Rapport sur la politique monétaire – Déclaration préliminaire à la conférence de presse
Bonjour. Je suis ravi d’être ici en compagnie de la première sous-gouverneure Carolyn Rogers pour parler de l’annonce d’aujourd’hui concernant le taux directeur, ainsi que du Rapport sur la politique monétaire de la Banque du Canada.
Aujourd’hui, nous avons annoncé que nous maintenons le taux directeur à 4½ % et poursuivons notre politique de resserrement quantitatif.
C’est encourageant de voir que l’inflation diminue. Ça fait ressortir pour nous l’importance de garder le cap et de restaurer la stabilité des prix pour les Canadiennes et les Canadiens.
L’inflation baisse rapidement et devrait se situer autour de 3 % cet été. Nous nous attendons à ce que l’économie croisse de façon modeste malgré le recul de l’inflation. Ce sont de bonnes nouvelles, mais nous ne pouvons pas encore crier victoire.
Notre destination, c’est la cible d’inflation de 2 %, et plusieurs choses doivent encore se produire pour que nous l’atteignions. Il faut que les attentes d’inflation continuent de diminuer, que l’inflation des services et la croissance des salaires se modèrent, et que les pratiques de fixation des prix des entreprises se normalisent.
Nous portons une attention particulière à ces indicateurs, et à l’évolution de l’inflation fondamentale, pour veiller à ce que l’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC) continue de progresser vers la cible. Les mesures de politique monétaire prises – les hausses du taux directeur effectuées jusqu’à présent – n’ont pas encore donné leurs pleins effets. Nous évaluerons l’évolution de l’économie et l’incidence des hausses de taux passées par rapport à nos prévisions d’inflation. Si la politique monétaire n’est pas assez restrictive pour permettre un retour complet à la cible de 2 %, nous sommes prêts à relever de nouveau le taux directeur pour y parvenir.
Avant de parler un peu plus de ces considérations, je vais faire un survol du contexte économique et financier qui entoure la décision.
La croissance mondiale a été supérieure à notre projection économique de janvier. Même si la croissance aux États-Unis et en Europe a dépassé les attentes, l’activité ralentira probablement encore à mesure que les hausses successives passées de taux d’intérêt se répercuteront sur l’économie. Les récentes tensions dans le secteur bancaire mondial ont aussi entraîné une contraction des conditions de crédit qui contribuera à la plus faible croissance à l’échelle du globe.
Dans l’ensemble, la Banque estime que l’économie mondiale croîtra de 2,6 % cette année, de 2,1 % en 2024 et de 2,8 % en 2025.
Au Canada, l’économie continue d’afficher une demande excédentaire. La croissance du produit intérieur brut (PIB) au premier trimestre de l’année apparaît supérieure à notre projection de janvier, les exportations ayant bondi et la consommation ayant affiché une solide progression. Le marché du travail reste tendu. À 5 %, le taux de chômage demeure près de son creux historique, et les salaires continuent de croître dans une fourchette de 4 à 5 %. La croissance de l’emploi a été plus forte que prévu. Cela reflète le maintien de la demande et les augmentations de l’offre de main-d’œuvre. En effet, plus de femmes sont venues grossir la population active et l’immigration a augmenté. Selon les répondants à l’enquête sur les perspectives des entreprises menée par la Banque, il est de plus en plus facile de trouver du personnel. Cela indique que les tensions sur le marché de travail commencent à s’atténuer.
L’incidence des hausses passées du taux directeur se propage dans l’économie et freine la demande. Les taux plus élevés ralentissent les dépenses des ménages, surtout les gros achats. Les renouvellements de prêts hypothécaires à des taux supérieurs se poursuivent, et les ménages seront donc plus nombreux à ressentir les effets modérateurs de la politique monétaire. Les investissements des entreprises devraient aussi diminuer au cours de l’année à venir en raison de la demande plus faible pour les exportations canadiennes et des coûts de financement plus élevés.
Compte tenu de ces forces, nous nous attendons à ce que la croissance du PIB canadien soit faible pour le reste de l’année avant de commencer à remonter graduellement en 2024 et tout au long de 2025. Cela donne à penser que la croissance, en moyenne annuelle, ralentira pour passer de 3,4 % l’année dernière à environ 1,4 % cette année et 1,3 % en 2024, puis montera à 2,5 % en 2025. Par rapport à notre projection précédente, ces perspectives sont un peu plus fortes pour 2023 et légèrement plus faibles pour 2024.
Qu’est-ce que tout cela signifie pour l’inflation? Je sais que beaucoup de Canadiennes et de Canadiens ont encore du mal à joindre les deux bouts en raison de la hausse du coût de la vie, et une inflation de plus de 5 % reste trop élevée. Nous avons tout de même parcouru beaucoup de chemin depuis l’été passé, alors que le taux d’inflation atteignait 8,1 %, et nous nous attendons à d’autres baisses. L’inflation annuelle mesurée par l’IPC a reculé pour s’établir à 5,2 % en février, à cause surtout de la diminution de l’inflation des biens découlant des prix plus bas de l’énergie, de la normalisation des chaînes d’approvisionnement et des effets de la politique monétaire restrictive sur les secteurs sensibles aux taux d’intérêt. Le taux d’inflation sur trois mois, qui brosse un portrait plus actuel, est descendu à 1,6 %, ce qui donne à penser que l’inflation globale continuera de diminuer dans les mois à venir.
Toutefois, les pressions sur les prix de nombreuses choses que les gens doivent acheter sont encore trop élevées. L’inflation des aliments reste au-dessus de 10 %, mais nous nous attendons à ce qu’elle baisse au cours des prochains mois, parce que les coûts de production et de distribution ont fléchi. L’inflation des services demeure aussi élevée et ne devrait diminuer que graduellement. La demande de services reste forte et le marché du travail, tendu, ce qui exerce des pressions à la hausse sur les prix de nombreux services. À mesure que l’économie ralentira et que le marché du travail se rééquilibrera, nous anticipons une décélération de l’inflation des services et un nouveau recul des mesures de l’inflation fondamentale. Celles que privilégie la Banque ont un peu baissé et se situent juste au-dessous de 5 %. Les taux d’inflation fondamentale sur trois mois, qui continuent d’avoisiner 3½ %, devront encore diminuer pour que l’inflation globale revienne durablement à la cible de 2 %. Cela prendra un certain temps. Nous ne nous attendons pas à ce que l’inflation revienne à cette cible avant la fin de 2024.
Durant les réunions du Conseil de direction, nous nous sommes demandé si les hausses de taux effectuées étaient suffisantes. Nous avons aussi évoqué la possibilité que la politique monétaire doive rester restrictive pendant plus longtemps pour que l’inflation revienne à la cible de 2 %.
Avec ces considérations à l’esprit, le Conseil de direction a jugé bon de maintenir les taux pendant que nous continuons à évaluer si la politique monétaire est assez restrictive pour permettre le retour de l’inflation à la cible. Nous savons qu’il faut du temps pour que les effets du resserrement de la politique monétaire se fassent sentir et qu’ils ne se sont pas encore complètement propagés à l’économie.
Le Conseil de direction a aussi discuté des risques entourant la projection de la Banque. Le plus important risque à la hausse, je viens d’en parler, c’est le risque que l’inflation des services soit plus tenace que prévu. Si le marché du travail reste tendu et que les entreprises croient qu’elles peuvent continuer à répercuter les hausses de coûts sur leur clientèle sans retenue parce que les consommateurs s’attendent à des augmentations de prix, alors il sera plus difficile de ramener l’inflation à la cible. Le principal risque à la baisse est celui d’une récession à l’échelle du globe. Si les tensions qui s’exercent sur le secteur bancaire mondial refont surface, les conditions de crédit pourraient se resserrer considérablement, ce qui entraînerait un ralentissement plus marqué et une baisse importante des prix des produits de base.
Dans l’ensemble, nous considérons les risques entourant notre prévision d’inflation comme étant relativement équilibrés. Cependant, puisque l’inflation est encore bien au-dessus de notre cible, nous restons davantage préoccupés par les risques à la hausse.
Permettez-moi de conclure. Notre travail, à la Banque du Canada, consiste à ramener l’inflation à la cible de 2 %. Jusqu’à présent, les progrès sont encourageants. Et une inflation de 3 % cet été sera accueillie avec soulagement. Mais laissez-moi assurer ceci aux Canadiennes et aux Canadiens : nous savons que notre travail ne sera pas accompli tant que nous n’aurons pas restauré la stabilité des prix, c’est-à-dire une inflation axée sur notre cible de 2 %. La stabilité des prix est importante, car elle rétablit les forces de la concurrence dans l’économie et permet de planifier et d’investir en sachant que l’argent va conserver sa valeur. C’est notre destination : nous sommes sur la bonne voie et nous allons garder le cap.
Sur ce, la première sous-gouverneure et moi serons heureux de répondre à vos questions.