Introduction
Bonjour et merci, Fred, de cette aimable introduction.
J’ai prononcé un discours devant la CFA Society Toronto, par vidéoconférence, il y a presque trois ans. À ce moment-là, j’avais parlé des mesures prises par la Banque du Canada pour aider les marchés financiers et l’économie à traverser la crise causée par la pandémie de COVID-191.
Je suis sûr que vous vous souvenez tous très clairement de la panique effroyable qui s’est emparée des marchés financiers quand la pandémie a frappé. La ruée vers les liquidités qui s’en est suivie a entraîné un dysfonctionnement de l’ensemble des marchés d’emprunt essentiels, dont celui des obligations du gouvernement du Canada. La Banque a alors réagi avec rapidité et vigueur, et mis en place plusieurs programmes qui avaient pour objectif d’assurer le bon fonctionnement de ces marchés.
Ces mesures ont donné les résultats escomptés2. Le fonctionnement des marchés a été rétabli. Mais en même temps – et, plus tard, lors de la reprise économique –, la taille de notre bilan s’est énormément accrue.
Beaucoup de choses se sont passées depuis. À mesure que les restrictions sanitaires ont été levées, l’inflation a augmenté. En réponse, on a rapidement relevé notre taux directeur, qui est notre principal outil pour maîtriser l’inflation. Comme on a fait des progrès pour faire baisser l’inflation, nos discussions à propos de la politique monétaire ne cherchent plus tant à déterminer si le taux directeur est assez restrictif, mais plutôt combien de temps il faudra le maintenir au niveau actuel.
Depuis avril 2022, on a aussi réduit la taille de notre bilan au moyen du resserrement quantitatif – qui consiste à laisser sortir les obligations qu’on détient de notre bilan lorsqu’elles arrivent à échéance, sans les remplacer. Jusqu’à maintenant, nos avoirs ont diminué de quelque 180 milliards de dollars, soit presque 40 %, pour atteindre environ 300 milliards de dollars.
Deux ans après avoir entamé ce processus, la normalisation du bilan touche à sa fin. Aujourd’hui, je vais donc parler de la façon dont on compte gérer les choses quand on mettra fin au resserrement quantitatif. Même si certains détails vont légèrement changer, on va gérer notre bilan de façon « normale », c’est-à-dire qu’on achètera des actifs simplement pour équilibrer notre passif – dont les billets de banque en circulation sont le principal élément.
Avant de parler de ces changements, je vais expliquer comment notre bilan évolue en temps normal. Puis je vous dirai comment on saura que sa normalisation a été menée à terme.
À quoi ressemble le cours normal de la gestion du bilan
Commençons en rappelant comment on gère notre bilan en temps normal. Et par normal, je parle d’une période où il ne se passe rien d’exceptionnel – comme des tensions importantes dans le système financier ou une crise économique.
La première chose qu’il faut comprendre, c’est que la taille et la composition de notre bilan sont à l’image du rôle unique qu’on joue en tant que banque centrale du pays. Nos actifs et passifs servent à soutenir nos grandes fonctions. C’est ce qui nous distingue des banques commerciales et autres institutions financières.
En période de tensions, on peut utiliser notre bilan pour favoriser la stabilité du système financier et soutenir l’économie. C’est ce qu’on a fait pendant la pandémie. Mais en temps normal, nos achats d’actifs et la taille de l’actif de notre bilan ne font que correspondre au passif. Autrement dit, les actifs financiers qu’on détient augmentent passivement de manière à refléter la croissance du principal élément de notre passif : l’argent que vous avez dans votre portefeuille. On répond à la demande des ménages et des entreprises d’avoir plus de billets pour leurs activités quotidiennes en en imprimant davantage et en les mettant en circulation par l’entremise du secteur bancaire. On voit alors une augmentation de la taille du passif de notre bilan associé aux billets de banque en circulation.
La valeur des billets en circulation suit généralement le taux tendanciel de la croissance économique nominale. On peut donc habituellement prévoir le taux de croissance de la valeur des billets en circulation, même si on n’a aucun contrôle sur cette croissance.
Quand le bilan est normal, les billets en circulation sont notre plus important passif (voir la période prépandémique dans le graphique 1, figure b). Suivent habituellement les dépôts du gouvernement du Canada. Les soldes de règlement, dont je vais vous parler dans quelques instants, sont un autre élément important de notre passif.
Pour que notre bilan soit équilibré, le montant des actifs qu’on détient doit équivaloir à celui des passifs (graphique 1, figures a et b).
Graphique 1 : Actif et passif de la Banque du Canada (en fin de mois)
En temps normal, pour contrebalancer la croissance continue du nombre de billets en circulation, on achète systématiquement des actifs – principalement des obligations du gouvernement du Canada, qui sont essentiellement sans risque – et on les conserve jusqu’à leur échéance. Mais rappelons-nous que la grande différence entre les achats faits en temps normal et ceux faits en périodes exceptionnelles, c’est qu’en temps normal le but est de détenir juste assez d’actifs pour équilibrer nos passifs.
Qu’est-ce que ça signifie pour la normalisation du bilan? Quand le resserrement quantitatif prendra fin, on va recommencer à acheter des obligations du gouvernement du Canada et d’autres actifs dans le cadre de la gestion normale de notre bilan. Ces achats ne seront pas de l’assouplissement quantitatif, tout comme ceux qu’on faisait avant la pandémie ne l’étaient pas.
Voilà grosso modo comment notre bilan évolue habituellement.
Les soldes de règlement et le système de valeurs plancher
Voyons maintenant ce que sont les soldes de règlement, aussi appelés réserves de banque centrale. Les banques et autres membres du système de paiement de grande valeur canadien, appelé Lynx, détiennent des comptes auprès de la Banque du Canada. C’est là qu’on garde les soldes de règlement. Ils s’en servent pour régler des paiements entre eux. Prenons l’exemple d’une banque qui doit un million de dollars à une autre. Pour régler cette opération, la banque qui doit l’argent transférera à partir de son compte à la Banque du Canada un million de dollars de soldes de règlement au compte de la banque à qui elle doit ce montant.
J’ai déjà mentionné que notre bilan soutient nos grandes fonctions. Le taux d’intérêt qu’on paie sur les soldes de règlement équivaut à notre taux directeur. En payant ce taux, on veille à ce que le taux du financement à un jour que les institutions financières utilisent soit égal à notre taux directeur, ou près de celui-ci. On y arrive parce que les pressions concurrentielles et arbitragistes poussent le taux du marché vers notre taux directeur. Les variations du taux du financement à un jour influent quant à elles sur les taux d’intérêt à plus longues échéances. Voilà comment on met en œuvre la politique monétaire.
La Banque du Canada peut se servir de différents cadres pour que les taux du marché du financement à un jour se négocient au même niveau que le taux directeur ou près de ce taux. Avant la pandémie, on utilisait un système de fourchette de taux d’intérêt, qui réduit au minimum le montant des soldes de règlement détenus par les banques. Depuis la pandémie, on est passé à un système de valeurs plancher, qui fait appel à de plus grandes quantités de soldes de règlement. Voici pourquoi3.
Lors de périodes exceptionnelles comme la pandémie, la taille de notre bilan augmente parce qu’on se sert des soldes de règlement pour financer nos achats d’actifs – que l’on fait activement et qui sont motivés par nos mandats. On achète des actifs aux institutions financières et on les paye en ajoutant des fonds à leurs comptes de soldes de règlement. Au début de la pandémie, on est passé à un système de valeurs plancher parce qu’on achetait beaucoup d’actifs financiers afin de rétablir le fonctionnement des marchés. Les banques s’étaient retrouvées avec d’importants montants de soldes de règlement dans leurs comptes, et le taux d’intérêt qu’on versait sur ces montants était le « plancher » du taux du financement à un jour.
En avril 2022, quand on a commencé à normaliser notre bilan, on a dit qu’on allait conserver définitivement le système de valeurs plancher 4. Quand la normalisation de notre bilan sera complétée – et hormis en périodes de crises –, on va s’assurer de fournir juste assez de soldes de règlement pour satisfaire pleinement la demande provenant du système financier.
On est passé à un système de valeurs plancher parce que le système financier canadien prenait de l’expansion et évoluait. Le système de fourchette de taux d’intérêt était donc un cadre moins viable pour mettre efficacement en œuvre notre politique monétaire. Plus précisément, on croyait qu’avec le système de fourchette de taux d’intérêt, il serait de plus en plus difficile d’ajuster le montant global des soldes de règlement dans le système Lynx à la fin de chaque journée pour continuer de contrôler fermement le taux de référence des pensions à un jour observé sur le marché. Et avec un système de valeurs plancher, il est plus facile de maintenir le taux du marché près de notre taux cible5. Ce système offre aussi la souplesse nécessaire pour mettre efficacement en œuvre la politique monétaire – autant en temps normal que lors de circonstances exceptionnelles.
Et comment le système financier a-t-il évolué? En raison des changements dans l’ensemble du monde des paiements, les flux de paiements sont plus importants et plus volatils que dans le passé. Par conséquent, la demande de soldes de règlement provenant du système financier s’est accrue afin de soutenir les activités liées aux paiements6. Les soldes de règlement sont aussi plus volatils en raison surtout de nos autres passifs, comme les dépôts en liquidités du gouvernement canadien et les dépôts des infrastructures de marchés financiers d’importance systémique et des sociétés d’État financières7. À cause de tout ça, il est plus difficile de maintenir le taux du financement à un jour à sa cible dans un système de fourchette de taux d’intérêt.
Il est également probable que la demande de précaution pour des actifs sans risque soit plus forte dans l’ensemble du système financier, notamment pour les soldes de règlement. On parle de demande de précaution quand des actifs sans risque sont détenus pour se protéger des imprévus. C’est un peu comme garder un bas de laine en cas de coup dur.
Les nouvelles exigences réglementaires ont fait croître la demande pour les actifs liquides. En même temps, les tensions récentes dans le système financier ont poussé les gestionnaires de risques des grandes banques à recourir davantage aux soldes de règlement dans leurs stocks d’actifs liquides. Un des événements qui ont entraîné des tensions a été la défaillance des marchés causée par la ruée vers les liquidités au début de la pandémie. Un autre a été les problèmes qui ont touché les fonds de placement axés sur le passif et qui ont perturbé le marché des obligations d’État britannique en 2022. Ces deux événements ont montré que même les instruments d’emprunt qui sont en général facilement convertibles en espèces, comme les obligations d’État, peuvent être moins liquides quand les marchés ne fonctionnent pas bien. En revanche, les soldes de règlement sont essentiellement de l’argent comptant numérique destiné aux marchés de gros, et donc entièrement liquides. La demande pour ces dépôts provenant des participants au système Lynx a donc probablement augmenté.
À plus long terme, on vise à offrir un niveau suffisant de soldes de règlement pour répondre aux besoins des participants à Lynx, sans toutefois offrir plus que ce qui est nécessaire pour fonctionner dans un système de valeurs plancher. Le graphique 2 montre conceptuellement le niveau actuel des soldes de règlement et celui qu’on cible – soit le niveau le plus bas avec lequel on est à l’aise.
Graphique 2 : Vue conceptuelle du niveau définitif attendu des soldes de règlement
Pourquoi? Parce qu’on veut maintenir la discipline du marché et encourager les participants à gérer convenablement leurs risques de liquidité.
Le coût d’opportunité associé à la détention de soldes de règlement plutôt qu’à celle d’actifs similaires devrait en grande partie limiter la demande de précaution, surtout quand d’autres actifs liquides et sûrs produisent un meilleur rendement. La demande pourrait aussi être limitée si les institutions financières savent qu’elles peuvent accéder à des mécanismes de liquidité de banque centrale, et ce autant en temps normal qu’en périodes de tensions. Si cet accès est certain et facile, les institutions financières auront moins besoin de soldes de règlement.
Néanmoins, on ne connaît pas le montant exact de soldes de règlement à offrir au système financier. Mais en gros, on préfère le maintenir au niveau le plus bas requis pour mettre efficacement en œuvre la politique monétaire dans un système de valeurs plancher.
Comment on reconnaîtra le retour à la normale
Voyons maintenant comment on saura que notre bilan est revenu à la normale.
À mesure qu’on va laisser les actifs achetés pendant la pandémie sortir de notre bilan et que les soldes de règlement vont diminuer progressivement, on s’attend à ce que ces derniers finissent dans une fourchette de 20 à 60 milliards de dollars8. Compte tenu du profil des échéances de nos actifs, on devrait atteindre cette fourchette en 20259. À l’heure actuelle, les soldes de règlement s’élèvent à environ 100 milliards de dollars.
Cependant, on a vu dernièrement beaucoup de spéculation sur la possibilité que le resserrement quantitatif doive prendre fin avant qu’on atteigne ces niveaux. Ce qui alimente cette spéculation, ce sont les pressions à la hausse qu’on a observées sur les marchés des pensions à un jour durant une période prolongée, soit depuis la fin de 2023 et encore au début de cette année. On ne pense pas que la diminution des soldes de règlement liée à notre processus de normalisation ait beaucoup contribué aux tensions dans les marchés du financement à un jour. Et on ne voit pas non plus de signes de tensions dans le système financier qui seraient reliés à ces pressions.
Selon notre évaluation, l’essor de la demande de financement par opérations de pension au Canada a été causé par les anticipations croissantes de baisse des taux d’intérêt de la part des marchés10. À la fin de 2023, les participants au marché du monde entier étaient de plus en plus convaincus que les principales banques centrales allaient procéder à des réductions marquées de leur taux directeur cette année. Résultat, de nombreux participants au Canada et ailleurs ont eu recours à l’effet de levier pour prendre des positions acheteur sur les obligations d’État en anticipation du changement de politique. Car plus les taux directeurs baisseront, plus ces obligations vaudront cher. Et la promesse de gains importants a conduit de nombreux participants à emprunter sur les marchés des pensions pour financer ces opérations. À partir de décembre 2023, la forte demande de financement par opérations de pension a entraîné un écart plus important que d’habitude entre notre taux cible du financement à un jour et le taux d’intérêt de référence à un jour, qui est calculé à partir des taux des opérations de pension à un jour effectuées (graphique 3).
En plus des positions acheteur à effet de levier, l’« arbitrage comptant-terme », qui est courant sur le marché des titres du Trésor américain, a récemment gagné en popularité au Canada.
Cette stratégie d’arbitrage est utilisée pour tirer profit des écarts entre les prix des obligations d’État et des contrats à terme qui y sont rattachés11. L’arbitrage comptant-terme a aussi stimulé la demande de financement par opérations de pension, en particulier en raison de la présence croissante de fonds de couverture actifs sur les marchés canadiens des titres à revenu fixe (graphique 4).
Quand les pressions sur les marchés des pensions sont devenues évidentes au début de l’année, on a eu recours à nos opérations courantes de mise en œuvre de la politique monétaire pour renforcer notre taux directeur. On fait ça depuis des décennies, chaque fois que c’est nécessaire. Je m’explique. Lorsque des périodes temporaires de demande accrue de financement à un jour exercent des pressions à la hausse sur le taux du financement à un jour, on fournit des liquidités supplémentaires pour neutraliser ces pressions. Ce faisant, on agit pour maintenir le taux proche de la cible. Nos opérations de pension à un jour constituent notre principal outil pour y arriver12. On va continuer à utiliser ces opérations courantes au besoin pour que le taux du marché ne s’éloigne pas trop de notre taux cible. Si ça arrivait, d’autres taux d’intérêt pourraient également s’en éloigner. Les coûts d’emprunt sur toutes sortes de prêts importants pour les entreprises et les ménages pourraient ainsi ne pas refléter l’orientation de notre politique monétaire.
Les pressions se sont déjà atténuées, en partie parce que les pressions à la hausse sur les taux du financement à un jour tendent à inciter de nouveaux fournisseurs de liquidités à alimenter le marché par des opérations de pension. En effet, le lancement récent d’adjudications quotidiennes pour prêter une partie des liquidités excédentaires que le gouvernement détient chez nous sous forme de dépôts a contribué à ramener le taux du marché du financement à un jour plus près de notre taux cible. L’attrait des positions acheteur à effet de levier sur obligations ayant donné lieu à des pressions haussières semble également s’être estompé, car les participants au marché ne s’attendent plus à ce que les banques centrales assouplissent rapidement leur politique.
Néanmoins, on va surveiller les conditions de financement à court terme et discuter avec les participants au marché pour voir s’il se passe quelque chose de plus important ou plus durable que ce qu’on a observé jusqu’à présent.
Le resserrement quantitatif pourrait-il prendre fin avant que la fourchette de 20 à 60 milliards de dollars soit atteinte?
Les pressions récentes n’ont pas changé notre point de vue sur le niveau des soldes de règlement nécessaire dans un système de valeurs plancher. Mais on est conscients qu’on puisse s’être trompés sur la fourchette de 20 à 60 milliards de dollars. Cette incertitude s’explique par le fait qu’il est fondamentalement difficile d’évaluer la demande de soldes de règlement.
On est convaincus que les adjudications quotidiennes des soldes de trésorerie excédentaires du gouvernement et nos opérations de pension à un jour peuvent contrecarrer les pressions de financement temporaires. Cela dit, vous vous demandez peut-être ce qui nous amènerait à mettre fin plus tôt au resserrement quantitatif.
Cette décision serait basée sur une multitude d’indicateurs et une évaluation approfondie des pressions de financement systémiques, notamment :
- les pressions à la hausse persistantes sur le taux des opérations de pension à un jour, ainsi que l’utilisation généralisée (par de nombreuses contreparties) des opérations de pension à un jour, ou la nécessité de multiples rondes par jour
- les pressions de financement généralisées qui vont au-delà du marché des pensions à un jour
- les participants à Lynx qui ont besoin d’avances de notre mécanisme permanent d’octroi de liquidités pour se financer en fin de journée
- les renseignements émanant du marché et des participants au système de paiement qui indiquent un manque préoccupant de liquidité pouvant être dû à des facteurs durables plutôt que temporaires
Je tiens à souligner qu’on annoncerait très clairement et à l’avance toute action concernant la normalisation de notre bilan.
On a également indiqué que la normalisation du bilan se poursuivra sans doute quand l’inflation sera durablement en voie d’atteindre 2 % et qu’on aura commencé à baisser notre taux directeur. Évidemment, ce sera le cas seulement tant que notre taux directeur reste dans ce qu’on estime être un territoire restrictif.
En revanche, si l’économie ralentissait fortement, on aurait probablement besoin d’accentuer la détente monétaire. Dans ce cas, on réduirait sans doute les taux rapidement pour les amener en territoire expansionniste et on arrêterait donc le resserrement quantitatif, du moins temporairement.
En définitive, le processus de normalisation du bilan se poursuit comme on l’avait prévu l’année dernière. Et on dispose d’outils pour gérer les pressions de financement temporaires qui pourraient survenir en cours de route.
Gérer la nouvelle normalité de notre bilan
Avant de conclure, je voudrais expliquer comment on va gérer notre bilan une fois qu’on aura retrouvé une situation normale et recommencé à acheter des actifs pour compenser la croissance naturelle de nos passifs.
Au début de la pandémie, notre bilan était presque entièrement composé de titres du gouvernement du Canada : à peu près 70 % d’obligations et un peu plus de 20 % de bons du Trésor. Il y avait également 10 % environ de titres pris en pension à plus d’un jour et moins de 1 % d’Obligations hypothécaires du Canada (OHC).
À l’heure actuelle, notre portefeuille d’actifs est entièrement composé d’obligations – un vestige de notre réponse à la pandémie –, dont le profil des échéances est plus long qu’avant la pandémie.
Quand le resserrement quantitatif aura pris fin, on veut rétablir une combinaison plus équilibrée d’actifs avec un éventail plus large d’échéances, notamment davantage d’actifs à court terme qu’en ce moment. Les obligations du gouvernement du Canada resteront notre principal type d’actif. On détiendra aussi des bons du Trésor du gouvernement du Canada et des prises en pension à plus d’un jour, comme avant la pandémie. On n’achètera plus d’OHC.
Nos opérations de pension à plus d’un jour seront encore basées sur des adjudications, mais on envisage deux options d’achat pour nos autres actifs. Est-ce qu’on achète des bons du Trésor et des obligations du gouvernement du Canada sur le marché secondaire lors d’adjudications à l’envers, comme on le faisait durant la pandémie pour les obligations? Ou est-ce qu’on les achète sur le marché primaire lors des adjudications de titres d’emprunt du gouvernement du Canada, comme on le faisait auparavant? Chaque approche présente des avantages et des inconvénients.
Quel que soit notre choix, il sera guidé par les principes fondamentaux qui régissent la gestion de notre bilan, en temps normal comme en période exceptionnelle. On va acquérir des actifs d’une manière qui ne nuit pas au fonctionnement du marché, mais au contraire l’améliore, dans la mesure du possible. On va aussi veiller à gérer les risques financiers de la Banque. Enfin, on s’engage à faire preuve de transparence. On va annoncer nos intentions à l’avance pour que les participants au marché comprennent nos décisions et soient prêts pour nos opérations.
Avant que l’état de notre bilan soit stable, il y aura une période de transition de plusieurs années pendant laquelle on va reconstituer notre stock d’instruments du marché monétaire, à savoir des bons du Trésor et des prises en pension à plus d’un jour. On s’attend donc à ce que nos achats s’orientent vers des actifs à plus court terme pendant un certain temps. Une fois qu’on va mettre fin au resserrement quantitatif et reprendre les achats d’actifs, on va probablement commencer par des opérations de pension à plus d’un jour, puis, après un certain temps, on va ajouter des bons du Trésor, avant de procéder plus tard à des achats d’obligations.
Après cette période de transition, notre plan consiste grosso modo à apparier les passifs à taux variable et les actifs à taux variable, c’est-à-dire les prises en pension à plus d’un jour et les bons du Trésor. Les billets de banque en circulation étant considérés comme un passif permanent, on va continuer à plus ou moins équilibrer la taille de ce passif et notre portefeuille d’obligations. Tant que ce dernier aura une valeur égale ou inférieure à notre passif lié aux billets en circulation, la Banque sera à l’abri des pertes13.
Une question clé est de savoir, quand notre bilan sera stable, s’il est judicieux que la composition de nos actifs penche davantage vers le court terme que notre portefeuille prépandémique. On va étudier cette question quand notre portefeuille d’actifs se rapprochera de son état d’équilibre.
Conclusion
Je vais maintenant conclure en récapitulant les messages clés.
On a fait beaucoup de chemin pour normaliser notre bilan. On se rapproche de la nouvelle normalité, mais on n’y est pas encore.
On va poursuivre dans le même sens et les soldes de règlement vont s’approcher de la fourchette de 20 à 60 milliards de dollars.
On est convaincus que le resserrement quantitatif n’a pas été un facteur important des pressions observées plus tôt cette année dans le marché des pensions à un jour. Cela dit, on reconnaît qu’on devra peut-être mettre fin au resserrement quantitatif plus tôt que prévu.
En attendant, la Banque a des procédures standard pour faire face aux pressions de financement temporaires qui pourraient survenir. On va surveiller de près les marchés de financement. Si on observe des pressions qui pourraient être plus durables, on pourrait repenser la normalisation de notre bilan.
Une fois que le resserrement quantitatif sera terminé et qu’on aura repris la gestion courante de notre bilan, y compris les achats d’actifs, il y aura quelques petites différences par rapport à ce qu’on faisait avant la pandémie. Pendant les premières années de transition, on va refaire le plein d’instruments du marché monétaire et rétablir une plus grande diversité d’actifs et d’échéances dans notre bilan.
Les participants au marché peuvent compter sur nous pour communiquer clairement tout changement au resserrement quantitatif ou à notre politique de gestion du bilan en général. Et la population peut compter sur nous pour gérer notre bilan d’une manière qui nous permet de remplir nos mandats comme prévu et de promouvoir la stabilité et l’efficience du système financier.
Merci.
Je tiens à remercier Philippe Muller et André Usche de l’aide qu’ils m’ont apportée dans la préparation de ce discours.
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Discours : CFA Society Toronto
Normalisation du bilan de la Banque du Canada — Le sous-gouverneur Toni Gravelle prononce un discours devant la CFA Society Toronto (vers 9 h 50, heure de l’Est).