Bonjour. Je suis heureux d’être ici avec la première sous-gouverneure Carolyn Rogers pour parler de la Revue du système financier (RSF) de la Banque du Canada.
En plus d’avoir le mandat d’assurer la stabilité des prix, la Banque joue un rôle essentiel pour préserver et favoriser la stabilité du système financier canadien. La stabilité des prix et la stabilité du système financier vont de pair. La stabilité des prix – ou la confiance dans la valeur de l’argent – est le fondement même d’un système financier solide et fonctionnel, et elle dépend directement de la stabilité financière.
La RSF est notre évaluation annuelle des risques qui pourraient tester la résilience du système financier canadien, et affecter son rôle important dans l’économie.
Cette publication est différente du Rapport sur la politique monétaire, qui présente nos perspectives – c’est-à-dire nos prévisions – pour l’économie canadienne. Elle ne contient pas de prévisions, et ne présente pas ce que nous considérons comme l’évolution la plus probable du secteur financier. Elle examine plutôt les vulnérabilités et les risques qui pourraient affecter la stabilité du système financier canadien et sa capacité d’amortir les chocs. Comme Carolyn l’expliquera bientôt, la RSF est un peu différente cette année. L’idée est de faire ressortir les préoccupations de façon plus claire et concise.
Durant la dernière année, les conditions financières mondiales se sont resserrées, en réaction aux mesures de politique monétaire prises pour réduire l’inflation. La réponse vigoureuse des banques centrales, y compris ici au Canada, fait bel et bien baisser l’inflation. En même temps, nous avons vu des périodes de volatilité et des foyers de tensions, surtout dans le secteur bancaire américain. Les ménages, les entreprises et les gouvernements s’adaptent aux taux d’intérêt plus élevés dans le monde, et le secteur financier doit lui aussi s’ajuster. Pendant cet ajustement, les participants au système financier, les organismes de réglementation et les banques centrales doivent être vigilants.
Les récentes tensions dans le secteur bancaire aux États-Unis et en Suisse nous rappellent que les risques peuvent se matérialiser et se propager rapidement. Elles soulignent que les modèles d’entreprise de certaines institutions financières reposent trop sur un contexte de bas taux d’intérêt et de faible volatilité des marchés.
Heureusement, les autorités de ces pays ont agi sans tarder pour limiter les répercussions de ces tensions sur l’ensemble du système financier. Autre facteur tout aussi central, les banques d’un peu partout sont plus résilientes aujourd’hui qu’avant la crise financière mondiale de 2008-2009, grâce aux améliorations notables apportées aux amortisseurs financiers et aux pratiques de gestion des risques. Au Canada, les organismes de réglementation ont pris des mesures importantes pour veiller à ce que le système financier et les banques du pays restent robustes.
Néanmoins, si les tensions financières mondiales devaient refaire surface et s’avérer plus persistantes, les répercussions pourraient être plus considérables au Canada – surtout si ces tensions entraînent une grave récession mondiale et interagissent avec les vulnérabilités existantes.
Je passe maintenant la parole à Carolyn, qui abordera tous ces sujets plus en détail.
Merci, monsieur le gouverneur.
Comme le gouverneur l’a indiqué, la RSF ne contient pas de prévisions. Elle fait un examen minutieux de ce qui pourrait mal tourner et des répercussions possibles pour la stabilité financière. Cette année, nous avons réorganisé la publication de manière à communiquer plus clairement sur ces risques potentiels. Nous ne traitons plus séparément des vulnérabilités du système financier et des risques auxquels il est exposé. Nous les avons plutôt combinés et présentés par grands secteurs ou sujets. Cela nous a permis de réduire les répétitions et de fournir une analyse plus concise du type de risques qui pourraient émerger de futurs chocs. Vous pouvez d’ailleurs vous attendre à d’autres améliorations de cette publication l’an prochain.
Laissez-moi vous parler de trois choses que nous surveillons de près.
La première est le financement des banques canadiennes. Les banques canalisent les fonds, les faisant passer des épargnants et investisseurs aux emprunteurs. Quand les taux d’intérêt montent, les banques doivent payer davantage les épargnants et les investisseurs; les fonds qu’elles prêtent leur coûtent donc plus cher. C’est un des résultats visés par le resserrement de la politique monétaire.
L’augmentation des coûts de financement des banques survient alors que les dépôts peu coûteux se font plus rares. Les banques du pays ne peuvent généralement pas financer tous les prêts qu’elles octroient uniquement à l’aide de dépôts et de placements canadiens. Elles doivent ainsi aller chercher du financement sur les marchés de gros mondiaux, des marchés qui peuvent être fortement influencés par des événements à l’international comme les récentes tensions dans le secteur bancaire.
Nous surveillons de près les répercussions combinées de ces facteurs sur le financement des banques. Les récentes turbulences sur les marchés mondiaux, qui découlent des faillites bancaires, n’ont eu que peu d’incidences directes sur les banques canadiennes. Cependant, si les tensions à l’échelle du globe devaient refaire surface et persister, leurs coûts de financement pourraient augmenter au-delà des niveaux plus élevés attribuables au resserrement de la politique monétaire. De plus, dans un contexte de fortes tensions, il pourrait devenir plus difficile de se procurer du financement. Les banques réduiraient alors probablement l’offre de crédit aux ménages et aux entreprises, ce qui pourrait exacerber le ralentissement économique.
La deuxième chose que nous suivons de près est l’interaction entre les tensions mondiales et la liquidité des marchés des titres à revenu fixe, tant au Canada qu’à l’échelle internationale. Lorsque les pressions sur le financement des banques sont plus élevées, la capacité des grandes banques à fournir des liquidités aux participants aux marchés pourrait être réduite durant les périodes de tensions, c’est-à-dire quand ils en ont le plus besoin. Or, ces liquidités sont primordiales pour la stabilité financière, étant donné le rôle de plus en plus important des gestionnaires d’actifs et d’autres intermédiaires financiers non bancaires qui comptent sur elles. Les tensions extrêmes sur le marché au début de la pandémie de COVID-19 ont montré que le système financier est vulnérable à des hausses soudaines de la demande de liquidités.
Enfin, nous surveillons de près la capacité des ménages canadiens à assurer le service de leur dette à taux d’intérêt plus élevé. Les coûts accrus que cela représente pèsent sur leur budget et réduisent la marge de manœuvre financière des emprunteurs. Les paiements hypothécaires d’environ le tiers des ménages ont augmenté depuis février 2022, soit juste avant que la Banque commence à relever le taux directeur. Encore plus de ménages subiront une hausse de leurs versements au cours des années à venir, lors du renouvellement de leur prêt hypothécaire. Les prêteurs et les organismes de réglementation prennent des mesures pour offrir aux emprunteurs des moyens de gérer leurs paiements plus élevés, par exemple prolonger leur période d’amortissement. Toutefois, le recours à ces options pourrait réduire la capacité des emprunteurs d’absorber les chocs à l’avenir.
Les gens au Canada sont connus pour payer leurs dettes, même en contexte de tensions. Et jusqu’à présent, la résilience des ménages ne faiblit pas malgré la forte hausse des taux d’intérêt. Cependant, en cas de récession grave et prolongée, les défauts de paiement hypothécaire pourraient augmenter, ce qui exposerait les prêteurs à des pertes de crédit. Cela pourrait entraîner un repli encore plus marqué du crédit, et ainsi aggraver le ralentissement.
La RSF fait aussi ressortir les risques émergents que nous surveillons, y compris les risques de cyberincident et les risques financiers liés aux changements climatiques. Elle fait également le point sur l’évolution des marchés des cryptoactifs.
Pour conclure, j’aimerais dire quelques mots sur la résilience.
Les vulnérabilités décrites dans la RSF, prises indépendamment, ne menacent peut-être pas la stabilité financière dans son ensemble, mais l’incidence des chocs est généralement plus importante quand il y a une accumulation des vulnérabilités. Notre principal message est donc le suivant : comme l’ajustement aux taux d’intérêt plus élevés se poursuit, les institutions financières ont besoin de s’adapter, et les banques centrales et les organismes de réglementation doivent redoubler de vigilance.
Je souhaite aussi assurer aux Canadiennes et Canadiens que les mesures prises pour renforcer notre système financier fonctionnent. Les banques canadiennes sont assujetties aux normes réglementaires les plus élevées dans le monde et à une supervision rigoureuse.
La Banque continuera de surveiller de près le système financier pour y déceler des signes de tensions. Nous avons en main les outils nécessaires pour injecter des liquidités d’urgence dans le système s’il devient très tendu. En fait, nous avons récemment examiné les mesures prises pour maintenir la liquidité durant la pandémie, afin de mieux cibler nos prochaines interventions.
Nous nous tenons prêts à agir, au besoin, pour préserver la stabilité du système financier canadien.
Le gouverneur et moi serons maintenant heureux de répondre à vos questions.
Revue du système financier — 2023
L’ajustement aux taux d’intérêt plus élevés révèle des vulnérabilités du système financier mondial. Les tensions récentes dans le secteur bancaire nous rappellent que des risques peuvent surgir et se propager rapidement. Les principales sources de préoccupation sont le financement des banques, la liquidité des marchés des titres à revenu fixe et la capacité des ménages à assurer le service de leur dette. Mais il y a aussi les cyberattaques, les changements climatiques et les marchés des cryptoactifs.
Conférence de presse : Revue du système financier – Mai 2023
Publication de la Revue du système financier — Conférence de presse donnée par le gouverneur Tiff Macklem et la première sous-gouverneure, Mme Carolyn Rogers. (vers 11 h, heure de l’Est)