Bonjour. Je suis heureux d’être ici avec la première sous-gouverneure Carolyn Rogers pour parler de la Revue du système financier (RSF) de la Banque du Canada.
La RSF est le fruit de notre évaluation annuelle des vulnérabilités et des risques qui pèsent le plus sur le système financier canadien. Nous espérons qu’elle puisse aider les ménages, le secteur privé, les autorités financières et les administrations publiques à faire le nécessaire pour atténuer ces vulnérabilités et ces risques.
Nous émergeons à peine d’un grand choc qui, je l’espère, sera le seul de cette envergure dans notre vie. Après deux années de pandémie et de bouleversements socioéconomiques sans précédent, nous sommes ravis de déclarer que notre système financier est solide et qu’il a bien surmonté la crise. À présent, l’économie mondiale fait face à de nouveaux défis : l’inflation élevée, la hausse des taux d’intérêt, l’invasion non provoquée de l’Ukraine par la Russie et la volatilité des marchés financiers. Le moment est donc propice pour discuter des vulnérabilités et des risques qui subsistent ou qui font surface.
Dans presque toutes les RSF, nous sonnons l’alarme sur les hauts niveaux d’endettement de nombreux ménages canadiens et les prix élevés des logements. Ces vulnérabilités ne sont pas nouvelles, mais elles ont subi les effets de la pandémie.
Ces deux dernières années, le bilan des ménages a évolué avec l’ajustement des dépenses et des revenus. En moyenne, le patrimoine des ménages a progressé en raison de l’accroissement de la valeur des actifs, dont l’immobilier, et de la forte hausse de l’épargne. Cette amélioration, et particulièrement la montée de l’épargne, est remarquable vu les ravages durables que la pandémie aurait pu causer.
Mais pour évaluer les vulnérabilités, il faut regarder au-delà de la moyenne et examiner la distribution des changements dans l’ensemble des ménages. C’est là que nous voyons que, malgré l’amélioration de la situation financière du ménage moyen, plus de Canadiens se sont surendettés pour acheter une maison durant la pandémie. Ils se retrouvent ainsi davantage exposés aux hausses de taux d’intérêt et à la baisse potentielle des prix des logements.
Les deux tiers des Canadiens sont propriétaires. Un peu moins de la moitié d’entre eux ont fini de payer leur maison, et les autres ont un prêt hypothécaire. De ceux-ci, 70 % ont choisi un taux fixe qui n’est pas immédiatement touché par les hausses de taux d’intérêt. Les 30 % restants – soit 10 % des ménages – ont opté pour un taux variable. Tout au long de la pandémie, un nombre croissant de Canadiens ont contracté un très gros prêt hypothécaire par rapport à leur revenu, et l’ont assorti d’un taux variable et d’une période d’amortissement de plus de 25 ans. Et d’après nos modèles, les avoirs liquides des ménages les plus endettés n’ont que peu augmenté pendant ce temps.
Voilà qui m’amène à la deuxième vulnérabilité : les prix élevés des logements. La forte demande de logements plus spacieux, les faibles taux d’intérêt, l’offre inadéquate, l’activité accrue des investisseurs et les hausses attendues des prix… tout cela a contribué à faire surchauffer le marché durant la pandémie. À preuve, les prix des logements ont monté d’environ 50 %, en moyenne, depuis le début de la crise sanitaire. À mesure que les gens vont reprendre leurs activités normales et que les taux d’intérêt vont monter, nous devrions voir une certaine modération sur le marché de l’habitation. Et c’est déjà commencé. Des données récentes indiquent que le niveau de l’activité de revente a nettement baissé par rapport à son sommet. De plus, même si la variation des prix des logements sur un an montre une hausse marquée, de modestes baisses ont récemment été enregistrées sur certains marchés.
Avec l’inflation qui dépasse de loin la cible de 2 % et l’économie canadienne qui surchauffe, la priorité absolue de la Banque est de ramener l’inflation à la cible. C’est pourquoi nous relevons les taux d’intérêt. Les marchés du travail sont très vigoureux, et le bilan des ménages s’est amélioré dans l’ensemble. L’économie peut encaisser des taux d’intérêt plus élevés – et elle en a besoin. De plus, comme la vigueur actuelle du marché de l’habitation n’est pas viable, une modération serait salutaire. Mais les hauts niveaux d’endettement des ménages et les prix élevés des logements restent tout de même des vulnérabilités.
S’il fallait que l’économie décélère nettement et que le chômage augmente considérablement, cette combinaison d’endettement accru et de forts prix des logements pourrait amplifier le ralentissement. Une perte de revenu obligerait vraisemblablement les ménages très endettés à beaucoup diminuer leurs dépenses pour continuer à effectuer leurs versements hypothécaires. De plus, une correction majeure des prix des logements réduirait le patrimoine des ménages et l’accès au crédit, surtout parmi les plus endettés. Si de nombreux ménages se retrouvaient dans cette situation, il pourrait y avoir de vastes implications pour l’économie et le système financier. Ce n’est toutefois pas ce que nous prévoyons. Notre objectif est un atterrissage en douceur de l’économie et un retour de l’inflation à la cible de 2 %. Il nous faut cependant surveiller de près et gérer rigoureusement cette vulnérabilité.
Laissez-moi maintenant passer la parole à Carolyn, qui abordera trois vulnérabilités mondiales analysées dans la RSF.
Merci, monsieur le gouverneur.
Le dernier ensemble de vulnérabilités décrites dans la RSF a été mis en évidence par la guerre en Ukraine et d’autres tensions géopolitiques, et certains risques s’intensifient.
Les événements de l’année qui vient de passer ont fait ressortir la nature interconnectée du système financier mondial. L’invasion russe de l’Ukraine a avivé nos inquiétudes entourant la cybersécurité. À l’échelle mondiale, les cyberattaques commanditées par des États sont plus fréquentes et sophistiquées depuis le début de la guerre, ce qui augmente le risque d’une attaque contre une banque, une autre institution financière ou une infrastructure de marché financier au Canada. Les marchés financiers étant interconnectés, les effets d’une cyberattaque réussie contre une institution pourraient se propager au système financier dans son ensemble.
La guerre alimente aussi l’incertitude concernant la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. À court terme, le conflit menace la sécurité énergétique mondiale, ce qui accroît la dépendance aux combustibles fossiles à plus fortes émissions, comme le charbon, et pourrait ralentir la transition. À moyen terme, cette incertitude signifie que les actifs exposés au secteur des combustibles fossiles, y compris ceux qui se retrouvent dans les régimes de retraite et l’épargne-retraite de nombreux Canadiens, pourraient faire l’objet de réévaluations importantes et rapides. Les entreprises et les institutions financières doivent être plus transparentes au sujet de leur exposition aux risques climatiques. Les décideurs publics du monde entier doivent aussi établir des plans de transition clairs. Ensemble, ces mesures peuvent aider à atténuer le risque d’une transition désordonnée et pénible qui ferait du tort à notre système financier et à notre économie.
Enfin, les cryptoactifs sont une vulnérabilité grandissante. Davantage de Canadiens investissent dans les cryptomonnaies. Cependant, ces marchés évoluent plus rapidement que les efforts déployés à l’échelle mondiale pour les réglementer. Les cryptomonnaies, comme d’autres actifs spéculatifs, sont vulnérables à des baisses de prix soudaines et importantes. Et récemment, certaines cryptomonnaies stables n’ont pas tenu leur promesse de stabilité. Les cryptoactifs ne posent pas encore de risque systémique pour le système financier canadien. Toutefois, comme ils ne sont pas réglementés, ils fonctionnent sans les mesures de protection qui s’appliquent aux actifs plus traditionnels, et les investisseurs pourraient ne pas bien comprendre les risques qu’ils comportent. Au Canada et ailleurs dans le monde, les autorités réglementaires ont pris conscience de ce risque et s’efforcent de l’atténuer.
Pour conclure, je souhaite souligner qu’on devrait voir les vulnérabilités comme des faiblesses du système financier. En temps normal, elles n’ont peut-être pas d’effets très importants, mais elles peuvent amplifier l’incidence de gros chocs, qui risquent alors de causer des dommages économiques et financiers beaucoup plus graves.
Nous venons de résumer les grandes vulnérabilités présentées dans la RSF. La publication décrit aussi les mesures prises pour les atténuer et élaborer des plans d’urgence, parce que même la meilleure planification n’élimine pas les risques. La RSF brosse un portrait très complet qui donne un aperçu du travail que nous accomplissons toute l’année sur les enjeux de stabilité financière.
Nous serons heureux de répondre à vos questions.
Revue du système financier — 2022
Le système financier canadien demeure résilient, mais les vulnérabilités se sont complexifiées et les risques se sont accrus. La Banque surveille de près les niveaux élevés d’endettement hypothécaire des ménages ainsi que les risques liés à une correction des prix sur le marché canadien du logement.
Conférence de presse : Revue du système financier – Juin 2022
Publication de la Revue du système financier — Conférence de presse donnée par le gouverneur Tiff Macklem et la première sous-gouverneure, Mme Carolyn Rogers. (vers 11 h, heure de l’Est)