Introduction

Bonjour tout le monde. C’est un réel plaisir d’être parmi vous aujourd’hui.

Tout d’abord, je tiens à souligner que nous sommes réunis sur le territoire des Premières Nations, des Inuits et des Métis – plus particulièrement sur le territoire traditionnel non cédé de la nation mohawk. Samedi marquait la troisième Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. Cette journée spéciale vient renforcer l’importance de rendre hommage aux peuples autochtones de tout le Canada, ainsi qu’à leurs ancêtres, pour leur contribution inestimable à notre pays.

Plusieurs d’entre vous le savez déjà, mais c’est mon premier discours public depuis que je suis devenu sous-gouverneur au début de l’année. Et c’est tout un honneur de le donner dans ma province natale, entouré de visages familiers. Grâce à vous, je me sens un peu moins comme le petit nouveau à son premier jour d’école! Donc, merci d’être là, et un merci particulier à la Chambre de commerce du Montréal métropolitain d’avoir organisé cet événement.

Mon poste est nouveau à la Banque du Canada. Aux côtés du gouverneur et de quatre autres sous-gouverneurs, je fais partie du Conseil de direction, qui décide des politiques de la Banque.

Par contre, comme je suis à temps partiel, je ne m’occupe pas d’un département ni des questions administratives en général. Mais ce qui me distingue le plus, c’est que mon poste est externe. L’idée était d’aller chercher une personne avec un regard neuf, qui ne vient pas du milieu des politiques publiques.

Aujourd’hui, j’ai décidé de profiter de l’occasion pour échanger avec vous à propos de la détermination des prix par les entreprises. C’est un sujet important pour la politique monétaire, surtout en période de forte inflation. Mais c’est aussi une fenêtre sur qui je suis en tant qu’économiste et chercheur.

Si vous me connaissez, vous savez que ce qui me passionne, c’est la vue du haut des airs, à 10 000 pieds d’altitude. C’est ça qui, à la base, m’a amené à faire de la macroéconomie. Mais comme chercheur, j’ai toujours été naturellement fasciné par le côté « micro » du « macro ». En fait, les deux sont intimement liés, parce qu’au fond, la perspective « macro » n’est vraiment que le produit des interactions complexes au niveau « micro » entre les acteurs économiques.

Dans mes recherches, j’ai souvent exploré comment les décisions individuelles des ménages et des entreprises pouvaient aider à mieux comprendre les phénomènes macroéconomiques, comme l’inflation. La recherche de cet équilibre entre le « micro » et le « macro » est au cœur de mon exposé d’aujourd’hui sur la relation entre l’inflation et la façon dont les entreprises établissent leurs prix.

J’ai choisi ce sujet pour plusieurs raisons. Premièrement, la Banque en parle beaucoup depuis un certain temps. C’est d’ailleurs parmi les facteurs qu’on surveille et qui doivent retourner à la normale pour que l’inflation puisse revenir à la cible de 2 %.

Deuxièmement, c’est un sujet que je connais bien étant donné mon domaine de recherche.

Mais ce qui a vraiment guidé mon choix, c’est qu’il s’agit d’un enjeu bien concret pour beaucoup d’entre vous, une décision clé dans le fonctionnement d’une entreprise. D’ailleurs, j’espère avoir l’occasion d’entendre votre perspective sur le sujet tout à l’heure.

Les économistes en connaissent déjà pas mal sur l’inflation. Et les banques centrales ont réussi à la garder très basse pendant plusieurs décennies. Mais mes premiers mois à la Banque m’ont rappelé qu’il nous en reste encore beaucoup à apprendre. Les deux dernières années nous l’ont montré de manière frappante. Elles ont fait ressortir l’importance de rester humbles et de miser sur le jugement et l’expérience de ceux qui nous entourent, comme vous ici présents, surtout quand certains de nos modèles ne fonctionnent pas aussi bien que d’habitude.

Mais avant de plonger dans le vif du sujet, prenons quelques minutes pour faire le point sur la situation de l’inflation au pays.

Progrès et défis dans notre lutte récente contre l’inflation

À ce stade-ci, vous connaissez probablement bien l’histoire derrière la montée de l’inflation. Les perturbations causées par la pandémie – et d’autres facteurs, comme la guerre en Ukraine – ont créé un énorme déséquilibre entre l’offre et la demande. Ça s’est traduit par des pressions exceptionnelles sur les coûts et les prix, autant ici qu’ailleurs dans le monde.

Afin de modérer la demande et de rétablir la stabilité des prix, la Banque est intervenue de manière décisive en procédant à une série de hausses du taux directeur. Résultat : l’inflation est descendue aux alentours de 3 % cet été après avoir atteint un sommet de 8,1 % l’an dernier. Elle est toutefois remontée près de 4 % dernièrement, portée entre autres par une remontée des prix de l’énergie.

Malgré tout, et il faut le dire avec humilité, l’inflation a baissé moins vite que prévu depuis un an, et sa persistance a déjoué beaucoup d’attentes1. Parce que même si nos modèles nous aident en partie à comprendre l’inflation élevée qu’on a connue ces deux dernières années, ils ne disent pas tout.

Selon ce qu’on sait des causes habituelles de l’inflation, on peut voir que plusieurs facteurs expliquent pourquoi elle a été aussi tenace récemment.

Ensemble, les perturbations de l’approvisionnement mondial et la montée des prix des produits de base ont fait grimper les frais de transport et les coûts de nombreux biens. En même temps, la solidité du marché du travail et l’épargne accumulée durant la pandémie ont stimulé la consommation. On s’est alors retrouvés face à ce que les économistes appellent une situation de demande excédentaire. C’est-à-dire que la demande a dépassé l’offre, ce qui a poussé les prix et les salaires à la hausse.

Ces explications permettent de comprendre pourquoi l’inflation a été aussi élevée récemment. Mais seulement en partie. Afin de vraiment saisir pourquoi elle ne baisse pas aussi rapidement qu’on s’y attendrait, il faut considérer d’autres facteurs. Des études et analyses récentes de la Banque nous ont permis de mettre en lumière certains d’entre eux.

Plus particulièrement, prenons les enquêtes que la Banque mène sur une base régulière auprès des entreprises. Vers la fin des confinements, celles-ci ont commencé à nous dire qu’elles avaient considérablement changé leur façon d’établir leurs prix. À cause de la forte demande et de leurs coûts plus élevés, elles nous ont dit qu’elles augmentaient désormais leurs prix de façon plus substantielle et plus fréquente que la normale. On pense que cette réaction des entreprises – ici et à l’étranger – est intimement liée à la forte inflation durant cette période.

C’est sur cette réaction que je veux me concentrer aujourd’hui. La réalité est que malgré les progrès récents, l’inflation est toujours au-dessus de la cible. Et c’est en comprenant mieux comment on en est arrivés là qu’on pourra assurer la stabilité des prix dans l’avenir.

Comprendre comment les prix sont établis

En général, on présume que les prix sont déterminés par la dynamique offre-demande. Mais derrière ce principe d’économie 101, se cachent des détails et subtilités qui s’avèrent essentiels. Entre autres, les économistes ont appris à travers leurs recherches que le processus de détermination des prix était un élément fondamental pour comprendre l’inflation. Examinons pourquoi.

Les décisions de prix sont parmi les plus importantes que les entreprises doivent prendre. Quand on leur parle, elles mentionnent plusieurs facteurs qui influencent ces décisions. Il y a évidemment les coûts des intrants et de la main-d’œuvre. Il y a aussi les facteurs de demande, comme le montant que les clients sont prêts à payer. Et enfin, il y a la concurrence – soit l’offre et les prix des compétiteurs.

Ces facteurs peuvent interagir de façon complexe. Par exemple, imaginez que vous fabriquez un bien intermédiaire dont le coût des matériaux vient d’augmenter. Votre compétiteur décide de monter ses prix pour préserver sa marge bénéficiaire, se disant que la demande est forte et que vous n’avez de toute façon pas la capacité d’accroître votre production. On peut penser que d’autres entreprises vont suivre son exemple et ainsi créer un effet d’entraînement sur toute la chaîne d’approvisionnement. Tout ça va, en fin de compte, venir alimenter l’inflation.

Mais même en temps normal et en l’absence de grands bouleversements macroéconomiques, le contexte d’affaires est toujours en mouvement. Malgré cela, les prix ont une certaine « rigidité ». C’est-à-dire que la plupart des entreprises ne les ajustent pas chaque fois qu’il y a un changement dans leurs coûts, leur demande ou leur concurrence. La fréquence des ajustements peut toutefois varier beaucoup d’une entreprise à l’autre. Certaines entreprises, comme les stations-service, peuvent changer leurs prix plusieurs fois par jour, alors que d’autres gardent les leurs inchangés pendant plusieurs années. En général, on observe que les prix ont tendance à changer plus souvent dans le secteur du détail que dans celui des services.

Mais pourquoi la plupart des entreprises ne changent-elles pas leurs prix plus souvent? Parce que c’est un processus complexe et coûteux. Pour commencer, elles doivent recueillir et analyser les données sur les coûts des intrants, la demande des clients et les prix de la concurrence. Ensuite, elles doivent déterminer le prix optimal, l’appliquer et le communiquer. Tout ça coûte bien plus cher en ressources que le simple fait de changer le prix affiché.

Un autre aspect à considérer, c’est que changer les prix crée de l’incertitude. En le faisant trop souvent, on risque de se mettre à dos la clientèle. Pour résumer, même quand le contexte commercial justifie une hausse de prix – par exemple quand le coût des intrants augmente – une entreprise doit évaluer les avantages et les risques que ça comporte.

Les modèles typiquement utilisés par les économistes tiennent compte de ces considérations et se basent sur l’hypothèse que les prix sont rigides. Toutefois, pour rendre ces modèles plus faciles à utiliser, on présume généralement que les entreprises ne choisissent pas le moment auquel elles ajustent leurs prix. En d’autres mots, dans beaucoup de modèles macroéconomiques, la proportion des prix qui changent d’un mois à l’autre demeure constante.

Ces hypothèses fonctionnent plutôt bien quand l’inflation est basse et stable, mais dans un contexte volatil où les coûts montent vite et la demande est robuste, l’analyse coûts-bénéfices d’un changement de prix n’est plus la même. On peut alors s’attendre à des ajustements plus substantiels et plus fréquents.

Cela pourrait expliquer en partie pourquoi nos modèles ont eu de la difficulté à cerner les effets récents des déséquilibres entre l’offre et la demande sur l’inflation. En effet, les principaux modèles utilisés par les banques centrales ne sont pas conçus pour prendre en compte des changements dans les pratiques des entreprises.

Je vous propose maintenant qu’on examine de plus près la façon dont les entreprises ont décidé des prix ces dernières années.

Pratiques récentes d’établissement des prix

Pour mesurer la fréquence et l’ampleur des ajustements de prix, on peut en pratique se baser sur les données extrêmement détaillées qui servent à calculer l’indice des prix à la consommation (IPC). Malheureusement, ces données peuvent être difficiles à obtenir. À la Banque, les économistes ont tout récemment commencé à analyser les microdonnées de l’IPC provenant de Statistique Canada pour mieux comprendre les tendances d’établissement des prix. On attend les premiers résultats d’ici quelques mois.

Entre-temps, on peut tirer des leçons de l’expérience d’autres pays. Le graphique 1 montre qu’au Royaume-Uni, quand la pandémie a frappé au début de 2020, la proportion des prix qui ont été majorés ou réduits a augmenté de manière significative. Dans quelques secteurs, comme le transport aérien et la restauration, l’écroulement de la demande a fait baisser les prix. Au même moment, certains produits, comme les vélos et les matériaux de construction, ont vu leur demande grimper en flèche. Enfin, dans d’autres secteurs, les problèmes d’approvisionnement et les ruptures de stock ont fait exploser les prix2.

Toujours dans le graphique 1, regardons ce qui s’est passé au moment de la reprise. En même temps que l’inflation montait en 2022, les produits dont le prix a augmenté se sont fortement multipliés, et ceux dont le prix a baissé sont devenus plus rares.

Le graphique 2 montre que ce phénomène n’était pas propre au Royaume-Uni. Les entreprises américaines aussi ont augmenté leurs prix plus souvent depuis la pandémie, surtout à partir du milieu de 2021. Et les données montrent une situation semblable dans d’autres pays3. Ça rejoint ce que j’ai expliqué plus tôt, c’est-à-dire que face à des hausses de coûts exceptionnelles, à une demande en plein essor et à des problèmes d’approvisionnement, les entreprises se sont adaptées en montant leurs prix plus souvent.

On peut donc voir que l’hypothèse traditionnelle – soit que la fréquence des ajustements de prix reste constante – ne s’applique pas en période d’inflation plus volatile, comme depuis 2020. Et dans nos modèles, quand on augmente la fréquence des ajustements de prix, l’inflation devient plus sensible aux variations de coûts.

Même si la Banque travaille encore à analyser les microdonnées de l’IPC pour le Canada, nous avons d’autres moyens d’évaluer l’évolution des pratiques d’établissement des prix. Entre autres, les enquêtes dont j’ai parlé plus tôt nous donnent une indication de la perspective des entreprises sur le sujet.

Durant la reprise postpandémie, les entreprises ont commencé à nous dire que leurs coûts augmentaient rapidement et que la demande à l’égard de leurs produits et services était élevée4. Quant aux clients, ils avaient peu de choix puisque l’offre était restreinte dans de nombreux secteurs. Les entreprises nous ont aussi indiqué que leurs clients, qui étaient conscients des pressions généralisées sur les coûts, semblaient moins réticents que d’habitude à payer plus cher. Face à cette nouvelle réalité, les entreprises ont réagi par des augmentations de prix plus fortes et plus fréquentes que d’habitude.

C’est exactement ce qu’on peut voir dans le graphique 3 : les entreprises canadiennes continuent de s’attendre à faire des ajustements de prix plus importants et plus fréquents qu’avant la pandémie. Et si leurs pratiques semblent revenir à la normale depuis le début de l’année, il faut avouer que les progrès demeurent limités5. Mais quand même, les entreprises nous parlent aujourd’hui moins de surchauffe de la demande et semblent recommencer à prêter une attention particulière aux prix de la concurrence. Et bien que les coûts restent un enjeu important, elles sont de moins en moins nombreuses à nous dire que c’est leur première préoccupation. Cela dit, il reste encore beaucoup de chemin à faire avant qu’elles retournent à leurs pratiques d’avant la pandémie6.

En plus de nos enquêtes, notre personnel analyse aussi le vocabulaire utilisé dans les présentations de résultats financiers des sociétés. Même si ces présentations n’exposent pas directement la stratégie d’ajustement de prix des entreprises, elles aident à mieux comprendre la situation récente. Dans le graphique 4, on voit que le nombre de mentions de hausses de prix a légèrement baissé durant la première année de la pandémie. Il a ensuite rebondi et atteint un sommet quand l’inflation a culminé au deuxième trimestre de 2022. Depuis, les mentions de hausses de prix, de pressions sur les coûts et de forte demande ont significativement diminué, ce qui pourrait être un signe que les pratiques vont se normaliser davantage à mesure que la demande va faiblir.

Il faut toutefois souligner que les mentions de coûts plus élevés pour les intrants, la main-d’œuvre et le financement restent plus nombreuses qu’avant la pandémie. On y voit un risque inflationniste.

Un autre risque est que les pratiques inhabituelles récentes puissent s’enraciner. C’est-à-dire qu’on pourrait continuer de voir des ajustements de prix plus substantiels et plus fréquents qu’avant, malgré la disparition de beaucoup des facteurs dont j’ai parlé. Ceci pourrait découler de changements permanents apportés aux stratégies de prix des entreprises pour suivre l’évolution des technologies ou de leur industrie. Par exemple, les étiquettes électroniques que vous voyez à l’épicerie permettent de changer plus souvent les prix à moindre coût. Mentionnons aussi que la consolidation de certains secteurs pourrait réduire les pressions concurrentielles qui limitent les hausses de prix.

Mais le plus grand risque est peut-être que les pratiques récentes s’alimentent d’elles-mêmes. Par exemple, si vous vous attendez à ce que vos fournisseurs et vos compétiteurs changent fréquemment leur prix, comme c’était le cas récemment, vous serez peut-être plus portés à le faire aussi, ce qui créerait un cercle vicieux. Dans certaines conditions, les prix pourraient ainsi devenir encore plus sensibles aux chocs. Autrement dit, si les pratiques récentes devenaient la norme, cela pourrait compliquer le retour de l’inflation à un niveau bas, stable et prévisible7.

Laissons cette possibilité de côté un instant pour revenir aux récents défis que les entreprises ont connus, soit les problèmes d’approvisionnement, la montée des prix des produits de base et les hausses salariales. Étant donné le contexte actuel où l’inflation est plus élevée et plus volatile, je pense qu’il est légitime de se demander dans quelle mesure les prix de vente reflètent les hausses de coûts des entreprises.

Il s’agit en fait d’une question difficile à étudier en économie. Et la réponse varie probablement d’un secteur et d’une entreprise à l’autre. Par exemple, du côté des détaillants alimentaires, on voit dans le graphique 5 que les prix ont monté à peu près au même rythme que les coûts ces dernières années, y compris quand l’inflation était élevée. Sur la base de cette analyse, les augmentations de coûts étaient donc entièrement transmises aux prix. Selon nos enquêtes, le contexte commercial postpandémique semblait généralement propice à ce que les hausses de coûts soient davantage répercutées sur les prix.

De manière plus générale, les travaux de recherche menés récemment par la Banque donnent à penser que les marges bénéficiaires sont demeurées assez stables dans la plupart des secteurs canadiens depuis le début de 20228,9. Bref, les hausses de prix ont suivi de près les hausses de coûts. Cela dit, même si les marges bénéficiaires n’ont pas augmenté, ce sont les consommateurs qui récoltent la facture au bout du compte.

Il reste maintenant à voir si les baisses récentes des coûts de certains intrants vont être répercutées sur les prix aussi rapidement et pleinement que les hausses des deux dernières années.

Conclusion

Permettez-moi de conclure. Aujourd’hui, j’ai profité de l’occasion d’être parmi vous pour mettre en lumière l’évolution récente des pratiques d’établissement des prix des entreprises. On a pu constater que la montée de l’inflation a coïncidé avec une augmentation de l’ampleur et de la fréquence des ajustements de prix. Ces ajustements semblent avoir permis aux entreprises de répercuter leurs hausses de coûts sur leurs prix de vente. Et même si les pratiques des entreprises tendent à revenir à ce qu’elles étaient avant la pandémie, la partie n’est pas encore gagnée.

Il ne faut pas sous-estimer la portée de ces découvertes. Elles nous forcent à revoir certaines hypothèses de nos modèles économiques, mais aussi à remettre en question la relation entre l’inflation et ses déterminants.

Comme je l’ai dit plus tôt, l’expérience des deux dernières années a obligé les décideurs à faire preuve d’humilité et à reconnaître qu’il nous reste encore beaucoup à apprendre. Il faut continuer d’intégrer de nouvelles sources de données et d’améliorer nos modèles pour qu’ils reflètent mieux ce qui se passe dans la réalité. Ces efforts pourraient avoir une grande incidence sur notre compréhension de l’inflation.

En juillet, on a dit qu’on s’attendait à ce que l’inflation revienne à la cible de 2 % d’ici le milieu de 2025, à mesure que la demande excédentaire se dissiperait et que les conditions du marché du travail s’assoupliraient. On aura l’occasion de présenter une mise à jour de nos projections le 25 octobre, mais il est clair qu’on ne peut pas encore crier victoire. Il y a encore beaucoup d’incertitude entourant les perspectives économiques. Et la persistance de l’inflation fondamentale reste préoccupante, parce qu’elle pourrait compliquer le retour à la stabilité des prix.

Bien sûr, la Banque surveille la situation de près. Les taux d’intérêt plus élevés contribuent à rééquilibrer l’offre et la demande, et donc à faire baisser l’inflation. Et le retour à la cible de 2 %, qui est au cœur de notre mandat, comporte plusieurs avantages. D’abord, une inflation basse stimule les forces concurrentielles dans l’économie. Les changements de prix se font alors plus remarquer, et les entreprises deviennent plus hésitantes à répercuter leurs hausses de coûts sur leur clientèle.

Mais surtout, lorsque l’inflation est basse, stable et prévisible, on n’a juste pas besoin d’y penser constamment. Les ménages et les entreprises peuvent alors planifier et investir en toute confiance.

Pour toutes ces raisons, on se doit garder le cap sur la cible de 2 %.

Merci beaucoup.

Je tiens à remercier Marc-André Gosselin, Brigitte Desroches et Joshua Slive de leur aide dans la préparation de ce discours.

Information connexe

3 octobre 2023

Comment la détermination des prix agit sur l’inflation

Sommaire du discours Nicolas Vincent Chambre de commerce du Montréal métropolitain Montréal (Québec)
Le sous-gouverneur Nicolas Vincent parle des pratiques d’établissement des prix des entreprises, de leur évolution durant la pandémie et des raisons pour lesquelles elles demeurent un risque pour l’inflation.
3 octobre 2023

Discours : Chambre de commerce du Montréal métropolitain

Les pratiques d’établissement des prix et la politique monétaire — Le sous-gouverneur non dirigeant externe Nicolas Vincent prononce un discours devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. (vers 8 h 40, heure de l’Est).

  1. 1. Pour en savoir plus, voir Banque du Canada (2023), « Encadré 2 : Révision des perspectives en matière d’inflation et d’activité économique », Rapport sur la politique monétaire, juillet, p. 15 et 16.[]
  2. 2. A. Cavallo et O. Kryvtsov (2021), What Can Stockouts Tell Us About Inflation? Evidence from Online Micro Data, document de travail du personnel 2021-52, Banque du Canada.[]
  3. 3. R. Morris et R. de Vincent-Humphreys (2019), « Price-setting behaviour: insights from a survey of large firms », Bulletin économique, no 7, Banque centrale européenne.[]
  4. 4. J. Fudurich et J. Voll (2023), Firms’ inflation expectations and price-setting behaviour in Canada: Evidence from a business survey, note analytique du personnel 2023-3, Banque du Canada.[]
  5. 5. Information tirée des enquêtes Le Pouls des entrepreneurs, qui sont menées fréquemment.[]
  6. 6. Banque du Canada (2023). Enquête sur les perspectives des entreprises – Deuxième trimestre de 2023.[]
  7. 7. Dans son discours sur les avantages d’une inflation basse et stable, Paul Beaudry, sous-gouverneur à l’époque, a expliqué comment les pratiques d’établissement des prix créent un effet de rétroaction. Voir P. Beaudry (2023), Sans l’ombre d’un doute : pourquoi la Banque est déterminée à ramener l’inflation à 2 %, discours prononcé devant l’École de commerce de l’Université de l’Alberta, Edmonton, 16 février.[]
  8. 8. P. Bouras, C. Bustamante, X. Guo et J. Short (2023). The contribution of firm profits to the recent rise in inflation, note analytique du personnel 2023-12, Banque du Canada.[]
  9. 9. O. Bilyk, T. Grieder et M. Khan (2023). Markups and inflation during the COVID-19 pandemic, note analytique du personnel 2023-8, Banque du Canada.[]