Dans un discours prononcé au lendemain de l’augmentation des taux d’intérêt, le sous-gouverneur récapitule les points considérés par le Conseil de direction dans sa décision. Il indique également en quoi les taux d’intérêt à long terme pourraient rester plus élevés qu’ils ne l’étaient avant la pandémie de COVID-19.
Hausse de 25 points de base du taux directeur
Le Conseil de direction a décidé de relever le taux directeur à 4,75 %, la première hausse depuis janvier.
Cette décision est fondée sur une accumulation de données qui laissent croire que la demande excédentaire au pays est plus persistante que prévu, ce qui accroît le risque que l’inflation reste coincée au-dessus de la cible de 2 %.
Plus précisément, cette persistance des pressions inflationnistes dans l’économie canadienne se manifeste par une forte demande de biens et services, des tensions sur le marché du travail et des signes de rebond sur le marché du logement.
Nous sommes conscients que ce cycle de resserrement a été éprouvant pour bon nombre de Canadiennes et de Canadiens. Mais l’autre option – ne rien faire pour maîtriser l’inflation – aurait eu de bien pires conséquences, surtout pour les personnes qui vivent avec un faible revenu ou un revenu fixe. »
Les taux d’intérêt à long terme ont baissé constamment pendant des années
La Banque établit le principal taux d’intérêt à court terme utilisé au Canada. Cependant, ce sont les changements structurels de l’économie mondiale qui déterminent le niveau des taux d’intérêt à long terme. Comme dans la plupart des économies avancées, les taux d’intérêt à long terme au Canada ont baissé pendant les 25 ans qui ont précédé la pandémie de COVID-19.
Cette baisse était surtout due au faible niveau des taux d’intérêt réels, qui excluent l’inflation. On connaît le taux réel en soustrayant l’inflation du taux nominal – ou affiché –, comme le taux d’intérêt d’un prêt hypothécaire ou à terme.
Les taux d’intérêt réels influencent à quel point il est avantageux d’épargner et coûteux d’emprunter.
Pour désigner le niveau auquel les taux réels à court terme devraient se stabiliser au fil du temps, on parle du taux d’intérêt neutre réel. Ce taux peut varier selon l’équilibre entre l’épargne et l’investissement dans l’économie.
La baisse des taux à long terme a été portée par quatre grands facteurs
Le Canada étant une petite économie ouverte, c’est l’équilibre mondial – plutôt que national – de l’épargne et de l’investissement qui joue le plus sur son taux d’intérêt neutre réel.
Quatre grands facteurs expliquent pourquoi l’épargne avait augmenté et l’investissement avait diminué à l’échelle planétaire dans les années précédant la pandémie, ce qui a fait baisser le taux neutre réel au Canada :
- Le vieillissement de la population des économies avancées : les gens épargnent plus à l’approche de la retraite
- L’entrée de la Chine et d’autres pays en développement dans l’économie mondiale : dans ces pays, les ménages épargnent beaucoup, notamment à cause de la fragilité des régimes de sécurité sociale et du système bancaire
- La montée des inégalités : les ménages mieux nantis ont tendance à épargner davantage
- Le recul du nombre d’occasions d’investissement lucratives pour les entreprises
Ensemble, les quatre facteurs que je viens de présenter ont joué un rôle dans la chute des taux réels au cours des 25 ans précédant la pandémie. Il s’agit maintenant de savoir quelle sera la trajectoire des taux après la pandémie. »
Ces quatre facteurs seraient en voie de changer et pourraient se retourner
Il est possible que les facteurs qui ont fait baisser les taux neutres aient déjà produit leur effet maximal ou changent de cap.
Dans les économies avancées, une bonne partie des gens qui épargnaient pour leur retraite sont désormais retraités et n’ont plus besoin de faire autant d’économies. Parallèlement, la part de la Chine et d’autres pays en développement dans l’épargne mondiale pourrait diminuer, car le vieillissement de la population causera aussi dans ces États une baisse du nombre de nouveaux épargnants en mesure de compenser les départs à la retraite.
Certains des facteurs à l’origine des inégalités seraient aussi en train de perdre de leur influence. La mondialisation, qui n’a pas bénéficié à tous de la même manière, serait au ralenti. Et comme le vieillissement démographique rend la main-d’œuvre plus difficile à trouver, les salaires pourraient augmenter.
Enfin, la transition vers une économie décarbonée et l’avènement de l’intelligence artificielle pourraient stimuler les investissements.
Il y a encore beaucoup d’incertitude, mais il se peut que, dans les années à venir, les taux d’intérêt à long terme soient au-dessus des niveaux habituels.
Les risques semblent surtout haussiers. Pour la Banque, il est plus probable que les taux d’intérêt réels à long terme restent au-dessus des niveaux d’avant la pandémie, et non l’inverse. »