Résultats de l’enquête du 3e trimestre de 2023 | Vol. 20.3 | 16 octobre 2023
Selon les résultats de l’enquête sur les perspectives des entreprises et du Pouls des entrepreneurs, les entreprises s’attendent à ce que la croissance de leurs ventes soit modérée au cours des 12 prochains mois. Ce ralentissement de la demande atténue les pressions sur leur capacité de production et entrave leurs projets d’investissement et d’embauche. Bien que les pressions sur les coûts et les prix continuent de s’atténuer, elles devraient encore être plus fortes qu’à l’habitude au cours de l’année à venir. Les attentes d’inflation des entreprises ont diminué, mais elles demeurent supérieures à ce qu’elles étaient avant la pandémie de COVID‑19. Beaucoup de répondants croient qu’il faudra plus de trois ans avant que l’inflation retourne à la cible de 2 % visée par la Banque du Canada.
Vue d’ensemble
- Les entreprises ont déclaré que l’activité économique a ralenti, selon un vaste éventail d’indicateurs. Leurs attentes quant à la croissance de leurs ventes – surtout celles destinées à leurs clients canadiens – ont continué de se modérer.
- Environ la moitié des répondants ont dit que leurs pratiques d’établissement des prix ne sont pas encore revenues à la normale. Dans l’ensemble, les entreprises ont encore l’intention de procéder à des augmentations de prix plus grandes et plus fréquentes qu’avant la pandémie de COVID‑19. Elles s’attendent cependant à monter leurs prix de vente à un rythme plus lent que celui des 12 derniers mois, car les augmentations de coûts de leurs intrants ralentissent.
- Les effets négatifs des hausses des taux d’intérêt se propagent. Un plus grand nombre d’entreprises sont d’avis que les taux plus élevés limiteront leurs ventes et entraveront leurs projets d’investissement au cours des 12 prochains mois.
- Étant donné l’affaiblissement de la demande, les entreprises ont l’intention d’embaucher moins de personnel – quoique peu envisagent de faire des mises à pied. La croissance des salaires devrait rester plus élevée qu’à l’habitude, malgré la baisse de la demande et le relâchement des tensions sur le marché du travail.
- Les attentes d’inflation des entreprises ont continué de diminuer, beaucoup d’entre elles voyant la pression à la baisse que le resserrement de la politique monétaire exerce sur l’inflation. Malgré cela, les attentes d’inflation restent élevées et beaucoup de répondants croient que l’inflation demeurera au-dessus de 2 % pendant plus de trois ans.
L’indicateur de l’enquête sur les perspectives des entreprises a encore diminué
L’indicateur de l’enquête a de nouveau baissé au troisième trimestre (graphique 1). La mesure synthétique des principales questions de l’enquête s’établit maintenant à son niveau le plus bas en plus de 10 ans, exception faite d’une courte période au début de la pandémie. La baisse continue de l’indicateur est signe :
- d’une croissance des ventes passées et d’indicateurs de ventes futures plus faibles par rapport aux enquêtes précédentes
- de l’intention d’embaucher moins et de réduire les dépenses en immobilisations
- d’une opinion de plus en plus répandue selon laquelle les pénuries de main-d’œuvre sont moins intenses qu’il y a 12 mois
- que les entreprises sont plus nombreuses que ces derniers trimestres à anticiper un ralentissement de la croissance de leurs coûts et de leurs prix de vente
Graphique 1 : L’indicateur de l’enquête sur les perspectives des entreprises a encore diminué
De plus, quand on leur a demandé quelles sont leurs préoccupations les plus pressantes, les entreprises ont été moins nombreuses que lors des enquêtes précédentes à mentionner les pressions sur les coûts, les pénuries de main-d’œuvre et les chaînes d’approvisionnement. Cela dit, les pressions sur les coûts demeurent leur principale préoccupation. Les inquiétudes concernant la baisse de la demande et le resserrement des conditions de crédit se sont quant à elles accentuées (graphique 2).
Graphique 2 : Les inquiétudes au sujet du ralentissement de la demande continuent de croître
Les hausses de prix anormales se poursuivent
À peu près la moitié des répondants ont qualifié leurs pratiques d’établissement des prix d’anormales. Dans l’ensemble, beaucoup ont encore l’intention de procéder à des augmentations de prix plus grandes et plus fréquentes que d’habitude au cours des 12 prochains mois (graphique 3). Certaines entreprises continuent de transmettre à leur clientèle les hausses de coûts exceptionnellement fortes auxquelles elles ont été confrontées au début de la pandémie. Ces augmentations découlaient :
- des problèmes de chaînes d’approvisionnement
- de la forte demande
- des hausses salariales inhabituellement élevées
Certains répondants ont mentionné qu’il faut du temps pour renégocier des contrats interentreprises, ce qui permet la transmission des hausses de coûts antérieures. D’autres ont déclaré que certains prix réglementés – comme ceux des services publics et les salaires – s’ajustent en fonction de l’inflation passée. Et comme celle-ci a été particulièrement élevée ces derniers temps, les prix réglementés continueront d’exercer des pressions haussières sur les prix de vente des entreprises. Par ailleurs, certaines entreprises ont déclaré ne pas savoir quand leurs pratiques d’établissement des prix retourneront à la normale, car elles sont incertaines quant à la trajectoire des taux d’intérêt et de l’inflation. Les répondants ont également fait état d’augmentations de coûts liées aux hausses des taux d’emprunt.
Graphique 3 : Les entreprises prévoient encore des augmentations de prix plus fortes que d’habitude
Environ la moitié des entreprises ayant modifié leurs prix plus souvent qu’à l’habitude s’attendent à continuer de le faire au cours des 12 prochains mois. Cela dit, des signes indiquent que les pratiques d’établissement des prix sont en train de se normaliser. À peu près le tiers des répondants ayant effectué des modifications de prix inhabituellement élevées ces 12 derniers mois ont dit que l’ampleur de leurs hausses de prix sera près de la normale au cours des 12 mois à venir. Les entreprises prévoient que la croissance des coûts de leurs intrants ralentira après avoir progressé de façon importante au cours de la dernière année. Ce ralentissement devrait surtout toucher :
- les salaires
- les produits de base et les intrants connexes
Les entreprises de l’ensemble des régions et des secteurs s’attendent à ce que les prix de leurs extrants progressent à un rythme plus lent, car les hausses de coûts à répercuter sur leurs clients sont moins importantes. Qui plus est, la baisse continue de la demande crée un contexte dans lequel les entreprises sont moins en mesure de transmettre les augmentations de coûts de leurs intrants.
La demande a ralenti et les perspectives restent modérées
Les entreprises ont signalé un ralentissement de la demande, qui a contribué à la faible croissance de leurs ventes au cours de la dernière année. La proportion de répondants ayant cité de nets reculs de leurs ventes a aussi augmenté de façon marquée. Un tiers des répondants ont fait état d’une baisse de leurs ventes au cours des 12 derniers mois. Par ailleurs, le ralentissement de la demande est manifeste dans l’ensemble des régions et des secteurs.
Les répondants pensent que la croissance de la demande restera modérée. Les indicateurs des ventes futures – comme les carnets de commandes et les demandes de renseignements – sont d’ailleurs faibles comparativement à leurs niveaux historiques (graphique 4). Parallèlement, la proportion d’entreprises se préparant à une récession au cours de la prochaine année, soit environ un tiers d’entre elles, n’a pas augmenté.
Graphique 4 : Les perspectives de ventes des entreprises demeurent faibles
Dans l’ensemble, les répondants ont fait état d’une baisse de la demande. Les domaines les plus touchés sont :
- les dépenses de consommation – surtout les dépenses discrétionnaires –, les ménages délaissant entre autres les produits haut de gamme en faveur d’autres plus abordables
- l’immobilier, les taux d’intérêt et les coûts de construction élevés réduisant la rentabilité des nouveaux développements
Les entreprises croient néanmoins que quelques secteurs demeurent résilients. Bien qu’elles s’attendent à ce que leurs exportations soient plus faibles que la moyenne, elles voient les indicateurs de la demande d’exportations comme étant légèrement plus positifs que ceux de la demande intérieure. Les dépenses publiques favorisent aussi la croissance des ventes des entreprises.
Une proportion croissante de répondants provenant de divers secteurs d’activité ont déclaré que les taux d’intérêt élevés ont un effet néfaste sur eux (graphique 5). Comparativement à ceux qui ne sentent pas ces effets, ces répondants :
- ont connu une croissance plus faible de leurs ventes passées
- considèrent les indicateurs de ventes futures comme étant plus faibles
- s’attendent à ce que la progression des prix soit plus modérée au cours des 12 prochains mois
- comptent investir et embaucher moins
Même si la plupart des entreprises continuent d’avoir confiance en leur capacité à rembourser leurs dettes, celles dont les activités sont grandement touchées par les taux d’intérêt ont indiqué avoir plus de difficulté à respecter leurs obligations financières à court terme.
Graphique 5 : Les effets négatifs des taux d’intérêt plus élevés sont généralisés
Plus de la moitié des répondants croient que les effets du resserrement passé de la politique monétaire sur leur entreprise ne se résorberont pas de sitôt (graphique 6). Cette conclusion cadre avec les résultats de l’enquête sur les attentes des consommateurs au Canada réalisée par la Banque. Les entreprises sont surtout touchées par le coût d’emprunt plus élevé auquel elles et leurs clients font face.
Graphique 6 : Les entreprises croient que les effets du resserrement de la politique monétaire n’en sont qu’à leur début
Par ailleurs, les entreprises ont encore indiqué n’avoir que des plans modestes d’embauche et d’investissement (graphique 7). Elles ont souvent attribué ces faibles attentes à :
- la baisse de la demande
- la diminution des pressions sur leur capacité de production
Le resserrement des conditions de crédit pèse aussi sur les plans d’investissement de certaines entreprises. Un répondant sur trois s’attend à une nette diminution de ses dépenses d’investissement au cours des 12 prochains mois.
Graphique 7 : Les intentions des entreprises d’investir et d’embaucher sont encore à la baisse
Les entreprises constatent un relâchement des tensions sur le marché du travail
Les intentions d’embauche se situent à un niveau inférieur à leur moyenne historique. Par rapport aux enquêtes précédentes, les entreprises ont été plus nombreuses à dire que leurs effectifs sont adéquats compte tenu de leurs perspectives de vente, et un moins grand nombre d’entre elles cherchent à pourvoir des postes vacants. Seule une petite proportion de répondants envisage de réduire leurs effectifs. En général, ceux qui font des mises à pied sont touchés négativement par les hausses de taux d’intérêt.
Les entreprises ont signalé un relâchement généralisé de l’intensité des pénuries de main-d’œuvre comparativement aux tensions très élevées sur le marché du travail qu’elles ont vécu à la même période l’an passé (graphique 8). Ainsi, elles :
- constatent moins de pertes de ventes dues aux pénuries de main-d’œuvre
- éprouvent moins de difficultés à attirer une main-d’œuvre hautement qualifiée, notamment des techniciens et des travailleurs des technologies de l’information
Une partie de l’apaisement des tensions sur le marché du travail est attribuable à la hausse de l’immigration. De plus, les entreprises ont été moins nombreuses à signaler des pénuries découlant de la forte concurrence sur le marché du travail par rapport aux derniers trimestres. Néanmoins, certains segments du marché du travail sont encore soumis à des tensions. Cette situation est souvent le résultat de facteurs structurels – comme le vieillissement de la population ou le fait d’être dans une région éloignée – ou de pénuries persistantes de travailleurs exerçant un métier spécialisé. La proportion de répondants disant souffrir de pénuries de main-d’œuvre se situe près de la moyenne historique.
Graphique 8 : Les pressions sur le marché du travail continuent de s’atténuer
Dans ce contexte, les entreprises prévoient un ralentissement graduel de la croissance des salaires au cours des 12 prochains mois (graphique 9). Comparativement aux derniers trimestres, elles sont moins nombreuses à signaler des pressions haussières sur la croissance des salaires causées par :
- le coût de la vie – à la suite des importants ajustements salariaux des 12 derniers mois
- le besoin d’attirer et de retenir des employés – puisque la demande de main-d’œuvre et la concurrence pour des travailleurs s’atténuent
En outre, les répondants ont déclaré qu’en raison du ralentissement de la demande, leurs propres résultats et leur rentabilité entravent les hausses salariales qu’elles prévoient accorder. Bien que les pressions salariales s’atténuent, les entreprises comptent encore effectuer des augmentations de salaire supérieures à la normale au cours de l’année à venir. Un grand nombre d’entre elles ne savent pas quand la croissance des salaires qu’elles accordent reviendra à la normale, en raison de facteurs tels que :
- les tensions sur certains marchés pour des compétences particulières
- les questions d’ordre politique, comme les effets de la législation sur le salaire minimum
- le taux d’inflation
Graphique 9 : Les augmentations salariales attendues restent élevées, mais ralentissent
Les attentes d’inflation baissent lentement
Les attentes d’inflation à court terme des entreprises ont continué de baisser (graphique 10). Une proportion croissante de répondants sont convaincus que la Banque du Canada sera en mesure de ramener l’inflation dans la fourchette cible de maîtrise de l’inflation d’ici un à deux ans. Beaucoup pensent que la politique monétaire ralentit l’inflation.
Cela dit, les attentes d’inflation pour les deux prochaines années se maintiennent au-dessus de leurs niveaux prépandémiques. Les entreprises attribuent leurs attentes d’inflation à court terme à ce qui suit :
- les coûts de la main d’œuvre
- les prix des produits de base
- les prix des logements
La plupart des répondants sont d’avis que l’inflation reviendra à 2 % à long terme. Toutefois, ils sont plus incertains quant au moment où cela se produira. Environ un tiers des entreprises continuent de croire qu’il faudra plus de trois ans avant que l’inflation revienne à la cible de 2 % visée par la Banque.
Graphique 10 : Les attentes d’inflation à court terme des entreprises ont encore diminué
L’Enquête sur les perspectives des entreprises contient une synthèse de l’information qui a été obtenue dans le cadre d’entrevues réalisées par le personnel des bureaux régionaux de la Banque auprès des responsables d’une centaine d’entreprises, choisies en fonction de la composition du produit intérieur brut du secteur canadien des entreprises. Les données de cette enquête ont été recueillies par téléphone, par vidéoconférence et dans le cadre d’entrevues en personne entre le 14 août et le 8 septembre 2023. Des précisions sur le questionnaire et les réponses obtenues sont présentées dans le site Web de la Banque du Canada. Les résultats de l’enquête constituent un condensé des opinions exprimées par les répondants et ne reflètent pas forcément le point de vue de la Banque du Canada.
Le Pouls des entrepreneurs est une enquête en ligne menée chaque mois par la Banque du Canada auprès de 700 à 800 dirigeants d’entreprises canadiennes, qui sont appelés à répondre à l’un des trois courts questionnaires de l’enquête. La présente publication comprend les résultats des enquêtes menées en juillet, août et septembre 2023. Pour en savoir plus sur Le Pouls des entrepreneurs, voir T. Chernis, C. D’Souza, K. MacLean, T. Reader, J. Slive et F. Suvankulov (2022), The Business Leaders’ Pulse—An Online Business Survey, document d’analyse du personnel 2022-14, Banque du Canada. Les résultats de l’enquête constituent un condensé des opinions exprimées par les répondants et ne reflètent pas forcément le point de vue de la Banque du Canada.