Déclaration préliminaire devant le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce

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Bonsoir. Je suis ravi d’être ici en compagnie de la première sous-gouverneure Carolyn Rogers pour parler de notre récente annonce concernant le taux directeur et du Rapport sur la politique monétaire de la Banque du Canada.

Quand nous avons publié le Rapport, nous en étions à la huitième semaine de l’invasion non provoquée de l’Ukraine par la Russie. La guerre cause une énorme souffrance humaine, et nous avons une pensée émue pour le peuple ukrainien. La guerre constitue aussi une nouvelle source d’incertitude pour les perspectives économiques mondiales. Elle stimule une inflation déjà élevée dans de nombreux pays, dont le Canada, et elle perturbe la reprise de l’économie mondiale après le choc de la pandémie de COVID-19.

Dans ce contexte, nous avons trois grands messages.

Premièrement, l’économie canadienne est forte. En général, elle s’est complètement remise de la pandémie et entre maintenant dans une phase de demande excédentaire.

Deuxièmement, l’inflation est trop élevée. Elle est supérieure à nos attentes et elle restera élevée pendant plus longtemps que nous le pensions.

Troisièmement, nous avons besoin de taux d’intérêt plus élevés. Le taux directeur est notre principal outil pour maintenir l’équilibre économique et ramener l’inflation à la cible de 2 %. Il y a deux semaines, nous avons relevé notre taux de 50 points de base, pour le faire passer à 1 %. Comme nous l’avons indiqué, les Canadiens devraient s’attendre à d’autres hausses.

Laissez-moi vous parler plus en détail de chacun de ces trois thèmes.

Les Canadiens ont subi de nombreuses épreuves au cours des deux dernières années. Tout le monde a été touché par la pandémie, soit par la maladie ou la perte d’un être cher, la peur et l’incertitude, la perte d’un emploi ou la fermeture d’une entreprise. Nous avons vécu la récession la plus forte et la plus profonde jamais enregistrée. Et les vagues successives du virus ont rendu la reprise difficile.

Grâce à des mesures de relance monétaire et budgétaire exceptionnelles, des vaccins efficaces et la volonté de s’adapter et d’innover, l’économie a vite rebondi de façon remarquable. La reprise a été plus vive et plus rapide que jamais. Et maintenant, la demande prend les devants sur la capacité de production de l’économie.

Il suffit de regarder le marché du travail pour s’en convaincre. Avant la pandémie, le taux de chômage était de 5,7 % au pays. Quand la pandémie a frappé, il a grimpé en flèche à 13,4 %. Maintenant, deux ans plus tard, il se situe à un creux historique de 5,3 %. Le nombre de postes vacants est élevé et la croissance des salaires a atteint les niveaux prépandémie. Les entreprises ont du mal à trouver suffisamment de travailleurs pour satisfaire à la demande et elles nous disent qu’elles vont devoir augmenter les salaires pour attirer et retenir la main-d’œuvre.

Nous nous attendons à ce que la croissance continue d’être forte dans les prochains mois. Avec la levée progressive des restrictions sanitaires, les Canadiens dépensent plus pour des services, notamment dans les secteurs des : voyages et des loisirs, de l’hébergement et de la restauration. Et ils achètent encore beaucoup de biens. L’activité sur le marché du logement est encore vigoureuse et, même si nous nous attendons à ce qu’elle ralentisse, elle restera à des niveaux élevés. Les investissements des entreprises et les exportations augmentent, et les prix élevés de nombreux produits de base que le Canada exporte font entrer davantage de revenus au pays.

Les investissements vigoureux des entreprises, la productivité accrue du travail et la hausse de l’immigration devraient favoriser la capacité de production de notre économie. Et les taux d’intérêt plus élevés devraient ralentir les dépenses. Tout compte fait, la Banque prévoit que la croissance de l’économie canadienne atteindra 4 ¼ % cette année, avant de ralentir pour s’établir à 3 ¼ % en 2023 et à 2 ¼ % en 2024.

Ce qui m’amène à mon deuxième point, soit l’objectif principal de la Banque : l’inflation. Au Canada, l’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC) a atteint 6,7 % en mars, son plus haut niveau en 30 ans, bien au-delà de la projection du Rapport sur la politique monétaire de janvier. La guerre a fait monter le prix de l’énergie et d’autres produits de base, et perturbe davantage les chaînes d’approvisionnement mondiales. Les facteurs qui font grimper l’inflation viennent de l’étranger, mais compte tenu de la demande excédentaire au sein de l’économie, nous devons aussi composer avec des pressions internes sur les prix. Environ les deux tiers des composantes de l’IPC affichent une hausse de plus de 3 %, ce qui signifie que les Canadiens sentent les effets de l’inflation sur leur budget, que ce soit pour l’essence, les aliments ou le loyer.

Nous nous attendons maintenant à ce que l’inflation atteigne presque 6 % en moyenne durant la première moitié de 2022 et reste bien au-dessus de notre fourchette de maîtrise de l’inflation de 1 à 3 % tout au long de l’année. Elle devrait ensuite baisser pour s’établir à environ 2 ½ % au deuxième semestre de 2023, avant de revenir à la cible de 2 % en 2024.

Le niveau élevé de l’inflation touche chacun de nous. Un taux d’inflation de 5 % sur une année – c’est-à-dire 3 points de pourcentage au-dessus de notre cible – coûte 2 000 $ de plus au Canadien moyen. Or, l’inflation touche encore davantage les personnes les plus vulnérables de notre société, à la fois parce qu’elles dépensent la totalité de leur revenu et que le coût de produits essentiels, comme les aliments et l’énergie, a connu une hausse marquée. Cette généralisation des pressions sur les prix est extrêmement préoccupante. Il devient plus difficile pour les consommateurs canadiens d’échapper à l’inflation, quelle que soit leur patience ou leur prudence.

Cela m’amène à mon troisième point : les taux d’intérêt augmentent. L’économie a besoin de taux d’intérêt plus élevés et elle est capable de les encaisser. Puisque la demande commence à dépasser la capacité de production de l’économie, nous avons besoin de taux plus élevés pour rétablir l’équilibre de l’économie et juguler l’inflation au pays.

Nous avons aussi besoin de taux d’intérêt plus élevés pour garder les attentes d’inflation des Canadiens ancrées à la cible. Nous ne pouvons maîtriser ni même influencer les prix de la plupart des biens échangés à l’échelle internationale. Cependant, si les attentes d’inflation des Canadiens demeurent bien ancrées à la cible de 2 %, l’inflation redescendra au pays quand les pressions inflationnistes mondiales attribuables aux prix élevés du pétrole et à l’engorgement des chaînes d’approvisionnement s’atténueront.

Nous nous sommes engagés à utiliser notre taux directeur pour ramener l’inflation à la cible et nous prendrons, s’il le faut, des mesures énergiques pour y parvenir.

Les hausses du taux directeur de la Banque font monter les taux d’intérêt des prêts aux entreprises, des prêts à la consommation et des prêts hypothécaires – et ils améliorent le rendement de l’épargne. Nous avons indiqué clairement que les Canadiens devraient s’attendre à une trajectoire à la hausse des taux d’intérêt, mais il peut être inquiétant de voir ses versements hypothécaires et ses autres coûts d’emprunt augmenter. Nous évaluerons avec soin l’effet des taux d’intérêt plus élevés sur l’économie.

On le sait, la question qui est sur toutes les lèvres, c’est jusqu’où les taux vont grimper, ou encore, à quel niveau devront-ils être haussés? Il faut se rappeler que nous avons une cible d’inflation, et non une cible de taux d’intérêt. Autrement dit, nous n’avons pas de destination préétablie pour le taux directeur. Mais je peux vous dire que les Canadiens devraient s’attendre à ce que les taux d’intérêt continuent d’augmenter pour revenir vers des niveaux plus normaux. Par « normaux », on entend la fourchette que nous envisageons pour un taux d’intérêt neutre qui ne stimule pas l’économie et ne pèse pas sur celle-ci. Nous estimons qu’il se situe entre 2 et 3 %. Il y a deux semaines, nous avons relevé le taux directeur à 1 %, ce qui reste bien en deçà du taux neutre. C’est aussi inférieur au taux directeur en vigueur avant la pandémie, qui s’établissait à 1,75 %.

Le niveau que le taux atteindra va dépendre de la réponse de l’économie et de l’évolution des perspectives d’inflation. Au moment d’entrer dans cette phase de demande excédentaire, l’économie est en plein essor et l’inflation est élevée, et nous nous sommes engagés à ramener l’inflation à la cible. Si la demande réagit rapidement aux taux plus élevés et que les pressions inflationnistes se modèrent, il pourrait être approprié de cesser temporairement notre resserrement quand nous nous serons rapprochés du taux neutre, puis de faire le point. En revanche, nous pourrions devoir augmenter les taux un peu au-dessus du taux neutre pendant un certain temps afin de rétablir l’équilibre entre l’offre et la demande et de ramener l’inflation à la cible.

Pour terminer, laissez-moi vous parler de notre bilan. En date de cette semaine, nous ne remplaçons plus les obligations qui arrivent à échéance, et la taille de notre bilan va diminuer. Ainsi, nous bouclons la boucle du côté de nos mesures de politique monétaire exceptionnelles. Quand l’économie avait besoin d’un soutien exceptionnel au plus creux de la récession, nous avons abaissé notre taux directeur à sa valeur plancher et nous avons accompagné cette mesure d’un programme d’assouplissement quantitatif. En novembre dernier, nous avons mis fin à l’assouplissement quantitatif et amorcé la phase de réinvestissement. Nous sommes maintenant passés au resserrement quantitatif. Comme l’économie s’est complètement remise, c’est le moment de normaliser notre bilan. Le resserrement quantitatif servira de complément aux relèvements du taux directeur et créera une pression à la hausse sur les taux d’intérêt à long terme.

Je m’arrête là-dessus. La première sous-gouverneure Rogers et moi serons heureux de répondre à vos questions.