Introduction
Depuis 2014, la Banque du Canada tient à jour une base de données complète des défauts souverains afin de calculer de façon systématique la valeur nominale des différents types de défauts souverains et de les regrouper1. Cette base repose sur des ensembles de données compilées et publiées par diverses sources, publiques et privées. Elle permet de produire, à partir de données tirées de ces sources et de nouvelles informations, des estimations complètes du montant des engagements financiers étatiques, à savoir les prêts bancaires, les obligations et autres titres négociables, de même que les prêts publics en situation de défaut, tous exprimés en dollars américains, pour la période allant de 1960 à 2023. Cette information est présentée à la fois pays par pays et de manière agrégée, c’est-à-dire à l’échelle mondiale.
La base de données, qui se trouve sur le site Internet de la Banque du Canada, est mise à jour annuellement en partenariat avec la Banque d’Angleterre. Les mises à jour régulières de la base sont utiles aux chercheuses et chercheurs souhaitant analyser les effets économiques et financiers des défauts d’emprunteurs souverains spécifiques ainsi que – dimension importante – les impacts sur la stabilité financière mondiale de multiples défauts souverains simultanés.
Dans la présente étude, nous :
- mettons en lumière l’évolution des défauts souverains en 2023, notamment en expliquant la baisse de 1 % de la valeur en dollars américains des défauts souverains par rapport à 2022
- revenons sur des points importants concernant le nombre, la taille et les types de défauts
- présentons un survol historique des défauts et de leur persistance dans les États souverains lourdement endettés et à faible revenu
- examinons la place grandissante de la Chine dans le financement bilatéral public, aux dépens des créanciers du Club de Paris2
- mettons à jour nos estimations des arriérés budgétaires au sein des États, exprimés en dollars américains
La version 2024 de la base de données et les recherches connexes comprennent plusieurs améliorations :
- ajout de données concernant les défauts de paiement sur les prêts publics octroyés par la Chine
- révisions des données agrégées et des données par pays sur les défauts de paiement pour la période allant de 1960 à 2022, notamment :
- les obligations et les prêts publics de la Russie impériale répudiés en 1917, puis ayant fait l’objet d’un règlement avec les créanciers britanniques en 1986 et avec les porteurs d’obligations français en 1996
- les obligations répudiées par la Chine en 1949, puis ayant fait l’objet d’un règlement avec les porteurs d’obligations britanniques en 1987
- intégration de nouvelles données, par pays et à l’échelle mondiale, sur les arriérés intérieurs – les données les plus complètes sont fournies pour les années 1990 à 2023
- nouvelle carte interactive montrant les dettes en défaut dans différentes régions (figure 1)
- mises à jour des documents présentant la méthode, ainsi que l’annexe et les références bibliographiques
Toutes les données peuvent être téléchargées en format CSV, JSON et XML.
Points importants tirés de la mise à jour de 2024
La valeur totale des défauts souverains a baissé de 1 % l’année dernière
Selon notre estimation préliminaire, la valeur totale des défauts souverains s’établissait à 523 milliards de dollars américains en 2023, ou 0,5 % de la dette publique mondiale. Cela représente une baisse de 7 milliards de dollars américains, ou 1 %, par rapport au total révisé de 530 milliards pour 2022. En même temps, nous estimons que le nombre de défauts souverains a reculé, passant de 98 à 92. Cela dit, le resserrement des conditions de financement a touché de nombreux pays pauvres très endettés ainsi que des marchés émergents et des marchés frontières. En revanche, les défauts souverains dans les économies avancées sont tombés à zéro l’année dernière après que Porto Rico a terminé la restructuration de sa dette en 2022 et que le Royaume-Uni a remboursé une obligation de longue date envers l’Iran.
Les défauts sur les prêts de créanciers publics internationaux ont augmenté de 6 % en 2023
Les défauts sur les prêts de créanciers publics se sont accrus de 12 milliards de dollars américains, ou 6 %, entre 2022 et 2023, pour atteindre 215 milliards de dollars, mais les principaux sous-groupes de créanciers s’en sont tirés différemment (graphique 1)3. Pour seulement la deuxième fois depuis 1974, il n’y avait aucun défaut touchant le Fonds monétaire international. En revanche, les défauts touchant la Banque internationale pour la reconstruction et le développement et l’Association internationale de développement – qui font partie du Groupe de la Banque mondiale – ainsi que la Banque interaméricaine de développement ont augmenté collectivement de 0,3 milliard de dollars américains, ou 8 %, pour s’établir à 4,5 milliards de dollars. Dans le cas des créanciers bilatéraux, les défauts touchant la Chine ont augmenté de 10 milliards de dollars américains, ou 28 %, pour atteindre près de 50 milliards de dollars, tandis que les défauts touchant les membres du Club de Paris sont demeurés aux environs de 78 milliards de dollars. Les défauts touchant les autres créanciers publics (bilatéraux et multilatéraux) ont enregistré une hausse de 0,8 milliard de dollars américains, ou 1 %, pour s’établir à 82 milliards de dollars.
Les défauts sur les prêts de créanciers privés internationaux ont chuté de 9 %
Les défauts touchant les créanciers privés ont chuté de 29 milliards de dollars américains, ou 9 %, pour s’établir à 281 milliards de dollars en 2023. Comme dans le cas des créanciers publics, des écarts importants ont été constatés entre les catégories de créanciers privés. Les défauts sur les obligations en devises, qui ont représenté la plus grande part de l’ensemble des défauts, ont chuté de 24 milliards de dollars américains, ou 10 %, étant donné l’achèvement de la restructuration de la dette de 61 milliards de dollars de Porto Rico, qui a compensé les défauts de paiements en cours par 17 entités souveraines. Parmi les défauts les plus importants, notons ceux-ci, exprimés en dollars américains : Venezuela (50 milliards), Russie (47 milliards), Liban (40 milliards), Ukraine (30 milliards), Argentine (22 milliards) et Ghana (13 milliards). Les défauts de paiement sur les prêts bancaires ont enregistré une hausse de 5 milliards de dollars américains, attribuable à 10 entités souveraines, tandis que les défauts sur les prêts d’autres créanciers privés internationaux (principalement des fournisseurs) ont chuté de 10 milliards de dollars américains, ou 24 %, pour s’établir à 32 milliards de dollars4.
Les défauts sur la dette libellée en monnaie nationale se sont aussi inscrits en hausse, mais par rapport à un niveau initial peu élevé
Les défauts souverains sur la dette libellée en monnaie nationale ont bondi, passant de 16 milliards de dollars américains en 2022 à près de 27 milliards de dollars en 2023, soit une hausse de 65 %. Il s’agit du plus haut niveau depuis 1999, ce qui s’explique surtout par les restructurations en cours au Ghana et au Sri Lanka. L’Argentine, le Libéria et le Suriname étaient aussi en défaut de paiement, mais dans une moindre mesure.
La distribution des défauts demeure concentrée
Comme par les années précédentes, en 2023, la distribution des défauts exprimés en valeur absolue était très concentrée : mondialement, 75 % de la dette souveraine en souffrance exprimée en dollars américains était imputable à 10 entités souveraines (figure 1). Par ailleurs, 35 % de la dette souveraine en souffrance était attribuable à seulement trois emprunteurs souverains, soit le Venezuela, la Russie et l’Irak.
Notes
- 1. On considère qu’il y a défaut souverain lorsque le service de la dette aux échéances prévues est interrompu ou que l’emprunteur souverain cherche à renégocier les modalités contractuelles existantes, ou une combinaison des deux. Ce type de restructuration peut inclure l’amortissement du principal, la réduction du taux d’intérêt ou le report des échéances. Habituellement, cela s’accompagne d’une perte pour les créanciers sur le plan de la valeur actualisée nette. Une fois la restructuration complétée, on cesse de considérer qu’il y a défaut souverain.[←]
- 2. Le Club de Paris est un groupe informel composé essentiellement d’économies avancées. Les membres permanents sont les suivants : Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Brésil, Canada, Corée du Sud, Danemark, Espagne, États-Unis, Finlande, France, Irlande, Israël, Italie, Japon, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni, Russie, Suède et Suisse. Pour de plus amples renseignements, consulter le site Web du Club de Paris.[←]
- 3. Les créanciers publics incluent le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et d’autres banques multilatérales de développement, les créanciers du Club de Paris, les créanciers membres du G20 qui n’appartiennent pas au Club de Paris (notamment la Chine, l’Inde et l’Afrique du Sud) et d’autres organismes gouvernementaux de développement. Les créanciers privés sont des banques, des fournisseurs et des porteurs d’obligations internationaux.[←]
- 4. Pour une discussion concernant les révisions aux données sur les défauts touchant les prêts de créanciers privés, voir D. Beers, O. Ndukwe et A. Charron, « BoC–BoE Sovereign Default Database: Methodology and Assumptions », rapport technique 124 de la Banque du Canada (mis à jour en juin 2024).[←]
Publications connexes
BoC–BoE Sovereign Default Database: Appendix and References
BoC–BoE Sovereign Default Database: Methodology and Assumptions
Base de données de la Banque du Canada et de la Banque d’Angleterre sur les défauts souverains : quoi de neuf en 2022?
Base de données de la Banque du Canada et de la Banque d’Angleterre sur les défauts souverains : quoi de neuf en 2021?
BoC–BoE Sovereign Default Database: Methodology, Assumptions and Sources
Base de données de la Banque du Canada et de la Banque d’Angleterre sur les défauts souverains : quoi de neuf en 2020?
The BoC-BoE Sovereign Default Database: What’s New in 2019?
The BoC-BoE Sovereign Default Database Revisited: What’s New in 2018?
Database of Sovereign Defaults, 2017
DOI : https://doi.org/10.34989/san-2024-19