Le résumé qui suit rend compte des délibérations du Conseil de direction de la Banque du Canada ayant mené à la décision de politique monétaire annoncée le 11 décembre 2024.

Il reflète les discussions et les délibérations qu’ont tenues les membres du Conseil de direction à la troisième étape du processus entourant les décisions de politique monétaire, soit après avoir reçu toutes les informations et recommandations pertinentes du personnel.

Les réunions concernées, présidées par le gouverneur Tiff Macklem, ont débuté le 6 décembre 2024. La première sous-gouverneure Carolyn Rogers, le sous-gouverneur Toni Gravelle, la sous-gouverneure Sharon Kozicki, le sous-gouverneur Nicolas Vincent et le sous-gouverneur Rhys Mendes y ont participé.

Économie internationale

Les membres du Conseil de direction (le Conseil) ont entamé leurs délibérations en discutant de l’évolution de l’économie mondiale depuis la parution du Rapport sur la politique monétaire d’octobre. Leurs échanges ont porté principalement sur les derniers développements dans l’économie américaine.

Aux États‑Unis, la croissance de l’économie avait continué d’être forte, portée par les robustes dépenses de consommation. Malgré une hausse du chômage, le marché du travail était encore solide, la croissance des salaires demeurant vigoureuse. Étant donné le dynamisme de la productivité, l’impact de la forte croissance des salaires sur le coût unitaire de main‑d’œuvre, et par conséquent sur l’inflation, avait été modéré. L’évolution récente de l’activité économique et de l’inflation correspondait généralement aux attentes. Il y avait encore des pressions inflationnistes, particulièrement du côté des services, ce qui avait gardé l’inflation à un niveau stable d’environ 2½ %. Les membres continuaient de s’attendre à ce que l’inflation globale ralentisse graduellement dans les mois à venir, à mesure que l’offre et la demande se rééquilibreraient. Toutefois, ils ont évoqué des risques à la hausse pour ces perspectives, notamment en raison des possibles décisions de politique publique de la prochaine administration américaine.

En Chine, les mesures de soutien mises en place récemment, combinées à la vigueur continue des exportations, avaient soutenu la croissance. Cependant, les dépenses des ménages restaient modérées, en grande partie à cause des défis persistants associés au secteur de l’immobilier résidentiel. Les membres s’attendaient à ce que ces enjeux sous-jacents – conjugués à l’incertitude entourant la possibilité de nouveaux droits de douane imposés par les États‑Unis – pèsent sur la croissance.

Des indicateurs récents laissaient entrevoir une croissance plus faible que prévu dans la zone euro, en partie en raison des défis du secteur manufacturier. Le taux de chômage restait bas dans la région, mais le nombre de postes vacants avait baissé. Des pressions salariales demeuraient et semblaient se répercuter sur la progression des prix des services.

Les conditions financières mondiales s’étaient assouplies depuis octobre. Les écarts de taux sur les obligations de sociétés avaient continué de se rétrécir et les marchés boursiers restaient vigoureux. Le dollar américain s’était apprécié comparativement à la plupart des autres monnaies, y compris le dollar canadien, qui lui s’était déprécié depuis octobre pour s’établir à environ 71 cents. En comparaison avec la plupart des autres grandes monnaies, le dollar canadien était relativement stable.

Économie canadienne et perspectives d’inflation au pays

Les membres ont ensuite porté leur attention sur l’activité économique et l’inflation au Canada. Ils ont reconnu que les dernières données étaient contrastées. D’une part, il y avait des signes encourageants que l’assouplissement de la politique monétaire avait commencé à se traduire par des dépenses plus élevées des ménages. D’autre part, la croissance globale était plus faible que prévu et le marché du travail avait continué de se détendre. Les membres ont discuté des données contrastées de façon détaillée et ont évalué leurs implications pour les perspectives économiques.

Les données des comptes nationaux pour le troisième trimestre montraient que l’économie avait affiché une croissance de 1 %, soit un taux plus bas que prévu dans le Rapport d’octobre. Mais certains secteurs montraient des signes clairs de dynamisme. Les membres ont noté que la consommation avait progressé de presque 3½ %, surpassant les attentes. La consommation par habitant avait augmenté de 0,6 % au troisième trimestre après avoir baissé durant six des huit derniers trimestres.

Les ventes au détail étaient également plus robustes que prévu en septembre, en partie grâce à un bond dans les ventes de véhicules automobiles. Cet élan semblait se poursuivre au quatrième trimestre. L’activité sur le marché de la revente de logements avait aussi remonté partout au pays. Les membres ont noté que les taux d’intérêt plus bas, combinés aux nouvelles règles de financement hypothécaire qui entraient en vigueur en décembre, allaient possiblement faire croître davantage l’activité sur le marché du logement.

D’autres composantes avaient été faibles au troisième trimestre. Les investissements des entreprises étaient considérablement plus modestes qu’anticipé et s’étaient contractés d’environ 7½ %. Cette baisse était surtout due à un important recul des investissements dans les machines et le matériel, attribuable en partie à la volatilité des sous‑composantes des aéronefs et du matériel de transport. Les membres ont dit craindre que le climat d’investissement soit assombri par l’incertitude provoquée par la menace de la prochaine administration américaine d’imposer des droits de douane sur les exportations canadiennes vers les États‑Unis. Les exportations avaient également baissé au troisième trimestre, à l’exception des exportations d’énergie, qui étaient en hausse en raison des envois plus nombreux de pétrole par le réseau agrandi d’oléoducs Trans Mountain.

Des révisions apportées aux données des comptes nationaux montraient que le produit intérieur brut (PIB) était supérieur de plus de 1 % à ce qui avait été publié précédemment. Les révisions à la hausse étaient généralisées pour toutes les composantes du PIB, principalement à cause de la consommation et des investissements.

Les membres ont discuté des changements récents aux cibles d’immigration. Ils ont convenu que les réductions prévues allaient entraîner une croissance plus modeste du PIB que prévu dans le Rapport d’octobre, en raison de la consommation globale et de la demande de logements moins élevées. Les renseignements recueillis lors d’activités de rayonnement auprès de petites entreprises et dans les régions laissaient penser que les niveaux d’immigration nettement plus bas pourraient être difficiles pour les entreprises ayant du mal à recruter de la main-d’œuvre et à la maintenir en poste. De façon plus générale, une croissance démographique plus faible aurait des effets autant sur l’offre que sur la demande dans l’économie, ce qui atténuerait l’impact pour les perspectives d’inflation. Les membres ont convenu qu’une analyse plus poussée serait nécessaire pour évaluer à quel moment les effets des nouvelles cibles d’immigration pourraient se faire sentir sur l’offre et la demande, dans le cadre de l’établissement de la prévision actualisée, en janvier.

Selon les données de l’Enquête sur la population active (EPA) de novembre, la croissance de l’emploi avait continué d’être plus lente que celle de la population active. En novembre, le taux de participation avait nettement progressé, entraînant une augmentation du taux de chômage, qui avait atteint 6,8 %. La croissance des salaires avait aussi ralenti selon l’EPA de novembre, mais était encore élevée par rapport à celle de la productivité. Les membres ont fait preuve de prudence en évitant de donner trop de poids aux données d’un seul mois, mais ils ont convenu que les capacités inutilisées sur le marché du travail avaient continué d’augmenter.

Les données de l’indice des prix à la consommation (IPC) d’octobre indiquaient que l’inflation évoluait conformément aux attentes. Après avoir descendu à 1,6 % en septembre, l’inflation globale mesurée par l’IPC avait augmenté pour atteindre 2,0 % en octobre, en grande partie à cause de l’atténuation des effets de glissement annuel sur les prix de l’essence. Les membres ont largement attribué la récente hausse des mesures de l’inflation fondamentale à la volatilité des prix de certains biens et services. Les politiques publiques annoncées récemment, surtout la suspension temporaire de la TPS sur certains articles, pourraient rendre l’inflation volatile à court terme. Les membres ont convenu qu’ils devraient faire abstraction des effets temporaires de ces politiques et se concentrer sur les tendances de l’inflation sous-jacente.

Les membres ont indiqué que les pressions à la baisse sur l’inflation attribuables aux prix des biens s’étaient atténuées puisque ceux‑ci ne reculaient plus en général. Les pressions à la hausse causées par la forte augmentation des prix des services s’étaient également modérées, notamment en raison des loyers et des coûts de l’intérêt hypothécaire qui montaient plus lentement. Les membres ont convenu que les forces opposées qui s’exerçaient sur l’inflation, la poussant vers le haut ou vers le bas, s’étaient relâchées de manière constructive. Ils s’attendaient à ce que cette dynamique se poursuive dans les mois à venir et ait pour effet de maintenir l’inflation près de la cible, mais ils estimaient que des risques persistaient dans un sens comme dans l’autre.

Les membres ont réfléchi à ces risques à la hausse et à la baisse pour les perspectives d’inflation. Les pressions à la hausse sur les prix des services pourraient reprendre si la croissance des salaires demeurait élevée par rapport à la productivité. Une reprise plus forte que prévu sur le marché du logement pourrait aussi faire monter encore plus les frais de logement. Du côté des risques à la baisse, l’inflation pourrait tomber sous la cible si une croissance plus lente causait des capacités excédentaires plus persistantes dans l’économie.

En plus de ces risques, une nouvelle source majeure d’incertitude était la possibilité que la prochaine administration américaine impose de nouveaux droits de douane sur les exportations canadiennes vers les États-Unis. L’incidence sur l’activité économique et l’inflation dépendrait de plusieurs facteurs imprévisibles, notamment la portée et la taille des droits de douane, et les mesures de représailles potentielles. Les membres ont convenu qu’il se pouvait que l’incertitude accrue ait déjà un effet sur les perspectives, particulièrement sur les investissements des entreprises, mais qu’il était impossible d’évaluer les implications plus larges sans obtenir de nouvelles informations.

Compte tenu des données recueillies depuis octobre, les membres se sont généralement montrés confiants dans la reprise des dépenses par habitant et du marché du logement. Mais ils ont convenu que les perspectives de croissance globale étaient plus modestes qu’en octobre. L’inflation correspondait généralement aux attentes, mais si la croissance ne s’accélérait pas, il pourrait y avoir plus de risques à la baisse pour les perspectives d’inflation.

Considérations pour la politique monétaire

Les membres ont discuté de plusieurs facteurs clés qu’ils ont pris en compte dans leur évaluation de l’orientation actuelle et de la trajectoire de la politique monétaire.

Premièrement, en ce qui concerne la marge de capacités excédentaires dans l’économie, les membres ont noté que les nouvelles informations étaient contrastées. Selon des révisions apportées récemment aux données des comptes nationaux, le niveau du PIB était plus élevé, ce qui indiquait une production potentielle plus forte, mais encore un peu moins d’offre excédentaire dans l’économie. Pourtant, au même moment, les capacités inutilisées augmentaient sur le marché du travail, la croissance de la main-d’œuvre continuant de dépasser la création d’emplois. Les membres ont aussi discuté des répercussions de la baisse de l’immigration sur l’évolution des capacités excédentaires dans l’économie. En principe, une immigration plus faible fait diminuer à la fois l’offre et la demande, mais les effets sur la demande pourraient être plus importants que ceux sur l’offre à court terme. Les membres ont convenu qu’une analyse plus approfondie était nécessaire pour évaluer l’incidence nette des nouvelles informations, mais que, dans l’ensemble, l’économie demeurait en situation d’offre excédentaire.

Les membres ont ensuite discuté du taux d’intérêt neutre et de l’orientation de la politique monétaire. Le taux neutre n’étant pas observable, les estimations qu’on peut en faire sont empreintes d’une incertitude considérable. Néanmoins, les membres se sont entendus pour dire que la fourchette actuelle de la Banque, qui va de 2¼ à 3¼ %, englobait l’éventail des points de vue au sein du Conseil. Ils ont convenu qu’avec un taux directeur à 3¾ %, la politique monétaire demeurait restrictive.

Les membres ont également délibéré sur les répercussions de la récente dépréciation du dollar canadien sur l’inflation. Un taux de change plus bas rend les exportations canadiennes plus attrayantes sur le marché américain, ce qui accroît la demande. Il rend aussi les importations plus chères, ce qui pourrait stimuler la hausse des prix des biens de consommation et faire augmenter les coûts des intrants utilisés dans la production. Les membres ont estimé que cette dépréciation reflétait en grande partie la vigueur du dollar américain par rapport à un large éventail de monnaies, mais ont reconnu que la divergence entre la politique monétaire des États-Unis et celle du Canada avait probablement aussi un rôle à jouer.

Dans l’ensemble, bien que les données soient contrastées et que les perspectives soient brouillées par une incertitude accrue, les membres ont conclu que puisque l’inflation était à la cible, que la croissance économique était plus faible que prévu et que l’offre excédentaire continuait de s’accumuler dans l’économie, une nouvelle réduction du taux directeur était nécessaire.

Décision de politique monétaire

Les membres se sont surtout demandé si une réduction de 50 ou de 25 points de base du taux directeur était plus appropriée dans le cadre de cette décision.

D’entrée de jeu, chaque membre a reconnu que la décision était serrée compte tenu de sa propre évaluation des données ainsi que des perspectives de croissance et d’inflation. Les données parues depuis la dernière décision étaient contrastées. En effet, il y avait plus de signes que les dépenses des ménages reprenaient, mais les perspectives de croissance globale étaient plus faibles.

Les membres ont eu des discussions sur les arguments en faveur d’une réduction de 25 points de base, puisque la consommation et l’activité dans le secteur du logement montraient des signes de raffermissement. Certains membres ont fait valoir que la patience pourrait être de mise en attendant que les pleins effets des baisses de taux d’intérêt passées deviennent plus clairs. Ils ont reconnu qu’il pourrait être nécessaire de procéder à une réduction plus importante à l’avenir si la croissance ne reprenait pas. Toutefois, le ralentissement de l’économie n’étant pas très rapide, il était possible d’abaisser le taux de 25 points le temps de recueillir plus d’information.

Les membres ont aussi mis en avant des arguments à l’appui d’une baisse de 50 points de base, à la lumière des perspectives de croissance plus faibles et des inquiétudes au sujet des risques à la baisse qui pesaient sur les prévisions d’inflation. Certains estimaient qu’une réduction de 50 points était appropriée à ce moment-là pour veiller à ce que la politique monétaire ne soit plus clairement restrictive. Ils ont convenu que ce n’était pas toutes les données récentes qui pointaient vers la nécessité d’une baisse de 50 points. Cependant, il semblait peu probable qu’une telle réduction amène les taux à un niveau inférieur à ce qu’ils devraient être aux prochaines réunions.

Tout au long de la discussion, les points de vue des membres sur les avantages et les risques associés à chacune des possibilités ont évolué. Ils se sont finalement entendus pour réduire le taux directeur de 50 points de base. La décision du Conseil reflète deux grands facteurs :

  • Premièrement, puisque l’inflation s’établissait à 2 % et que l’économie était en situation d’offre excédentaire, la politique monétaire n’avait plus besoin d’être clairement restrictive.
  • Deuxièmement, les perspectives de croissance étaient plus faibles que prévu en octobre, et une progression plus forte de l’économie était nécessaire pour résorber les capacités excédentaires et maintenir l’inflation près de la cible de 2 %.

Les membres ont aussi discuté de la trajectoire future des taux d’intérêt. Ils avaient des avis différents quant à savoir jusqu’où le taux directeur devrait descendre et sur le temps qu’il faudrait pour atteindre ce niveau. Ils ont convenu qu’en procédant à une autre baisse de 50 points de base lors de cette réunion, la diminution cumulative du taux directeur depuis juin était substantielle et que ses effets se feraient sentir dans l’économie.

Les membres ont convenu qu’ils envisageraient probablement d’autres réductions du taux directeur lors des prochaines réunions et qu’ils prendraient leurs décisions une à la fois. Ils se sont aussi accordés sur le fait que, compte tenu des baisses substantielles déjà réalisées et de leur point de vue sur les perspectives, ils s’attendaient à une approche plus graduelle de la politique monétaire à l’avenir.

Enfin, les membres se sont mis d’accord pour poursuivre la politique consistant à normaliser le bilan en ne remplaçant pas les obligations arrivant à échéance.

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