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Banques centrales : naviguer dans un monde nouveau

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Bonjour. C’est toujours un plaisir d’être de retour à Montréal, ma ville natale. Et je suis ravi d’être ici avec Joachim Nagel, président de la Bundesbank. Merci de votre visite au Canada.

Puisque je suis à domicile, je vais prendre la parole en premier et dire quelques mots sur notre situation actuelle par rapport au passé.

Les grandes leçons tirées de l’inflation élevée

Le Canada et l’Allemagne viennent de traverser leur période d’inflation la plus élevée en 40 ans. Cette période a été difficile, mais elle nous a appris des leçons. Je vais parler de trois en particulier qui touchent le Canada.

Premièrement, il est risqué de négliger l’offre dans l’économie. En tant que banques centrales, nous avons tendance à nous focaliser sur la demande, parce que nos décisions de taux d’intérêt influent sur celle-ci. Au sortir de la pandémie, nous avons toutefois découvert qu’il est beaucoup plus facile de rétablir la demande que l’offre. L’inflation élevée a été un rappel brutal que les chocs d’offre peuvent s’accumuler et persister. Conjugués à des périodes de forte demande, ces chocs peuvent avoir des effets inflationnistes importants. Les évolutions technologiques, les tensions géopolitiques, les changements climatiques et la réorientation des échanges et des flux d’investissement donnent à penser que les chocs d’offre pourraient être plus courants à l’avenir. Les entreprises et les banques centrales doivent s’y préparer.

Deuxièmement, l’inflation fait mal. C’est quelque chose qu’on savait déjà, mais beaucoup de nos concitoyennes et concitoyens ont fait l’expérience de l’inflation élevée pour la première fois. Et ça n’a pas été facile. L’inflation fait du tort aux gens, nuit à l’économie et érode la confiance dans notre régime de marché. La hausse du coût de la vie a été pénible pour tout le monde, surtout ceux et celles qui étaient déjà moins bien nantis. Les gens travaillaient fort, mais leur pouvoir d’achat diminuait. Ils se sont donc sentis trahis et en colère. L’histoire récente nous a rappelé sans équivoque que l’inflation est notre ennemi commun.

Troisièmement, la crédibilité des banques centrales et la confiance du public sont importantes. Dans les années 1970, le déficit de confiance et de crédibilité a rendu la maîtrise de l’inflation très coûteuse. Mais cette fois-ci, notre capacité reconnue de maîtriser l’inflation, combinée à la réponse énergique de notre politique monétaire, a permis de faire baisser l’inflation à un coût bien moindre pour l’économie. Cependant, la confiance du public et la crédibilité des banques centrales ont été écorchées par l’inflation postpandémique. Pour préserver la confiance qui nous est donnée et regagner celle que nous avons perdue, il nous faut continuer de servir le public. Nous devons aussi communiquer clairement et largement. Nous devons trouver des moyens d’expliquer nos actions à un vaste éventail de publics – des participants aux marchés financiers aux propriétaires d’entreprises, en passant par les familles et les particuliers qui tentent de naviguer dans une période d’incertitude économique. Nous devons rejoindre les gens, et les aider à comprendre ce que nous faisons et pourquoi nous le faisons.

La politique monétaire, ici et maintenant

Cela m’amène au présent et aux priorités immédiates de la Banque du Canada.

La politique monétaire a modéré l’économie, l’inflation a ralenti et l’inflation sous-jacente continue de diminuer progressivement. La semaine dernière, la Banque du Canada a abaissé son taux directeur de 25 points de base pour le faire passer à 4,75 %. Puisque les données indiquant un ralentissement de l’inflation sous-jacente sont de plus en plus nombreuses et constantes, la politique monétaire n’a plus besoin d’être aussi restrictive. La Banque centrale européenne a d’ailleurs elle aussi réduit son taux directeur la semaine passée. Nous avons fait beaucoup de progrès dans notre lutte collective contre l’inflation.

Les ajustements à venir

Mais ce n’est pas fini, nous devons encore faire baisser l’inflation pour la rapprocher de nos cibles. Je crois que la détermination commune des grandes banques centrales à rétablir la stabilité des prix nous a tous aidés à faire reculer l’inflation sans causer de grosses augmentations de chômage.

Nous avons aussi tiré de l’inflation postpandémique des leçons que nous ne sommes pas près d’oublier.

Néanmoins, on peut rarement regarder dans le rétroviseur pour savoir quels défis nous attendent. Les chocs d’offre sont plus probables à l’avenir. Les nouvelles technologies pourraient accroître la prospérité, mais également entraîner des perturbations. Les taux d’intérêt baissent peut-être dans de nombreuses économies, mais les taux mondiaux ne retourneront sans doute pas aux niveaux d’avant la pandémie. La nouvelle normalité ne sera pas comme l’ancienne. Et si nous ne revenons pas en arrière, nous devrons tous et toutes nous adapter.

C’est à cause de ces défis communs que des échanges comme celui d’aujourd’hui sont si importants. Ils nous aident à nous préparer pour un monde nouveau.

J’ai bien hâte de discuter avec vous.