Le résumé qui suit rend compte des délibérations du Conseil de direction de la Banque du Canada ayant mené à la décision de politique monétaire annoncée le 7 juin 2023.

Il reflète les discussions et les délibérations qu’ont tenues les membres du Conseil de direction à la troisième étape du processus entourant les décisions de politique monétaire, soit après avoir reçu toutes les informations et recommandations pertinentes du personnel.

Les réunions concernées ont débuté le vendredi 2 juin. Étaient présents le gouverneur Tiff Macklem (qui a présidé les réunions), la première sous-gouverneure Carolyn Rogers, le sous-gouverneur Paul Beaudry, le sous-gouverneur Toni Gravelle, la sous-gouverneure Sharon Kozicki et le sous-gouverneur Nicolas Vincent.

Économie internationale

Le Conseil de direction (le Conseil) a entamé ses discussions en faisant le point sur l’évolution récente de l’économie mondiale. Dans l’ensemble, la croissance mondiale avait évolué conformément à la projection du Rapport sur la politique monétaire d’avril, et les hausses de taux d’intérêt pesaient sur la croissance dans la plupart des régions.

Tant aux États-Unis que dans la zone euro, la croissance économique ralentissait, et l’inflation globale baissait à mesure que les prix de l’énergie descendaient. Toutefois, l’inflation fondamentale des deux régions ne reculait que peu, voire pas du tout.

Le Conseil a discuté de certains thèmes communs à toutes les économies avancées – notamment les tensions sur le marché du travail, la lente baisse de l’inflation fondamentale, et l’étonnante résilience des dépenses de consommation en Amérique du Nord. Ces situations sont survenues malgré le resserrement rapide et prononcé de la politique monétaire opéré par les banques centrales au cours de la dernière année.

Les membres du Conseil ont passé en revue les discussions qu’ils avaient eues en avril sur les tensions dans le secteur bancaire aux États-Unis et en Europe. Les membres ont convenu qu’il y avait toujours un risque que des tensions resurgissent ou deviennent plus vives, mais que la probabilité qu’il se concrétise avait baissé. Comme une entente sur le plafond de la dette avait été approuvée et que les tensions dans le secteur bancaire s’étaient estompées, les marchés avaient porté de nouveau leur attention sur les principales évolutions macroéconomiques, l’inflation et la politique monétaire.

L’économie chinoise a rebondi au premier trimestre après la levée des restrictions sanitaires. Sa croissance était toutefois tirée par la consommation de services et les investissements publics. La consommation de biens, les exportations et les investissements des entreprises ont quant à eux été relativement moins forts. Si cette combinaison de facteurs devait se maintenir, la croissance en Chine serait moins tributaire des produits de base, ce qui limiterait la croissance de la demande mondiale pour ces produits.

Le Conseil a noté que l’indice des prix des produits de base de la Banque avait baissé d’environ 10 % depuis la publication du Rapport d’avril, surtout en raison de la diminution des prix du pétrole. Enfin, les conditions financières mondiales s’étaient resserrées au point de revenir plus ou moins à ce qu’elles étaient avant les tensions dans le secteur bancaire survenues en mars.

Économie canadienne et perspectives d’inflation au pays

Les membres du Conseil ont entamé leurs discussions sur l’économie canadienne en revoyant leurs délibérations ayant mené à la décision précédente, soit celle d’avril. À ce moment-là, ils avaient laissé le taux directeur inchangé à 4½ %, mais se demandaient si la politique monétaire était assez restrictive pour ramener durablement l’inflation à la cible de 2 %. Ils ont abordé plusieurs des points de préoccupation soulevés alors :

  • La résilience de la croissance économique et la persistance de l’inflation fondamentale élevée.
  • La possibilité que les mesures de l’inflation sous-jacente soient rigides et que la baisse de l’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC) global stagne.
  • La nécessité d’avoir une approche prospective et de ne pas attendre trop longtemps pour s’assurer que la politique monétaire est assez restrictive.

Dans ce contexte, le Conseil a examiné les données publiées depuis le Rapport d’avril, plus particulièrement celles sur :

  • les comptes nationaux pour le premier trimestre ainsi que des données plus récentes, notamment celles sur le logement
  • l’IPC de mars et d’avril
  • l’évolution du marché du travail

La croissance du produit intérieur brut (PIB) au premier trimestre s’était chiffrée à 3,1 %, soit un niveau au-dessus des 2,3 % que la Banque prévoyait. La croissance de la consommation avait été étonnamment forte : elle s’était établie à 5,8 %, stimulée non seulement par les services, mais aussi par les biens sensibles aux taux d’intérêt, comme les automobiles, l’ameublement et d’autres articles ménagers. Même après avoir tenu compte de l’importante croissance démographique, le Conseil a convenu que la consommation au pays s’avérait plus forte et généralisée que prévu. La croissance des exportations et des investissements des entreprises avait aussi été solide, tandis que les investissements résidentiels et les investissements en stocks avaient encore une fois pesé considérablement sur la croissance. Les dépenses publiques avaient augmenté, mais un peu moins qu’escompté.

Le Conseil s’est entendu pour dire que l’économie continuait manifestement d’afficher une demande excédentaire et qu’il faudra probablement plus de temps que prévu avant que l’offre et la demande se rééquilibrent. Des données plus récentes, en particulier celles indiquant une hausse des reventes de logement, laissaient supposer que la demande dans le secteur des ménages était sur une nouvelle lancée. Le Conseil considérait donc que la croissance au deuxième trimestre serait probablement plus forte que ce qui était postulé dans le Rapport d’avril.

Les membres du Conseil voyaient encore les conditions du marché du travail comme tendues. Ils ont toutefois constaté qu’elles présentaient certains signes de détente, puisque la croissance de l’emploi et le nombre de postes vacants s’étaient modérés par rapport aux niveaux très élevés qu’ils avaient atteints précédemment. En avril, 41 000 emplois ont été créés – un chiffre à peu près en phase avec la croissance démographique. La hausse de l’immigration a entraîné une offre accrue de main-d’œuvre. Cela dit, les employeurs n’ont pas tardé à recruter les nouveaux travailleurs, ce qui est une preuve que la forte demande de main-d’œuvre s’était maintenue. Par conséquent, le taux de chômage était demeuré proche des creux historiques.

Dans cette optique, certaines mesures de la croissance des salaires présentaient des signes de détente et la dispersion de plusieurs mesures s’était accrue. La croissance des salaires demeurait toutefois forte dans différents secteurs et se maintenait au-dessus des taux qui permettraient d’atteindre la cible d’inflation de 2 % sans hausse substantielle de la productivité. Le Conseil a dit craindre que la productivité était en fait en train de baisser.

Le Conseil a revisité l’évolution de l’inflation au cours des mois précédents et discuté des tendances ressortant des données de l’IPC :

  • L’inflation globale avait légèrement augmenté, étant passée de 4,3 % en mars à 4,4 % en avril, et était généralisée. Le Conseil s’était attendu à ce que l’inflation continue de baisser. C’était la première hausse en dix mois.
  • L’inflation sur un an dans le secteur des biens, excluant les aliments et l’énergie, avait aussi monté en avril, la première hausse depuis septembre La croissance des prix des aliments avait ralenti un peu, mais restait beaucoup trop élevée.
  • Dans le contexte des derniers mois, le Conseil s’est dit préoccupé par le fait que, bien que les mesures de l’inflation fondamentale sur un an aient continué de diminuer, celles sur trois mois ne suivaient pas une tendance à la baisse et avaient quelque peu augmenté en avril.
  • Les prix de revente des logements – qui alimentent l’IPC avec un mois de décalage – avaient augmenté durant trois mois consécutifs.

Étant donné les diminutions des prix de l’énergie et les effets de glissement annuel importants associés aux prix de certains biens, le Conseil s’attendait encore à ce que l’inflation descende à environ 3 % cet été. Cependant, les tendances des données de l’inflation fondamentale ont soulevé des doutes quant à l’ampleur et la durée de la désinflation en cours, et avivé les craintes que l’inflation reste coincée nettement au-dessus de la cible de 2 %.

Considérations pour la politique monétaire

Les membres du Conseil ont réfléchi aux préoccupations qu’ils avaient exposées durant leurs délibérations d’avril. Ils se sont aussi demandé si l’accumulation de données indiquait maintenant que la politique monétaire n’était pas assez restrictive pour rééquilibrer l’offre et la demande, et ramener l’inflation durablement à la cible de 2 %.

Malgré les taux d’intérêt plus élevés, la demande des consommateurs s’est avérée plus robuste que ce que prévoyait le Conseil. Les données des comptes nationaux pour le premier trimestre – qui témoignent d’une très forte croissance de la consommation – le montrent bien, de même que les récentes hausses des reventes et des prix dans le secteur du logement.

Les membres du Conseil ont exploré plusieurs explications possibles pour la vigueur des dépenses des ménages :

  • Puisque les taux d’intérêt réels ne sont devenus restrictifs que récemment – malgré les hausses importantes du taux directeur de la Banque au cours de la dernière année –, l’incidence du resserrement passé de la politique monétaire doit encore se faire pleinement sentir.
  • Le décalage dans la transmission de la politique monétaire pourrait être plus long qu’à l’habitude en raison de la demande refoulée de services et de l’amélioration des chaînes d’approvisionnement de biens. Lorsque ces forces opposées s’atténueront, les pleins effets des taux d’intérêt plus élevés devraient se faire sentir.
  • Le surplus d’épargne et le marché du travail tendu neutralisaient une partie de l’incidence des hausses de taux. Les membres ont mentionné que l’inflation dans le secteur des services restait élevée et le marché du travail, tendu.
  • La forte croissance démographique et les facteurs de désaisonnalisation peuvent aussi jouer un rôle dans la vigueur des dépenses.

Même s’il était impossible de déterminer quelle explication l’emportait, les membres ont estimé que – compte tenu de la reprise de la croissance des dépenses des ménages, du regain de confiance des consommateurs et du ralentissement de la désinflation – la politique monétaire ne semblait pas assez restrictive.

Le Conseil a convenu que les nouveaux renseignements sur l’évolution des attentes d’inflation ou des pratiques de fixation des prix des entreprises étaient limités.

Il a indiqué qu’il continuait à s’attendre à ce que les prix plus bas de l’énergie et les effets de glissement annuel contribueraient à faire descendre l’inflation à environ 3 % cet été. Cependant, tous les membres étaient d’avis qu’une vaste gamme d’indicateurs avaient accentué leur impression que la dynamique désinflationniste nécessaire pour ramener l’inflation à la cible de 2 % perdait peut-être de sa force. Le Conseil craignait en avril que la deuxième phase de la désinflation soit plus difficile, et les données publiées depuis avaient fait basculer à la hausse l’équilibre des risques pesant sur les perspectives d’inflation.

La décision de politique monétaire

Les membres du Conseil ont ainsi convenu qu’une autre hausse du taux directeur s’imposait. Au moment de la décision d’avril, ils avaient d’ailleurs sérieusement envisagé d’augmenter le taux. Et lors de la décision de juin, l’accumulation de données depuis janvier était suffisante pour convaincre le Conseil que la politique monétaire devait être plus restrictive pour rééquilibrer l’offre et la demande, et ramener l’inflation à la cible de 2 %.

Les membres se sont ensuite demandé s’il était approprié de relever le taux directeur à ce moment, ou s’il vaudrait mieux attendre et indiquer qu’une hausse était probable au mois de juillet. Ils ont débattu des mérites de ces deux options.

D’une part, d’autres données publiées au cours du mois suivant, notamment sur l’inflation et le marché du travail, pourraient appuyer (ou non) la nécessité de relever le taux. La décision de donner des indications et d’attendre aurait apporté au Conseil une plus grande certitude qu’il fallait une politique plus restrictive.

D’autre part, les membres estimaient que l’accumulation de données était suffisante pour les convaincre qu’une politique monétaire plus restrictive était requise. Ainsi, il était préférable de faire le nécessaire et de continuer à évaluer l’évolution de l’économie afin de guider les mesures à prendre à l’avenir.

Le Conseil a convenu d’augmenter le taux cible du financement à un jour pour le faire passer à 4¾ %, et d’évaluer la nécessité de procéder à d’autres hausses de taux directeur sur la base des nouvelles données qui seront disponibles. Les membres ont également discuté du programme de resserrement quantitatif de la Banque et se sont mis d’accord pour poursuivre la politique en vigueur consistant à normaliser le bilan en ne remplaçant pas les obligations arrivant à échéance.

Le Conseil est conscient de l’importance de communiquer clairement les facteurs qu’il évaluera à l’approche de ses futures décisions. Cela permet à la Banque et aux participants au marché d’analyser les nouvelles données et leurs implications pour la croissance économique et l’inflation.

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