Introduction

Les grandes banques canadiennes ont-elles suffisamment de fonds propres pour résister à une forte contraction économique? La pandémie de COVID‑19 a profondément perturbé l’économie canadienne. Toutefois, la crise sanitaire ne s’est pas muée en crise financière, et ce, pour deux principales raisons. D’abord, les banques canadiennes étaient bien pourvues en fonds propres à l’éclosion de la pandémie; elles ont donc continué à jouer le rôle d’amortisseur de choc pour l’économie. Ensuite, les mesures budgétaires, monétaires et prudentielles exceptionnelles ont réduit de beaucoup les cas d’insolvabilité des ménages et des entreprises, venant ainsi atténuer l’impact du choc sur l’économie réelle et le système financier.

Dans cette note, nous cherchons à établir si le système bancaire canadien dispose de fonds propres suffisants pour résister à une récession profonde et prolongée en l’absence d’un train de mesures de soutien de la part des autorités. À l’aide de notre outil destiné à tester la résistance au risque d’insolvabilité, nous mesurons les effets du scénario de risque sur les niveaux de fonds propres des grandes banques au Canada1. Bien qu’il s’agisse d’un scénario hypothétique et que la réalité ait été tout autre, l’exercice est instructif en ce qu’il nous renseigne sur les vulnérabilités potentielles du système bancaire. Il est important de noter que nous ne nous intéressons pas à la solvabilité individuelle des institutions, mais plutôt à la résilience du système bancaire dans son ensemble.

À l’instar de Gaa et autres (2019), nous concluons que les grandes banques subiraient des pertes financières importantes dans un scénario aussi défavorable, mais resteraient résilientes et maintiendraient des niveaux de fonds propres nettement supérieurs aux minimums réglementaires. La résilience du système bancaire canadien dans ce scénario tient aux facteurs suivants :

  • D’abondantes réserves de fonds propres et réserves pour pertes sur prêts au début de la période du scénario, qui permettent d’absorber le surcroît de pertes sur les prêts. Les réserves de fonds propres des plus grandes banques au Canada ont augmenté durant la pandémie, car la croissance de leurs bénéfices a dépassé celle des dividendes distribués. À cela s’ajoute le fait que les banques ont constitué d’importantes réserves de précaution dans les premiers trimestres de la pandémie, en prévision d’une éventuelle dépréciation des prêts.
  • De saines pratiques de souscription et de gestion des risques, limitant ainsi la fréquence et l’ampleur des défauts de paiement sur les prêts bancaires aux ménages et aux entreprises.
  • Les bilans initiaux solides des ménages et des entreprises, grâce auxquels ceux-ci ont pu affronter les effets du ralentissement simulé.

Le scénario de risque

Pour évaluer la résistance des grandes banques canadiennes au risque d’insolvabilité, nous concevons un scénario de risque mondial dans lequel l’activité économique se contracte fortement sur une longue période. Un déclencheur possible d’une récession aussi grave pourrait être la rechute de l’économie provoquée par une nouvelle vague de la pandémie2. Ainsi, nous prenons comme point de départ de notre scénario de risque l’émergence d’un nouveau variant de la COVID‑19 résistant aux vaccins existants et se propageant rapidement partout dans le monde. La trame narrative du scénario est réaliste : le variant omicron nous a rappelé que l’évolution de la pandémie reste incertaine.

Étant donné les données disponibles au début de l’analyse (à la mi-2021, environ), nous faisons porter le scénario sur une période de trois ans commençant au premier trimestre de 2021. Ce scénario ne doit pas être interprété comme une projection de ce qu’il adviendrait en cas d’apparition d’un nouveau variant de la COVID‑19. Il s’agit plutôt d’un scénario hypothétique qui sert à évaluer la résilience du système bancaire canadien face à une récession grave et prolongée. Par conséquent, nous le faisons reposer sur des hypothèses fortes :

  • Confinements
    • Les autorités publiques imposent à nouveau des confinements pour ralentir la transmission du variant, ce qui réduit l’activité et accroît l’incertitude entourant les perspectives économiques.
  • Mesures publiques de soutien
    • Les gouvernements mettent progressivement fin à leurs programmes de soutien comme prévu et ne mettent pas en place de nouveaux transferts budgétaires.
    • Les instruments de politique macroprudentielle déployés, comme l’ajustement de la réserve pour stabilité intérieure, restent inchangés.
  • Séquelles
    • La crise entraîne des conséquences durables pour l’économie. Ainsi, les compétences des chômeurs se déprécient, et ces travailleurs peinent à réintégrer le marché de l’emploi. Les entreprises rendues insolvables disparaissent du tissu économique du pays.

Dans ce scénario, les confinements plongent l’économie dans une profonde récession, longue de six trimestres. Dans un premier temps, les effets se font sentir uniquement dans les secteurs d’activité sensibles à la pandémie, mais ils gagnent rapidement l’ensemble de l’économie. Au plus fort de la crise, le produit intérieur brut (PIB) du Canada se contracte de 5,8 % et le taux de chômage culmine à 13,5 % (tableau 1). Parallèlement, les ménages canadiens, voyant leurs revenus baisser, réduisent leurs dépenses en investissement résidentiel, ce qui donne lieu à une correction de 29 % des prix des logements à l’échelle nationale.

Tableau 1 : Le scénario de risque envisage une récession plus grave que les récessions passées au Canada

Tableau 1 : Le scénario de risque envisage une récession plus grave que les récessions passées au Canada
  Baisse du PIB réel entre le pic et le creux (%) Durée de la récession (nombre de trimestres consécutifs de croissance négative) Hausse du taux de chômage (en points de pourcentage) Pic de chômage (%) Baisse du prix des logements entre le pic et le creux (%)
Scénario de risque* -5,8 6 4,7 13,5 -29,0
Récession de 2008-2009 -4,5 3 2,7 8,6 -7,8
Récession de 1990-1991 -3,4 4 4,1 11,7 -6,6
Récession de 1981-1982 -5,4 6 5,8 13,0 -9,8

* Le scénario de risque commence au premier trimestre de 2021. Ces impacts s’ajoutent aux effets déjà présents des trois premiers trimestres de la pandémie de COVID‑19.
Sources : Statistique Canada et calculs de la Banque du Canada

Environ un an après la propagation du nouveau variant, de bonnes nouvelles commencent à filtrer sur le front vaccinal. Toutefois, les séquelles économiques sont telles que l’économie se remet lentement, le PIB ne retrouvant pas les niveaux prépandémiques sur l’horizon de trois ans du scénario de risque.

Par comparaison avec les grandes récessions passées au Canada, la récession envisagée dans le scénario de risque est plus grave, un peu plus longue et s’accompagne d’une correction bien plus marquée des prix des logements. Le reste du monde est aussi en récession, aux prises avec des situations analogues.

L’outil employé pour tester la résistance

Nous recourons à l’outil d’évaluation de la solvabilité selon une approche descendante (modèle TDSA) pour estimer l’incidence de notre scénario de risque sur les niveaux de fonds propres des banques3. Le modèle TDSA peut générer des projections de divers éléments du bilan et de l’état des résultats des banques canadiennes. Comme le montre la figure 1, les trajectoires des variables économiques et financières décrites dans notre scénario servent de données d’entrée du modèle, ce qui nous permet de calculer les principaux ratios de fonds propres. Pour évaluer la résilience du système bancaire canadien dans le scénario de tensions, nous comparons ensuite ces ratios de fonds propres avec les exigences minimales réglementaires.

Incidence du scénario de risque sur les banques

Les effets du ralentissement économique envisagé dans notre scénario sur les grandes banques canadiennes se manifestent sous trois formes :

  • un affaiblissement de la demande de crédit bancaire, signe d’une recrudescence de l’incertitude;
  • une augmentation des pertes de crédit en raison de la hausse du nombre de défauts sur les prêts existants;
  • un accroissement de l’actif pondéré en fonction des risques, causé par la détérioration de la qualité du crédit.

Affaiblissement de la demande de crédit bancaire

Dans le scénario de risque, l’affaiblissement de la demande de crédit ne se répercute pas de la même façon sur tous les segments des portefeuilles de prêts des banques (graphique 1). Dans un premier temps, les banques font face à une flambée de la demande de crédit des entreprises, qui puisent davantage dans leurs facilités existantes pour des motifs de précaution et pour compenser la baisse de leurs revenus (un peu comme ce qui s’est produit au début de la pandémie). Les entreprises finissent par rembourser leurs prêts quand elles reprennent confiance. Avec le temps, cependant, la faiblesse de la demande de crédit occasionnée par le prolongement de la récession se traduit par une baisse des encours dans tous les segments des prêts aux entreprises, des prêts à la consommation et des prêts hypothécaires. Le remboursement des prêts et l’élimination des expositions en raison des défaillances font que les encours plus bas des prêts dépassent les volumes de prêts nouveaux.

Graphique 1 : La faiblesse de la demande de crédit finit par faire baisser les encours dans toutes les catégories de prêts

Source : calculs de la Banque du Canada

Augmentation des pertes de crédit

En raison du repli de l’emploi et de l’activité économique dans le scénario de risque, des emprunteurs ont du mal à rembourser leurs prêts bancaires et certains se retrouvent en défaut de paiement. Les banques sont tenues de mettre des fonds en réserve pour faire face non seulement aux défauts de ces emprunteurs défaillants, mais aussi aux défauts attendus d’autres emprunteurs4. Ces sommes, appelées collectivement « dotations aux pertes de crédit », tendent à augmenter quand les risques auxquels les actifs bancaires sont exposés augmentent. Nous estimons que les banques subiraient des pertes de crédit totalisant 123 milliards de dollars sur l’horizon de trois ans du scénario. Exprimé en pourcentage de l’encours initial des prêts, ce montant correspond à un taux de pertes de crédit de 4,4 %, soit un taux supérieur à ceux enregistrés lors des récessions passées au Canada (graphique 2)5.

Graphique 2 : Les taux de pertes de crédit estimés dans le scénario de risque sont supérieurs à ceux observés durant les grandes récessions passées

* Les pertes de crédit ont été réalisées entre le 3e trim. de 1993 et le 2e trim. de 1994.
Sources : relevés réglementaires soumis par les banques canadiennes et calculs de la Banque du Canada

Nos résultats indiquent des disparités importantes dans les taux de pertes de crédit sur trois ans entre les différentes catégories de produits offerts par les banques. Par exemple :

  • Cartes de crédit. Le taux de pertes de crédit dans cette catégorie est le plus élevé, à 35 %. Cela traduit la plus forte probabilité de non-paiement des soldes de carte de crédit et le recouvrement minimal des banques en cas de défaillance.
  • Prêts hypothécaires non assurés. Nous estimons que le taux de pertes de crédit serait relativement faible, à 0,7 %6, 7. Ce bas taux tient surtout à ces facteurs :
    • des normes de souscription rigoureuses entraînant de faibles taux de défaillance. Par exemple, quand elles accordent des prêts hypothécaires non assurés, les banques doivent vérifier que les ménages ont la capacité d’assurer le service de leur dette (à savoir que les emprunteurs doivent réussir un test de résistance fondé sur le taux admissible minimal) et non pas compter uniquement sur la protection que leur procure la valeur de la sûreté sous-jacente;
    • une valeur nette immobilière importante (d’au moins 20 % en général) qui permet d’absorber l’essentiel de la baisse des prix des logements et d’éviter aux banques d’avoir à essuyer de lourdes pertes en cas de défaillance8.
  • Prêts aux entreprises. Nous supposons que le taux de pertes de crédit serait légèrement supérieur à ce qui a été observé dans le passé. La contribution aux pertes est variable d’un secteur à l’autre, mais dans notre scénario, les secteurs immobiliers (p. ex., la construction) et les secteurs touchés par la COVID‑19 y contribuent de façon disproportionnée9.

Accroissement de l’actif pondéré en fonction des risques

Le cadre réglementaire du secteur bancaire fait appel au concept d’« actif pondéré en fonction des risques ». L’actif bancaire ainsi pondéré constitue le dénominateur des ratios de fonds propres. Quand l’économie est en récession, le profil de risque des prêts en cours se détériore, et la composition de l’actif des banques se trouve alors modifiée en faveur des actifs aux pondérations plus élevées dans le calcul de l’actif pondéré en fonction des risques10. Dans notre scénario de risque, l’actif pondéré en fonction des risques s’accroît de 22 % au total, en raison surtout des pondérations plus fortes affectées aux prêts existants. Cet accroissement est cependant contrebalancé en partie par la baisse de l’encours des prêts.

Toutes choses étant égales par ailleurs, un accroissement de la valeur l’actif pondéré en fonction des risques implique que les banques doivent maintenir plus de fonds propres pour répondre aux exigences réglementaires.

Incidence sur les ratios de fonds propres réglementaires des banques

Au Canada, les banques doivent maintenir dans leur bilan des niveaux de fonds propres supérieurs à certains seuils réglementaires. Elles doivent notamment disposer d’une quantité de fonds propres de catégorie 1 sous forme d’actions ordinaires (CET1)11 représentant au moins 4,5 % de leur actif pondéré en fonction des risques. De plus, elles doivent garder des réserves de fonds propres supplémentaires, notamment les suivantes :

  • Une réserve de conservation des fonds propres de 2,5 % de l’actif pondéré en fonction des risques. Cette réserve permet aux banques d’absorber les pertes en limitant les distributions prélevées sur les capitaux propres en cas de non-respect du seuil de 2,5 %. En deçà de cette limite, des restrictions s’appliquent automatiquement aux versements de dividendes aux actionnaires et aux rachats d’actions. Dans les faits, les grandes banques ont coutume de verser des dividendes et prendraient vraisemblablement des mesures pour préserver leurs fonds propres avant de franchir ce seuil12. Dans notre scénario, toutefois, nous supposons que les banques ne prennent pas de telles mesures.
  • Une réserve de conservation supplémentaire de 1 % de l’actif pondéré en fonction des risques. Cette exigence supplémentaire tient au fait que les grandes banques canadiennes soumises à notre test de résistance ont été désignées « banques d’importance systémique intérieure (BISi) »13.
  • Une réserve pour stabilité intérieure (RSI), qui va de 0 % à 2,5 % de l’actif pondéré en fonction des risques. Le taux de la RSI varie en fonction de la situation économique, obligeant les banques à maintenir des réserves de fonds propres plus élevées en période de prospérité. Quand les temps sont plus difficiles, le Bureau du surintendant des institutions financières peut abaisser cette réserve obligatoire et ainsi libérer de la capacité de crédit pour que les banques soutiennent la reprise. Dans notre scénario, nous avons gardé la RSI constante à 1 %, soit le niveau auquel elle s’établissait au quatrième trimestre de 2020.

Dans le scénario de risque, les impacts sur les fonds propres sont considérables puisque les banques ne respectent pas l’exigence de la réserve de conservation de 8 % durant les deux premières années. Le ratio CET1 global diminue rapidement la première année, passant de 12,3 % à 7,4 % (baisse de 4,9 points de pourcentage). Il se redresse ensuite, pour s’établir à 8,3 % à la fin du scénario (graphique 3). Le déclin des ratios de fonds propres est certes important, mais compte tenu de l’ampleur du choc économique, les banques apparaissent comme étant résilientes dans l’ensemble.

Graphique 3 : Dans le scénario de risque, les ratios de fonds propres tombent sous le seuil de la réserve de conservation, mais restent au-dessus du minimum réglementaire

* La ligne horizontale jaune indique le niveau de la réserve pour stabilité intérieure en vigueur au au quatrième de 2020 et le niveau postulé dans nos scénarios de risque.
† La réserve de conservation comprend l’exigence supplémentaire applicable aux banques d’importance systémique intérieure.
Source : calculs de la Banque du Canada

En raison de la façon dont elles ont réagi à la pandémie, les banques canadiennes sont mieux pourvues en fonds propres au début du scénario qu’elles ne l’étaient avant la pandémie, ce qui contribue à leur résilience durant la période14. Leur ratio global de fonds propres CET1 passe de 11,6 % au premier trimestre de 2020 à 12,3 % au quatrième trimestre de la même année. Cette différence correspond à environ 15 milliards de fonds propres supplémentaires. Par précaution, les banques font aussi une dotation additionnelle de 13 milliards de dollars aux provisions pour pertes de crédit dans le courant de l’année 2020, pour un montant total de provisions de 24 milliards de dollars, ce qui les aide à absorber les pertes dans le cadre de notre test à compter du premier trimestre de 2021.

Le graphique 4 montre le déclin du ratio global de fonds propres CET1 entre le moment où la situation de départ prévaut (au quatrième trimestre de 2020) et la fin de période considérée dans le scénario (le quatrième trimestre de 2023). La forte capacité des banques à générer des revenus nets avant dotations aux pertes de crédit et charge d’impôts ajoute 7,7 points de pourcentage au ratio de fonds propres CET1 sur la période du scénario. On peut trouver deux explications à la capacité des banques de maintenir de solides revenus nets avant dotations aux pertes de crédit et charge d’impôts, malgré la forte contraction de l’activité :

  • Les banques canadiennes affichent au départ une forte rentabilité : elles dégagent en temps normal un rendement des capitaux propres supérieur à 15 %.
  • Elles fonctionnent selon un modèle de forte diversification comprenant d’importantes activités dans les secteurs des prêts aux particuliers et aux entreprises, des services d’opérations sur les marchés de capitaux ainsi que des branches de gestion de patrimoine et d’assurance. Cette diversification contribue à atténuer l’incidence sur les résultats quand un secteur particulier se porte mal.

Toutefois, bien que ces revenus d’exploitation aident les banques à absorber une partie de leurs pertes dans le scénario, ils sont inférieurs d’environ un tiers à ce qu’ils seraient en temps normal. Il y a trois raisons à cela :

  • la compression de la marge nette de taux d’intérêt, étant donné le contexte où les taux d’intérêt sont continuellement bas;
  • une baisse des activités de prêt se traduisant par un moins grand nombre de prêts générateurs de revenus;
  • une diminution des activités des clients qui pèse sur les revenus autres que d’intérêt.

Graphique 4 : La baisse du ratio de fonds propres de catégorie 1 sous forme d’actions ordinaires dans le scénario de risque est principalement due à la hausse des pertes de crédit

Source : calculs de la Banque du Canada

Par ailleurs, la contribution positive des revenus nets au ratio de fonds propres CET1 est plus que contrebalancée par15 :

  • l’augmentation des pertes de crédit. Les provisions pour pertes de crédit sur les prêts productifs et improductifs totalisent 123 milliards de dollars dans le scénario. Ces provisions font baisser le ratio global de fonds propres CET1 de 6,8 points de pourcentage;
  • la constance dans le versement de dividendes. Dans le scénario, nous supposons que les banques maintiennent leurs versements de dividendes aux niveaux déclarés au quatrième trimestre de 2020, sauf pendant les sept trimestres où des restrictions automatiques sont appliquées aux dividendes en raison de l’insuffisance de la réserve de conservation des fonds propres. Les dividendes ainsi versés aux actionnaires s’élèvent à 67 milliards de dollars sur la période de trois ans du scénario, ce qui a pour conséquence d’abaisser de 2,9 points de pourcentage le ratio global de fonds propres CET1;
  • l’accroissement de l’actif pondéré en fonction des risques. Comme nous l’avons mentionné, l’actif ainsi pondéré augmente en raison de la détérioration de la qualité du crédit dans l’ensemble des portefeuilles. Cette augmentation fait reculer de 1,9 point de pourcentage le ratio global de fonds propres CET1.

Conclusion

Dans cette note, nous soumettons les grandes banques canadiennes à un test de résistance afin d’évaluer leur résilience. Nous arrivons à la conclusion qu’elles sont dans l’ensemble assez solides pour résister à une récession importante. Leur résilience tient à leurs niveaux initiaux élevés de fonds propres, à leur forte capacité à générer des revenus, même en période de tensions, et au fait qu’elles s’appuient sur de saines pratiques de souscription.

Les dispositifs de tests de résistance constituent un outil important dont les autorités se servent pour évaluer l’adéquation des fonds propres des banques. Surtout, le test que nous avons mené apporte des éclairages sur la capacité des banques canadiennes à aider l’économie à traverser les périodes difficiles en continuant d’accorder des prêts aux ménages et aux entreprises. Il convient de noter que nous envisageons une récession délibérément grave dans le scénario de risque de ce test et supposons que les banques ne prennent aucune mesure particulière pour contrer l’érosion de leurs niveaux de fonds propres. En réalité, il est fort probable que les banques adopteraient d’elles-mêmes diverses stratégies pour réduire l’impact de la récession sur leurs niveaux de fonds propres. Cela ne fait que corroborer notre constat selon lequel le système bancaire au Canada apparaît capable de résister à un choc de grande ampleur. La préservation de la stabilité du système financier repose en partie sur la résilience des banques canadiennes.

  1. 1. Au Canada, les six plus grandes banques sont les principaux acteurs de l’intermédiation financière. Elles détiennent collectivement plus de 90 % de l’actif total des institutions de dépôts canadiennes. Ces banques sont la Banque de Montréal, la Banque de Nouvelle-Écosse, la Banque Canadienne Impériale de Commerce, la Banque Nationale du Canada, la Banque Royale du Canada et la Banque Toronto-Dominion.[]
  2. 2. La trame narrative de la pandémie est intégrée dans les résultats par le biais de la calibration initiale des variables macroéconomiques et, plus directement, par l’exercice d’un jugement quant aux taux de pertes sur les prêts dans les secteurs d’activité sensibles aux perturbations causées par la COVID‑19.[]
  3. 3. Un rapport technique à paraître présentera en détail le modèle TDSA de la Banque. On trouvera une description sommaire de l’outil dans MacDonald et Traclet (2018).[]
  4. 4. Depuis l’introduction, en 2018, de la Norme internationale d’information financière 9, le traitement comptable des pertes de crédit est de nature plus prospective qu’avant. En effet, les banques doivent mettre de côté des fonds pour couvrir les pertes de crédit attendues sur l’ensemble de leurs prêts, avant même d’avoir subi ces pertes. Elles peuvent ainsi comptabiliser ces pertes plus tôt que sous les normes comptables précédentes.[]
  5. 5. Dans cet exercice, nous prenons en considération les pertes de crédit liées aux prêts, y compris les pertes sur les lignes de crédit confirmées. Nous comptabilisons le risque de crédit associé à l’exposition aux titres dans les pertes sur le marché; toutefois, nous faisons abstraction du risque de contrepartie associée aux opérations sur instruments dérivés ou de financement par titres.[]
  6. 6. Il est à noter que plus de 40 % des prêts hypothécaires inscrits aux bilans des grandes banques sont couverts par une assurance hypothécaire, ce qui implique que ce sont les assureurs, et non les banques, qui assument les pertes éventuelles sur ces prêts.[]
  7. 7. Bien qu’ils cadrent avec les taux enregistrés dans le passé, les taux de pertes estimés sur les expositions aux prêts hypothécaires pourraient être trop faibles étant donné l’absence de tensions importantes et observables causant des pertes de grande ampleur sur les prêts hypothécaires au Canada. C’est pourquoi nous procédons à une analyse de sensibilité supplémentaire pour nous assurer que nos résultats tiennent, même avec des taux de pertes plus importants. Dans l’étude présentée ce document, nous supposons un taux de pertes de 21 % sur les prêts hypothécaires résidentiels non assurés en défaut, calibré sur la base des coûts fixes de récupération de la valeur de la propriété (p. ex., les frais de vente) et de la valeur nette négative attendue au moment de la vente.[]
  8. 8. Avec les années, les Canadiens ont pu constituer un patrimoine foncier important grâce aux exigences de mise de fonds minimale d’au moins 20 % de la valeur des propriétés financées par un prêt hypothécaire non assuré, à des calendriers d’amortissement permettant le remboursement graduel des prêts hypothécaires au fil du temps ainsi qu’aux hausses des prix des logements.[]
  9. 9. Voir Bruneau, Duprey et Hipp (à paraître) pour de plus amples renseignements concernant la projection de la probabilité de défaillance des entreprises dans notre test de résistance au risque d’insolvabilité. Cette probabilité de défaillance est une variable fondamentale de l’estimation des pertes de crédit sur les expositions dans les portefeuilles de prêts aux entreprises.[]
  10. 10. En période de tensions économiques, l’augmentation des coefficients de pondération des risques est particulièrement notable dans les catégories de prêts traditionnellement exposées à un risque de crédit plus faible, comme les prêts hypothécaires résidentiels.[]
  11. 11. Les fonds propres CET1 se composent essentiellement d’actions ordinaires, de bénéfices non répartis et du cumul des autres éléments du résultat global.[]
  12. 12. Les mesures prises pour maintenir les niveaux de fonds propres pourraient inclure la réduction des charges, l’ajustement de la tarification des produits afin de limiter la croissance du bilan, le recours aux plans de réinvestissement des dividendes, l’émission d’actions et la vente d’actifs non stratégiques.[]
  13. 13. Une BISi aux prises avec des problèmes de solvabilité est susceptible de perturber le fonctionnement du système financier intérieur.[]
  14. 14. Si les banques sont au départ plus solides en ce qui a trait aux réserves de fonds propres et aux réserves pour pertes sur prêts, c’est à cause de leur réponse à la pandémie, et non parce qu’on a tenté de prendre un point de départ plus favorable pour notre scénario.[]
  15. 15. Notre simulation montre les effets de premier tour sous forme de pertes de crédit, de pertes de bénéfices et de pertes sur le marché. Comme les ratios de fonds propres restent supérieurs aux minimums réglementaires durant toute la période considérée, les effets de second tour comme les pertes attribuables à la liquidation d’actifs en catastrophe consécutive à la réduction forcée du levier d’endettement ou les pertes sur les expositions interbancaires résultant des effets de contagion, ne sont pas pertinents et nous n’en faisons pas état. Ces effets de second tour sont estimés à l’aide du Cadre d’évaluation des risques macrofinanciers de la Banque du Canada (voir Fique, 2017).[]

Bibliographie

Bruneau, G., T. Duprey et R. Hipp (à paraître). Forecasting Banks’ Corporate Loan Losses Under Stress: A New Corporate Default Model, rapport technique de la Banque du Canada.

Gaa, C., X. Liu, C. MacDonald et X. Shen (2019). Assessing the Resilience of the Canadian Banking System, note analytique du personnel no 2019-16, Banque du Canada.

Fique, J. (2017). The MacroFinancial Risk Assessment Framework (MFRAF), Version 2.0, rapport technique no 111, Banque du Canada.

MacDonald, C. et V. Traclet (2018). The Framework for Risk Identification and Assessment, rapport technique no 113, Banque du Canada.

Remerciements

Nous tenons à remercier Russell Barnett, Thibaut Duprey, Toni Gravelle, Grzegorz Halaj, Louis Morel, Stephen Murchison, Carolyn Rogers, Tamara VanDeWalle et Jing Yang pour leurs observations et suggestions judicieuses. Nous remercions également Gabriel Bruneau et Sofia Priazhkina pour leur assistance technique. Nos remerciements vont aussi à Alison Arnot et Maren Hansen pour leur collaboration à la rédaction de cette note, ainsi qu’à Maxime Beaudet et Anne-Claude Doiron pour la traduction française.

Avis d’exonération de responsabilité

Les notes analytiques du personnel de la Banque du Canada sont de brefs articles qui portent sur des sujets liés à la situation économique et financière du moment. Rédigées en toute indépendance du Conseil de direction, elles peuvent étayer ou remettre en question les orientations et idées établies. Les opinions exprimées dans le présent document sont celles des auteurs uniquement. Par conséquent, elles ne traduisent pas forcément le point de vue officiel de la Banque du Canada et n’engagent aucunement cette dernière.

DOI : https://doi.org/10.34989/san-2022-6

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