Résultats de l’enquête du 3e trimestre | Vol. 4.3 | 16 octobre 2023
La présente enquête a été menée du 4 au 16 août 2023. Des entrevues de suivi ont été réalisées du 5 au 11 septembre.
Vue d’ensemble
- Les consommateurs perçoivent encore l’inflation courante comme étant forte, ce qui continue de se traduire par des attentes d’inflation élevées pour les 12 prochains mois. L’écart entre l’inflation perçue et l’inflation observée est exceptionnellement prononcé. Cela tient probablement au fait que beaucoup de consommateurs se forgent une opinion sur leur propre expérience d’achat. Les ménages pour lesquels l’écart est important anticipent une forte croissance des dépenses essentielles, comme la nourriture et le logement.
- Les attentes des consommateurs relatives aux taux d’intérêt à l’horizon d’un an demeurent aussi élevées. Un grand nombre de répondants croient que le coût de la vie augmente et que l’inflation reste forte à cause des hausses de taux.
- L’augmentation du coût de la vie demeure la plus grande préoccupation des participants. La forte inflation et la hausse des taux d’intérêt ont eu un impact négatif sur la situation financière de la plupart des ménages, et ils sont plus nombreux qu’au dernier trimestre à réduire leurs dépenses.
- Beaucoup de consommateurs estiment que les effets des taux d’intérêt plus élevés sur leurs dépenses vont durer encore un bon moment. Ceux qui s’attendent à des effets plus néfastes sont moins enclins à prévoir des achats importants. Dans l’ensemble, les répondants déclarent qu’ils sont plus susceptibles de faire des achats non essentiels, comme des vacances ou des billets de concert, que d’acheter des biens qui sont habituellement financés par un prêt, comme un véhicule ou des appareils ménagers.
- Même si leurs perspectives pour l’économie se sont dégradées, les travailleurs considèrent encore que le marché du travail est vigoureux. Ils continuent également d’indiquer que les probabilités qu’ils quittent volontairement leur emploi sont au-dessus de la normale, et les attentes de croissance salariale ont atteint un sommet inédit dans le cadre de cette enquête. Les réponses des consommateurs montrent toutefois des signes que le marché du travail se modère. Par exemple, les personnes en recherche d’emploi cherchent un poste depuis plus longtemps comparativement aux derniers trimestres.
Les attentes d’inflation à court terme demeurent élevées
Les consommateurs s’attendent encore à ce que l’inflation reste forte durant les 12 prochains mois, en partie parce qu’ils pensent que l’inflation est actuellement élevée (graphique 1)1. Toutefois, cette perception diverge des données officielles (encadré 1). Les répondants continuent néanmoins d’anticiper un ralentissement de l’inflation au cours des prochaines années.
Graphique 1 : Les consommateurs perçoivent l’inflation courante comme étant forte, ce qui continue de se traduire par des attentes d’inflation élevées à court terme
Encadré 1 : L’écart entre l’inflation perçue et les données officielles est exceptionnellement prononcé
La perception des consommateurs concernant l’inflation courante influe sur leurs attentes d’inflation future. Depuis quelque temps, ils voient l’inflation comme étant très élevée et cette perception diverge plus que d’habitude des données officielles sur l’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation. Cet écart qui se creuse est particulièrement évident pour certains groupes démographiques, comme les jeunes consommateurs (les 18-23 ans) (graphique 1-A).
Graphique 1-A : L’écart entre l’inflation perçue et l’inflation observée est particulièrement prononcé chez les jeunes consommateurs
Les activités quotidiennes des consommateurs, comme le magasinage, influent sur leur perception de l’inflation courante2. Ces expériences pourraient contribuer à l’écart entre l’inflation observée et l’inflation perçue. Selon les résultats de l’enquête, l’écart est particulièrement important chez les personnes qui anticipent une plus forte progression des prix que les autres pour les dépenses régulières ou très visibles, notamment :
- la nourriture
- l’essence
- le loyer
- le logement
Les attentes relativement à la croissance de ces prix sont à la hausse ou se maintiennent à des niveaux très élevés. L’opinion répandue selon laquelle ces prix couramment constatés augmentent rapidement explique en partie l’écart anormalement prononcé entre l’inflation perçue et l’inflation observée. Dans les entrevues de suivi, les répondants ont souvent mentionné que leur perception de l’inflation globale était surtout influencée par la forte croissance des prix des aliments. L’un d’entre eux a déclaré : « Je nourris une famille de cinq, et ma facture d’épicerie a explosé. Et les prix continuent apparemment d’augmenter. »
L’écart entre l’inflation perçue et les données officielles est aussi plus prononcé que d’habitude chez les répondants qui anticipent une hausse des taux d’intérêt. Cela tient notamment au fait que de nombreux consommateurs peuvent constater l’incidence des taux plus élevés sur leurs coûts, comme les versements hypothécaires. « L’intérêt hypothécaire contribue à l’inflation », a affirmé un répondant3.
De plus, les sujets d’actualité auxquels les gens s’intéressent peuvent influer sur leur perception de l’inflation. Les consommateurs s’informent plus sur l’inflation qu’avant la pandémie de COVID‑19. Les entrevues de suivi montrent que les répondants ont tendance à se focaliser sur les nouvelles rapportant que l’inflation reste plus élevée qu’avant la pandémie, plutôt que sur celles indiquant qu’elle ralentit. Quand on lui a posé des questions sur l’économie et l’inflation, un des répondants a déclaré : « Tout ce que j’entends de mon entourage et des médias est assez décourageant. »
Les attentes d’inflation des consommateurs ne sont pas uniquement influencées par leur perception de l’inflation courante : des facteurs économiques entrent aussi en jeu. Quand on leur a demandé pourquoi ils pensaient que l’inflation allait être élevée, les participants ont surtout cité des facteurs nationaux, comme :
- les dépenses publiques et les politiques fiscales
- les pénuries de main-d’œuvre
- les entreprises qui ont augmenté leurs profits
Dans les entrevues de suivi, un répondant a dit : « C’est à cause des banques et du gouvernement que la vie est trop chère. Ils imposent des taxes sur des choses comme l’essence, et ça crée de l’inflation. »
De plus, les consommateurs doutent que la hausse des taux d’intérêt puisse faire baisser l’inflation. Même si la plupart d’entre eux comprennent que cette mesure vise à réduire l’inflation, moins de la moitié croient qu’elle fonctionnera (graphique 2). L’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation a reculé après avoir atteint un sommet en juin 2022. Malgré cela, l’opinion des consommateurs sur l’efficacité de la politique monétaire n’a guère évolué par rapport aux résultats moyens des enquêtes menées en 2022. Dans l’ensemble, les attentes d’inflation à long terme restent faibles et stables, mais les opinions sur l’évolution de l’inflation à l’horizon de cinq ans divergent plus que d’habitude. Depuis quelques trimestres, les répondants sont plus nombreux à anticiper une déflation dans cinq ans, surtout parce qu’ils pensent que la forte croissance des prix des dernières années finira par s’inverser.
Graphique 2 : La plupart des gens comprennent que la Banque a relevé les taux d’intérêt pour réduire l’inflation, mais moins de la moitié croient que cette mesure fonctionnera
Les effets des taux d’intérêt plus élevés se sont étendus et les consommateurs s’attendent à davantage de répercussions
La Banque ayant monté deux fois les taux d’intérêt depuis la dernière enquête, les ménages s’attendent maintenant à des taux plus élevés. Cette augmentation des anticipations, jumelée à la perception que l’inflation est obstinément forte, pousse les ménages à réduire leurs dépenses et à économiser davantage pour profiter de la vigueur des taux (graphique 3). Le coût de la vie en hausse demeure la plus grande préoccupation des consommateurs. Un répondant a ainsi déclaré : « On est moins impulsifs avec nos dépenses. Avant la pandémie, si on voulait quelque chose, on l’achetait. Maintenant, on commence par se demander si on en a besoin. »
Graphique 3 : La plupart des gens réduisent leurs dépenses pour se protéger contre l’inflation
En raison des taux d’intérêt plus élevés, il y a aussi plus de ménages que l’an passé qui pensent que leur situation financière a empiré (graphique 4). Cette impression reflète probablement en partie la vigueur des taux actuels et attendus. Les hausses de taux touchent la plupart des emprunteurs hypothécaires, en particulier ceux qui détiennent un prêt à taux variable. Dans une entrevue, un propriétaire de logement a dit : « On a renouvelé notre prêt hypothécaire à un taux plus élevé. On était préparés, parce qu’on savait que ça s’en venait, mais les plus gros versements mensuels nous obligent à diminuer nos dépenses non essentielles. »
De plus, les augmentations de taux d’intérêt accentuent la vulnérabilité financière de nombreux ménages. Les versements hypothécaires de la plupart des propriétaires atteignent presque ou dépassent le niveau maximum qu’ils peuvent supporter sans réduire considérablement leurs dépenses (graphique 5). Malgré la plus forte pression financière qu’ils subissent, la majorité des emprunteurs hypothécaires continuent de penser qu’ils pourront encore effectuer leurs versements après le renouvellement de leur prêt et estiment que la probabilité qu’ils se retrouvent en défaut de paiement est faible. Ce point de vue n’a pas changé par rapport au dernier trimestre.
Graphique 4 : Les taux d’intérêt plus élevés touchent davantage de répondants
Graphique 5 : Les versements hypothécaires de nombreux propriétaires atteignent presque ou dépassent le montant maximum qu’ils peuvent se permettre
Les taux d’intérêt plus élevés continuent également de modérer la demande de logements en faisant baisser la probabilité que les consommateurs achètent une résidence (graphique 6). Malgré cela, une grosse proportion de nouveaux arrivants (résidents non permanents et ceux qui sont arrivés au Canada au cours des cinq dernières années) ont l’intention d’acquérir leur première maison dans les 12 prochains mois. Beaucoup de nouveaux arrivants considèrent qu’être propriétaire de son logement est une marque de réussite. Cette source de demande, conjuguée à la réduction du nombre de personnes qui prévoient vendre leur maison, explique peut-être les attentes en hausse relativement à la croissance des prix des logements.
Graphique 6 : Les attentes relatives au marché du logement ont un peu baissé malgré la forte demande des nouveaux arrivants
De nombreux ménages pensent que les effets directs des hausses passées de taux d’intérêt sur leurs dépenses vont durer encore un bon moment (graphique 7). L’enquête sur les perspectives des entreprises menée par la Banque fait état de résultats similaires pour les entreprises canadiennes. De plus, les ménages qui s’attendent à ce que les hausses de taux aient davantage d’effets sont plus susceptibles de restreindre leurs dépenses.
Les taux d’intérêt plus élevés semblent avoir une incidence sur les achats importants. La plupart des ménages ne comptent pas acheter des biens qui seraient vraisemblablement financés par un prêt, en particulier un véhicule, des appareils ménagers ou des appareils électroniques (graphique 8). En outre, les réponses des consommateurs montrent qu’ils ont moins l’intention de faire de gros achats de biens et de services durant les six mois à venir par rapport aux six derniers mois. Dans une entrevue de suivi, un répondant a dit : « On est plus prudents qu’avant et on ne fait pas tout en même temps, mais on aime encore voyager et on ne va pas regarder à la dépense s’il y a quelque chose qu’on sait qu’on veut faire. »
Cependant, les ménages sont plus nombreux à prévoir des achats importants de services, comme des vacances ou des billets de concert, plutôt que de biens au cours des six prochains mois. Ces dépenses en services semblent fortement découler de la demande refoulée et de la disponibilité de ces services comparativement à l’an passé.
De manière générale, les taux d’intérêt plus élevés pèsent aussi sur la confiance des consommateurs. On le voit dans leurs attentes économiques, qui sont empreintes d’un plus grand pessimisme : 55 % d’entre eux anticipent maintenant une récession au cours de la prochaine année, contre 50 % au trimestre précédent. Ils associent habituellement une inflation et des taux d’intérêt élevés à une plus forte probabilité de ralentissement économique durant l’année à venir.
Graphique 7 : De nombreux consommateurs estiment que les effets des hausses de taux d’intérêt vont durer
Graphique 8 : Plus de consommateurs prévoient effectuer des achats importants de services plutôt que de biens
Les travailleurs restent confiants vis-à-vis du marché du travail, mais voient des signes de modération
Même si leurs perspectives pour l’économie se sont dégradées, les travailleurs considèrent encore que le marché du travail est vigoureux. Selon les réponses fournies, les probabilités qu’ils quittent volontairement leur emploi et soient capables de trouver un nouveau poste sont au-dessus de la normale. Cela dénote une confiance quant aux conditions du marché du travail supérieure à la moyenne (graphique 9)4.
Graphique 9 : Les travailleurs restent optimistes relativement à l’emploi, mais voient des signes de modération sur le marché du travail
Graphique 9 : Les travailleurs restent optimistes relativement à l’emploi, mais voient des signes de modération sur le marché du travail
Nota : Un déplacement vers le centre indique un plus faible niveau de confiance vis-à-vis du marché du travail. Chaque ligne représente un écart-type par rapport à la moyenne historique.
De plus, les attentes de croissance salariale ont encore un peu augmenté. Même si elles ont atteint un sommet inédit dans le cadre de cette enquête, ces attentes restent en dessous de 3 %. De multiples facteurs expliquent leur tendance à la hausse au cours des derniers trimestres, notamment :
- la confiance continue des travailleurs à l’égard du marché du travail
- des intentions plus généralisées parmi les travailleurs d’accroître leur revenu, entre autres en demandant des augmentations salariales, en réaction à la plus forte inflation et aux taux d’intérêt en hausse
En même temps, les réponses des consommateurs montrent des signes que le marché du travail pourrait se modérer :
- Par rapport à l’enquête du trimestre précédent, moins de répondants ont indiqué travailler plus d’heures qu’il y a 12 mois (graphique 10). Ceux qui effectuent moins d’heures que l’an passé ont souvent attribué la baisse au ralentissement de l’activité dans leur milieu de travail.
- D’après les réponses à l’enquête, la période moyenne de recherche d’emploi a augmenté de plus d’une semaine.
- Au cours des 12 derniers mois, l’enquête Internet quotidienne sur la confiance – une enquête expérimentale à haute fréquence menée en ligne par la Banque auprès de la population canadienne – a montré que les consommateurs ont graduellement revu à la baisse leurs attentes de croissance de l’emploi dans leur région5. Durant les deux derniers mois, et pour la première fois depuis la mi-2021, davantage de répondants anticipent une diminution plutôt qu’une augmentation de l’emploi.
Graphique 10 : La proportion de personnes ayant déclaré travailler plus d’heures que l’an passé a diminué
Notes
- 1. Les perceptions des consommateurs concernant l’inflation courante jouent un rôle important dans leurs attentes d’inflation. Voir N. Rai et P. Sabourin (2023), Why Consumers Disagree About Future Inflation, document d’analyse du personnel 2023-11, Banque du Canada.[←]
- 2. Pour en savoir plus, voir R. Keshishbanoosy, F. Tarkhani, A. Xu, C. Yélou, P. Sabourin et O. Kostyshyna (2022), « L’indice des prix à la consommation et les perceptions de l’inflation au Canada : Est-ce que les méthodes de mesure ou les comportements peuvent expliquer l’écart? », Série analytique des prix, no 62F0014M, Statistique Canada, 19 janvier.[←]
- 3. Le lien positif entre les taux d’intérêt et les attentes d’inflation est présenté dans M. Jain et O. Kostyshyna (à paraître), What Do People Think About Interest Rates and Inflation?, document de travail du personnel, Banque du Canada.[←]
- 4. Pour qu’on puisse comparer les résultats d’une question à l’autre, ceux-ci sont normalisés selon l’équation suivante : (résultat trimestriel - moyenne historique)/écart-type. Les mesures suivantes sont incluses : croissance salariale attendue dans les 12 prochains mois, probabilité de trouver un emploi dans les 3 prochains mois, probabilité de quitter un emploi dans les 12 prochains mois, probabilité de perdre un emploi dans les 12 prochains mois (effet négatif sur la confiance) et nombre de semaines de recherche d’emploi (effet négatif sur la confiance).[←]
- 5. L’enquête Internet quotidienne sur la confiance est menée conjointement par la Banque et RIWI, une société technologique internationale de suivi des tendances et de prévisions. Cette enquête en ligne vise à sonder l’opinion des consommateurs canadiens sur l’économie. Pour ce faire, RIWI sélectionne au hasard des personnes qui tentent de visiter des sites Web inactifs ou abandonnés, et qui choisissent ensuite de participer ou non à l’enquête. Les réponses anonymes recueillies sur des sujets comme les attentes vis-à-vis du marché du travail permettent d’obtenir en temps réel des signaux supplémentaires sur les perceptions des consommateurs canadiens. Cette enquête complète les autres outils de sondage et données auxquels recourt la Banque pour prendre ses décisions de politique monétaire.[←]
L’enquête sur les attentes des consommateurs au Canada recueille l’opinion des ménages au sujet de l’inflation, du marché du travail et de leur situation financière. Des précisions sur le questionnaire et les réponses obtenues sont présentées dans le site Web de la Banque du Canada. Les résultats de l’enquête constituent un condensé des opinions exprimées par les répondants et ne reflètent pas forcément le point de vue de la Banque du Canada.