Résultats de l’enquête du 4e trimestre de 2023 | Vol. 20.4 | 15 janvier 2024

Selon les résultats de l’enquête sur les perspectives des entreprises et du Pouls des entrepreneurs, la croissance des prix des produits ralentit lentement en raison de la baisse de la demande et de la recrudescence des pressions concurrentielles. Les inquiétudes liées aux pénuries de main-d’œuvre s’estompent. Malgré cela, la croissance des salaires devrait fléchir, mais seulement graduellement. Cette lente décélération explique en partie pourquoi les entreprises pensent que l’inflation restera au-dessus de la cible de 2 % de la Banque du Canada pendant un certain temps.

Vue d’ensemble

  • Les entreprises reviennent lentement à leurs pratiques normales d’établissement des prix. Cela dit, certaines procèdent encore à des augmentations de prix plus grandes et plus fréquentes qu’avant la pandémie de COVID‑19. Les répondants à l’enquête considèrent de plus en plus que la demande et la concurrence freinent la croissance des prix de leurs produits. Néanmoins, ils ont indiqué que les pressions baissières sur la croissance des prix de leurs intrants et de leurs produits se sont quelque peu modérées, ce qui a entraîné une valeur moins négative de l’indicateur de l’enquête.
  • Les entreprises ont fait état de conditions commerciales moins favorables au quatrième trimestre. Bon nombre d’entre elles ont vu le volume de leurs ventes baisser. Les indicateurs de ventes futures, comme les carnets de commandes et les demandes de renseignements, se sont détériorés par rapport à l’an dernier. Mais, dans l’ensemble, les entreprises croient que leurs ventes se stabiliseront au cours des 12 prochains mois.
  • Dans un contexte où les taux d’intérêt demeurent élevés, les répondants se sont dit surtout préoccupés par la demande et l’incertitude entourant les conditions économiques. Les hauts taux d’intérêt ont eu des effets négatifs sur une majorité d’entreprises. Celles-ci ont des perspectives de ventes relativement modérées ainsi que de faibles intentions d’investissement et d’embauche.
  • L’affaiblissement de la demande signifie aussi que les tensions sur les marchés du travail s’atténuent. La plupart des répondants ne sentent pas le besoin d’embaucher et font état de pénuries de main-d’œuvre moins intenses qu’il y a 12 mois. Toutefois, la croissance des salaires devrait, en moyenne, être plus forte qu’à l’habitude au cours des 12 prochains mois, en raison surtout d’ajustements au coût de la vie. En revanche, les attentes à l’égard de la croissance des salaires sont en train de diminuer graduellement, à mesure que la demande de main-d’œuvre s’affaiblit. Elles baissent aussi parce que de moins en moins d’entreprises font des ajustements salariaux pour tenir compte des augmentations passées du coût de la vie. La majorité des entreprises pensent que la croissance des salaires reviendra à la normale d’ici 2025.
  • Les attentes d’inflation sont en train de baisser lentement. Cela dit, environ un quart des entreprises croient qu’il faudra plus de quatre ans avant que l’inflation revienne à 2 %. Cette attente découle surtout des effets des hausses des salaires, des prix des aliments et des frais de logement.

Les entreprises font état de conditions commerciales moins favorables

Selon les entreprises, les conditions commerciales ont continué de se détériorer au quatrième trimestre (graphique 1). L’affaiblissement de la confiance s’étend à tous les secteurs et toutes les tailles d’entreprise.

Graphique 1 : La confiance des entreprises s’est nettement détériorée durant le quatrième trimestre de 2023

Les répondants ont déclaré que leurs principales inquiétudes sont de plus en plus orientées vers la demande, le crédit et l’incertitude entourant les conditions économiques (graphique 2). Mais les pressions sur les coûts demeurent une de leurs plus grandes préoccupations. Les craintes liées aux pressions sur la capacité de production – à savoir les pénuries de main-d’œuvre et les problèmes de chaînes d’approvisionnement – sont maintenant davantage liées à des secteurs, des produits et des compétences en particulier.

Graphique 2 : Les préoccupations les plus pressantes sont maintenant la demande et l’incertitude

Moins d’entreprises comptent effectuer des hausses de prix inhabituellement élevées

Certaines entreprises ont dit que leurs hausses de prix seront plus grandes et plus fréquentes qu’à l’habitude au cours des 12 prochains mois (graphique 3), en raison :

  • des coûts salariaux élevés
  • de la transmission continue des augmentations passées des coûts des intrants
  • des efforts déployés pour rétablir les marges bénéficiaires qui ont été réduites ces dernières années

Graphique 3 : Le nombre de mentions d’intention d’augmenter les prix de façon anormalement marquée a baissé

Les entreprises s’attendent néanmoins à ce que l’ampleur de leurs modifications de prix continue de s’atténuer au cours des 12 prochains mois. Elles sont moins nombreuses qu’au dernier trimestre à planifier des augmentations de prix plus élevées qu’à l’habitude pour leurs produits. Beaucoup de répondants pensent que la croissance des prix de leurs intrants va ralentir. La demande plus faible et la concurrence accrue par rapport aux 12 derniers mois exercent des pressions à la baisse sur la croissance des prix (graphique 4). Malgré cela, peu d’entreprises ont dit réduire leurs prix, et le nombre de celles qui comptent le faire demeure égal à la moyenne historique. En revanche, les entreprises cherchent à :

  • baisser leurs coûts là où elles le peuvent, notamment en embauchant moins
  • augmenter leur chiffre d’affaires, par exemple en pénétrant de nouveaux marchés ou en changeant leur offre de produits

Graphique 4 : La demande et les pressions concurrentielles restreignent la croissance des prix des entreprises

Les taux d’intérêt élevés modèrent les activités des entreprises

La croissance des ventes passées des entreprises a encore ralenti au quatrième trimestre. Un très grand nombre de répondants ont affirmé que leur volume de ventes actuel est plus faible qu’à l’habitude – plus d’un tiers d’entre eux ont connu une diminution nette de leurs ventes au cours des 12 derniers mois (graphique 5). À plusieurs reprises, les entreprises ont attribué la faiblesse de la demande :

  • à la situation financière de leur clientèle
  • au ralentissement économique au pays et ailleurs dans le monde
  • aux effets des taux d’intérêt plus élevés et de l’inflation plus forte

La croissance a été particulièrement modeste dans les secteurs de la construction et de l’immobilier. Les entreprises de ces secteurs ont fait état de projets mis en suspens ces 12 derniers mois, souvent en raison :

  • des hauts taux d’intérêt, qui entraînent une baisse de la demande et une hausse des coûts de financement
  • des coûts de construction élevés
  • de l’incertitude générale entourant l’économie

Graphique 5 : Plus d’entreprises ont constaté de nets reculs de leurs ventes au cours des 12 derniers mois

Environ trois quarts des entreprises ont déclaré être négativement touchées par les taux d’intérêt plus élevés. Ces entreprises ont des perspectives de ventes moins reluisantes et des intentions d’embauche et d’investissement plus faibles que les autres répondants pour les 12 prochains mois.

Les perspectives de ventes à court terme restent modérées. Les indicateurs des ventes futures (carnets de commandes, réservations, demandes de renseignements, etc.) se sont généralement détériorés par rapport à il y a 12 mois (graphique 6, ligne rouge). Les perspectives des entreprises dont les ventes reposent sur les dépenses de consommation sont particulièrement sombres pour les 12 prochains mois. Ces entreprises ont dit que leur clientèle :

  • achète les produits moins chers plutôt que les plus coûteux
  • achète en grandes quantités
  • cherche des rabais afin d’en avoir plus pour son argent

Certains répondants ont aussi dit être préoccupés par les renouvellements de prêts hypothécaires à venir, qui réduiront davantage le revenu disponible des consommateurs. En effet, selon l’Enquête sur les attentes des consommateurs au Canada – Quatrième trimestre de 2023, les propriétaires qui devront renouveler leur prêt hypothécaire comptent réduire leurs dépenses afin d’atténuer les effets des versements plus élevés.

En même temps, les entreprises montrent des signes d’optimisme. Elles s’attendent généralement à ce que la croissance de leurs ventes s’améliore en 2024 (graphique 6, barres bleues). Cela est en partie attribuable à une stabilisation des volumes de ventes à la suite d’une faible croissance – ou même d’un recul – au cours de la dernière année. Certains répondants croient que les effets du resserrement passé de la politique monétaire seront à leur apogée dans la première moitié de 2024 et que la demande remontera plus tard au cours de l’année. C’est particulièrement le cas de ceux dans les secteurs liés au logement. Ces répondants donnent souvent cette réponse parce qu’ils croient que les taux d’intérêt vont baisser au cours de la prochaine année. Par ailleurs, les entreprises qui ne sont pas négativement touchées par les taux d’intérêt plus élevés s’attendent généralement à une croissance robuste de leurs ventes au cours des 12 prochains mois.

Graphique 6 : Les perspectives de ventes des entreprises demeurent modestes

Les entreprises ressentent les effets des taux d’intérêt plus élevés sur les conditions financières. Un quart d’entre elles ont déclaré que leurs coûts d’emprunt sont plus élevés qu’il y a 6 mois à cause des taux préférentiels. Certaines ont également constaté un élargissement de l’écart entre les taux préférentiels et les taux exigés par les prêteurs. Les répondants ont aussi fait état d’un resserrement des modalités non tarifaires – par exemple, des prêteurs qui imposent des limites sur les marges de crédit et qui sont moins réceptifs à l’égard de l’émission d’obligations ou d’actions. Qui plus est, la proportion de répondants ayant de la difficulté à obtenir du crédit est beaucoup plus élevée qu’avant la pandémie (graphique 7). Les entreprises qui font affaire avec les consommateurs (détail, logement et hébergement, restauration et divertissement, etc.) sont parmi celles qui ont le plus de difficulté à obtenir du crédit. Cette situation découle souvent des attentes des prêteurs selon lesquelles les dépenses de consommation vont continuer de baisser.

Graphique 7 : Les conditions du crédit se resserrent

De nombreux répondants devant composer avec une baisse de la demande et un resserrement des conditions de crédit axent leurs prochains investissements sur la réparation et le remplacement de leur stock de capital existant plutôt que sur l’expansion de leurs opérations (graphique 8). Par ailleurs, certaines entreprises reportent leurs projets d’investissement en raison des taux d’intérêt plus élevés et de l’affaiblissement de la demande. Les intentions d’investissement des entreprises du secteur des ressources naturelles sont cependant bonnes. Les entreprises du secteur de l’énergie comptent généralement augmenter leurs investissements à cause :

  • de l’amélioration de leur bilan
  • des prix de l’énergie moyens à élevés
  • des attentes d’une augmentation des capacités de transport par pipeline dans un avenir rapproché

Graphique 8 : Plus d’entreprises prévoient réparer et remplacer leur équipement plutôt qu’étendre leurs opérations

Les entreprises constatent un relâchement des tensions sur les marchés du travail

Dans ce contexte où les attentes de ventes sont faibles et où les taux d’intérêt sont élevés, près de la moitié des entreprises ont l’intention de maintenir leurs effectifs (graphique 9, barres orange). Les répondants ont indiqué qu’ils n’ont pas besoin d’embaucher ou qu’ils ne pourvoient généralement que les postes existants, sans en créer de nouveaux. Ils sont aussi de plus en plus nombreux à vouloir faire quelques mises à pied. Vu la diminution de la concurrence pour la main-d’œuvre, les entreprises qui embauchent pensent qu’il est plus facile de trouver des candidats qualifiés. Cela atténue l’intensité des pénuries de main-d’œuvre par rapport à l’an dernier (graphique 9, trait plein). Certains répondants ont également déclaré que le nombre de nouveaux immigrants fait augmenter l’offre de main-d’œuvre. Comparativement aux derniers trimestres, beaucoup moins d’entreprises ont dit demander à leurs employés de faire des heures supplémentaires pour compenser le manque d’employés.

La proportion de répondants ayant dit être confrontés à des pénuries de travailleurs qui entravent leur capacité de répondre à la demande est près de sa moyenne historique. Les entreprises ont indiqué que leurs difficultés à trouver des travailleurs en ce moment découlent surtout de problèmes structurels à long terme, notamment :

  • des cas de forte demande pour certaines compétences, comme celles dans les corps de métier et le génie
  • le vieillissement de la population active et les départs à la retraite d’employés très expérimentés

En réaction à ces pénuries de main-d’œuvre structurelles, les entreprises augmentent les salaires et déploient des efforts supplémentaires pour recruter.

Graphique 9 : Les entreprises ont fait état d’une baisse de la demande de travailleurs et de l’intensité des pénuries de main-d’œuvre

Parallèlement à l’apaisement des tensions sur les marchés du travail, les entreprises ont noté une baisse des pressions haussières sur les salaires. L’augmentation salariale moyenne qu’elles s’attendent à donner à leurs employés au cours des 12 prochains mois continue de régresser (graphique 10), une situation que l’on constate dans l’ensemble des régions et des secteurs. Selon les répondants, les hausses salariales sont de moins en moins utiles pour :

  • attirer de nouveaux employés
  • retenir le personnel en place
  • rattraper l’écart par rapport au marché

Les entreprises s’attendent néanmoins à effectuer des ajustements salariaux plus importants que la moyenne au cours des 12 prochains mois. Bon nombre d’entre elles ont affirmé devoir ajuster les salaires pour tenir compte de l’augmentation du coût de la vie. Certaines ont déjà procédé à des hausses salariales, tandis que d’autres prévoient le faire dans les 12 prochains mois. Par ailleurs, les répondants considèrent que la législation et les négociations avec les syndicats exercent aussi des pressions haussières sur les salaires. Environ trois quarts des entreprises croient que le taux de croissance des salaires reviendra à la normale d’ici 2025.

Graphique 10 : La croissance des salaires continue de ralentir

Les attentes d’inflation restent élevées

Les attentes d’inflation à court terme baissent lentement. Cela dit, les entreprises s’attendent encore, dans l’ensemble, à ce que l’inflation reste élevée au cours des deux prochaines années (graphique 11). La plupart d’entre elles lient ces attentes à la croissance des salaires au pays, ainsi qu’aux prix des produits de base, des aliments et des logements.

Malgré la baisse des attentes d’inflation à court terme durant la dernière année, environ un quart des entreprises pensent que l’inflation ne reviendra pas à la cible de 2 % établie par la Banque du Canada avant au moins quatre ans – une proportion qui s’inscrit à la hausse. Ces entreprises ont souvent mentionné les prix élevés de l’énergie, des aliments et des logements comme principaux obstacles à un retour plus rapide à la cible d’inflation. Bien qu’elles s’attendent à ce que l’inflation reste élevée pendant longtemps, seules quelques-unes d’entre elles modifient leur comportement en fonction de leurs perspectives, par exemple en adaptant leurs plans d’investissement et leurs stratégies de vente.

Graphique 11 : Les attentes d’inflation à court terme des entreprises continuent de baisser lentement


Les résultats de l’enquête représentent des opinions exprimées par les répondants et ne reflètent pas forcément le point de vue de la Banque du Canada.

L’Enquête sur les perspectives des entreprises contient une synthèse de l’information qui a été obtenue dans le cadre d’entrevues réalisées par le personnel des bureaux régionaux de la Banque auprès des responsables d’une centaine d’entreprises, choisies en fonction de la composition du produit intérieur brut du secteur canadien des entreprises. Les données de cette enquête ont été recueillies par téléphone, par vidéoconférence et dans le cadre d’entrevues en personne entre le 14 novembre et le 1er décembre 2023. Des précisions sur le questionnaire et les réponses obtenues sont présentées dans le site Web de la Banque du Canada.

Le Pouls des entrepreneurs est une enquête en ligne menée chaque mois par la Banque du Canada auprès de 700 à 800 dirigeants d’entreprises canadiennes, qui sont appelés à répondre à l’un des trois courts questionnaires de l’enquête. La présente publication comprend les résultats des enquêtes menées en octobre, novembre et décembre 2023. Pour en savoir plus sur Le Pouls des entrepreneurs, voir T. Chernis, C. D’Souza, K. MacLean, T. Reader, J. Slive et F. Suvankulov (2022), The Business Leaders’ Pulse—An Online Business Survey, document d’analyse du personnel 2022-14, Banque du Canada.

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