Résultats de l’enquête du 1er trimestre de 2022 | Vol. 19.1 | 4 avril 2022
Selon les résultats de l’enquête sur les perspectives des entreprises du premier trimestre de 2022, les contraintes de capacité liées à la main-d’œuvre et les problèmes de chaîne d’approvisionnement demeurent répandus. Compte tenu de ces pressions et de la demande robuste, les entreprises anticipent une forte croissance des prix et s’attendent également à ce que l’invasion de l’Ukraine par la Russie accentue les pressions sur les coûts. Maintenant que les restrictions sanitaires s’assouplissent, les entreprises qui ont été durement touchées pendant la pandémie prévoient une reprise de leurs ventes.
Vue d’ensemble
- Les entrevues de l’enquête ont été réalisées avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Mais, selon les résultats d’une enquête spéciale menée en mars, environ la moitié des entreprises croient qu’elles seront touchées par le conflit, le plus souvent en raison des pressions accrues sur les coûts attribuables aux prix plus élevés de l’énergie et d’autres produits de base.
- Les entreprises s’attendent encore à ce que leurs ventes progressent fortement, mais à un rythme plus modéré que l’an passé. Celles qui œuvrent dans les services où la distanciation est difficile à respecter anticipent une hausse importante de leurs ventes maintenant que les restrictions liées à la pandémie de COVID‑19 s’assouplissent.
- Le nombre d’entreprises faisant état de pressions sur la capacité liées à des problèmes de main-d’œuvre ou de chaîne d’approvisionnement atteint un sommet.
- Compte tenu des pressions persistantes sur la capacité et de la demande robuste, les entreprises prévoient une forte croissance des salaires ainsi que des prix des intrants et des extrants. Les intentions d’accroître les investissements et d’embaucher du personnel demeurent répandues.
- Les attentes concernant l’inflation moyenne pour les deux prochaines années restent élevées. La plupart des répondants sont d’avis que l’inflation se situera près de la cible de 2 % visée par la Banque du Canada dans trois ans. Ils attribuent le ralentissement de l’inflation aux mesures attendues de la Banque à l’égard des taux d’intérêt et à l’amélioration des chaînes d’approvisionnement.
Les entreprises s’attendent à ce que le conflit en Ukraine exerce des pressions à la hausse sur les coûts
Au début mars, la Banque a mené une enquête en ligne complémentaire auprès d’entreprises canadiennes pour mieux comprendre les conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie1. Environ la moitié des entreprises consultées croient qu’elles seront touchées par le conflit.
La conséquence attendue la plus souvent citée est une pression à la hausse sur les coûts (graphique 1), liée principalement à :
- l’augmentation des prix de l’énergie et d’autres produits de base
- de nouvelles perturbations des chaînes d’approvisionnement
Parmi les entreprises qui s’attendent à ce que le conflit fasse monter les coûts de leurs intrants à cause des perturbations des chaînes d’approvisionnement, une grande partie dépend de biens provenant d’Europe et d’Asie. Elles anticipent une augmentation des coûts de transport et des délais de livraison plus longs, qui s’ajouteront aux effets de la pandémie. D’autres prévoient des retards et une réduction de la disponibilité des produits de base. Beaucoup d’entreprises ont l’intention de répercuter les hausses de coûts liées au conflit sur leurs clients.
L’invasion de l’Ukraine devrait manifestement accroître les coûts des intrants des entreprises, mais son incidence possible sur les ventes et les projets d’investissement de celles-ci est moins certaine. Plusieurs entreprises, en particulier celles qui sont liées aux secteurs de l’énergie et des autres produits de base, s’attendent à une hausse de leurs ventes. D’autres croient que leurs ventes vont diminuer en raison des perturbations des chaînes d’approvisionnement et de l’incertitude accrue. Certains répondants ont indiqué que l’incertitude persistante entourant la pandémie, surtout en ce qui a trait aux perturbations des chaînes d’approvisionnement et aux coûts connexes, a été accentuée par le conflit.
Graphique 1 : Beaucoup d’entreprises s’attendent à ce que l’invasion de l’Ukraine par la Russie fasse monter les coûts de leurs intrants
Diminution | Augmentation | Résultat net | |
---|---|---|---|
Coûts des intrants | -2 | 61 | 59 |
Prix des extrants | -6 | 46 | 40 |
Emploi | -8 | 19 | 11 |
Dépenses en capital | -18 | 22 | 4 |
Capacité de répondre à la demande | -16 | 17 | 1 |
Ventes | -30 | 27 | -3 |
L’indicateur de l’enquête reflète les tensions dans l’économie, l’accroissement de la demande et l’intensification des pressions sur les prix
L’indicateur de l’enquête demeure élevé, reflétant un resserrement de la capacité ainsi que l’anticipation d’une activité économique plus forte et d’une progression des prix plus rapide (graphique 2). Bien que des entreprises s’attendent à un ralentissement de la croissance de leurs ventes, les perspectives à ce chapitre restent robustes. Toutefois, une majorité de répondants continuent d’indiquer que les contraintes de main-d’œuvre et les perturbations des chaînes d’approvisionnement attribuables à la pandémie nuisent à leur capacité de répondre à la demande. L’effet combiné d’une demande forte et de pressions généralisées sur la capacité renforce les attentes des entreprises concernant la progression des salaires et des prix.
Graphique 2 : L’indicateur de l’enquête demeure élevé, les pressions sur la capacité étant encore généralisées
Les entreprises s’attendent encore à une forte croissance des ventes
Après une solide croissance des ventes au cours de la dernière année, la plupart des entreprises anticipent des hausses, souvent importantes, de leurs ventes dans les douze prochains mois. Des signes concrets d’une augmentation de la demande intérieure et étrangère confortent leurs perspectives favorables. Les indicateurs des ventes futures, comme les demandes de renseignements et les carnets de commandes, se sont améliorés dans l’ensemble comparativement à il y a un an (graphique 3, ligne rouge).
Les entreprises s’attendent encore à ce que leurs ventes progressent fortement, mais à un rythme plus modéré que l’an passé (graphique 3, barres bleues). Celles qui se sont bien tirées d’affaire pendant la pandémie et celles qui se sont nettement remises des effets de la première vague du virus pensent que la croissance va ralentir et trouver un rythme plus soutenable. Les entreprises liées au secteur du logement sont d’avis que les hausses prochaines des taux d’intérêt vont freiner la croissance de la demande, mais que l’activité restera à des niveaux élevés. À l’inverse, les entreprises liées aux services où la distanciation est difficile croient que leurs ventes vont s’accélérer avec l’assouplissement des restrictions sanitaires et le rétablissement de la demande qui avait subi les contrecoups de la pandémie. Environ le quart des répondants continuent d’indiquer que leurs ventes n’ont pas regagné tout le terrain perdu pendant la pandémie.
Graphique 3 : Les répondants sont encore nombreux à faire état d’une amélioration des indicateurs des ventes futures
La capacité des entreprises de répondre à la demande est encore restreinte
Quatre entreprises sur cinq – une proportion record – estiment qu’elles auraient quelques difficultés ou de sérieuses difficultés à faire face à une hausse inattendue de la demande (graphique 4). Les principaux obstacles restent liés à la main-d’œuvre et aux frictions dans les chaînes d’approvisionnement. Environ le tiers des entreprises disent que les contraintes de capacité limitent leurs attentes à l’égard des ventes. Dans le cas des entreprises qui se sont bien tirées d’affaire pendant la pandémie, les pressions sur la capacité de production sont en partie attribuables à une demande robuste.
Graphique 4 : Les pressions sur la capacité demeurent à des niveaux records
Les entreprises soulignent que les problèmes de chaîne d’approvisionnement se sont aggravés par rapport à il y a trois mois, principalement parce que des intrants spécifiques ou les grandes quantités sont plus difficiles à obtenir. La plupart de celles qui font état de goulots d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement s’attendent à ce que les problèmes connexes persistent au moins jusqu’en 2023.
Pour composer avec les difficultés liées aux chaînes d’approvisionnement, les entreprises procèdent à des ajustements de plusieurs ordres :
- intrants des biens et services – en recourant à de nouveaux fournisseurs, transporteurs ou intrants, ou en maintenant des niveaux de stocks plus élevés
- ventes – en retardant des commandes, en réduisant le nombre de produits disponibles ou en refusant des contrats
- prix – en montant les prix de leurs extrants
L’indicateur d’intensité des pénuries de main-d’œuvre demeure élevé, signe que la plupart des entreprises considèrent que les marchés du travail sont plus tendus qu’il y a un an (graphique 5, ligne rouge). La proportion d’entreprises confrontées à des pénuries de main-d’œuvre qui limitent leur capacité de répondre à la demande reste élevée – un autre signe de tensions sur les marchés du travail (graphique 5, barres bleues). Selon les répondants, les pénuries de main-d’œuvre sont principalement attribuables à :
- des changements structurels, comme les avancées technologiques qui nécessitent un savoir-faire nouveau, le vieillissement de la population et l’évolution des préférences dans les choix de carrière (p. ex., délaissement des métiers de la construction, du transport et de l’agriculture)
- la forte demande actuelle de main-d’œuvre
- des facteurs liés à la pandémie, notamment l’absentéisme (maladie, responsabilités parentales ou peur de contracter la COVID‑19), les programmes gouvernementaux de soutien du revenu et le nombre réduit de nouveaux immigrants disponibles à l’embauche dû aux restrictions qui avaient été imposées à la frontière
Plusieurs entreprises soulignent que les tensions sur le marché du travail pourraient limiter le nombre de travailleurs qu’elles seront en mesure d’embaucher cette année. La plupart s’attendent à ce que les pénuries de main-d’œuvre – surtout celles découlant de changements structurels – persistent jusqu’en 2023 au moins.
Graphique 5 : Les pénuries de main-d’œuvre sont répandues
Les intentions d’investir davantage et d’embaucher du personnel sont portées par la demande
En raison de la vigueur soutenue de la demande, les entreprises continuent d’être nombreuses à avoir l’intention d’accroître leurs dépenses en machines et matériel et d’embaucher du personnel au cours des douze prochains mois (graphique 6). Elles mentionnent également d’autres raisons qui les poussent à vouloir investir davantage, soit :
- pour alléger les contraintes de main-d’œuvre en améliorant la productivité, souvent par des technologies numériques et l’automatisation
- pour atténuer des limites de capacité physique ou résoudre des difficultés liées au transport et à la logistique
- pour mettre en marche des projets d’investissement à long terme maintenant que l’incertitude liée à la pandémie se dissipe
Graphique 6 : La majorité des entreprises comptent investir davantage et embaucher du personnel
Les entreprises continuent de s’attendre à de fortes hausses des prix
Les attentes des entreprises concernant les augmentations salariales moyennes demeurent nettement au-dessus de leur niveau habituel, et beaucoup anticipent une croissance des salaires plus forte (graphique 7)2. Les facteurs qui contribuent à pousser les salaires à la hausse sont les mêmes que ceux cités dans l’enquête précédente, soit :
- la situation tendue du marché du travail, qui rend difficile d’attirer et de retenir les employés
- l’augmentation du coût de la vie
- la nécessité croissante de rester en phase avec les attentes du marché du travail, qui évoluent rapidement
Graphique 7 : La plupart des entreprises entrevoient une croissance plus rapide des salaires
Les entreprises s’attendent également à ce que les prix de leurs intrants et extrants augmentent plus rapidement (graphique 8). En effet, un nombre record d’entre elles s’attendent à des hausses de prix considérables, tant du côté des intrants que des extrants. Beaucoup anticipent une croissance plus rapide des prix des intrants hors produits de base (p. ex., composants électroniques, emballage, transport), souvent en raison de problèmes persistants dans les chaînes d’approvisionnement. Avant l’invasion de l’Ukraine, les entreprises s’attendaient à ce que les prix de divers produits de base et de leurs intrants (p. ex., produits à base de pétrole, produits alimentaires) continuent d’augmenter à un rythme similaire à celui des douze derniers mois.
Graphique 8 : Les entreprises s’attendent à une croissance plus rapide des prix des intrants et des extrants au cours de la prochaine année
Le nombre d’entreprises ayant l’intention de répercuter sur leurs clients les hausses de prix liées aux frictions dans les chaînes d’approvisionnement (coûts non salariaux) et aux augmentations salariales demeure élevé (graphique 9). Plusieurs entreprises ont indiqué que la forte demande leur permet d’augmenter plus facilement leurs prix de vente pour répondre aux pressions croissantes sur les coûts. En outre, le nombre d’entreprises qui s’attendent à ce que la concurrence limite la montée des prix de leurs extrants est plus bas que jamais.
Graphique 9 : Les pressions sur les coûts continuent de teinter les anticipations des entreprises à l’égard des prix des extrants
2021T2 | 2021T3 | 2021T4 | 2022T1 | Moyenne† | |
---|---|---|---|---|---|
Transmission des coûts salariaux | 7 | 13 | 19 | 35 | 6,2 |
Transmission des coûts non salariaux | 26 | 21 | 31 | 33 | 9,1 |
Situation de la demande | 20 | -3 | 12 | 12 | 1 |
Transmission de prix des produits de base | 15 | 7 | 3 | 8 | 6,1 |
Concurrence | -18 | -4 | -2 | -1 | -10,2 |
Toutefois, beaucoup d’entreprises ont dit ne pas avoir l’intention de répercuter entièrement sur leurs clients les augmentations des coûts des intrants et des salaires. Certaines prennent d’autres moyens pour gérer ces pressions sur les coûts, par exemple l’amélioration de la productivité et la réduction des marges bénéficiaires. Parmi les entreprises qui ont majoré leurs prix en réponse aux pressions sur les coûts découlant des perturbations des chaînes d’approvisionnement, la plupart s’attendent à ce que leurs prix de vente diminuent ou augmentent plus lentement une fois que les goulots d’étranglement et les coûts connexes se seront résorbés.
Les entreprises s’attendent à ce que l’inflation soit élevée, mais redescende plus tard
Les attentes d’inflation des entreprises demeurent élevées (graphique 10). Plus des deux tiers d’entre elles croient que l’inflation va dépasser 3 % en moyenne au cours des deux prochaines années, et deux sur cinq s’attendent à ce qu’elle dépasse 4 %. Les attentes de pressions inflationnistes des répondants sont souvent rattachées :
- aux problèmes continus dans les chaînes d’approvisionnement
- aux prix des produits de base (dont ceux de l’énergie, des matériaux de construction et des aliments)
- aux coûts salariaux
Graphique 10 : La majorité des entreprises s’attendent à ce que l’inflation dépasse 3 % en moyenne au cours des deux prochaines années
Pour mieux comprendre les attentes d’inflation des entreprises, on a demandé aux participants pendant combien de temps, à leur avis, l’inflation demeurera sensiblement supérieure à la cible de 2 % de la Banque. Moins d’un cinquième d’entre eux s’attendent à ce que l’inflation demeure nettement au-dessus de 2 % pour les trois prochaines années (graphique 11). C’est donc dire que la plupart pensent que l’inflation sera élevée à court et à moyen terme, mais qu’elle redescendra ensuite. En général, les entreprises prévoient que l’inflation retournera à la cible en raison des hausses de taux d’intérêt attendues de la part de la Banque et des améliorations dans les chaînes d’approvisionnement, au fur et à mesure que les effets de la pandémie se dissiperont.
Graphique 11 : La plupart des entreprises s’attendent à ce que l’inflation avoisine 2 % dans trois ans
2021T4 | 2022T1 | |
---|---|---|
Moins d'un an | 12 | 9,4 |
1 an à 2 ans | 38,6 | 34,1 |
2 à 3 ans | 31,3 | 35,3 |
3 à 4 ans | 6 | 8,2 |
4 à 5 ans | 3,6 | 3,5 |
Plus de 5 ans | 4,8 | 4,7 |
Notes
- 1. Les données ont été obtenues dans le cadre d’une enquête en ligne mensuelle, de nature expérimentale, intitulée Le Pouls des entrepreneurs. L’échantillon est constitué de 152 entreprises, et les réponses ont été recueillies entre le 4 et le 10 mars 2022.[←]
- 2. Pour en savoir plus sur les nouvelles données concernant l’augmentation moyenne des salaires, consulter la Note d’information sur la question de l’enquête sur les perspectives des entreprises concernant l’augmentation salariale moyenne attendue.[←]
Le présent bulletin contient une synthèse de l’information qui a été obtenue dans le cadre d’entrevues réalisées par le personnel des bureaux régionaux de la Banque auprès des responsables d’une centaine d’entreprises, choisies en fonction de la composition du produit intérieur brut du secteur canadien des entreprises. Les données de cette enquête ont été recueillies par téléphone et par vidéoconférence entre le 7 et le 25 février 2022. Le solde des opinions peut varier entre +100 et -100. Les chiffres étant arrondis, le total des pourcentages n’est pas nécessairement égal à 100. Des précisions sur le questionnaire et les réponses obtenues sont présentées dans le site Web de la Banque du Canada. Les résultats de l’enquête constituent un condensé des opinions exprimées par les répondants et ne reflètent pas forcément le point de vue de la Banque du Canada.