur les prix des biens qu’elles vendent.

En outre, nos enquêtes révèlent que les attentes d’inflation à court terme ont augmenté au Canada, les entreprises et les consommateurs se préparant à une hausse des prix. Aux États-Unis, les attentes d’inflation à court terme des consommateurs ont aussi augmenté sensiblement pour la première fois depuis 2022.

Enfin, l’incertitude pèse également sur les marchés financiers. Les cours des actions ont fortement baissé ces dernières semaines, en particulier aux États-Unis. Les indices boursiers américains ont chuté d’environ 10 % par rapport à leurs sommets récents. Et les rendements obligataires ont diminué. Les marchés en train de revoir à la baisse les perspectives de croissance en Amérique du Nord.

Les dommages causés par l’incertitude entourant les droits de douane ont commencé à se manifester de part et d’autre de la frontière.

Incertitude au sujet des répercussions

Même si nous finissons par savoir quels droits de douane seront imposés, il est difficile de déterminer exactement comment les consommateurs et les entreprises vont réagir. Il est clair que des droits de douane plus élevés signifient à la fois une baisse de la demande, une croissance plus faible et une plus forte inflation. La mécanique des droits de douane est simple. Aux États-Unis, les droits de douane visant des biens importés du Canada seront payés par l’entreprise qui les achète. Et celle-ci répercutera au moins une partie de ce coût sur les consommateurs américains. Il en va de même pour les droits de rétorsion qui frapperont les biens importés des États-Unis au Canada.

Ce qui est moins clair, c’est dans quelle mesure les droits de douane vont plomber la demande, et quelle part de ces droits sera répercutée sur les prix à la consommation. Les entreprises américaines importatrices vont-elles continuer à acheter des produits canadiens lorsque les droits de douane feront grimper leurs prix? Si elles importent du Canada quelque chose qu’elles ne peuvent pas se procurer ailleurs, elles accepteront peut-être une hausse de prix de 25 %. Mais elles en achèteront probablement moins. Et si des biens de substitution sont disponibles, les exportations canadiennes pourraient chuter énormément.

L’incidence des droits de douane sur les prix à la consommation dépendra de la vigueur de la demande. Dans notre récente enquête, à peu près la moitié des entreprises interrogées ont indiqué qu’elles avaient l’intention de monter leurs prix, car elles doivent composer avec des coûts plus élevés découlant à la fois des droits de douane et de l’incertitude connexe. Et les trois quarts d’entre elles ont aussi dit qu’elles répercuteraient sur leur clientèle la majeure partie de la hausse de leurs coûts. Mais il se peut que ces intentions changent au fil de l’évolution de la conjoncture économique. Nous allons suivre de près les intentions des entreprises.

L’incertitude entourant la transmission de la hausse des coûts aux prix facturés aux consommateurs est particulièrement importante pour la politique monétaire. Notre mandat est la stabilité des prix : une inflation basse est la meilleure façon de contribuer au bien-être économique et financier des Canadiennes et des Canadiens, en période de prospérité comme dans les moments difficiles. C’est pourquoi nous surveillons de près comment les coûts liés aux droits de douane et à l’incertitude connexe se répercutent sur les prix à la consommation.

Le graphique 2 illustre la sensibilité de l’inflation à différentes hypothèses concernant le rythme auquel la hausse des droits de douane est transmise aux prix. Dans chaque cas de figure considéré, nous supposons une transmission totale de la hausse, mais nous envisageons un rythme différent, soit un, deux et trois ans4. En pratique, le rythme variera beaucoup selon les produits considérés. Par exemple, les droits de douane visant les fruits et légumes seront probablement répercutés sur-le-champ – ce sont des produits périssables. Les prix de biens plus complexes, ayant de multiples composantes et impliquant des contrats à plus long terme, devraient prendre plus de temps à augmenter. Ce qui nous intéresse, c’est la réaction globale.

Comme vous pouvez le constater, si la hausse des droits de douane était transmise rapidement (ligne bleue), l’inflation s’accroîtrait davantage, mais elle redescendrait aussi plus vite, à condition que la politique monétaire réagisse. Si la transmission s’effectuait plus lentement (ligne rouge), l’inflation n’augmenterait pas autant, mais elle resterait élevée plus longtemps. Dans les trois cas de figure, la politique monétaire réagit de telle sorte que l’inflation retourne progressivement à la cible. Plus les effets sur l’inflation sont importants, moins la politique monétaire est capable de soutenir l’économie. Il faut plutôt se concentrer davantage sur l’ancrage des attentes d’inflation, qui risquent de remonter lorsque l’inflation augmente de plus en plus vite.

Graphique 2 : Une transmission plus rapide des coûts liés aux droits de douane entraîne une augmentation plus marquée de l’inflationÉcart entre le taux d'inflation sur un an et le taux d'inflation projeté en janvier 2025, données trimestrielles
Sources : calculs, estimations et projections de la Banque du Canada
Dernières valeurs du graphique : 2027T4

Ce que l’incertitude implique pour la politique monétaire

Permettez-moi maintenant de vous parler de ce que fait la Banque du Canada pour composer avec l’incertitude liée aux droits de douane.

À la base, notre point d’ancrage est notre cadre de politique monétaire, soit notre cible d’inflation de 2 %. Nous ne pouvons pas résoudre l’incertitude liée au commerce, mais notre engagement à maintenir l’inflation à un niveau bas ne doit faire aucun doute. Les Canadiennes et les Canadiens doivent être convaincus que nous maintiendrons la stabilité des prix au fil du temps, même dans un contexte de bouleversements mondiaux.

Nous savons que certains prix vont augmenter quand les droits de douane seront imposés. La politique monétaire ne peut rien y faire. Ce qu’elle peut – et doit – faire, c’est empêcher la propagation de ces hausses initiales et directes des prix. Nous devons éviter que l’augmentation des prix causée par les droits de douane se transforme en inflation persistante et généralisée. En fait, nous devons éviter qu’un problème de droits de douane devienne un problème d’inflation.

Dans ce but, il y a trois choses que nous faisons.

Tout d’abord, nous suivons comment l’augmentation des coûts va être répercutée sur les prix à la consommation. Une fois que les prix auront augmenté à cause des droits de douane – ce devrait être une hausse ponctuelle –, nous voulons que les prix se stabilisent à ce niveau plus élevé, du moins jusqu’à ce que les droits de douane soient éliminés. Nous ne voulons pas que les hausses de prix deviennent plus généralisées ou que les attentes d’inflation commencent à s’écarter sensiblement de la cible.

Ensuite, nous améliorons nos analyses pour mieux étayer nos décisions de politique monétaire. Nous avons bâti des modèles économiques multisectoriels meilleurs et enrichis, ainsi que des modèles qui tiennent mieux compte des liens entre le Canada et le reste du monde. La Banque se sert de ces nouveaux modèles pour analyser différents scénarios tarifaires.

Enfin, nous sommes davantage à l’écoute partout au pays, que ce soit dans le cadre d’activités menées en personne ou en ligne. Nous faisons preuve de souplesse dans les enquêtes que nous menons afin de pouvoir atteindre rapidement les entreprises et les ménages.

Nous ne pouvons pas réduire l’incertitude entourant la politique commerciale américaine. Mais nous nous efforçons de diminuer l’incertitude concernant les effets des droits de douane. Tout ce travail éclaire nos délibérations concernant la politique monétaire.

Cependant, nous devons nous rendre à l’évidence que, comme tout le monde, nous prenons des décisions dans un contexte d’incertitude généralisée. Cela influe sur la façon dont nous prenons nos décisions de politique monétaire.

Je m’explique.

En temps normal, lorsque le Conseil de direction se réunit, nous nous entendons sur une projection économique qui, à notre point de vue, correspond au résultat le plus probable pour l’économie Cette projection est fondée sur les données économiques, les enquêtes et les relations historiques intégrées dans nos modèles. Il s’agit de notre scénario de référence. Puis, nous discutons des risques qui l’entourent. Nos délibérations visent à décider de la meilleure politique monétaire à conduire, en fonction du résultat le plus probable pour l’économie et des risques entourant ce résultat.

Mais dans un contexte d’incertitude généralisée, il est très difficile pour chaque membre du Conseil de direction d’avoir une ferme conviction quant au résultat le plus probable. Plusieurs résultats peuvent sembler plausibles. Et chaque membre a sa façon de pondérer les différents facteurs. C’est naturel, et c’est l’un des avantages d’avoir des points de vue diversifiés autour de la table.

Lorsque le scénario de référence est très incertain, nous accordons plus d’attention aux risques. Nous cherchons moins à trouver la politique monétaire optimale pour une perspective économique donnée qu’à formuler une politique qui fonctionne pour divers résultats. Pour comprendre pourquoi, examinons l’alternative. Si nous devions deviner la direction que prend l’économie et que nous établissions une politique qui optimise ce résultat, nous risquerions de nous tromper. Nos interventions pourraient être inefficaces ou même aggraver le résultat. Nous devons donc formuler une politique qui limite les risques. Cela signifie qu’il faut moins anticiper qu’à l’habitude, et attendre que la situation s’éclaircisse. Et cela pourrait aussi vouloir dire qu’il faut agir vite quand les choses se cristallisent. Nous devons être flexibles et capables de nous adapter.

Conclusion

C’est maintenant le temps de conclure.

Aujourd’hui, j’ai passé beaucoup de temps à vous parler d’incertitude. Malheureusement, il va peut-être y en avoir pendant un certain temps. Dans ces circonstances, il sera difficile pour les entreprises de trouver leur meilleure stratégie et pour les familles de planifier l’avenir.

Mais il y a certaines choses qui sont sûres. Notre économie a commencé l’année sur de bonnes bases. Cinq ans après avoir été frappés par la pandémie, nous avons surmonté une crise mondiale sans précédent, rétabli la croissance économique et ramené l’inflation à un niveau bas. Les taux d’intérêt ont beaucoup diminué. Nous sommes donc en meilleure posture pour faire face aux risques qui nous attendent.

La politique monétaire ne peut pas neutraliser les effets d’une guerre commerciale. Ce qu’elle peut – et doit – faire, c’est éviter que la hausse des prix causée par un conflit commercial se transforme en inflation persistante. Nous nous engageons à maintenir la stabilité des prix sur la durée. Il ne devrait y avoir aucune incertitude à ce sujet.

Merci.

J’aimerais remercier Chris D’Souza, Daniela Hauser, Ben Tomlin et Yang Zhang pour leur aide dans la préparation de ce discours.

Information connexe

20 mars 2025

Les droits de douane et l’incertitude liée aux politiques commerciales nuisent à l’économie canadienne

Sommaire du discours Tiff Macklem Calgary Economic Development Calgary (Alberta)
Le gouverneur Tiff Macklem explique comment l’incertitude entourant la guerre commerciale avec les États-Unis a ébranlé la confiance des entreprises et des consommateurs. Il rappelle que la Banque du Canada doit éviter que les prix élevés découlant des droits de douane alimentent l’inflation de façon durable.
20 mars 2025

Discours : Calgary Economic Development

Incertitude tarifaire et politique monétaire — Le gouverneur Tiff Macklem, prononce un discours devant le Calgary Economic Development (vers 13 h 05, heure de l’Est).

20 mars 2025

Point de presse : Calgary Economic Development

Incertitude tarifaire et politique monétaire — Le gouverneur Tiff Macklem répond aux questions des journalistes après avoir prononcé un discours (vers 14 h 10, heure de l’Est).

  1. 1. Voir T. Macklem, « Droits de douane, changements structurels et politique monétaire » (discours prononcé devant la Chambre de commerce de Mississauga et la Chambre de commerce d’Oakville à Mississauga, en Ontario, le 21 février 2025).[]
  2. 2. L’indice de l’incertitude entourant les politiques commerciales est lié au nombre d’articles traitant de cette incertitude qui sont publiés par de grands journaux américains. Pour être comptabilisé, un article doit comporter à la fois des termes utilisés pour décrire des incertitudes, tels que riskthreat et uncertainty, et des termes relatifs aux politiques commerciales, tels que tariff, import duty et import barrier. Bien qu’il soit basé sur des journaux américains, cet indice représente une mesure globale de l’incertitude entourant les politiques commerciales, qui n’est pas associée spécifiquement aux États-Unis.[]
  3. 3. Pour des précisions à ce sujet, voir Banque du Canada, « Comment les entreprises et les ménages canadiens réagissent au conflit commercial » (mars 2025).[]
  4. 4. Il y a aussi une incertitude quant au degré de transmission. Si, par exemple, la hausse des droits de douane était transmise à 50 %, alors les courbes du graphique 2 seraient réduites grosso modo de moitié.[]