Le résumé qui suit rend compte des délibérations du Conseil de direction de la Banque du Canada ayant mené à la décision de politique monétaire annoncée le 6 mars 2024.

Il reflète les discussions et les délibérations qu’ont tenues les membres du Conseil de direction à la troisième étape du processus entourant les décisions de politique monétaire, soit après avoir reçu toutes les informations et recommandations pertinentes du personnel.

Les réunions concernées, présidées par le gouverneur Tiff Macklem, ont débuté le 1er mars. La première sous-gouverneure Carolyn Rogers, le sous-gouverneur Toni Gravelle, la sous-gouverneure Sharon Kozicki, le sous-gouverneur Nicolas Vincent et le sous-gouverneur Rhys Mendes y ont participé.

Économie internationale

Le Conseil de direction (le Conseil) a entamé ses discussions en passant en revue les données récentes sur l’économie mondiale accessibles depuis la publication du Rapport sur la politique monétaire de janvier. La croissance mondiale avait ralenti dans la plupart des régions. Aux États-Unis, l’activité économique avait également ralenti, mais restait étonnamment vigoureuse. La consommation était stimulée par un marché du travail dynamique, alors que les exportations et les dépenses publiques continuaient à soutenir la croissance.

La croissance dans la zone euro avait été tout juste positive, le faible degré de confiance des consommateurs et la politique monétaire restrictive freinant la demande. En Chine, la croissance s’était modérée comme prévu au quatrième trimestre de 2023 sous l’effet du ralentissement des investissements, notamment dans le secteur immobilier.

L’inflation avait continué à diminuer tant aux États-Unis que dans la zone euro. Les conditions de l’offre s’étaient améliorées dans les deux régions et l’inflation fondamentale s’était atténuée. Un clair mouvement à la baisse des prix des biens et certains signes de fléchissement de l’inflation dans le secteur des services avaient en effet été observés.

Les membres du Conseil ont parlé des conséquences que pourrait avoir une hausse des dépenses de consommation aux États-Unis pour l’inflation dans ce pays. La production potentielle élevée et le marché du travail tendu avaient soutenu les dépenses chez nos voisins du Sud. Les membres ont discuté de la probabilité que le marché du travail américain demeure robuste, ce qui pourrait se traduire par une vigueur plus persistante des dépenses de consommation. Toutefois, la mesure dans laquelle un marché du travail vigoureux accroît les pressions sur les prix dépend des perspectives de croissance de la productivité, et celle-ci avait été plus solide aux États-Unis que dans la plupart des autres régions.

Le Conseil a souligné que les prix du pétrole avaient légèrement augmenté dans les semaines précédant la décision de mars et qu’ils étaient un peu plus élevés que ce qui avait été postulé dans le Rapport de janvier.

Au moment de la décision de taux, les conditions financières reflétaient la perception, par le marché, qu’un atterrissage en douceur devenait plus probable et que les taux directeurs des banques centrales pourraient ne pas baisser autant ou aussi rapidement que ne l’avaient supposé les participants au marché. Les marchés boursiers étaient robustes et les écarts de crédit s’étaient resserrés depuis la publication du Rapport de janvier. La vigueur des marchés boursiers au Canada et aux États-Unis avait le potentiel de stimuler la confiance des consommateurs.

Économie canadienne et perspectives d’inflation au pays

Les membres ont discuté des données récentes sur l’économie canadienne, en particulier des données des comptes nationaux pour le quatrième trimestre de 2023. La croissance du produit intérieur brut (PIB) était un peu plus élevée que ce qui avait été postulé dans le Rapport de janvier, stimulée par des exportations plus fortes, mais son rythme demeurait bien en deçà de son potentiel. La demande intérieure finale avait diminué durant le trimestre, la croissance de la consommation ayant été modeste et les investissements des entreprises ayant beaucoup diminué. Dans l’ensemble, l’expansion économique avait été essentiellement nulle pendant la seconde moitié de 2023, ce qui, de l’avis des membres, cadrait avec leur projection de janvier.

Les membres ont noté que les données initiales (ou éclair) sur le PIB pour janvier laissaient entrevoir un fort rebond de la croissance à la suite des grèves dans le secteur public au Québec à la fin de 2023. Toutefois, ils se sont entendus pour dire qu’il n’y avait pas suffisamment de données pour réévaluer la croissance au cours du premier trimestre, avant la projection d’avril.

Le Conseil a également discuté des facteurs contribuant à la vigueur récente des exportations. Les membres ont reconnu qu’une partie de la croissance de celles-ci était attribuable à la demande soutenue des États-Unis, et qu’une autre partie découlait peut-être de la nouvelle méthodologie suivie par Statistique Canada, qui inclut maintenant dans les données sur les exportations davantage de dépenses effectuées par les non-résidents du Canada. 

Les conditions du marché du travail continuaient à s’assouplir graduellement, l’emploi ayant progressé plus lentement que la population. Les membres ont noté que les données récentes commençaient à montrer des signes d’atténuation des pressions salariales. Par exemple, la plus récente Enquête sur l’emploi, la rémunération et les heures de travail (EERH) indiquait un nouveau recul du taux de croissance de la rémunération horaire moyenne. Au cours des mois précédents, les mesures de l’EERH avaient révélé un assouplissement plus important de la croissance des salaires, en moyenne, que celles de l’Enquête sur la population active. De plus, selon les données des comptes nationaux, la rémunération des employés avait augmenté à un taux annuel de 3,2 % au quatrième trimestre de 2023, soit le taux de croissance le plus lent depuis le deuxième trimestre de 2020.

Le Conseil a dit craindre que le marché du logement pose encore des risques à la hausse pour les perspectives d’inflation. Les prix des habitations avaient poursuivi leur repli en janvier, mais la vigueur récente des reventes pouvait potentiellement se traduire par un renchérissement des habitations et alimenter la hausse des frais de logement.

Les membres ont analysé en détail les indicateurs de l’inflation. Ils ont constaté que l’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC) était descendue à 2,9 % en janvier, ce qui correspondait à peu près à ce qui avait été anticipé au moment de la publication du Rapport de janvier. Le ralentissement de l’inflation était entièrement attribuable à la baisse généralisée de la croissance des prix dans les catégories de biens de l’IPC, l’inflation dans le secteur des services ayant, quant à elle, très peu changé. Par ailleurs, la hausse des prix des aliments continuait à se modérer sous l’effet du recul des coûts des intrants, tandis que les prix des biens semi-durables avaient baissé en janvier.

Les membres ont échangé sur la difficulté de définir l’inflation sous-jacente, un terme utilisé par la Banque pour expliquer les forces qui influent sur la tendance de l’inflation mesurée par l’IPC. Ils se sont entendus pour dire que l’inflation sous-jacente n’est pas mesurée par un indicateur spécifique, mais plutôt par un ensemble d’indicateurs. Ces indicateurs comprennent, entre autres, des mesures de l’inflation fondamentale (dont celles privilégiées par la Banque – l’IPC-tronq et l’IPC-méd – et d’autres qui excluent les composantes volatiles, comme l’IPC hors aliments et énergie) et la distribution des taux d’inflation parmi les composantes du panier de l’IPC.

Les indicateurs de l’inflation sous-jacente laissaient entrevoir de lents progrès vers le retour de l’inflation à la cible. La part des composantes de l’IPC dont la croissance est supérieure à 3 % avait continué à baisser, mais elle était encore près de 45 % et nettement supérieure à la moyenne historique. Les mesures de l’inflation fondamentale privilégiées par la Banque avaient toutes deux diminué, l’IPC-tronq se situant à 3,4 % et l’IPC-méd, à 3,3 %. Elles demeuraient toutefois au-dessus de 3 % sur 12 mois, 6 mois et 3 mois. Dans l’ensemble, les membres n’ont rien vu dans les données qui pouvait leur faire croire que l’inflation mesurée par l’IPC ne se maintiendrait pas autour de 3 % dans les mois à venir.

Comme lors des réunions précédentes, les membres ont discuté de l’incidence de la croissance des frais de logement sur l’inflation globale. La hausse des frais de logement – qui comprennent les intérêts hypothécaires, les loyers et les composantes liées à la propriété de logements – demeurait élevée, se situant à 6,2 % en janvier. Elle était encore le facteur qui contribuait le plus à l’inflation mesurée par l’IPC global. Les membres ont convenu que les récents indicateurs du marché du logement laissaient supposer que cette situation allait probablement persister, et donc que les frais de logement élevés continueraient à contribuer de manière significative à l’inflation mesurée par l’IPC.

Le Conseil a discuté de la façon de prendre en compte l’incidence des fortes hausses persistantes des frais de logement, lesquelles pourraient rendre plus difficile le retour de l’inflation à 2 %.

Les membres ont reconnu que les augmentations du taux directeur avaient fait grimper les intérêts hypothécaires, qui contribuent de façon importante à la hausse des frais de logement. Compte tenu du cycle de renouvellement des prêts hypothécaires, les intérêts hypothécaires plus élevés auront un effet durable, mais pas permanent, sur l’inflation mesurée par l’IPC. Le Conseil a convenu que si les intérêts hypothécaires étaient la seule composante à nuire à la baisse de l’inflation, il pourrait peut-être en faire abstraction pour ne pas freiner indûment l’activité économique afin de ramener l’inflation globale à 2 %. Mais, ce n’était pas le cas. La plupart des composantes des frais de logement, comme les loyers et les dépenses des propriétaires-occupants (dont l’assurance habitation, l’impôt foncier et les frais de réparation) étaient encore en forte augmentation en janvier. De plus, les données récentes indiquaient clairement que les pressions inflationnistes demeuraient généralisées et que l’inflation sous-jacente n’affichait toujours pas de mouvement continu à la baisse.

Considérations pour la politique monétaire

Les membres du Conseil ont échangé sur ce qu’ils allaient prendre en compte pour déterminer l’orientation de la politique monétaire, et ils ont conclu que l’aspect le plus important était l’évolution continue et durable des progrès du côté de l’inflation sous-jacente. Dans cette optique, ils ont passé en revue les indicateurs qu’ils surveillaient pour évaluer la trajectoire des pressions sous-jacentes sur les prix.

Les membres ont convenu que la politique monétaire fonctionnait essentiellement comme prévu en ce qui a trait à l’équilibre entre l’offre et la demande. Les taux d’intérêt plus élevés continuaient à ralentir la progression de l’économie, permettant à l’offre de rattraper la demande. Le Conseil a conclu qu’un élargissement soutenu de l’écart de production aurait pour effet d’atténuer encore les pressions inflationnistes.

La croissance des salaires restait élevée par rapport à celle de la productivité. Les membres se sont entendus pour dire que les pressions inflationnistes pourraient s’accentuer si les salaires réels continuaient à progresser sensiblement plus vite que la productivité. Ils ont toutefois noté les premiers signes de modération de la croissance des salaires se dégageant des données les plus récentes de l’EERH et des comptes nationaux.

Les données d’enquête recueillies avant la publication du Rapport de janvier avaient montré que les pratiques d’établissement des prix des entreprises se normalisaient graduellement. Ne disposant pas de nouvelles données depuis la décision de politique monétaire de janvier, les membres du Conseil n’ont pas actualisé leurs perspectives quant à la fréquence et à l’ampleur des hausses de prix. Ils n’avaient pas non plus de nouvelles données sur les attentes d’inflation des consommateurs et des entreprises. Ils ont souligné que plus d’informations sur ces deux indicateurs importants de l’inflation seraient disponibles avant la projection et la décision d’avril.

Le Conseil a aussi discuté des risques pesant sur les perspectives de croissance économique et d’inflation, et de la façon dont ces risques allaient potentiellement influer sur les décisions de politique monétaire.  

  • Un des principaux risques pour les perspectives était que la forte inflation soit plus persistante que prévu. Les mesures de l’inflation fondamentale privilégiées par la Banque n’avaient pas encore vraiment affiché de tendance à la baisse. Les attentes d’inflation à court terme des ménages n’avaient pas non plus diminué de façon significative. On pouvait constater les premiers signes que la progression des salaires avait commencé à ralentir, mais la croissance de la productivité avait été très faible et les coûts unitaires de main-d’œuvre étaient encore élevés. Si le secteur du logement devait rebondir au printemps, la hausse des frais de logement pourrait s’accentuer, ce qui retarderait le retour de l’inflation mesurée par l’IPC à la cible de 2 %. Et si la forte inflation s’avérait plus persistante qu’anticipé, la politique monétaire devrait probablement rester restrictive pendant plus longtemps.
  • Il y avait également un risque que les répercussions de la politique monétaire sur les dépenses de consommation soient plus grandes que prévu. Cela pourrait entraîner une contraction marquée de l’activité économique, une hausse plus importante et plus rapide du taux de chômage et davantage de pressions désinflationnistes que prévu. Advenant ce scénario, il faudrait peut-être assouplir la politique monétaire plus tôt et plus rapidement qu’on s’y attendait. À la lumière des données récentes sur le PIB, les membres ont convenu que ce risque subsistait, mais qu’il était moins probable qu’il se matérialise.
  • Les membres se sont entendus pour dire que le risque d’une forte augmentation du chômage avait aussi diminué. Les conditions du marché du travail avaient continué de tendre vers un meilleur équilibre et divers indicateurs laissaient entrevoir un ralentissement graduel, plutôt que soudain.
  • À l’échelle mondiale, les risques pesant sur les prix de l’énergie et les coûts de transport en raison de conflits restaient élevés. Les coûts d’expédition et les délais de livraison avaient augmenté, mais les capacités excédentaires dans le secteur de l’expédition et la demande mondiale plus faible en avaient atténué les effets.

En résumé, les membres du Conseil ont convenu qu’ils devaient continuer à bien mettre en balance le risque d’affaiblir les conditions économiques plus que nécessaire s’ils attendaient trop longtemps pour réduire les taux, avec celui de potentiellement nuire aux progrès réalisés pour rétablir la stabilité des prix s’ils baissaient les taux prématurément.

La décision de politique monétaire

Les membres ont convenu que la politique monétaire appliquée produisait ses effets pour ralentir la croissance économique et alléger les pressions sur les prix, mais que plus de temps était nécessaire pour rétablir la stabilité des prix. Le Conseil a donc décidé de maintenir le taux directeur à 5 %.

Dans leurs discussions, les membres ont réaffirmé être d’avis qu’il était encore trop tôt pour penser à baisser le taux directeur. Les données récentes sur l’inflation semblaient indiquer que la politique monétaire fonctionnait essentiellement comme prévu. Ils s’attendaient néanmoins à ce que la progression de l’inflation soit graduelle et inégale, et des risques à la hausse demeuraient.

Les membres se sont aussi entendus sur les conditions qu’ils voulaient voir réunies pour réduire le taux directeur. Ils ont convenu que si l’économie évoluait conformément à la projection de la Banque, ces conditions devraient se matérialiser dans le courant de l’année. Les membres avaient toutefois des divergences d’opinions quant au moment où il y aurait vraisemblablement des preuves suffisantes que ces conditions étaient réunies, et à la façon de pondérer les risques pesant sur les perspectives.

Les membres ont convenu qu’ils devaient voir l’inflation sous-jacente continuer de baisser de façon durable. Ils surveilleront de près l’évolution de l’inflation fondamentale et de plusieurs indicateurs clés, notamment :

  • l’équilibre entre l’offre et la demande dans l’économie
  • les pratiques d’établissement des prix des entreprises
  • les attentes d’inflation
  • la progression des salaires par rapport à celle de la productivité

Enfin, les membres du Conseil ont noté que les pressions des marchés sur le taux du financement à un jour observées en janvier s’étaient en grande partie relâchées. La Banque n’avait pas mené d’opérations de prise en pension à un jour pour renforcer le taux cible du financement à un jour depuis la fin janvier. Les membres ont conclu que la cause première des pressions constatées en janvier n’était pas le resserrement quantitatif, et qu’il n’y avait donc pas lieu de modifier l’approche de la Banque. Ils se sont mis d’accord pour poursuivre la politique consistant à normaliser le bilan en ne remplaçant pas les obligations arrivant à échéance.

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