Résultats de l’enquête du 1er trimestre de 2023 | Vol. 4.1 | 3 avril 2023
La présente enquête a été menée du 27 janvier au 16 février 2023. Des entrevues de suivi ont été réalisées en mars 2023.
Vue d’ensemble
- Les attentes d’inflation à l’horizon d’un à deux ans ont diminué, mais restent bien au-dessus des niveaux d’avant la pandémie de COVID-19. Les attentes des consommateurs relativement à la croissance des prix de certains biens ont fléchi, mais sont demeurées élevées pour ce qui est de la progression des prix des services, comme les loyers.
- La plupart des consommateurs estiment que la capacité de la Banque à ramener l’inflation à la cible est réduite par les dépenses publiques élevées et les problèmes de chaîne d’approvisionnement. Beaucoup de répondants croient que ces problèmes seront résolus au cours des deux prochaines années, et certains pensent que les prix des produits concernés vont baisser. Ceux qui s’attendent à ce que les dépenses publiques élevées influent sur l’inflation sont d’avis que cet effet continuera de se faire sentir pendant longtemps.
- La forte inflation et les taux d’intérêt en hausse exercent des pressions sur les consommateurs, en particulier les détenteurs de prêt hypothécaire. En réaction, les consommateurs s’attendent à dépenser moins pour des services non essentiels – comme les voyages, les repas au restaurant et d’autres activités sociales – qu’au cours des 12 derniers mois.
- La plupart des Canadiens considèrent qu’une récession est le scénario le plus probable pour l’économie au cours des 12 prochains mois. Mais de nombreux répondants ont des doutes quant à la trajectoire de l’économie et du marché du travail. Les consommateurs qui sont le plus dans l’incertitude prévoient dépenser moins et épargner plus, par précaution.
- Malgré l’incertitude au sujet de l’économie, les travailleurs voient le marché de l’emploi comme solide. Les répondants – surtout ceux qui sont insatisfaits de leur poste actuel – ont bon espoir de pouvoir trouver un nouvel emploi. De plus, les attentes des travailleurs relativement à la croissance des salaires dans le secteur privé sont près du sommet recensé dans l’enquête. Cependant, les attentes quant à la croissance des salaires restent en deçà des attentes d’inflation. La plupart des travailleurs n’ont pas l’impression que leur rémunération suivra, au cours de la prochaine année, l’inflation observée récemment.
Les attentes d’inflation à court terme ont diminué, mais demeurent élevées
Les attentes d’inflation à court terme ont fléchi, mais restent élevées, ce qui reflète l’inflation observée (graphique 1). La récente similitude entre les attentes et l’inflation observée tend à montrer que les consommateurs s’intéressent davantage à cette dernière. C’est particulièrement vrai pour les consommateurs qui donnent des réponses cohérentes quand on leur pose des questions formulées de différentes façons sur les attentes d’inflation (encadré 1).
Graphique 1 : Les attentes d’inflation des consommateurs ont diminué
Les inquiétudes des Canadiens au sujet de l’inflation demeurent élevées, mais semblent s’apaiser. Les consommateurs s’attendent à ce que la politique monétaire reste efficace et à ce que la croissance économique ralentisse. Un des répondants a déclaré durant une entrevue de suivi : « L’inflation est un peu moins préoccupante maintenant parce que les mesures prises [par la Banque] pour relever les taux d’intérêt devraient réduire la demande et l’inflation. »
Les répondants anticipent une baisse de l’inflation des biens comme l’essence et les véhicules. Toutefois, même si leurs attentes d’inflation pour les biens ont diminué, les consommateurs continuent de se sentir frustrés par les prix élevés de l’épicerie. Un répondant a dit : « Les prix des aliments créent beaucoup de stress » et « C’est ce qui me dérange le plus. » Selon un autre, « même les produits en rabais sont trop chers ». Pour ce qui est des prix des services, comme les loyers, les attentes des consommateurs n’ont pas beaucoup changé. Ils pensent que leur taux de croissance restera élevé.
Les consommateurs voient de nombreux obstacles qui pourraient empêcher la Banque d’atteindre sa cible d’inflation. Les perturbations des chaînes d’approvisionnement sont encore le facteur le plus mentionné, même si la plupart des consommateurs sont d’avis qu’elles se résoudront au cours des deux prochaines années (graphique 2). Bon nombre de répondants estiment aussi que les dépenses publiques élevées, y compris celles qui ont suivi le début de la pandémie de COVID-19, peuvent influer pendant au moins trois ans sur la capacité de la Banque à ramener l’inflation à la cible. Certains consommateurs croient que les répercussions de la guerre en Ukraine et les profits accrus des entreprises, en particulier les épiceries, nuiront également au retour à la cible.
Graphique 2 : Les consommateurs pensent que les dépenses publiques élevées auront un effet plus durable sur l’inflation que les problèmes de chaîne d’approvisionnement
Les Canadiens sont de plus en plus au courant de l’existence d’une cible d’inflation, et cela aide à faire baisser les attentes. Les consommateurs qui savent qu’il y a une cible ont généralement des attentes d’inflation plus modérées que ceux qui l’ignorent (graphique 3). Ils sont notamment moins susceptibles d’escompter une inflation élevée ou une déflation à long terme.
Graphique 3 : Les Canadiens qui savent que le pays a une cible d’inflation s’attendent à une inflation plus basse que ceux qui l’ignorent
Les attentes d’inflation à l’horizon de cinq ans sont à des creux historiques. Environ le tiers des participants à l’enquête anticipent une déflation, souvent attribuable à des inversions de prix, car ils pensent que les perturbations des chaînes d’approvisionnement se résorberont au cours des deux prochaines années. Toutefois, la plupart des consommateurs s’attendent encore à ce que, dans cinq ans, l’inflation se situe près ou au-dessus de la fourchette cible de la Banque. Dans une entrevue de suivi, un participant a dit : « Les prix n’arrêtent pas de monter. »
Encadré 1 : Les Canadiens dont les réponses à différentes questions sont cohérentes croient que l’inflation restera élevée
En se basant sur les avis recueillis dans le cadre de l’enquête sur les attentes des consommateurs au Canada, la Banque du Canada étudie l’effet de la forte inflation observée en 2021-2022 sur la cohérence des réponses des participants à des questions sur l’inflation future. On considère que les réponses d’un consommateur à différents types de questions sur l’inflation future sont cohérentes lorsqu’elles concordent entre elles1. Des attentes d’inflation élevée et persistante parmi les consommateurs dont les réponses sont cohérentes pourraient indiquer une conjoncture permettant aux entreprises de plus facilement augmenter leurs prix. L’analyse effectuée montre que :
- Plusieurs facteurs peuvent expliquer pourquoi certains groupes sont plus susceptibles de faire preuve de cohérence dans leurs réponses. Par exemple, certains ont connu plus de périodes d’inflation élevée.
- Durant la période de forte inflation de 2021-2022, les attentes d’inflation à court terme des participants ayant fourni des réponses cohérentes reflétaient de près l’inflation observée mesurée par l’indice des prix à la consommation (graphique 1-A). La corrélation plus forte donne à penser que ces répondants pourraient alors avoir commencé à accorder plus d’attention à l’inflation.
Depuis le deuxième trimestre de 2021, l’écart entre l’inflation observée et l’inflation perçue par les consommateurs dont les réponses sont cohérentes s’est considérablement réduit. Leurs prévisions ont été supérieures à celles des prévisionnistes professionnels, et aussi plus proches de l’inflation observée que celles des prévisionnistes. Ces consommateurs s’attendent à ce que l’inflation reste élevée au cours des 12 prochains mois.
Graphique 1-A : Certains consommateurs s’intéressent de plus près à l’inflation que d’autres
Les effets de la politique monétaire sur les dépenses s’étendent aux services
La situation financière des ménages est mise à mal par l’inflation élevée, et les taux d’intérêt à la hausse viennent accroître cette pression. Le nombre de répondants considérant que leur situation financière s’est détériorée a plus que doublé comparativement à la période de resserrement monétaire de 2017-2018 (graphique 4). Les consommateurs trouvent aussi qu’il est plus difficile pour eux d’obtenir du crédit et que le risque de ne pas pouvoir rembourser leurs prêts a augmenté. Certains Canadiens – en particulier les Autochtones et les détenteurs de prêt hypothécaire à taux variable – sont plus susceptibles de déclarer qu’ils ont subi des effets négatifs (encadré 2).
Graphique 4 : Les consommateurs ressentent les effets des taux d’intérêt et de l’inflation sur leur situation financière
Les consommateurs constatent les effets de la forte inflation et de la montée des taux d’intérêt sur leurs dépenses prévues, et ces effets sont en train de s’étendre aux services. Environ un tiers des consommateurs comptent voyager moins souvent et sortir moins souvent pour aller au restaurant, pour se divertir ou pour d’autres activités sociales au cours des 12 prochains mois que durant les 12 mois précédents. Ils mentionnent les prix élevés de ces services et des produits essentiels comme principale raison (graphique 5 et graphique 6). Un répondant a dit : « À cause de l’inflation et des taux d’intérêt plus élevés, on ne va plus au restaurant autant qu’avant. » Un autre a expliqué : « Je suis maintenant plus enclin à voyager, mais les taux d’intérêt élevés viennent compliquer les choses. »
Graphique 5 : Les consommateurs dépensent moins en services à cause de la hausse des taux d’intérêt et de l’inflation
Graphique 6 : Les prix élevés freinent les dépenses pour les services en personne
Encadré 2 : Certains Canadiens ont plus souffert de la montée des taux d’intérêt et de la forte inflation
Tous les ménages ne sont pas touchés de la même façon par les taux d’intérêt élevés et la forte inflation. Les détenteurs de prêt hypothécaire à taux variable et les membres de groupes en quête d’équité (tels que les Autochtones, les personnes en situation de handicap et les personnes racisées) sont plus susceptibles que les autres – p. ex., les locataires et les propriétaires sans prêt hypothécaire – de déclarer qu’ils ont subi des effets négatifs (graphique 2-A).
Graphique 2-A : Les détenteurs de prêt hypothécaire et les membres de groupes en quête d’équité sont plus susceptibles que les autres de souffrir de la hausse des taux d’intérêt et de l’inflation
Les répondants dont la situation s’est dégradée sont plus en difficulté que les autres Canadiens, et ce à plusieurs égards (graphique 2-B). Ces consommateurs sont en effet davantage portés à indiquer :
- qu’ils dépensent et économisent moins à cause de la hausse des taux d’intérêt et de l’inflation
- que leur situation financière s’est détériorée par rapport à il y a 12 mois et qu’elle va encore s’aggraver dans 12 mois
- que l’accès au crédit est plus difficile qu’il y a 12 mois et qu’il va empirer dans 12 mois
Les répondants qui ont subi des effets négatifs pensent également :
- qu’ils risquent davantage de se trouver en défaut de paiement au cours des trois prochains mois
- qu’ils risquent davantage de perdre leur emploi au cours des trois prochains mois
- qu’ils vont subir une plus grande baisse de revenus réels due à l’inflation
- qu’ils connaîtront une plus grande baisse de leurs dépenses réelles
Dans les entrevues de suivi, des répondants ont affirmé que les taux d’intérêt plus élevés frapperont le plus les consommateurs au moment du renouvellement des prêts hypothécaires. Ils ont ajouté que si les emprunteurs hypothécaires avaient dû mal à effectuer leurs paiements, cela pourrait provoquer une récession. D’autres ont déclaré que le fait que le rythme de croissance des salaires ne suit pas celui de l’inflation joue beaucoup sur leur pessimisme quant aux perspectives économiques.
Graphique 2-B : Les consommateurs qui ont souffert de la hausse des taux d’intérêt et de l’inflation élevée sont plus en difficulté que les autres
La plupart des répondants s’attendent à une récession dans les 12 prochains mois (graphique 7, figure a). Cela dit, l’incertitude entourant les perspectives économiques est très élevée (graphique 7, figure b), ce qui pousse certains à réduire la croissance de leurs dépenses et à épargner plus (graphique 8). « On est plus stressé parce qu’on ne sait pas si les taux d’intérêt vont continuer d’augmenter. C’est difficile de savoir comment les choses vont se passer, alors on économise plus pour pouvoir subvenir à nos besoins. Ça nous préoccupe beaucoup. »
Graphique 7 : La plupart des Canadiens anticipent une récession, mais ne sont pas sûrs de son ampleur
Graphique 7 : La plupart des Canadiens anticipent une récession, mais ne sont pas sûrs de son ampleur
Graphique 8 : L’incertitude pèse sur les dépenses prévues des consommateurs
Les consommateurs anticipent un certain répit sur le marché du logement. Ils croient en effet que les taux d’intérêt pourraient baisser plus tôt que prévu. Ils s’attendent donc à ce que les prix des maisons augmentent modestement au cours des 12 prochains mois (graphique 9). Ce serait la première hausse de ces attentes depuis que les taux d’intérêt ont commencé à monter. Selon un consommateur, « le fait que la Banque du Canada a arrêté pour l’instant d’augmenter les taux est un signe que la situation s’améliore un peu ».
Graphique 9 : Les consommateurs s’attendent à une certaine reprise de la croissance des prix des logements
Les consommateurs font état de solides conditions sur le marché du travail
Malgré l’incertitude au sujet de l’économie, les consommateurs considèrent toujours que le marché du travail est vigoureux. Les travailleurs sont confiants quant à leur situation d’emploi. Ils pensent que la probabilité qu’ils perdent leur emploi au cours des 12 prochains mois est moins élevée qu’au début de la pandémie. En effet, beaucoup de travailleurs insatisfaits de leur poste remarquent que les possibilités d’emploi sont nombreuses et sont plus enclins à changer volontairement de travail qu’avant la pandémie. Toutefois, ils considèrent que les emplois proposés ne sont pas tous de qualité. Selon un répondant, « il y a beaucoup plus de possibilités d’emploi ». Mais un autre fait valoir que « les bons emplois se font rares, en tout cas dans mon domaine ».
Les attentes salariales reflètent également un marché du travail tendu, au sein duquel il est difficile de hausser l’offre de main-d’œuvre. Les attentes des répondants relativement à la croissance des salaires dans le secteur privé sont près du sommet recensé dans l’enquête (graphique 10). De plus, le salaire que les répondants hors de la population active se disent prêts à accepter pour retourner sur le marché du travail est maintenant beaucoup plus élevé, comparativement à ce qu’ils auraient accepté au deuxième semestre de 2021 (graphique 11)2. Dans ce groupe, ce sont les personnes âgées et les femmes ayant de jeunes enfants qui demandent les plus hauts salaires. Cependant, la plupart des travailleurs n’ont pas l’impression que la croissance de leur salaire suivra celle de l’inflation au cours des 12 prochains mois.
Graphique 10 : Dans beaucoup de secteurs, les travailleurs s’attendent à une plus forte croissance des salaires
Graphique 11 : Il faudra probablement augmenter les salaires pour attirer de nouveaux travailleurs
Notes
- 1. Une réponse est considérée comme cohérente si l’estimation ponctuelle de l’inflation future faite par le répondant correspond à sa distribution de probabilités subjective pour l’inflation future. Voir S. Miller et P. Sabourin (2023), What Consistent Responses on Future Inflation by Consumers Can Reveal, document d’analyse du personnel 2023-7, Banque du Canada.[←]
- 2. Cette question a été posée pour la dernière fois dans l’enquête des troisième et quatrième trimestres de 2021.[←]
L’enquête sur les attentes des consommateurs au Canada recueille l’opinion des ménages au sujet de l’inflation, du marché du travail et de leur situation financière. Des précisions sur le questionnaire et les réponses obtenues sont présentées dans le site Web de la Banque du Canada. Les résultats de l’enquête constituent un condensé des opinions exprimées par les répondants et ne reflètent pas forcément le point de vue de la Banque du Canada.