La Banque du Canada mène chaque année l’enquête sur le système financier auprès de spécialistes en gestion des risques1. Ces spécialistes donnent leur avis sur les risques pesant sur le système financier canadien, la résilience du système, ainsi que les tendances naissantes observées. Les résultats de l’enquête permettent de comparer les avis et les travaux d’analyse de la Banque avec des opinions externes, en plus d’aider le personnel de l’institution à trouver de nouveaux sujets de recherche et d’analyse.

L’enquête de 2024 a été menée entre le 20 février et le 8 mars 2024 auprès de 60 répondants (graphique 1). En plus des questions récurrentes, l’enquête comportait un ensemble de questions sur les risques découlant de différents scénarios sur la trajectoire des taux d’intérêt. La Banque se servira des renseignements obtenus des répondants à l’enquête sur ce sujet particulier pour évaluer la stabilité du système financier canadien, comme elle le fait en permanence. Le questionnaire visait à recueillir des informations sur :

  • la façon dont les participants au marché se sont adaptés à la hausse des taux d’intérêt et aux risques connexes depuis le début du resserrement de la politique monétaire
  • les scénarios sur la trajectoire du taux directeur qui sont susceptibles d’avoir un effet négatif sur les participants
  • la manière dont les marchés financiers et les participants pourraient réagir si ces scénarios sur la trajectoire du taux directeur se concrétisaient

Graphique 1 : Répondants ayant répondu à l’enquête sur le système financier de 2024

Points saillants

  • Les répondants étaient d’avis que le risque qu’un choc perturbe le système financier canadien avait diminué depuis la dernière enquête. Ceux qui croyaient en la faible probabilité d’un tel choc ont invoqué la normalisation des niveaux d’inflation et le fait qu’ils s’attendent moins à un atterrissage brutal de l’économie. La confiance des répondants dans la résilience du système financier canadien s’est légèrement améliorée et se situe à son plus haut niveau depuis la première enquête sur le système financier, en 2018. Voici quelques-unes des raisons données en ce sens :
    • la bonne dotation en capital du secteur bancaire
    • la bonne réglementation du système financier
    • la résilience du système financier canadien face aux épisodes de turbulence passés
  • Les cyberincidents demeurent le risque principal auquel les organisations sont confrontées. Les risques géopolitiques et les risques associés à un ralentissement de l’économie mondiale viennent au deuxième rang, et les risques liés à la liquidité de marché, au troisième.
  • De nombreux répondants ont déclaré ne pas avoir apporté de grands changements à la répartition de leurs actifs depuis le début du resserrement de la politique monétaire en 2022. Ceux qui en ont apporté ont, en général, accru leur exposition à la trésorerie et aux équivalents de trésorerie ainsi qu’aux titres à revenu fixe. Les raisons invoquées pour ces changements variaient entre les répondants, mais elles concernaient notamment les rendements intéressants des titres à revenu fixe, le désir de réduire le risque de portefeuille et la nécessité de maintenir l’appariement actifs-passifs. Certains de ceux qui n’ont pas modifié la répartition de leurs actifs ont mentionné que leur répartition repose sur une vision à long terme.
  • La majorité des répondants ont indiqué que le scénario le plus préjudiciable pour leur organisation serait que le taux directeur atteigne un niveau plus élevé que prévu. Selon les répondants, si le marché globalement venait à anticiper la matérialisation de ce scénario, il y aurait une réévaluation du prix des actifs risqués à court terme. On verrait, par exemple, un élargissement des écarts de crédit et une baisse du prix estimé des actifs privés et publics.
  • Certains répondants ont déclaré qu’ils modifieraient la répartition de leurs actifs s’ils s’attendaient désormais à un niveau du taux directeur plus élevé qu’anticipé. Ils comptent, en général :
    • accroître leur exposition à la trésorerie et aux équivalents de trésorerie ainsi qu’aux titres d’administrations publiques
    • réduire leur exposition aux titres d’emprunt, aux actifs immobiliers, aux actions cotées en bourse ainsi qu’à d’autres catégories d’actifs
  • Dans les catégories d’actifs où de nombreux répondants ont l’intention de faire des opérations allant dans le même sens, les flux attendus pourraient amplifier les variations de prix parce que d’autres participants au marché pourraient exiger des concessions de prix plus importantes pour être une contrepartie. Cela pourrait créer des tensions sur ces marchés et entraîner davantage de pertes pour certains participants.

Risques pesant sur le système financier

Risque global perçu et confiance

Les répondants étaient d’avis que la probabilité que survienne un choc susceptible de perturber le système financier avait diminué à court (dans moins de 1 an) et à moyen terme (d’ici 1 à 3 ans) depuis l’enquête de 2023 (graphique 2). Ceux qui croyaient que cette probabilité était faible ont invoqué les facteurs suivants :

  • la normalisation des niveaux d’inflation
  • le fait qu’ils s’attendent moins à un atterrissage brutal de l’économie

Ceux qui croyaient le contraire se sont dits préoccupés par :  

  • les tensions géopolitiques
  • la prochaine élection présidentielle aux États-Unis
  • l’incidence des taux d’intérêt élevés sur l’économie
  • l’immobilier résidentiel et commercial
  • l’incertitude entourant les niveaux d’inflation futurs
  • les conséquences imprévues de l’adoption généralisée de l’intelligence artificielle (IA) et des avancées dans le domaine

Graphique 2 : Probabilité qu’un choc susceptible de perturber le système financier canadien se produise à court et à moyen terme

En plus de penser que la probabilité d’un choc avait diminué, les répondants se sont montrés encore confiants dans la résilience du système financier canadien. Leur confiance s’est améliorée légèrement, atteignant le plus haut niveau depuis la première enquête sur le système financier, en 2018 (graphique 3). Les raisons citées pour le maintien de cette confiance étaient semblables à celles mentionnées dans les enquêtes précédentes, par exemple :

  • la bonne dotation en capital du secteur bancaire
  • la bonne réglementation du système financier
  • la résilience du système financier canadien face aux épisodes de turbulence passés

Certains répondants s’attendent encore à ce que les organismes de réglementation, les banques centrales et les administrations publiques interviennent en cas de choc important. D’autres ont dit craindre que les banques centrales et les administrations publiques n’aient peut-être pas la capacité de répondre à des chocs futurs, compte tenu de la taille déjà importante des bilans des banques centrales et des déficits budgétaires.

Graphique 3 : Confiance dans la capacité du système financier à résister à un choc majeur

Les risques les plus importants

Les répondants ont classé par ordre d’importance les trois risques qui, s’ils devaient se matérialiser au cours des trois prochaines années, auraient les conséquences les plus graves pour leur organisation. Ils ont également rangé chacun de ces risques dans une catégorie générale. Le graphique 4 présente les principales catégories de risques classées selon leur score dans leur indice de risque, lequel est calculé en combinant chaque classement pondéré en fonction de la fréquence des réponses.

Graphique 4 : Principaux risques pour les organisations

Les trois plus importantes catégories de risques sont les suivantes :

  1. Risques externes. Ces risques concernent principalement la possibilité qu’un cyberincident se répercute sur les opérations ou la sécurité des données. Les banques ont cité les risques externes comme le principal risque pour leur organisation. Les répondants gèrent les risques de cyberincident en :
    • investissant dans la cybersécurité
    • mettant en place des politiques et des contrôles pour assurer la continuité des opérations
    • offrant à leurs employés de la formation sur les logiciels malveillants, l’hameçonnage et les pratiques exemplaires
    • faisant appel à des fournisseurs de services de cybersécurité externes pour surveiller leurs systèmes

    Dans le contexte des cyberincidents, certains répondants ont déclaré que leur dépendance envers des fournisseurs de services externes pouvait limiter la capacité de leur organisation à gérer l’exposition aux cyberrisques.

  1. Risques économiques et politiques internationaux. Ces risques sont liés surtout aux tensions géopolitiques et à la possibilité qu’une escalade de ces tensions ou que d’autres phénomènes provoquent un ralentissement de l’économie mondiale. Les fonds de pension et les sociétés d’assurance ont classé les risques économiques et politiques internationaux au premier rang. Les tensions géopolitiques suivantes ont été le plus mentionnées :
    • une escalade de la guerre entre l’Ukraine et la Russie
    • une escalade de la guerre au Moyen-Orient
    • une montée des tensions entre les États-Unis et la Chine
  2. Une partie des répondants a également exprimé des inquiétudes concernant la prochaine élection présidentielle aux États-Unis et l’incertitude quant aux répercussions que ce scrutin pourrait avoir sur les risques géopolitiques. Les répondants gèrent ces risques en recourant à des tests de résistance pour évaluer leur impact potentiel. Certains répondants réévaluent aussi la répartition de leurs actifs dans d’autres pays.

  1. Risques concernant la liquidité de marché. La détérioration de la liquidité de marché et la possibilité que le financement et la liquidité de marché soient particulièrement mis à mal en cas de crise ont été fréquemment mentionnées dans cette catégorie de risques. Les répondants gèrent les risques liés à la liquidité de marché en :
    • retirant de leur portefeuille certains actifs illiquides
    • maintenant l’accès à plusieurs sources de liquidités, dont les marchés et les prêteurs

Changements naissants

Les répondants ont également fait état de changements nouveaux que leur organisation a commencé à surveiller au cours des 12 derniers mois et expliqué comment ces changements pourraient influer sur les risques auxquels est confrontée leur organisation. Les changements suivants ont été le plus mentionnés :

  • IA générative
    • Les répondants ont souligné les gains de productivité que l’adoption généralisée de l’IA générative pourrait apporter à leur organisation. Mais ils ont aussi fait part de préoccupations concernant l’exposition accrue aux cybermenaces.
    • L’adoption rapide de l’IA générative pourrait amener de nouveaux risques inconnus si elle n’est pas accompagnée d’un cadre de gouvernance et de réglementation adéquat.
  • Changements dans la structure des marchés
    • Le passage du cycle de règlement standard de deux jours (T + 2) à un jour (T + 1) après la date de l’opération présente un nouveau risque opérationnel.
    • La disparition du marché des acceptations bancaires et les arbitrages qu’implique leur remplacement par d’autres titres comportent des risques2.
  • Risques liés au climat
    • Une partie des répondants a mentionné les feux de forêt survenus au Canada à l’été 2023.

Risques découlant des différents scénarios sur la trajectoire des taux d’intérêt

Nous avons examiné les résultats de l’enquête sur le système financier de 2024 pour mieux comprendre les risques associés aux différentes trajectoires que pourraient suivre les taux d’intérêt. Nous nous servirons de ces informations pour évaluer la stabilité du système financier canadien, comme nous le faisons en permanence. Nous avons demandé aux participants au marché de quelle façon ils avaient modifié leurs stratégies en réaction à la hausse du taux directeur et des rendements obligataires depuis le début du resserrement de la politique monétaire en 2022.

De plus, nous avons présenté aux participants différents scénarios sur la trajectoire du taux directeur – taux plus élevé que prévu, plus bas que prévu et comme prévu – et leur avons demandé de nous dire :

  • quelle trajectoire aurait l’effet le plus grave pour leur organisation
  • quelle serait la réaction sur les marchés financiers si globalement les participants anticipaient désormais une trajectoire du taux directeur conforme au pire scénario
  • comment ils adapteraient leurs stratégies de répartition des actifs et de gestion des risques s’ils épousaient le scénario le plus pessimiste

Adaptation à la hausse des taux d’intérêt et des rendements obligataires

De nombreux répondants ont déclaré ne pas avoir modifié la répartition de leurs actifs de manière significative face à la hausse des rendements obligataires et du taux directeur survenue depuis le début du cycle de resserrement de la politique monétaire en 2022. Cependant, les réponses livrent les constats suivants :

  • Légères variations dans l’exposition accrue à la trésorerie et aux équivalents de trésorerie ainsi qu’aux titres à revenu fixe
  • Diminution de l’exposition aux actions cotées en bourse, à l’immobilier commercial et à certaines autres catégories d’actifs (graphique 5)

Les répondants ont peut-être interprété la question de différentes façons. Certains pourraient avoir envisagé les changements de leur exposition en fonction des montants qu’ils allouent à chaque catégorie d’actifs, tandis que d’autres pourraient avoir déclaré les changements de la part relative de chaque catégorie d’actifs dans leur portefeuille. Par conséquent, certaines baisses de l’exposition pourraient s’expliquer par des ventes d’actifs, alors que d’autres refléteraient une exposition accrue à un taux moins élevé que celui d’autres catégories d’actifs.

Des différences notables se dégagent entre les groupes de répondants :

  • Une proportion plus élevée de gestionnaires de fonds d’investissement (p. ex., fonds communs de placement, fonds de couverture et gestionnaires d’autres types d’actifs) a augmenté son exposition à la trésorerie et aux équivalents de trésorerie ainsi qu’aux titres d’administrations publiques par rapport aux autres groupes de répondants.
  • Une proportion plus élevée de banques et de courtiers a augmenté son exposition à l’immobilier résidentiel par rapport aux autres répondants. Un plus grand nombre de banques et de courtiers ont également déclaré avoir réduit leur recours au levier financier par rapport aux autres groupes de répondants.
  • Une proportion plus élevée de fonds de pension et de sociétés d’assurance a réduit son exposition à l’immobilier commercial et aux actions cotées en bourse par rapport aux autres.

Les répondants ont avancé plusieurs raisons pour expliquer leur décision d’ajuster leur trésorerie et les équivalents de trésorerie ainsi que leurs actifs à revenu fixe. Par exemple, des rendements plus intéressants, le désir d’augmenter leurs réserves de liquidités par mesure de précaution contre les risques ou leur désir de maintenir l’appariement actifs-passifs. Une partie des répondants ont également souligné que l’évolution de la confiance du marché les a amenés à modifier la répartition de leurs actifs à plusieurs reprises depuis le début du resserrement de la politique monétaire en 2022. Certains de ceux qui ont déclaré ne pas avoir touché à la répartition de leurs actifs ont indiqué que celle-ci repose sur une stratégie à long terme généralement peu influencée par les fluctuations à court terme des marchés financiers.

En plus des changements signalés, certains répondants ont mentionné qu’ils avaient l’intention de réduire leur exposition au crédit en raison du resserrement des écarts de crédit. La plupart des répondants n’ont apporté aucun changement à leur stratégie de gestion des risques pour faire face à la hausse des taux d’intérêt et ont affirmé que leur stratégie existante était efficace. Cependant, une partie des répondants a fait état des changements suivants :

  • Les gestionnaires de fonds d’investissement ont augmenté leurs réserves de liquidités et renforcé leur couverture contre les baisses sur certains marchés.
  • Les banques ont resserré leurs normes d’octroi de crédit et amélioré la surveillance du risque de crédit.
  • Les fonds de pension et les sociétés d’assurance ont renforcé la surveillance de plusieurs risques financiers, notamment par le biais de tests de résistance supplémentaires.

Les répondants ont fait mention d’entraves qui contraignent la gestion des risques découlant de la hausse des taux d’intérêt, par exemple :

  • la faible liquidité des marchés obligataires
  • la détérioration de la liquidité des actifs privés
  • des coûts de financement plus élevés
  • l’incertitude entourant les prix des actifs privés

Trajectoire du taux directeur : scénarios les plus préjudiciables à votre organisation

Parmi les répondants, 80 % croient qu’un scénario intégrant des taux plus élevés que prévu aurait les conséquences les plus négatives pour leur organisation (graphique 6). Certains répondants pensent que ce scénario pourrait se produire s’il y avait une hausse de l’inflation, une situation de stagflation ou une erreur de politique monétaire. Certains estiment que ce scénario pourrait conduire à :

  • une réévaluation du prix des actifs risqués
  • une hausse des coûts du service de la dette et une amplification des risques de crédit qui y sont associés
  • une dégradation de la liquidité de marché
  • une récession
  • une augmentation du chômage

Seule une proportion de 7 % des répondants a jugé que le scénario dans lequel les taux d’intérêt seraient plus bas que prévu serait le pire pour leur organisation. Ces répondants ont cité les raisons suivantes :

  • des rendements moins élevés de leurs placements de titres à revenu fixe
  • les effets sur la valeur de leurs actifs et de leurs passifs

Onze pour cent des répondants croient qu’aucun des deux scénarios n’aurait d’incidence négative sur leur organisation. Il s’agit principalement de chambres de compensation, de bourses et d’autres infrastructures de marchés financiers qui auraient une exposition moins directe aux actifs risqués. S’ajoutent par ailleurs des gestionnaires de fonds d’investissement qui s’efforcent d’être neutres vis-à-vis du marché grâce à une gestion active des risques et des opérations de couverture.

Seulement 2 % des répondants ont indiqué qu’un taux directeur qui suivrait la trajectoire actuellement envisagée par leur organisation constituerait à leurs yeux le pire scénario.

Graphique 6 : Scénario dans lequel le taux directeur aurait les effets les plus négatifs

Effets d’un scénario dans lequel le taux directeur serait plus élevé qu’anticipé

Nous nous concentrons sur les effets qu’aurait un scénario où le taux directeur serait plus élevé qu’anticipé, car ce scénario est le plus préjudiciable aux yeux de la grande majorité des répondants. De manière générale, les répondants tablent sur une réévaluation à court terme des actifs risqués si le marché globalement anticipait désormais un taux directeur plus élevé que prévu (graphique 7). Dans ce scénario, les répondants estiment généralement que :

  • les rendements obligataires augmenteraient
  • les écarts de crédit sur les obligations de bonne qualité et les obligations à rendement élevé s’élargiraient
  • la réévaluation de la dette privée diminuerait
  • les cours des actions cotées en bourse et la réévaluation des actions de sociétés fermées baisseraient
  • les prix de l’immobilier résidentiel et de l’immobilier commercial diminueraient

Lorsque les répondants révisent leurs attentes à l’égard de la trajectoire du taux directeur en adoptant un scénario dans lequel le taux est plus élevé que prévu, les ajustements qu’ils envisagent d’apporter à la répartition de leurs actifs s’apparentent à une ruée vers les valeurs sûres (graphique 8). De façon générale, il est question de réduire l’exposition aux titres d’emprunt de bonne qualité et aux titres d’emprunt à haut rendement, ainsi qu’aux actifs immobiliers, aux actions cotées en bourse et à d’autres catégories d’actifs, tout en augmentant l’exposition à la trésorerie et aux équivalents de trésorerie, ainsi qu’aux titres des administrations publiques. Cependant, certains répondants envisagent de faire le contraire, et ce, pour toutes les catégories d’actifs, tandis que de nombreux autres n’ont aucunement l’intention d’ajuster leur exposition. L’enquête révèle également des différences entre les groupes de répondants :

  • Une proportion plus élevée de gestionnaires de fonds d’investissement envisage d’accroître son exposition à la trésorerie et aux équivalents de trésorerie par rapport aux autres groupes de répondants. Une part plus élevée de ces gestionnaires a également l’intention de réduire son exposition aux titres d’emprunt émis par des sociétés, à la dette privée et aux titres liés à des infrastructures.
  • Les banques et les courtiers font état de changements envisagés qui sont semblables à ceux des gestionnaires de fonds d’investissement. Mais une proportion plus élevée de banques et de courtiers a l’intention de réduire son exposition à l’immobilier par rapport aux autres répondants. Par ailleurs, un plus grand nombre de banques et de courtiers prévoient de diminuer leur exposition à la dette privée et aux actions par rapport aux autres.
  • Les fonds de pension et les sociétés d’assurance envisagent de procéder différemment des autres groupes de répondants dans le cas de certaines catégories d’actifs. Par exemple, un plus grand nombre de fonds de pension ont l’intention d’accroître leur exposition à la dette privée, tandis qu’une proportion plus élevée de sociétés d’assurance projette d’augmenter son exposition aux titres d’emprunt de bonne qualité par rapport aux autres groupes de répondants.

Dans ce scénario, où les marchés financiers subissent une réévaluation, une partie des participants au marché peuvent connaître des pertes sur certaines de leurs positions. Ces pertes s’accompagneraient d’un risque de liquidité. Par exemple, des gestionnaires de fonds d’investissement ont indiqué qu’ils pourraient faire face à une hausse des demandes de remboursement. Plus généralement, la capacité des répondants à satisfaire les besoins accrus de liquidités pourrait être améliorée par les ajustements qu’ils avaient effectués en privilégiant des actifs relativement liquides (comme la trésorerie et les équivalents de trésorerie, les obligations du gouvernement du Canada et d’autres obligations garanties par le gouvernement fédéral) depuis le début du resserrement de la politique monétaire en 2022.

Toutefois, si le risque de liquidité devenait particulièrement important, certains participants au marché pourraient devoir vendre des titres supplémentaires pour répondre à leurs besoins de liquidités. Sur certains marchés, comme celui des obligations du gouvernement du Canada et des obligations garanties par le gouvernement fédéral, une partie des répondants ont indiqué qu’ils envisageraient d’augmenter leur exposition s’ils anticipaient que le scénario le plus préjudiciable se matérialiserait. Ces flux dans des directions opposées – autant de la part des intervenants qui ont besoin de vendre des titres que de ceux qui ont l’intention d’en acheter – pourraient favoriser les opérations bilatérales. Cela pourrait limiter les pressions sur la liquidité de marché pour certaines catégories d’actifs3.

Dans d’autres catégories d’actifs, comme les titres d’emprunt à haut rendement ou les actions cotées en bourse, les changements d’exposition prévus par les répondants vont en grande partie dans une seule direction. Pour ces marchés, d’autres participants peuvent exiger des concessions plus importantes sur les prix pour être une contrepartie et, de ce fait, amplifier les mouvements du marché. Cela pourrait causer des tensions sur certains marchés et aggraver les pertes d’une partie des participants.

Ces résultats renforcent la nécessité d’adopter une optique holistique lorsqu’on conçoit et prépare des scénarios de crise. Les participants au marché devraient se demander ce que les autres participants feraient et si la liquidité sur certains marchés suffirait non seulement pour leurs propres actions, mais aussi pour celles de tous les participants.

Dans un discours de 2023, le sous-gouverneur Toni Gravelle avait rappelé aux participants au marché que le mécanisme d’octroi exceptionnel de liquidités de la Banque n’entrait en jeu que dans des situations de carence extrême à l’échelle du marché, lorsque l’ensemble du système financier était confronté à des difficultés de financement, et non lorsque la liquidité était insuffisante4.

Effets d’un scénario dans lequel le taux directeur serait plus bas qu’anticipé

Selon 7 % des répondants, le scénario d’un taux directeur plus bas que prévu serait le pire scénario pour leur organisation. La baisse potentielle de rendement de leurs futurs placements de titres à revenu fixe les inquiéterait au premier chef. Ces répondants s’attendent à une réduction des rendements sur les obligations du gouvernement du Canada si le marché globalement anticipait désormais une matérialisation de ce scénario. Leurs réponses révèlent des différences à l’égard des changements anticipés pour d’autres variables des marchés financiers. Ces répondants ont peut-être envisagé un horizon plus long que les autres répondants. Cela pourrait expliquer pourquoi ils entrevoient des rendements plus faibles sur les placements de titres à revenu fixe, malgré l’appréciation potentielle initiale du prix de ces titres.

  1. 1. Après l’édition du printemps 2022, la Banque a réduit la fréquence de l’enquête pour en faire une enquête annuelle plutôt que semestrielle. Ce changement permet au personnel de recueillir des commentaires plus étoffés en tenant plus de discussions, tout en réduisant le fardeau pour les répondants. Pour des précisions, voir Banque du Canada, « Encadré 1 : Changements de la fréquence de l’enquête sur le système financier », mai 2023.[]
  2. 2. Le Forum canadien des titres à revenu fixe a mis sur pied le Réseau virtuel pour la transition du marché des acceptations bancaires (groupe de travail) afin de faciliter les discussions avec les participants du secteur sur la cessation de l’émission d’acceptations bancaires, notamment sur les solutions de rechange possibles. Pour des précisions, voir Banque du Canada, « Le Forum canadien des titres à revenu fixe fait le point sur la transition du marché des acceptations bancaires », avis aux marchés, 13 septembre 2023. Le Forum canadien des titres à revenu fixe a également publié récemment certaines considérations liées aux diverses solutions de rechange potentielles : voir Forum canadien des titres à revenu fixe, « Conséquences de l’abandon du taux CDOR pour le marché », janvier 2023.[]
  3. 3. Pour en savoir plus sur la façon dont les transactions en sens inverse des fonds de couverture peuvent renforcer la liquidité de marché, voir J. Sandhu et R. Vala, « Les fonds de couverture soutiennent-ils la liquidité du marché des obligations du gouvernement du Canada? », note analytique du personnel 2023-11 de la Banque du Canada, août 2023.[]
  4. 4. Pour des précisions, voir T. Gravelle, « Les programmes d’octroi de liquidités aux marchés de la Banque du Canada : les leçons de la pandémie », discours prononcé lors de la Conférence sur les services financiers de la Banque Nationale, Montréal, Québec, 29 mars 2023.[]

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