Résultats de l’enquête du 4e trimestre | Vol. 4.4 | 15 janvier 2024
La présente enquête a été menée du 1er au 17 novembre 20231. Des entrevues de suivi ont été réalisées du 1er au 8 décembre 2023.
Vue d’ensemble
- Les consommateurs ont l’impression que l’inflation a diminué, et leurs attentes relatives à la croissance des prix de certains biens essentiels, comme les aliments et l’essence, se sont modérées. Mais leurs attentes d’inflation à court terme ont à peine changé. Les attentes d’inflation qui demeurent élevées pour les services, notamment le loyer, ont peut-être pour effet de retarder le retour des attentes d’inflation globales à leurs niveaux prépandémiques. En ce qui concerne les attentes d’inflation à long terme, elles ont reculé davantage en deçà de la moyenne historique et restent plus variées qu’à l’habitude.
- Les gens ont modifié leur comportement en réaction à la forte inflation. Au cours des derniers trimestres, ils ont été plus nombreux qu’avant la pandémie à s’intéresser à l’inflation et à changer leurs habitudes de consommation. Toutefois, les actions susceptibles de soutenir l’inflation, comme la recherche de hausses salariales pour compenser l’inflation, se font plus rares.
- Les consommateurs continuent de dire qu’ils sentent les effets négatifs de la forte inflation et des taux d’intérêt élevés, et ils sont plus nombreux qu’au trimestre précédent à réduire leurs dépenses en conséquence. D’autres ajustements des dépenses sont à prévoir, compte tenu du grand nombre de prêts hypothécaires qui devront être renouvelés à court terme. Les pressions financières demeurent importantes, surtout pour les ménages qui vivent d’une paye à l’autre. Néanmoins, les détenteurs d’un prêt hypothécaire restent confiants dans leur capacité d’effectuer de plus gros paiements après le renouvellement de leur prêt.
- La population est davantage pessimiste qu’au dernier trimestre en ce qui concerne la croissance économique, et beaucoup restent incertains quant aux perspectives économiques. Cette incertitude amène à une prudence qui pèse sur les décisions de dépenser. Même si les travailleurs pensent que le marché du travail est moins vigoureux, leurs attentes relatives à la croissance des salaires demeurent élevées.
Les consommateurs croient que l’inflation a chuté, mais leurs attentes d’inflation à court terme ont peu changé
Les consommateurs pensent que l’inflation est plus basse que lors de l’enquête précédente, mais leurs attentes d’inflation à court terme sont quasiment inchangées (graphique 1)2. Les attentes relatives à la croissance des prix de certains biens de consommation essentiels, notamment les aliments et l’essence, sont en chute, ce qui contribue probablement au recul de la perception qu’ont les gens de l’inflation globale (graphique 2). Toutefois, les attentes d’inflation pour les services – divertissements, restauration et loyer, par exemple – demeurent élevées, ce qui retarde peut-être le retour des attentes d’inflation globales à leurs niveaux prépandémiques.
Graphique 1 : Les gens ont l’impression que l’inflation a baissé, mais leurs attentes d’inflation à court terme ont peu changé
Graphique 2 : Les consommateurs s’attendent à un ralentissement de la croissance des prix de certains biens
Le ralentissement de la progression des attentes d’inflation vers les niveaux prépandémiques pourrait aussi s’expliquer par un changement dans les facteurs que les consommateurs voient comme responsables du maintien de la forte inflation. Ce trimestre, les répondants ont été plus nombreux à déclarer que les facteurs nationaux soutiennent la forte inflation, et ils tendent à considérer ces facteurs comme plus persistants que les facteurs mondiaux (graphique 3). Parmi les facteurs nationaux, les dépenses publiques élevées demeurent celui qui est le plus fréquemment invoqué, suivi de la recherche de plus gros profits de la part des entreprises.
Graphique 3 : Les consommateurs croient que les facteurs nationaux maintiennent l’inflation à un niveau élevé
La plupart des facteurs mondiaux, comme les problèmes de chaîne d’approvisionnement, ont perdu de leur importance depuis le dernier trimestre. Les conflits dans le monde constituent toutefois une exception notable. C’est probablement en raison de la guerre en Israël et à Gaza qui a commencé en octobre 2023.
Les attentes d’inflation à long terme des consommateurs ont continué de baisser en deçà de la moyenne historique. Elles restent aussi plus variées qu’à l’habitude. Beaucoup de répondants s’attendent encore à ce que les prix diminuent dans cinq ans, alors que d’autres pensent que l’inflation pourrait demeurer élevée à long terme3. Dans les entrevues de suivi, un répondant a déclaré : « Je ne crois pas que l’inflation va revenir à 2 %. Je pense qu’une fourchette de 3 à 5 % deviendra la norme. »
Les consommateurs semblent modifier leur comportement en réaction à la forte inflation persistante. Ils sont maintenant plus enclins qu’avant la pandémie à :
- s’intéresser à l’inflation
- se préoccuper de la hausse du coût de la vie
- changer leurs habitudes de consommation pour atténuer les effets de la forte inflation
- réclamer des salaires plus élevés
- s’attendre à ce que les prix d’un éventail de biens et services augmentent rapidement et à des rythmes semblables
Certains de ces comportements peuvent également renforcer les mécanismes qui maintiennent l’inflation à un niveau élevé. Le déclin graduel de ces comportements par rapport au trimestre précédent donne à penser que les pressions inflationnistes s’atténuent. Voici des exemples :
- Les consommateurs commencent à avoir des attentes divergentes quant à l’augmentation des prix des différents biens et services, ce qui semble indiquer que ce sont maintenant les facteurs sectoriels plutôt que les facteurs macroéconomiques qui font monter les prix (graphique 2).
- Les travailleurs sont moins nombreux qu’au trimestre précédent à rechercher des augmentations de salaire parce qu’ils prévoient que l’inflation sera élevée (graphique 4).
Graphique 4 : Moins de consommateurs réclament une hausse de salaire ou cherchent à augmenter leur revenu à cause de leurs attentes d’inflation
Pourtant, certains comportements qui reviendraient à la normale avec la fin d’une période de forte inflation demeurent proche des sommets recensés dans l’enquête. Par exemple :
- Beaucoup continuent de réduire leurs dépenses ou de remettre des achats à plus tard à cause de leurs attentes d’inflation (graphique 5).
- Les gens continuent de suivre l’inflation de plus près qu’à l’habitude4.
Graphique 5 : Les consommateurs réduisent de plus en plus leurs dépenses en raison de leurs attentes relatives à l’inflation et aux taux d’intérêt
La forte inflation et les taux d’intérêt élevés continuent d’influencer les décisions des consommateurs
La forte inflation reste un défi pour la plupart des consommateurs, et le coût de la vie demeure leur première préoccupation. En même temps, les effets négatifs des taux d’intérêt plus élevés se sont accentués ce trimestre, laissant davantage de consommateurs dans une moins bonne situation financière (graphique 6).
Graphique 6 : Une proportion croissante de consommateurs disent que leur situation financière s’est détériorée en raison des hausses de taux d’intérêt
Les consommateurs s’attendent à ce que les taux d’intérêt restent élevés et à ce que la croissance des salaires réels soit faible. C’est pourquoi une proportion croissante de répondants disent freiner leurs projets de dépenses (graphique 5). Dans les entrevues de suivi, ils ont mentionné différentes façons dont ils réduisent leurs dépenses. En voici quelques-unes :
- acheter seulement l’essentiel
- acheter des articles d’épicerie génériques plutôt que de marque
- acheter des articles en solde
Certains répondants ont également indiqué prendre d’autres mesures pour se protéger de l’inflation et des hausses de taux d’intérêt. Voici des exemples :
- rembourser des dettes
- opter pour des comptes d’épargne à taux d’intérêt plus élevé
De la même façon, les intentions des ménages de faire de gros achats restent modérées, en particulier pour les biens durables, qui sont plus susceptibles d’être financés par un prêt que les services. Les projets d’achat de biens durables des répondants sont principalement motivés par le besoin de remplacer des articles usés. Les résultats de l’enquête continuent de montrer certains signes de demande refoulée pour les services tels que les vacances ou les concerts, mais les pressions budgétaires augmentent et les gens sont confrontés à des choix difficiles. Une personne interrogée a déclaré : « Les vacances en famille ont lieu une fois par an et sont très importantes pour nous. Nous nous le permettons, mais durant l’année, nous sortons moins au restaurant et au cinéma, et nous skions moins souvent. »
Les effets négatifs des taux d’intérêt élevés et de la forte inflation se font de plus en plus sentir dans les indicateurs des tensions financières des ménages, qui ont considérablement augmenté au cours des derniers trimestres et sont maintenant proches des niveaux les plus élevés de l’enquête (encadré 1)5. Néanmoins, la plupart des détenteurs d’un prêt hypothécaire restent confiants qu’ils seront en mesure de faire face à des paiements plus élevés lors du renouvellement de leur prêt. La majorité d’entre eux continuent de déclarer que leurs versements hypothécaires sont inférieurs au montant maximal qu’ils peuvent se permettre. Cela suggère que leur niveau de stress financier reste gérable malgré leur exposition à des taux d’intérêt plus élevés.
Encadré 1 : Les consommateurs se sentent coincés par la forte inflation et les taux d’intérêt élevés
La combinaison d’une forte inflation et de taux d’intérêt élevés pèse sur le budget des consommateurs. Certains indicateurs des tensions financières des ménages ont augmenté au cours de la dernière année et sont proches des niveaux les plus élevés de l’enquête (graphique 1-A). Par exemple, les ménages estiment que leur santé financière s’est dégradée, il leur est plus difficile d’accéder au crédit et il est plus probable qu’ils n’honorent pas un remboursement de dette.
Graphique 1-A : Les ménages font état d’une augmentation des tensions financières
Graphique 1-A : Les ménages font état d’une augmentation des tensions financières
Pourcentage des répondants et probabilité médiane, selon divers indicateurs. Données normalisées. Tous les indicateurs reflètent les données du quatrième trimestre de 2014 au quatrième trimestre de 2023.
Nota : Un déplacement vers le centre indique des tensions financières plus faibles. Chaque ligne représente un écart-type par rapport à la moyenne historique.
Alors que de nombreux ménages connaissent des niveaux croissants de stress financier, ce stress est plus élevé chez ceux qui vivent généralement d’une paye à l’autre. Ces ménages sont les plus vulnérables à la détresse financière causée par un choc budgétaire – comme une perte de revenu ou une dépense imprévue – parce qu’ils n’ont pas l’épargne ou l’accès au crédit nécessaires pour s’en prémunir. En règle générale, les ménages financièrement vulnérables :
- détiennent moins que l’équivalent de deux semaines de dépenses en actifs liquides
- sont souvent à court d’argent avant la fin du mois
- ne sont pas en mesure de payer immédiatement une dépense imprévue de 500 dollars
Environ 25 % des répondants ont déclaré présenter au moins une de ces caractéristiques, et environ 10 % en présentent deux (graphique 1-B).
Graphique 1-B : Un consommateur sur quatre présente au moins une caractéristique de la vulnérabilité financière
Par rapport aux autres ménages, ceux qui vivent d’une paye à l’autre sont plus susceptibles :
- d’avoir un revenu plus faible
- d’être plus jeunes
- de louer leur logement plutôt que d’en être propriétaires
- d’être sans emploi
- d’avoir des projets de dépenses plus modestes
De nombreux ménages, y compris les détenteurs d’un prêt hypothécaire devant être renouvelé au cours des prochains mois, continuent de croire que les hausses passées des taux d’intérêt auront une incidence sur leurs dépenses (graphique 7). Ceux qui pensent que les effets ne sont pas encore terminés font état d’intentions de dépenses globalement plus faibles que les autres.
Graphique 7 : De nombreux ménages pensent que les taux d’intérêt élevés ne font que commencer à influer sur leurs dépenses
Les hausses passées des taux d’intérêt ralentissent également l’activité sur le marché du logement. Par rapport aux sommets de l’enquête en 2022, les résultats de ce trimestre révèlent une plus faible probabilité que les propriétaires vendent leur logement et déménagent. Toutefois, les locataires – en particulier les nouveaux arrivants – continuent de manifester une forte demande pour l’accession à la propriété (graphique 8). Cette demande soutient probablement les attentes des consommateurs en matière de croissance des prix du logement, qui restent au niveau de la moyenne historique.
Graphique 8 : Les nouveaux arrivants continuent de stimuler la demande de logements
Les consommateurs restent pessimistes quant aux perspectives économiques en raison de la forte inflation et des taux d’intérêt élevés. La part de ceux qui s’attendent à une baisse de l’activité économique au cours des 12 prochains mois a légèrement augmenté, passant de 55 % au dernier trimestre à 61 % ce trimestre. Les perceptions négatives de l’économie s’accompagnent d’une grande incertitude à son sujet. Cette incertitude conduit également à une plus grande prudence et limite les projets de dépenses des consommateurs (graphique 9). Un répondant a déclaré : « J’ai mis de côté un coussin de 1 000 dollars pour les imprévus, ce que je n’avais jamais fait auparavant. C'est parce que je ne sais pas trop ce qui se passe en ce moment. »
Graphique 9 : L’incertitude entourant les perspectives économiques pèse sur les projets de dépenses
Les travailleurs sont moins positifs à l’égard du marché du travail, mais les attentes de croissance des salaires restent élevées
Avec l’affaiblissement de l’économie, la perception qu’ont les consommateurs du marché du travail s’est assouplie. Par rapport au trimestre précédent, les travailleurs font état d’une :
- probabilité plus faible de changer volontairement d’emploi
- probabilité plus faible de trouver un nouvel emploi
- probabilité plus élevée de perdre leur emploi
En outre, davantage de personnes déclarent travailler moins d’heures aujourd’hui qu’à la même période l’an dernier. Une personne interrogée a déclaré : « Je pense que le marché est bon. Cependant, le taux de chômage a un peu augmenté, c’est donc un signe que moins de postes s’ouvrent. »
Dans l’ensemble, les attentes de croissance des salaires restent à un niveau élevé mais à peu près inchangé. Elles ont toutefois augmenté dans le secteur public, où la croissance des salaires tend à suivre les conventions collectives (graphique 10). En même temps, les attentes de croissance des salaires dans le secteur privé ont légèrement diminué; bien qu’elles restent élevées, elles sont nettement inférieures aux sommets atteints en 2022. Par rapport aux travailleurs du secteur public, ceux du secteur privé ont fait état d’une détérioration plus prononcée de leur pouvoir de négociation et d’une plus grande difficulté à trouver un emploi par rapport à la même période l’an dernier. Les attentes salariales des travailleurs du secteur privé sont susceptibles de refléter les conditions économiques, comme :
- l’état général de l’économie
- le taux de salaire du marché
- la rentabilité de leur employeur
Les attentes de croissance des salaires sont les plus élevées parmi les travailleurs dont le salaire est ajusté au coût de la vie (graphique 11). Ces ajustements sont plus souvent reçus par les travailleurs des industries productrices de biens que par ceux du secteur des services.
Graphique 10 : Les attentes d’une croissance salariale plus forte sont alimentées par les travailleurs du secteur public
Graphique 11 : Les travailleurs dont le salaire est ajusté au coût de la vie ont des attentes de croissance salariale plus élevées
Notes
- 1. Les dernières données disponibles de l’indice des prix à la consommation (IPC) au cours de la période de l’enquête étaient celles du mois de septembre 2023.[←]
- 2. Tant les perceptions de l’inflation que les attentes d’inflation ont reculé chez les consommateurs « cohérents » – ceux qui donnent des réponses cohérentes aux différentes questions sur les attentes d’inflation. Les recherches montrent qu’on obtient de ces répondants une meilleure prévision de l’inflation par rapport à ceux qui donnent des réponses incohérentes. Voir S. Miller et P. Sabourin (2023), What Consistent Responses on Future Inflation by Consumers Can Reveal, document d’analyse du personnel 2023-7, Banque du Canada.[←]
- 3. Pour en savoir plus sur les raisons pour lesquelles les consommateurs ont des attentes divergentes en ce qui concerne l’inflation à long terme, voir l’encadré 1 « Plus de répondants qu’avant la pandémie anticipent une déflation dans cinq ans » dans l’Enquête sur les attentes des consommateurs au Canada — Quatrième trimestre de 2022.[←]
- 4. La corrélation entre l’inflation observée mesurée par l’IPC et l’inflation anticipée par les consommateurs s’est accrue après le début de la pandémie, passant à plus de 0,9. Pour en savoir plus, voir Miller et Sabourin (2023).[←]
- 5. Voir N. Bédard et P. Sabourin (à paraître), Measuring financial stress in Canada using consumer surveys, note analytique du personnel, Banque du Canada.[←]
L’enquête sur les attentes des consommateurs au Canada recueille l’opinion des ménages au sujet de l’inflation, du marché du travail et de leur situation financière. Des précisions sur le questionnaire et les réponses obtenues sont présentées dans le site Web de la Banque du Canada. Les résultats de l’enquête constituent un condensé des opinions exprimées par les répondants et ne reflètent pas forcément le point de vue de la Banque du Canada.