Le résumé qui suit rend compte des délibérations du Conseil de direction de la Banque du Canada ayant mené à la décision de politique monétaire annoncée le 4 septembre 2024.
Il reflète les discussions et les délibérations qu’ont tenues les membres du Conseil de direction à la troisième étape du processus entourant les décisions de politique monétaire, soit après avoir reçu toutes les informations et recommandations pertinentes du personnel.
Les réunions concernées, présidées par le gouverneur Tiff Macklem, ont débuté le 29 août 2024. La première sous-gouverneure Carolyn Rogers, le sous-gouverneur Toni Gravelle, la sous-gouverneure Sharon Kozicki, le sous-gouverneur Nicolas Vincent et le sous-gouverneur Rhys Mendes y ont participé.
Économie internationale
Les membres du Conseil de direction (le Conseil) ont entamé leurs délibérations en discutant de l’évolution de l’économie mondiale depuis le Rapport sur la politique monétaire de juillet. Leurs échanges ont porté principalement sur les perspectives de croissance et d’inflation aux États-Unis et en Chine.
Aux États-Unis, la croissance avait été plus forte que prévu en juillet, en raison essentiellement de la vigueur de la consommation. Les hausses successives et inattendues des dépenses des ménages étaient étonnantes, surtout que le marché du travail avait commencé à ralentir. Selon les membres, la consommation était peut-être portée par des effets de richesse nets attribuables à la robustesse des marchés boursiers et par le fait que les détenteurs de prêts hypothécaires bénéficiaient de taux fixes à long terme bas. Le taux d’épargne peu élevé était perçu comme un indicateur potentiel de faiblesse à l’avenir. L’inflation, quant à elle, avait continué de baisser.
En Chine, la faiblesse persistante de la demande intérieure avait accru le risque à la baisse pesant sur les perspectives de croissance. Cette situation, combinée au fait qu’une progression soutenue des exportations était peu vraisemblable, réduisait la probabilité que les cibles officielles de croissance soient atteintes. Les membres se sont demandé s’il était possible que la Chine soit aux prises avec un ralentissement séculaire de l’activité économique. Ils estimaient que la surproduction de biens industriels, comme l’acier, pourrait exercer une pression à la baisse sur les prix de ceux-ci.
Les conditions financières mondiales s’étaient encore assouplies depuis juillet. Les rendements obligataires avaient diminué, puisque les attentes selon lesquelles la Réserve fédérale américaine réduirait bientôt ses taux d’intérêt s’étaient renforcées. Le dollar canadien s’était légèrement apprécié en raison de l’affaiblissement du dollar américain, et les prix du pétrole étaient sous les niveaux postulés en juillet.
Économie canadienne et perspectives d’inflation au pays
Les membres du Conseil ont ensuite discuté des données récentes sur l’activité économique et l’inflation au Canada. L’économie avait affiché une croissance de 2,1 % au deuxième trimestre, un chiffre supérieur à la prévision de juillet. Cette vigueur était surtout attribuable à une augmentation des dépenses publiques, ainsi qu’à une poussée des investissements des entreprises reflétant en grande partie la volatilité temporaire dans la catégorie des aéronefs et équipements de transport. Toutefois, le PIB par habitant avait chuté pour le cinquième trimestre d’affilée.
Les dépenses des ménages avaient été plus faibles que prévu au deuxième trimestre. La croissance de la consommation globale avait ralenti pour s’établir à 0,6 % et, tandis que la croissance démographique était restée forte, la consommation par habitant s’était contractée de 2,4 %. L’investissement résidentiel avait aussi diminué au cours du trimestre, les rénovations et les constructions neuves affichant de fortes baisses. Les membres se sont demandé si la faiblesse de la consommation et dans le secteur du logement pouvait être due en partie à la prudence des ménages. Le taux d’épargne de ces derniers demeurait bien au-dessus des niveaux observés avant la pandémie. Cela laissait supposer que les consommateurs attendaient peut-être des taux d’intérêt plus bas pour faire de gros achats ou accéder à la propriété, ou qu’ils mettaient de l’argent de côté pour faire face à des versements hypothécaires plus élevés au renouvellement de leur prêt.
Les membres ont discuté de la dynamique récente du marché du travail. Depuis la dernière réunion du Conseil, en juillet, ce marché avait continué de s’affaiblir, la croissance de la population active dépassant celle de l’emploi. Les mises à pied demeuraient limitées, mais le taux de chômage avait augmenté chez les nouveaux arrivants au pays et les jeunes, les travailleurs à la recherche d’un premier emploi au Canada ayant plus de difficulté à trouver du travail. La croissance des salaires restait élevée par rapport à celle de la productivité. Les membres s’attendaient cependant à ce que la progression des salaires se modère dans les mois à venir, étant donné les capacités excédentaires sur le marché du travail.
L’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC) avait reculé de nouveau, s’établissant à 2,5 % en juillet, ce qui cadrait avec la projection de la Banque. Les mesures de l’inflation fondamentale avaient également continué de baisser, l’IPC-tronq passant à 2,7 % et l’IPC-méd, à 2,4 %. L’étendue des pressions inflationnistes avait aussi diminué : la part des composantes de l’IPC affichant une croissance des prix supérieure à 3 % était revenue à son niveau historique. Les membres ont noté que cette composante montrait des premiers signes de ralentissement, la croissance du coût de l’intérêt hypothécaire se modérant et le taux d’augmentation des loyers affichant une légère baisse par rapport au sommet atteint récemment. Les prix d’autres services, comme les soins personnels et la restauration, continuaient également d’afficher un taux d’augmentation élevé. La baisse de l’inflation mesurée par l’IPC en juillet par rapport à juin était principalement attribuable à une augmentation moins marquée des prix des services.
Dans l’ensemble, les membres se sont entendus pour dire que l’économie et l’inflation avaient évolué essentiellement comme anticipé en juillet. La persistance d’une offre excédentaire dans l’économie tirant l’inflation vers le bas, cette dernière avait reculé comme prévu. La croissance du PIB s’était accélérée pour atteindre environ 2 % dans la première moitié de l’année, ce qui était légèrement supérieur à la prévision de la Banque. Mais des indicateurs préliminaires, dont le PIB mensuel par industrie, donnaient à penser que la croissance aurait été faible en juin et juillet. Les membres ont convenu que cela faisait planer certains risques à la baisse sur la prévision selon laquelle la croissance allait s’accélérer plus tard dans l’année.
Considérations pour la politique monétaire
Les membres ont discuté des risques pesant sur les perspectives d’inflation, et de la façon dont ces risques avaient évolué depuis la réunion précédente. Leurs échanges ont continué d’être axés sur les forces opposées exerçant des pressions à la hausse et à la baisse sur l’inflation, et sur les répercussions de ces forces sur la politique monétaire.
D’une part, en ce qui a trait aux forces maintenant l’inflation à un niveau élevé, les membres étaient convaincus que les choses évoluaient comme prévu dans l’ensemble. La hausse des frais de logement, qui demeurait trop forte, avait commencé à se modérer et le risque qu’elle s’intensifie avait diminué. Le solide rebond du marché du logement ne s’était pas encore produit et les problèmes d’abordabilité se poursuivaient. Toutefois, les membres ont indiqué que le marché du logement pouvait encore se redresser plus vite qu’escompté. La croissance des prix des services hors logement avait également ralenti légèrement en juillet, signe que le risque que ces pressions sur les prix persistent s’était estompé. La progression des salaires étant plus rapide que celle de la productivité, il y avait encore un risque que les coûts de main‑d’œuvre se répercutent sur l’inflation dans le secteur des services.
D’autre part, l’offre excédentaire dans l’économie continuait d’exercer des pressions à la baisse sur l’inflation. Les dépenses des ménages et l’investissement résidentiel étaient bas et le marché du travail avait continué de s’affaiblir. Les membres entrevoyaient la possibilité que la consommation par habitant ne rebondisse pas aussi vite qu’anticipé. Les dépenses de consommation avaient le potentiel de baisser encore si les entreprises remettaient leurs plans d’embauche à plus tard à cause de la modeste demande. Cela pourrait retarder la résorption de l’offre excédentaire dans l’économie et faire fléchir l’inflation plus que prévu.
Les membres ont discuté de l’équilibre des risques pesant sur les perspectives d’inflation. Certains membres étaient d’avis que les risques étaient équilibrés, l’inflation élevée du côté des frais de logement et dans le secteur des services faisant contrepoids aux pressions à la baisse causées par l’offre excédentaire. D’autres étaient devenus plus préoccupés par les risques à la baisse entourant l’inflation, particulièrement si l’économie et le marché du travail s’affaiblissaient davantage. Les membres du Conseil se sont entendus pour dire qu’ils aimeraient voir l’économie croître à un rythme plus rapide que la production potentielle, de sorte que les capacités excédentaires commencent à se résorber et que l’inflation ne ralentisse pas trop mais s’établisse plutôt près de la cible de 2 %.
Dans cet esprit, les membres ont discuté de scénarios dans lesquels ces risques pourraient se matérialiser et des répercussions que cela pourrait avoir sur l’orientation de la politique monétaire :
- Des taux d’intérêt plus bas pourraient donner un coup de fouet à l’activité économique, et l’économie pourrait rebondir plus vite qu’anticipé dans la deuxième moitié de 2024 et en 2025. Le marché du logement pourrait se raffermir rapidement, ce qui ferait monter les prix des maisons et les frais de logement. La forte croissance persistante des salaires par rapport à la croissance de la productivité pourrait pousser le taux d’inflation vers le haut dans d’autres services. Si cela se produisait, il pourrait être approprié de ralentir le rythme des futures baisses du taux directeur.
- Il se pourrait que l’économie et le marché du travail ne se raffermissent pas comme prévu ou même qu’ils s’essoufflent davantage si la consommation et l’investissement résidentiel ne se renforçaient pas comme prévu. Les entreprises pourraient retarder leurs plans d’investissement étant donné les risques pesant de plus en plus sur la demande intérieure et étrangère. Dans un tel scénario, il pourrait convenir de réduire le taux directeur plus rapidement.
Les membres ont convenu qu’il fallait continuer de faire des progrès vers la cible d’inflation. Parallèlement, ils se sont aussi entendus pour dire qu’avec l’inflation se rapprochant de la cible, ils devaient se soucier de plus en plus des risques à la baisse pour l’inflation résultant de la faiblesse de l’économie.
Décision de politique monétaire
Les membres du Conseil étaient d’avis qu’avec les pressions inflationnistes généralisées qui continuaient de s’atténuer, il convenait de réduire encore le taux directeur. Ils ont donc décidé de l’abaisser de nouveau de 25 points de base, pour le faire passer à 4¼ %.
Les membres se sont aussi questionnés sur la trajectoire future du taux directeur. Ils se sont entendus pour dire que si l’inflation continuait de ralentir comme prévu, il était raisonnable de croire que le taux directeur continuerait de baisser.
Étant donné les forces opposées exerçant des pressions sur l’inflation, les membres ont convenu qu’il n’y avait pas de trajectoire prédéterminée pour les taux d’intérêt et qu’ils prendraient leurs décisions une à la fois, en fonction des nouvelles données.
Enfin, les membres se sont mis d’accord pour poursuivre la politique consistant à normaliser le bilan en ne remplaçant pas les obligations arrivant à échéance.